Interview de M. Arnaud Montebourg, député PS, au "Grand Jury "RTL-Le Monde - LCI" le 11 mai 2003, sur son analyse du résultat obtenu par sa motion pour le Congrès du PS, sur les projets gouvernementaux, et notamment l'absence de véritable dialogue dans le projet de réforme sur les retraites, la baisse d'impôts justes et l'augmentation des impôts injustes, la décentralisation, et sur le fonctionnement de l'Europe.

Prononcé le

Média : Emission Le Grand Jury RTL Le Monde LCI

Texte intégral


Patrick COHEN : Bonsoir à tous, bonsoir Arnaud MONTEBOURG. Vous vouliez déplacer les montagnes, bousculer les éléphants socialistes, vous rêviez d'un nouvel Epinay, ce fameux congrès de 71 d'où naquit le parti socialiste et le règne de François MITTERRAND, bon Dijon ne sera pas Epinay, votre motion a recueilli un peu plus de 16 % des votes des militants, vous en espériez bien plus, on verra quelles leçons vous tirez de cet épisode et au-delà puisque apparemment il n'y aura pas de synthèse avec vous, quel opposant serez-vous à la direction du P.S. et à François HOLLANDE et puis aussi quel opposant tout court face au gouvernement RAFFARIN et à ses projets économiques et sociaux, on parlera de la réforme des retraites, de l'éducation, des dépenses publiques etc.
Gérard COURTOIS et Pierre-Luc SEGUILLON participent à ce Grand Jury ? L'émission est diffusée simultanément sur RTL et LCI, on pourra en lire les principaux extraits dans la prochaine édition du Journal le Monde et l'intégralité sur notre site Web rtl.fr.
Lors de cette campagne interne, Arnaud MONTEBOURG, vous avez dénoncé un premier secrétaire par procuration, c'est-à-dire que François HOLLANDE, selon vous, servait de paravent à ce que vous appelez le " syndicat des anciens ministres, Fabius, Aubry, Strauss-Kahn, d'ailleurs Laurent FABIUS nous avait répondu ici même, un éléphant ne camoufle pas un éléphant avec une fraise des bois. Alors maintenant que les résultats sont connus qui, selon vous, a gagné le congrès et la confiance des militants, est-ce que c'est François HOLLANDE personnellement ou les leaders qui le soutenaient, la fraise des bois ou les éléphants ?
Arnaud MONTEBOURG : D'abord je dirais que il y a une victoire indéniable de François HOLLANDE, il faut le dire, le reconnaître, l'analyser comme telle, François HOLLANDE personnellement peut-être pas parce que se sont les 95 % ou presque 100 % des anciens ministres, de tous les dirigeants du parti qui coalisés autour de lui lui ont apporté dans les fédérations des voix en nombre considérable. Il y a de ce point de vue encore beaucoup de choses à faire dans ce congrès car on ne sait pas tout à fait qui a gagné.
Est-ce que c'est Laurent FABIUS, Dominique STRAUSS-KAHN, Julien DRAY, est-ce que c'est Martine AUBRY, il reste une ambiguïté qu'il faudra trancher à un moment ou à un autre pour qu'on nous dise ce que cette victoire va servir.
Gérard COURTOIS : A vos yeux, il n'est pas clair que c'est François HOLLANDE.
Arnaud MONTEBOURG : François HOLLANDE, en tant que tel, a montré qu'il avait organisé autour de lui une majorité nette. Mais on ne sait pas à quoi va servir cette majorité.
Est-ce que cette majorité va servir à transformer en profondeur le parti ou est-ce que cette majorité va être engluée en quelque sorte dans les conservatismes que nous combattions.
Car si nous avons décidé, pour un certain nombre d'entre nous qui étions dans la majorité, c'est le cas de bien sûr Vincent PEILLON, Benoît HAMON et bien d'autres, autour de la construction de ce mouvement qui n'a pas rassemblé 16 % mais 17 %, 16,91 %, je préfère le dire, c'est considérable, c'est un événement d'ailleurs dans le parti socialiste qu'on a pas vu depuis sa naissance au congrès d'Epinay qu'en six mois une force aussi considérable puisse naître et rassembler 15.000 militants, partout dans toutes les sections et les fédérations.
