Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans "Ouest-France" du 13 septembre 2003, sur les lycées militaires, notamment l'origine des élèves et les problèmes de bizutage.

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Média : Ouest France

Texte intégral

Ouest-France :
Dans le cadre de la professionnalisation, l'armée change. Quelles peuvent être les conséquences pour les lycées militaires ? Leur pérennité est-elle assurée ?
Mme Alliot-Marie :
L'existence des lycées militaires se justifie toujours pleinement. La professionnalisation a effectivement provoqué une profonde mutation au sein des armées. Les six lycées sous tutelle du ministère de la Défense offrent aux enfants des personnels du ministère, mais aussi d'autres ministères, qui sont soumis à une grande mobilité géographique, une scolarité stable en internat élargi, c'est à dire en incluant les week-ends et les petites vacances scolaires. Ils garantissent de plus des classes préparatoires de bon niveau pour les concours de recrutement, notamment dans les armées. Je rappelle que les programmes sont rigoureusement ceux de l'Education nationale et que le corps professoral en est issu.
80 % des élèves du secondaire sont des enfants de militaires et 20 % des enfants de fonctionnaires ou de magistrats. Ne serait-il pas intéressant d'ouvrir le recrutement au reste de la population ?
Comme je l'ai dit, la première raison d'être de ces établissements est d'offrir une scolarité stable, jusqu'au baccalauréat, prioritairement aux enfants de militaires mais aussi aux enfants de fonctionnaires, diplomates, membres du corps préfectoral ou magistrats. Les déménagements fréquents peuvent être préjudiciables à la bonne scolarité des enfants de ces personnels. Tous les pays d'accueil n'ont pas d'enseignement secondaire adapté. Ces lycées accueillent en outre les orphelins de militaires, malheureusement encore nombreux, les pupilles de la Nation et aussi certains enfants, français et étrangers, en situation sociale difficile. Les classes préparatoires, elles, sont en revanche ouvertes à tous les élèves, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle des parents. La sélection s'effectue alors sur dossier des élèves les plus méritants. Sans remettre en cause leur vocation première, j'ai demandé à ce qu'on étudie comment ouvrir plus largement les lycées militaires afin que le mode d'enseignement qu'ils mettent en oeuvre et qui a fait preuve de sa réussite, grâce notamment au soutien individuel et à la pratique sportive, profite au plus grand nombre. Je suis certaine que cette ouverture enrichira beaucoup les élèves et la communauté éducative de nos lycées militaires.
Un élève sur trois environ est aujourd'hui de sexe féminin. Etes-vous favorable à cette évolution qui a constitué il y a quelques années une petite révolution dans les lycées militaires ?
Évidemment ! L'accès des femmes à des responsabilités et à des métiers autrefois exercés par des hommes est une des tendances lourdes et positives de l'évolution de notre société. Nous constatons également cette évolution au sein de nos armées avec un accroissement significatif du nombre de femmes parmi les militaires. En 2002, elles représentaient 11,4 % des effectifs de nos armées alors qu'elles étaient moins de 8 % en 1997. Par ailleurs, aujourd'hui, 24 % de notre recrutement est féminin. C'est un mouvement qui va se poursuivre. Je souhaite que la défense puisse donner là aussi l'exemple.
L'an dernier la sérénité de la rentrée avait été perturbée par les incidents de type " bizutage ". Comment fixer la limite entre ce qui relève de la tradition un peu rude et ce qui est inadmissible ?
Les chefs d'établissement sont, je le sais, particulièrement attentifs sur ce sujet. Les lycées militaires, qui ont un passé de traditions, La Flèche, le plus ancien d'entre eux a été institué par Henri IV en 1603, avaient hérité de ce qu'on pourrait appeler de rites et de coutumes pour accueillir l'élève au sein de la communauté. L'objectif d'intégration amicale des jeunes au sein de leur univers, de l'internat, est sain. Le tout est de trouver les formes adaptées d'accueil. Il est inadmissible de porter atteinte, aussi légèrement soit-il, à l'intégrité physique ou morale de la personne. Il faut sur ce sujet être intraitable. Je rappelle que depuis la loi du 17 juin 1998, le bizutage est un délit. Il est donc interdit. Si des agissements de ce type ont lieu, ils seront sanctionnés.
Propos recueillis par Jacky Beaufils
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 septembre 2003)