Déclaration de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur défense de la politique agricole commune lors des négociations à l'OMC et les contrats d'agriculture durable, Poitiers le 15 mai 2003.

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Circonstance : Congrès de la Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricole (CNMCCA) à Poitiers le 15 mai 2003

Texte intégral


Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C'est pour moi un grand plaisir d'être parmi vous à l'occasion de votre congrès.
Madame la Présidente, vous représentez des institutions originales et anciennes qui ont fait leurs preuves et savent se projeter dans l'avenir.
L'éthique que vous défendez dans le monde agricole sert encore aujourd'hui d'exemple au delà de nos frontières.
Vous le savez, la promotion des coopératives et l'organisation mutualiste viennent de faire l'objet d'une recommandation récente de l'Organisation internationale du travail, l'OIT.
Au cours de sa 90ème session en juin 2002, la Conférence internationale du travail à Genève a ainsi adopté une recommandation portant sur la promotion des coopératives. Au sein du le Gouvernement français, mon ministère a pris une part active aux travaux de la Conférence.
Sur proposition de la France, l'OIT reconnaît désormais aux coopératives la possibilité d'opérer dans tous les secteurs de l'économie. Inspirées par l'esprit de solidarité et répondant aux besoins de leurs adhérents et de la société, les coopératives occupent une place importante dans la démarche de développement durable.
Les coopératives et les organisations mutualistes permettent également de réorienter l'économie informelle vers l'économie marchande : ceci est vrai tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Elles constituent ainsi un facteur-clé du développement parfaitement adapté au monde agricole, au milieu rural comme à l'environnement urbain.
Les coopératives et les organisations mutualistes interviennent dans tous les secteurs de l'économie et de la vie sociale suivant un fonctionnement démocratique : les membres en assurent la gestion, leur assemblée générale est souveraine et s'exprime sous le principe " un homme égal une voix ", avec toutefois une possibilité de pondération.
Comme vous l'avez rappelé, Madame la Présidente, le mouvement mutualiste doit rester ouvert sur les évolutions de la société, conserver le souci de la performance et rester fidèle à l'esprit qui a inspiré sa naissance. C'est pour cela que votre organisation doit demeurer attentive à la situation politique, économique et sociale du monde agricole et rural.
Mais je ne peux évoquer le contexte de votre activité, sans vous dire un mot des rendez-vous internationaux où se décide, pour une large part, l'avenir de l'agriculture européenne.

Sur le plan politique, l'OMC ne doit pas retirer aux Etats leur souveraineté et leur capacité à se doter d'une politique agricole pour réguler leur marché. C'est une des raisons pour lesquelles, dans le cadre de la revue à mi-parcours de la Politique Agricole Commune, le Gouvernement français demeure radicalement opposé au principe du découplage des aides proposé par la Commission. Par ailleurs, cette revue est un processus interne, propre à l'Union Européenne. Elle doit donc se dérouler au sein de l'Union seule, hors de toute considération internationale ou pression externe.
L'accord doit être équilibré : tous les Membres doivent faire des efforts et ces efforts doivent être comparables. L'Union Européenne est sans cesse critiquée pour ses subventions à l'exportation, alors qu'elle s'est montrée prête à les réduire de façon substantielle ; et pourtant d'autres Membres continuent à abuser de l'aide alimentaire internationale, des crédits à l'exportation, des soutiens accordés par les entreprises commerciales d'Etat et d'autres formes de soutiens variables en fonction des prix, sans que ces mesures n'aient jamais pu être disciplinées ni même être soumises aux mêmes engagements de réduction que les subventions à l'exportation. Il est devenu grand temps de rétablir une égalité de traitement à l'égard de toutes les soutiens quelle qu'en soit la forme et de nous montrer imaginatifs dans l'élaboration des règles et disciplines qui viendront encadrer ces instruments.