Patrick COHEN : Alors on va y revenir mais quels seraient les signes de la rénovation ou du conservatisme, selon vous, à attendre dans les prochaines semaines de la part de la direction sortante ?
Arnaud MONTEBOURG : François HOLLANDE a dit " je me débrouille tout seul ". Très bien nous en prenons acte, c'est assez surprenant, nous ne sommes pas habitués à cela dans le parti socialiste mais si à chaque fois que François HOLLANDE prendra une décision importante qui se détachera des conservateurs attachés à lui, en quelque sorte les éléphants dont parlait Laurent FABIUS, au pas desquels il paraît attaché, nous serons sensibles à son discours et à son action, et pourquoi ne pas la soutenir.
En revanche, à chaque fois qu'il retombera dans les erreurs du passé et finalement ce qui nous a conduit au 21 avril, et bien nous serons critiques. Voilà comment nous concevons puisque vous posiez la question de notre place, notre rôle dans le mouvement qui est engagé dans le parti socialiste de refondation et de reconstruction, car le nouveau parti socialiste, cette sensibilité forte qui existe, qui, j'ai envie de dire, est presque la première sensibilité par sa cohérence, pas numériquement mais par sa cohérence.
Parce que 61 % divisé par autant des composants qui aujourd'hui fabriquent la majorité, vous voyez que finalement ces 17 % pèsent énormément et pèseront considérablement,
Pierre-Luc SEGUILLON : Par delà ces calculs arithmétiques, comment expliquez-vous que une large majorité des militants ait accordé leur confiance à ce que vous appeliez hier le syndicat des sortants, la vieille S.F.I.O., les conservateurs et quand on regarde bien dans le détail que les nouveaux militants, ceux qui ont adhéré récemment ont suivi cette démarche ?
Arnaud MONTEBOURG : Je ne sais pas si l'on peut considérer que les nouveaux militants ont choisi telle démarche plutôt que telle autre. Une chose est certaine, c'est que la dramatisation,
Pierre-Luc SEGUILLON : Prenons l'exemple de Paris, il y a 40 % paraît-il de nouveaux militants, la motion de François HOLLANDE arrive largement en tête.
Arnaud MONTEBOURG : Oui, certes mais nous réalisons un score considérable, 20 % cela ne s'est jamais vu.
Dans un grand nombre de fédérations, par exemple la 6ème fédération du parti socialiste par son nombre, l'Aude, nous sommes à 33 % un tiers.
Il y a des endroits où c'est vrai nous sommes, nous n'avons pas eu le temps de nous implanter, où peu d'élus nous ont écoutés pour l'instant, mais il y a des endroits où nous sommes implantés où nous réalisons l'attraction à la fois des militants anciens, chevronnés, qui ont un parcours dans l'histoire du parti, ainsi que les nouveaux.
Pierre-Luc SEGUILLON : Comment est-ce que vous expliquez ce réflexe des militants, parce que c'est une analyse politique intéressante pour vous, pour l'avenir.
Arnaud MONTEBOURG : Là je vais répondre à votre très juste question. Elle est importante. Je crois qu'il y a une dramatisation de l'enjeu, on nous a promis la catastrophe.
Je crois que finalement elle a fonctionné par un réflexe naturel de crainte. Finalement les militants voulaient deux choses, ils voulaient la stabilité et le renouvellement. Nous offrions le renouvellement, François HOLLANDE n'offrait pas le renouvellement mais la stabilité.
Entre les deux ils ont fait ce choix. J'ai envie de dire que ils ne nous ont pas exclus parce que notre poids est considérable et qu'il faudra bien qu'on compte avec nous et qu'on nous entende.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais est-ce que vous n'avez pas commis une erreur en étant peut-être un peu présomptueux et voire assez radical dans votre langage vis-à-vis de ceux qui constituaient les sortants.
Arnaud MONTEBOURG : Oui, on nous promettait, je dois vous dire que ces 17 % ont été réalisé sous une pluie torrentielle de choses désagréables. On nous a peints sous les traits les plus désagréables et désobligeants.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous n'étiez pas en reste, si je peux me permettre ?
Arnaud MONTEBOURG : Nous nous adressions aux questions de fond et nous n'avons jamais commis d'attaques ? ? ? .
Ce qui est intéressant c'est que malgré, et parfois la presse s'y est mise d'une façon d'ailleurs qui était parfois même nous paraissait assez excessive, d'ailleurs c'est assez amusant de voir dans ce pays où on se plaint toujours de la glaciation de la classe politique, lorsque arrive et émerge une force nouvelle c'est haro sur le baudet, le pauvre mulet au milieu de l'arène se fait poignarder par la meute saisissante de ceux qui ne veulent pas entendre de langage nouveau.
C'est vrai que c'est nouveau, ça dérange, nous avons été très attaqués et nous réalisons ce qui ne s'est jamais produit dans le parti. D'ailleurs quand on nous dit " mais finalement vous avez perdu ", je réponds " pour la direction c'est moins 14 % et pour nous autres c'est plus 17 ".
Pierre-Luc SEGUILLON : Encore une petite question sur les pratiques anciennes et nouvelles.
Pour garder un certain nombre de fédérations ou pour les conquérir, vous allez vous allier avec une autre motion, la motion Emmanuelli, si je ne me trompe ?
Est-ce que ce ne sont pas les pratiques précisément que vous dénoncez, de vieilles pratiques politiciennes du parti socialiste ?
Arnaud MONTEBOURG : Ecoutez, il n'y a pas d'accord,
Pierre-Luc SEGUILLON : Finalement vous êtes comme les sortants ?
Arnaud MONTEBOURG : Il n'y a pas d'accord. D'abord sur les faits et ensuite l'appréciation. Il n'y a pas d'accord national, il y a simplement des choix qui sont faits par les militants eux-mêmes sur le terrain et j'ai envie de vous dire d'ailleurs que l'union, elle s'est faite sur le terrain entre les militants. C'est eux-mêmes qui ont décidé. Il y a des endroits où il y a des divergences, il y a des endroits où il n'y a pas les mêmes accords. Ce sont des choix qui ont été faits par les militants localement en fonction de leur sensibilité et de ce qui s'est passé sur le terrain. On ne peut pas et c'est vrai que la direction, par son agressivité, sa dramatisation, a repoussé tous ceux qui tenaient un autre langage, différent, dans une sorte d'opposition. Et maintenant les opposants ont le réflexe, à la base et sur le terrain, de se serrer les coudes en disant " défendons pour que nous ne soyons pas en position d'être, en quelque sorte, marginalisé ". Car nous avons une voie différente à faire entendre. Donc j'ai envie de vous dire, tous ces assemblages sont spontanés sur le terrain et sont d'ailleurs trempés dans la sincérité de l'engagement de militants qui ont préféré être minoritaires et j'en suis, Vincent PEILLON en ait, nous en sommes tous, qui ont préféré être minoritaires pour défendre leur conviction, c'est suffisamment rare pour que cela soit noté.
Patrick COHEN : Le soutien à Marc DOLLEZ, dans le Nord par exemple, il est sincère et spontané ?
Arnaud MONTEBOURG : Je vais vous dire que sur le terrain, les militants qui se sont reconnus dans la démarche de Marc DOLLEZ, qui tenait un langage assez proche du notre, différant mais assez proche du notre, et les militants qui se sont reconnus dans la motion du nouveau parti socialiste dans le Nord, et qui ont réalisé un score assez considérable, aussi dans cette fédération, ce sont des militants qui se sont habitués à travailler ensemble pendant cette période.
Ils décideront sur le terrain, sans avoir à nous consulté, ce qu'ils auront à faire.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et au plan national, est-ce que vous vous porterez candidat au poste de premier secrétaire à l'issue du congrès de Dijon avec le soutien des Emmanuellistes, voire de Monsieur DOLLEZ dont on parlait de la spontanéité, dans vos accords locaux ?
Arnaud MONTEBOURG : C'est une décision qui ne me revient pas, elle sera prise collectivement et par les délégués qui sont désignés en ce moment même, dans l'ensemble des assemblées militantes, sur tout le territoire national, qui se réuniront vendredi, donc vous aurez la réponse vendredi prochain.
Gérard COURTOIS : Mais votre analyse, c'est que c'est une nécessité un peu, enfin c'est dans la logique de votre démarche ?