L'accord doit répondre à l'enjeu du développement, notamment sur l'accès aux marchés : il faut rappeler que ce cycle est d'abord le cycle du développement. Les dispositions qui seront retenues doivent être à la hauteur de cet enjeu, et il faut rappeler que l'application des engagements du dernier cycle n'a pas profité de la même manière à tous les pays en développement, certains pays émergents évinçant progressivement les pays en développement, notamment les pays ACP, des marchés les plus lucratifs. Il devient donc urgent de concentrer les efforts sur les pays les plus pauvres, ceux qui en ont le plus besoin.
Pour cela, nous devons, d'une part, préserver la souplesse du dernier cycle et les formules qui avaient alors été retenues, notamment pour lutter contre l'érosion des préférences tarifaires dans les pays développés.
Nous devons, d'autre part, prévoir un ensemble de mesures additionnelles pour les pays en développement les plus vulnérables, afin de leur permettre d'appliquer leurs engagements et de respecter leur politique de sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté rurale, je pense à la proposition communautaire d'une " boîte de sécurité alimentaire " incluant le relèvement de la clause de minimis pour les pays en développement les plus vulnérables et la possibilité de recourir à la clause de sauvegarde spéciale.
Il est également essentiel de tenir compte de l'extrême sensibilité de certains secteurs agricoles, tels que les viandes et produits laitiers, dont les rôles économiques, sociaux et environnementaux empêchent, notamment par leur impact significatif sur l'aménagement du territoire, l'application de formules de réduction radicale sur les droits de douane et de mesures sur les contingents tarifaires. La garantie de modalités flexibles -à l'image des modalités retenues lors du dernier cycle et tenant compte de la sensibilité de ces secteurs est une des conditions fondamentales de l'adhésion de la France aux modalités finales qui pourraient être retenues.
Enfin, la France comme l'Union Européenne restent soucieuses d'une prise en compte effective des préoccupations d'ordre non commercial, telles que la protection des indications géographiques, le bien-être animal, ou le principe de précaution. Il ne serait pas normal d'écarter ce thème alors qu'il est clairement explicité dans la Déclaration Ministérielle de Doha.
Il ne faut pas oublier que l'application des engagements du nouveau cycle ne sera possible qu'à la condition de maintenir la clause de paix.
Enfin, il conviendra de rappeler la nécessité pour l'Union Européenne de maintenir la boîte bleue et la clause de sauvegarde spéciale (SGS) pour les pays développés.
Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que depuis ma prise de fonctions il y a 1 an, le contexte dans lequel se déroule la réflexion sur l'avenir de la PAC a été profondément modifié.
N'en déplaise aux oiseaux de mauvaise augure, l'élargissement de l'Europe n'a pas trébuché sur les intérêts égoïstes, pas plus qu'il n'a sacrifié la première et la plus ancienne des politiques européennes qu'est la PAC. Les agriculteurs français et européens ont maintenant, grâce au Président de la République et à l'accord qu'il a obtenu à Bruxelles en octobre dernier lors du Sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement, une visibilité budgétaire sur 10 ans. Ils savent de surcroît que le financement du volet agricole de l'élargissement ne se fera pas à leurs dépens.
Les propositions de la Commission sur le découplage total des aides, pourtant présentées à grand son de trompe comme la solution miracle à tous les problèmes des agriculteurs, n'ont pas reçu l'accueil triomphal que certains leur prédisaient. C'est tout l'inverse qui s'est produit : 11 Etats membres l'ont rejetée, parce que, comme nous, ils ne peuvent pas accepter une réforme qui ferait disparaître un grand nombre d'exploitations, en particulier dans des territoires fragiles, et qui transformerait les agriculteurs en jardiniers salariés de l'Etat.
A l'OMC, ces négociations n'ont pas fait apparaître l'attitude frileuse d'une Europe trop souvent caricaturée et dénigrée à ce propos. Bien au contraire, j'ai veillé à ce que nous prenions l'offensive sur les subventions à l'exportation, où le ronron des discussions en cours à l'OMC mettait en avant les restitutions européennes sans dire un mot des subventions déguisées en aide alimentaire, des crédits à l'exportation et des marketing loans américains.
C'est le sens de la proposition déposée par l'Europe à l'OMC en ce début d'année, qui a été améliorée sur ces points à la demande de la France et sur laquelle nous attendons toujours des réponses précises de nos partenaires, et notamment des Etats-Unis.