Arnaud MONTEBOURG : Il y a une discussion interne, il est trop tôt pour que je vous livre mes analyses, d'abord parce que c'est une décision qui dépend énormément de la façon dont finalement la direction agira pendant ce congrès, voilà.
Gérard COURTOIS : On peut revenir un instant quand même, parce que vous criez victoire, c'est normal, en même temps à l'origine, au mois d'octobre, votre ambition était quand même, de manière au moins implicite, d'être majoritaire à ce congrès.
Arnaud MONTEBOURG : Je crois que l'état minoritaire est toujours un état provisoire, vous savez. C'est comme l'état gazeux avant d'atteindre l'état solide ou liquide, ce sont des transitions.
Nous considérons qu'il y a un message qui a été entendu par les militants qui a percé, qui s'est installé, qui est dans le paysage, qui est installé pour longtemps partout, dans les fédérations, les sections, une rénovation à la fois des pratiques, des orientations politiques sur le fond, des exigences nouvelles se sont installées dans le parti et je dois vous dire que tout cela a beaucoup de sens pour les milliers d'adhérents, de militants, et aussi pour l'extérieur du parti.
Parce que si nous n'avions pas été là, s'il n'y avait pas eu ce débat que nous avons occupé sur la mondialisation, sur la question européenne qui est une question essentielle pour les socialistes, sur la question sociale, sur la question démocratique et institutionnelle, si nous n'avions pas été là, finalement est-ce que on aurait parlé de tout cela.
Gérard COURTOIS : Mais est-ce que c'était pas l'occasion ou jamais là, au fond vous avez un peu loupé le coche d'un congrès dans lequel le P.S. était à priori en reconstruction dans le traumatisme ou sous le choc du 21 avril, avec un premier secrétaire qui n'avait pas encore la légitimité d'un vote, vous avez peut-être un peu loupé le coche là non ?
Arnaud MONTEBOURG : Ecoutez, l'avenir dira qui a eu raison ou tort. Moi ce que je peux dire,
Gérard COURTOIS : C'est pas de raison ou tort, c'est au fond de
Arnaud MONTEBOURG : Ecoutez, ce que je peux vous dire c'est que je suis toujours versé dans l'histoire du mouvement social et du socialisme français. Je relisais que au congrès de Metz, Pierre MAUROY avait réalisé 13 %, Jean-Pierre CHEVENEMENT 14 %. A Epinay, François MITTERRAND 16 %, Jean-Pierre CHEVENEMENT 8 %, Jean POPEREN 12 %, donc nous sommes quand même dans des fourchettes illustres.
Gérard COURTOIS : Jusqu'à quel point est-ce que vous vous identifiez à MITTERRAND ?
Arnaud MONTEBOURG : Ecoutez, jusqu'au point où cela voudra bien cesser que l'on pense que, parce que je suis né dans la Nièvre et c'est vrai dans sa circonscription, en 1962 il pourrait y avoir quelques rapports mais il n'y en a aucun,
Patrick COHEN : Parce que vous vous en êtes pris au chef de l'état, parce que vous avez fondé une convention, parce que vous avez créé un pamphlet comme le coup d'état permanent qui s'appelle la machine à trahir et parce que
Gérard COURTOIS : On a l'impression que vous observez très attentivement son parcours pour inspirer le vôtre.
Arnaud MONTEBOURG : Je vais vous dire que la gauche s'est reconstruite dans les années 60 et 70 dans la critique radicale du système politique que le Général de Gaulle avait inventé. Et la gauche s'est rassemblée sur cette critique radicale et il est vrai que c'est une leçon pour nous, que l'étendard de la reconstruction de la gauche et de cette longue marche qu'il va falloir reprendre pour rassembler toutes ses forces doit être relevé et c'est vrai que nous faisons la même analyse que Pierre MENDES-FRANCE, François MITTERRAND dans les années 60-70 en relisant ce qu'ils écrivaient et c'est ainsi que, je crois, nous pourrons avoir une chance de rassembler ces gauches qui ne se parlent plus aujourd'hui et puis de reconquérir ceux qui nous ont quitté parce que, aujourd'hui même en rassemblant les gauches, tout cela ne fait plus vraiment une majorité.
Pierre-Luc SEGUILLON : L'ennui si l'on prolonge le raisonnement c'est qu'effectivement quand François MITTERRAND est arrivé au pouvoir il n'a pas changé l'architecture de cette république.
Arnaud MONTEBOURG : C'est la raison pour laquelle vous comprenez que je ne m'en réclame guère.
Patrick COHEN : Une question sur le style, puisqu'on est sur votre parcours, votre carrière et votre personnalité, tout à l'heure vous avez dit "nous dérangeons ", j'ai envie de vous répondre " mais vous savez aussi que vous agacez et que votre score peut-être pas aussi important qu'il a été au sein du parti socialiste, résulte de l'agacement que vous provoquez parfois par votre style, on vous reproche votre côté donneur de leçons, votre discours fleuretant parfois avec le populisme, jusqu'a provoqué l'exaspération de Michel ROCARD ", c'était les termes qu'il avait employé Michel ROCARD de l'ancien Premier ministre ici-même, la semaine dernière sur notre plateau ?
Arnaud MONTEBOURG : Ecoutez, je crois que la question n'est pas personnelle, je crois qu'il faut sortir de ces questions personnelles. Si j'agace, je vais faire des efforts pour ne pas agacer ou plus agacer, mais ce n'est pas l'essentiel.
L'essentiel c'est qu'il y a un mouvement collectif. On a dit " voilà un homme qui ne pense qu'à lui, qui ne s'occupe que de lui ", voilà j'ai encore entendu ça ce week-end, j'ai envie de dire que nous sommes dans le cadre du parti, nous avons construit un mouvement sur des idées de fond qui effectivement ont agacé, ont dérangé, nous avons suscité des réactions, elles n'étaient pas personnelles, c'était adressé à nos militants qui défendaient ces positions dans les sections, les fédérations et parfois des mots encore plus durs que ceux que, de façon atténuée et courtoise, vous employez aujourd'hui.
Et j'ai envie de dire que sur l'accusation de populisme. Qu'est-ce que le populisme ? Ce sont ceux qui veulent brûler les élus, brûler d'ailleurs le parlementarisme, la république, mais nous nous voulons leur redonner leur noblesse, leur lustre qu'ils ont perdu dans une république qui, pour le moins, est assez discréditée.
Nous voulons rebâtir le contrat républicain. Nous nous intéressons à des questions que le parti socialiste néglige depuis trop d'années. Nous réfléchissons à des questions qui sont des questions interdites dans le débat interne et qui existent dans la société. Alors évidemment tout cela dérange, agace, je regrette d'ailleurs les propos, puisque vous y faisiez allusion, de Michel ROCARD, d'abord parce que j'ai de l'estime pour lui et puis aussi parce que lui-même, lorsqu'il était minoritaire, a eu à souffrir du mépris en quelque sorte aristocratique de ses camarades.
Patrick COHEN : Il a toujours été minoritaire.
Arnaud MONTEBOURG : J'ai envie de vous dire " ne fait pas aux autres ce que tu n'as pas aimé qu'on te fit ".
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais est-ce qui n'a pas agacé essentiellement c'est la manière précisément dont vous avez parlé de ceux qui constituaient ce qui est aujourd'hui la majorité sortante et qui reste la majorité, autrement dit que le fait d'avoir été ministre, d'être sortant c'est quasiment une tare désormais.
Arnaud MONTEBOURG : Je crois que c'est une caricature.
Pierre-Luc SEGUILLON : Ce qui a provoqué d'ailleurs la parole de Michel ROCARD,
Arnaud MONTEBOURG : Je crois qu'il y a eu un malentendu parce que je rendais hommage à Michel ROCARD, ainsi qu'à Lionel JOSPIN et Pierre MAUROY, je leur disais que, ils nous reprochaient de déposer une motion en défendant une conviction alors que eux-mêmes ont fait cela toute leur vie, je disais donc " nous marchons dans leur pas et ils devraient mieux nous respecter que cela dans notre démarche et dans la sincérité de notre engagement ".