C'est également le sens de la proposition du Président de la République en faveur de l'Afrique, reprise à son compte par l'Union européenne, qui comporte notamment un moratoire sur toutes les subventions à l'exportation vis-à-vis de ce continent dans l'attente de la conclusion du cycle de l'OMC. Ici encore, nous attendons des réponses précises de nos partenaires.
Chacun voit bien aujourd'hui que le succès de la conférence des Ministres de l'OMC qui se tiendra à Cancun au Mexique en septembre est lié à la capacité de cette Organisation à adopter un paquet de mesures favorables aux pays en développement, sur tous les sujets actuellement bloqués. Nous avons fait des propositions ambitieuses et précises en ce sens, et je me battrai, dans les semaines qui viennent et à Cancun, pour promouvoir ces propositions et les valeurs de solidarité et de responsabilité partagée avec le Sud qui les sous-tendent.
Ce contexte, c'est celui dans lequel se déroulent les discussions à Bruxelles sur l'avenir de la PAC.
A la différence de la réforme de la Politique Commune de la Pêche, la discussion en cours n'est pas encadrée par un calendrier. La PAC ne s'arrêtera pas de fonctionner au 30 juin, ni au 31 décembre, ni même en 2006, puisqu'elle est désormais dotée d'un budget jusqu'en 2013. La focalisation sur le calendrier qui est parfois faite dans la presse ne repose sur aucun fondement réel.
En réalité, ce qui détermine cette discussion, ce n'est pas la contrainte, ce sont les mérites des propositions qui nous sont faites.
Je le dis depuis des mois, la France est ferme, mais pas fermée.
Nous sommes favorables à une réforme du développement rural pour qu'enfin ce dispositif fonctionne.
Nous sommes favorables à des solutions efficaces aux problèmes des agriculteurs auxquels la PAC n'apporte pas de réponse efficace aujourd'hui , tels que la mise aux normes, tels que l'installation des jeunes, tels encore que la gestion des crises.
Nous sommes favorables à des solutions qui nous aident à rendre l'agriculture plus proche des attentes des consommateurs et des citoyens, plus respectueuse de l'environnement.
Pour l'instant, je ne vois ni n'entends rien de tout cela.
Si de nouvelles propositions nous sont présentés, nous les examinerons en liaison avec vous et l'ensemble des familles professionnelles et nous prendrons une part active à la discussion.
Une fois de plus, je me déterminerai en fonction de l'intérêt de nos agriculteurs et non en fonction de considérations idéologiques.
Le maître mot, c'est le pragmatisme. La ligne, c'est de défendre avec détermination nos intérêts, vos intérêts.
Et là dessus vous savez que ma vigilance et ma pugnacité seront entières.
Sur le plan national, vous m'avez demandé, Madame la Présidente, des précisions sur le Contrat d'Agriculture Durable et sur la Prime Herbagère Agri-Environnementale, et je vais m'efforcer de vous les apporter.
Comme vous le savez, les Contrats d'Agriculture Durable (CAD) prennent la suite des Contrats Territoriaux d'Exploitation (CTE). Ces nouveaux contrats sont désormais recentrés sur les problématiques environnementales prioritaires. Leurs procédures sont simplifiées et un dispositif d'encadrement budgétaire est mis en place, afin d'en garantir la pérennité.
Les caractéristiques de ces nouveaux CAD ont été définies au cours de l'automne dernier, en collaboration étroite avec les organisations professionnelles agricoles, parmi lesquelles la CNMCCA.
En mars, une circulaire ministérielle a lancé la procédure d'élaboration de contrats-types et défini les actions pouvant faire l'objet d'une contractualisation. Au niveau local, la réflexion se poursuit pour déterminer les enjeux prioritaires assignés à ces contrats dans le domaine environnemental mais aussi économique et social. Ainsi, des actions portant sur l'amélioration des conditions de travail pourront désormais être mises en uvre dans les CAD.
La Prime Herbagère Agri-Environnementale (PHAE) est, quant à elle, un dispositif que j'ai mis en place pour succéder à la Prime au Maintien des Systèmes d'Elevage Extensifs ou " prime à l'herbe " et dont j'ai voulu revaloriser le montant de 70% en moyenne. Pour mieux tenir compte des spécificités locales, les modalités de mise en uvre de cette prime sont largement décidées au niveau départemental. De nombreuses concertations ont ainsi eu lieu, dans chaque département, en ce début d'année pour préciser le contenu du cahier des charges de la mesure ainsi que ses critères d'éligibilité.
La déclaration des engagements est calée avec celle des dossiers PAC. Les éleveurs ont ainsi eu jusqu'au 15 mai pour déposer une demande d'engagement. Les enveloppes de crédits de paiement ont été notifiées aux Préfets de département en tenant compte de la revalorisation de 70 %.
Ayant répondu à ces questions particulières, je voudrai maintenant évoquer la loi en faveur du monde rural pour les territoires ruraux actuellement en cours d'élaboration au sein de mon ministère
Je voudrai préciser que le Gouvernement ne prépare pas uniquement une loi mais " un bouquet rural ", qui sera composé non seulement d'un volet législatif, mais aussi d'un volet d'ordre réglementaire et organisationnel. L'ensemble de ces mesures sera présenté à l'occasion d'un CIADT rural à la fin de l'été. Le projet de loi sera alors examiné en Conseil des ministres puis soumis au parlement dans le courant de l'automne.
Cette loi d'orientation pour le développement des territoires ruraux contribuera au renforcement de la cohésion nationale. Elle a pour but, dans le cadre de la politique économique et sociale et des lois de décentralisation, d'établir à leur profit la parité sociale et économique, en tenant compte des particularités des territoires et des modes de vie ruraux.
Dans les marges de manoeuvres nationales dont nous disposons pour élaborer une loi rurale, vous avez mis en avant, Madame la Présidente, trois priorités : l'accès aux services, le maintien de l'emploi, l'aménagement de l'espace.
L'accès aux services est une condition de l'équité territoriale ; c'est aussi un élément déterminant de l'attractivité des territoires. L'organisation du réseau de services dans les zones faiblement peuplées nécessite des approches nouvelles construites sur les partenariats, la polyvalence des services, leur mobilité et une adaptabilité aux conditions locales. Le Gouvernement entend promouvoir une offre de services au public à la fois proche, diversifiée et répondant aux besoins de la population des territoires ruraux. Les sous-préfectures pourraient participer au dispositif en développant, en particulier, leur rôle de service polyvalent de l'Etat et de point d'appui pour une réorganisation de l'offre de services. Le régime juridique des maisons de services publics (fixé par la loi DCRA de 2000) pourrait évoluer pour permettre de combiner services publics et services à caractère privé, dans le respect des règles de la concurrence.
En outre, en application des décisions du Comité Interministériel pour l'Aménagement et le Développement des Territoires du 13 décembre 2002, la conclusion d'un accord-cadre national sera recherchée pour favoriser la concertation locale, la coordination entre les acteurs concernés et la transparence quant à la modernisation nécessaire des services. L'accès à un service de santé de qualité est un élément essentiel de l'attractivité des territoires. Or, on assiste à une décroissance des effectifs des professionnels de santé libéraux, notamment des médecins généralistes, particulièrement marquée en zones rurales : la densité de la population médicale varie, en effet, de 1 à 4 entre le département le moins doté et Paris. L'Etat et les collectivités territoriales devront conjuguer leurs efforts pour favoriser l'exercice en cabinets médicaux de groupe ainsi que, dans une approche pluri-professionnelle, dans des maisons de soins, pôles de prestation de soins libéraux associant les professionnels paramédicaux. Et je partage votre analyse à ce sujet : les efforts des pouvoirs publics porteront d'autant mieux leurs fruits qu'ils seront soutenus par la volonté des professionnels de la santé et du secteur associatif.