Pour le reste, je crois que l'essentiel est que nous ayons maintenant bouleversé les données du parti socialiste et que s'installe durablement un mouvement qui est le cur battant du parti socialiste. Nous avons la jeunesse du parti avec nous, nous avons d'anciens militants très chevronnés qui ont une histoire militante qui nous font confiance, nous accompagnent. Tout cela mérite mieux que ces quelques adjectifs désagréables.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais alors précisément ces éléphants dont vous parlez ou auxquels vous vous attaquez, est-ce qu'ils peuvent encore servir à l'avenir ou est-ce que vous estimez qu'il faut secouer le cocotier ?
Arnaud MONTEBOURG : Je crois que nous sommes regardés à l'extérieur, que nous devons bien sûr nous appuyer sur notre histoire, nos talents, ils sont nombreux, multiples, ils sont riches. Mais nous devons aussi faire en sorte que le parti socialiste se transforme. On ne peut pas arriver à l'issue de ce congrès de Dijon avec la glaciation et le sentiment d'immobilisme et de statut quo. Vous comprenez parfaitement que les électeurs qui en masse, nous en avons perdu deux millions et demi qui nous ont quittés, n'ont aucune raison de faire le chemin inverse s'ils ne sentent pas qu'il s'est passé quelque chose au parti socialiste. Et je leur dis " oui il s'est passé quelque chose " et c'est ce que nous incarnons.
Gérard COURTOIS : Juste une question personnelle mais là très concrète, vous êtes candidat au poste de premier fédéral dans votre fédération, la Saône et Loire, à la place du sortant d'ailleurs, est-ce que ce n'est pas incompatible avec votre conception du cumul ou plutôt du non-cumul des mandats et des fonctions ?
Arnaud MONTEBOURG : Je ne cumule aucun autre mandat que mon mandat,
Gérard COURTOIS : Non, premier fédéral, parlementaire,
Arnaud MONTEBOURG : Je n'en cumule pas et d'ailleurs cela a permis par exemple dans ma Bresse bourguignonne bien aimée que des jeunes deviennent élus, des femmes puissent devenir élue, bref nous avons organisé une autre manière d'agir et de faire.
J'ai pris cette décision qui est une décision importante avec l'ensemble des militants de la fédération qui ont soutenu la motion pour un nouveau parti socialiste parce que nous souhaitions la clarté.
Je dois vous dire que je prendrais le temps de m'occuper de mon parti et je m'en occuperais en Saône et Loire où nous avons besoin, alors que nous avons des positions en recul, de partir à la reconquête de ce territoire qui fut une terre ouvrière, de gauche, et nous avons beaucoup à faire.
Donc j'ai décidé de me consacrer au parti, de mettre les mains dans le cambouis et de faire mentir tous ceux qui passent leur temps à dire que il n'y aurait pas là capacité à le faire.
Pierre-Luc SEGUILLON : Une précision simplement, ça fait vingt minutes qu'on parle du parti socialiste et du congrès de Dijon comme si il était impensable qu'il y est une synthèse ou un rassemblement à ce congrès. C'est totalement exclu de votre point de vue ?
Arnaud MONTEBOURG : J'écoute François HOLLANDE très attentivement, c'est notre premier secrétaire national.
Il a une motion qui a rassemblé 61 % des votes, il explique qu'il ne fera pas de synthèse politique et ne veut pas bouger de sa ligne politique. Nous défendons des idées. Nos positions sont des positions fortes, nous n'allons pas les diluer dans je ne sais quel assemblage curieux, nous avons des choses à dire et nous avons pris date.
Les questions sont toujours intactes, le Front National est toujours là, la question de l'Europe va se poser dans peu de temps sur l'affaire des résultats de la convention du président Giscard d'Estaing, nous avons à parler des délocalisations qui s'accélèrent dans notre pays et de la désindustrialisation. Que dit la gauche ? Nous avons avancé des positions fortes dans ce congrès qui s'adressait à la fois aux militants mais également à l'ensemble de ceux qui nous écoutent à l'extérieur. Donc là-dessus les questions restent entières, tout le reste c'est un peu accessoire, non, vous ne trouvez pas.
Pierre-Luc SEGUILLON : Encore une précision si vous permettez par rapport et là on frôle ou on frise le fond, par rapport à la motion de Henri EMMANUELLI, quand on lit votre motion on s'aperçoit que sur le plan, notamment on l'abordera tout à l'heure, économique et social, vous vous êtes radicalisé au fur et à mesure des mois. Il y a des ponts possibles entre ces deux, je parle des idées, entre ces deux motions ?
Arnaud MONTEBOURG : Je ne vois aucun radicalisme dans nos positions, je ressens le sentiment, comme beaucoup d'autres, que nous avons parfois été victime d'un plagiat heureux, que les positions même de la direction entre la contribution et la motion se sont rapprochés de ce que nous disions, à la fois sur les questions sociales, sur la sixième république. Je rappelle d'ailleurs que sur cette question personne ne parlait de cela dans le parti socialiste et maintenant, presque tout le monde, sauf encore la majorité, mais même des composantes importantes de la majorité commencent à évoquer cette question.
Donc nous progressons partout où nous posons le débat et nous sommes heureux d'avoir autant de succès Monsieur SEGUILLON.
Pierre-Luc SEGUILLON : Donc vous estimez que le débat s'organise uniquement autour de vous finalement, essentiellement, mais enfin vous êtes le pôle central ?
Arnaud MONTEBOURG : Non, pas uniquement, Monsieur SEGUILLON, mais que nous avons apporté une contribution considérable à ce débat, que nous avons rencontré beaucoup de convergences et c'est un point fondamental pour la suite.
Patrick COHEN : Et avant de venir au fond, une dernière question personnelle et peut-être anecdotique, votre tandem avec Vincent PEILLON il est solide ?
Arnaud MONTEBOURG : Il est en pleine forme, et nous n'avons pas besoin de faire de la musculation.
Pierre-Luc SEGUILLON : Qui était le porte-parole du syndicat des sortants avant, Vincent PEILLON ?
Arnaud MONTEBOURG : Il a démissionné Vincent PEILLON pour s'engager dans ce travail considérable. Il faut reconnaître cela. Vous ne pouvez pas, il y a des actes dans la vie qui pose dans un parcours politique des marques. Vincent PEILLON, je le rappelle, a démissionné de son poste. C'est suffisamment rare pour que il puisse bénéficier de tous les hommages à ce sujet.
Pierre-Luc SEGUILLON : Avouez que c'était la moindre des choses quand même ? C'était difficile d'être le porte-parole .. ;
Arnaud MONTEBOURG : Mais c'était peut-être la moindre des choses mais s'il y avait beaucoup de Vincent PEILLON, nous serions heureux dans ce parti socialiste.
Patrick COHEN : Et il prônait un régime présidentielle avant de se rallier à votre motion qui elle prône un régime parlementaire. Fin de la parenthèse.
Sur les retraites, sur les questions sociales que vous évoquiez il y a un instant on va commencer par parler de la réforme des retraites. Alors dans votre motion, vous y consacrez quelques pages qui disent, en gros, je résume mais vous allez corriger bien sûr qu'on peut finalement régler le problème, sauver le système de retraites par répartition sans demander de grands sacrifices à quiconque sauf aux patrons. Vous préconisez un relèvement assez fort des cotisations patronales mais ça s'arrête à peu près là. Est-ce que c'est quelque chose de sérieux ?
Arnaud MONTEBOURG : Nous ne disons pas vraiment cela, nous disons que la question des retraites puisqu'il est question aujourd'hui que le gouvernement RAFFARIN décide finalement la remise en question de la retraite à 60 ans à taux plein, finalement c'est le retour à la retraite à 65 ans dans les faits, puisque avec les effets considérables de la décote et du malus par années manquantes à partir de 60 ans, nous allons assister à des baisses autoritaires d'ailleurs de niveaux de pension pour les français, les salariés du privé et que la conséquence pour eux c'est qu'ils seront obligés de travailler plus s'ils veulent préserver leurs niveaux de retraite. Et même malgré cela le niveau des pensions ne sera pas préserver.
C'est-à-dire que aujourd'hui la réforme présentée par Monsieur FILLON c'est une réforme qui ne garantie pas le système de répartition, à nos yeux. Parce que non seulement on demande aux salariés du privé et du public de travailler plus longtemps mais en plus de cela ils sont assurés, bien que assurés de cotiser plus longtemps, de gagner moins par rapport aux pensions actuelles.