En ce qui concerne l'emploi en zone rurale, il faut d'abord partir du constat d'une réalité qui a profondément changé en quelques décennies :
A l'image traditionnelle d'un " rural " qui se dépeuple et se désertifie, il faut désormais substituer un " rural " qui intéresse de plus en plus nos contemporains. Le solde migratoire s'est inversé dans beaucoup de zones rurales : entre 1975 et 2000, l'espace rural a ainsi gagné plus de 450 000 habitants. Parmi ces nouveaux habitants, de nouvelles attentes se font jour dans le domaine de la protection de l'environnement, de la valorisation des milieux naturels, ou de l'accès aux services publics. Des risques de conflits d'usage peuvent exister dans certaines zones sensibles comme les zones péri-urbaines.
La croissance des emplois en zone rurale accompagne cette évolution démographique, même si elle reste moins prononcée que la croissance des résidences. L'agriculture représente dorénavant une part minoritaire de l'emploi (un peu plus du 1/10ème des emplois ruraux). L'économie de l'espace rural s'est diversifiée mais continue, avec la forêt, à occuper 80 % du territoire national.
Dans ces conditions, l'action publique se doit d'aller au delà d'un soutien au seul secteur agricole, comme cela a été le cas par le passé. Elle ne doit pas davantage se limiter à un rééquilibrage en faveur des zones les plus déprimées. A la diversité des ruralités, des acteurs et des situations, doit répondre une diversité des moyens d'intervention. A cet égard, il convient de privilégier des approches plus souples, plus intégrées et plus inventives, valorisant des dynamiques locales et collectives.
La politique de développement économique des territoires ruraux menée par le Gouvernement, grâce notamment au dispositif en faveur du monde rural, est un des facteurs-clé du maintien et du développement de l'emploi.
Le développement local est global et intégré, les politiques publiques restent souvent principalement sectorielles (agriculture, environnement, logement...). Ainsi il convient de privilégier des logiques intégratives plutôt que des politiques sectorielles en travaillant dans un cadre interministériel et de donner toute sa place à l'expertise de terrain et à la participation des partenaires locaux
Votre proposition de créer des zones franches en faveur de l'activité en milieu rural rejoint dans son esprit la réflexion actuellement conduite sur le dispositif de discrimination positive en faveur des territoires ruraux isolés dans le cadre des Zones de Revitalisation Rurales (ZRR).
Une évaluation du dispositif menée par une mission conjointe de l'Inspection Générale des Finances, de l'Inspection Générale des Affaires Sociales et du COPERCI et par la mission parlementaire confiée à Monsieur Yves CENSI, Député de l'Aveyron, permettra enfin de le réorienter, de manière à en accroître la lisibilité, en ciblant les mesures, les plus efficaces, en s'appuyant sur les expériences d'acteurs locaux ayant utilisé le dispositif et à améliorer son articulation avec les politiques de développement économique des Régions ou avec les projets de territoire. Ce dispositif peu connu doit être réaffirmé et tenir compte de l'environnement européen, de l'évolution des structures des collectivités territoriales et de la nécessité du mouvement de décentralisation.
L'évolution qualitative des emplois offerts en milieu rural passe par des actions favorisant les partenariats.
En premier lieu, pour promouvoir les groupements d'employeurs qui permettent de mutualiser l'emploi et de créer des solidarités entre les employeurs particulièrement nécessaires dans les territoires ruraux, j'entends proposer de lever les freins de nature fiscale et ceux concernant l'exercice de la solidarité financière au sein du groupement et d'autoriser les collectivités à adhérer à ces groupements d'employeurs.
Afin de développer les emplois à durée indéterminée dans le cadre des contrats de travail comportant des périodes non travaillées, des propositions sont formulées pour autoriser à titre expérimental, au profit du secteur agricole, l'indemnisation des périodes non travaillées. De nombreuses initiatives ont déjà été prises dans ce cadre de la main d'oeuvre saisonnière. Mais, au niveau de l'établissement, des plans d'action concertés paraissent plus que jamais nécessaires pour résoudre les difficultés de recrutement.
L'ensemble des acteurs et des dispositifs de la politique de l'emploi concernés par l'établissement de ces plans doit être mobilisé.
Ces actions devront être particulièrement développés en direction des demandeurs d'emploi, de façon à les orienter vers le secteur agricole grâce à un " guichet unique " rapprochant l'offre de la demande.
La piste que vous évoquez des technologies de l'information et de la communication au service du développement de l'emploi en milieu rural fait actuellement l'objet d'expérimentations grâce aux actions développées dans le cadre du programme d'initiative communautaire EQUAL, auquel j'attache une attention particulière, car elles constituent une puissante source d'innovation pour les espaces ruraux en France et en Europe.
Vous analysez la pluriactivité comme une caractéristique essentielle de l'emploi en milieu rural, en soulignant la nécessité d'un aménagement de l'ensemble des règles qui la régissent.
Le développement économique de nombreuses zones rurales suppose, en effet, la différentiation des activités plutôt que leur spécialisation. Les espaces peu peuplés, où l'offre d'emplois est faible et la polyvalence nécessaire, ou encore les zones de montagnes où les activités saisonnières représentent une part importante des emplois sont particulièrement concernées par ce phénomène.
Le dispositif en faveur du monde rural comporte une série de mesures tendant à une meilleure reconnaissance de la pluriactivité.
Ces mesures ont pour objectif d'élargir les possibilités de cumuler un emploi public et privé, de simplifier les règles de rattachement aux régimes sociaux pour les pluriactifs exerçant une activité extérieure non salariée et d'aménager la règle de rattachement des conjoints collaborateurs dans le cadre de la pluriactivité.
En matière d'aménagement de l'espace rural, force est de constater que la fragilisation de l'agriculture conduit dans de nombreux cas au retour à la friche et à la désorganisation de l'espace, dans l'attente d'une urbanisation devenant alors une issue naturelle. Dans ce cas, les politiques agricoles d'organisation des marchés pèsent peu face aux anticipations spéculatives sur le prix du foncier.
Or, il n'existe pas d'instruments adaptés pour la protection et l'aménagement des espaces agricoles périurbains, analogues aux instruments fonciers permettant d'aménager le territoire urbain.
Une mixité entre espaces agricoles et naturels doit, par ailleurs, être assurée.
Le dispositif nécessaire doit comporter les outils de maîtrise foncière permettant de lutter contre la spéculation et d'entreprendre des aménagements, dans un périmètre rendu non urbanisable.
Nous allons donc proposer au Parlement un certain nombre de mesures répondant à cette forte attente.
Vous le voyez, l'ensemble des services de la DATAR et de mon ministère sont mis à contribution pour l'élaboration de ce paquet rural. Des consultations sont conduites avec le monde associatif, les grandes associations d'élus locaux, généralistes (Association des Maires de France, Association des Régions de France, Association des Départements de France) ou spécialisées (Conseil National de la Montagne) et les organisations professionnelles. Parallèlement, un travail est engagé avec l'ensemble des départements ministériels concernés.
Ce qui guide l'action du Gouvernement c'est à la fois l'objectif d'équité territoriale, prérogative de l'Etat central, qui doit s'exercer en faveur des zones les plus fragiles ou les moins dotées, mais aussi la volonté d'accompagner et de fédérer les initiatives locales, le projet de territoire se devant d'être construit au plus proche du territoire. Cette action se doit d'être diversifiée en écho à la diversité des territoires. Elle se doit d'être lisible et cohérente pour être mieux comprise par nos concitoyens.
L'enjeu de notre action dépasse de beaucoup des considérations techniques et financières ; il s'agit de contribuer à sauvegarder un modèle de civilisation auquel nous sommes très attachés.
Voici retracé, Madame la Présidente, en quelques mots l'avenir dans lequel votre mouvement s'inscrira. Il y a déjà près de trente ans, René COLSON écrivait que " dans cette société de plus en plus inhumaine, s'associer, c'est chercher non seulement à s'en sortir, mais à aller vers une vie plus complète. C'est plus que cela encore, c'est accepter de vouloir s'en sortir non pas seul, mais avec les autres ". L'éthique mutualiste et les valeurs que vous défendez resteront certainement, et encore pour longtemps, un des éléments essentiel du développement du monde rural.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 16 mai 2003)