Et nous pouvons faire la projection ce que je crois le conseil d'orientation des retraites semble apercevoir et sans que cela fasse l'objet de discussion que à l'horizon 2020, le niveau des pensions aura chuté de 20 % quelque soit d'ailleurs le niveau et y compris s'agissant des plus modestes.
Donc, notre problème c'est le problème de la richesse dans ce pays, comment nous la partageons, est-ce que nous décidons finalement de poursuivre ce mouvement naturel qui est lié d'ailleurs à la mondialisation économique, de démantèlement de la protection social et des mécanismes de solidarité.
Soit la richesse, nous décidons de la partager d'une façon différente de celle que nous dicte en quelque sorte le système économique et nous faisons des choix politiques différents.
Je voudrais vous donner un chiffre qui est tout à fait passionnant et qui montre bien les masses qui sont en cause. Il y a 40 ans 4,5 % de notre richesse nationale était consacré aux retraites. Aujourd'hui, nous sommes à 12,5 % de la richesse nationale consacrée aux retraites. En 2040 il faudra faire un effort à niveau constant à hauteur de 18 %. C'est-à-dire que entre il y a 40 ans et aujourd'hui on a triplé en quelque sorte l'effort, alors que c'était une période qui a connu des hauts et des bas, une période de grande croissance mais aussi une période erratique, avec les difficultés qu'on a connus dans la dernière décennie sur le plan économique et il faudrait faire un effort qui ne serait qu'un petit tiers de l'effort qui a déjà été accompli.
Donc je ne crois pas que cet effort soit insurmontable.
Patrick COHEN : On dramatise le problème alors ?
Arnaud MONTEBOURG : Je pense que le gouvernement qui est spécialiste et spécialisé dans la communication publicitaire, notamment son chef Monsieur RAFFARIN, a réussi le tour de forces de nous faire croire que en augmentant la durée de cotisations dans le public on allait résoudre les problèmes de financement de la retraite du privé. Ce qui est une supercherie parce que il n'y a pas de vase communiquant entre les salariés du public et les salariés du privé, premier problème.
Deuxièmement, on nous dit " en travaillant plus longtemps, c'est-à-dire en cotisant plus longtemps, on va améliorer le problème de financement des retraites, on va sauver, dit-il, d'ailleurs il emploie un mot fort, le sauvetage des retraites.
Pas du tout, pour une raison fondamentale et qui n'a échappé à personne, c'est que nous avons en France une particularité économique, c'est que nous avons le taux d'inactivité le plus faible de l'O.C.D.E. pour les plus de 55 ans. C'est-à-dire que les entreprises licencient à partir de 55 ans, d'une façon assez considérable pendant que d'ailleurs le MEDEF, qui représente les entreprises, réclame l'augmentation de la durée de cotisations à 45 ans. Donc, l'espace, je termine Monsieur SEGUILLON parce que c'est un raisonnement complet, donc nous sommes en train finalement de demander à une grande majorité de chômeurs finalement ou de personnes qui n'auront pas d'emploi de cotiser, elles ne cotiseront pas, c'est la collectivité qui s'en mêlera.
Donc la conséquence c'est que, par l'augmentation de la durée de cotisations des salariés du privé on ne règle pas le problème et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le gouvernement s'attaque au niveau de la pension.
Et c'est là que nous arrivons finalement à la mise en cause du système par répartition en expliquant que finalement il n'y a pas de solutions autre que la chute considérable du niveau des pensions. Il dit aux salariés " débrouillez-vous, cotisez par vous-mêmes, faites de la capitalisation, mettez en bourse, trouvez des solutions par vous-mêmes " et finalement c'est la logique de ce choix là est un choix que nous combattons c'est-à-dire que nous préférons, nous, améliorer les mécanismes de solidarité et nous ne disons pas que cela pourrait, il pourrait suffire d'augmenter les cotisations.
Nous pensons que le système de financement des retraites peut et doit évoluer.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous nous avez expliqué que les solutions qui étaient préconisées par le gouvernement, c'est à dire l'allongement de la durée de cotisation avec l'alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur le privé puis l'augmentation du privé étaient des solutions qui étaient inaptes à résoudre ce problème, ou insuffisantes en tout cas. Est-ce que çà signifie que vous les récusez, autrement dit est ce que vous êtes totalement opposé à un alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires, nonobstant d'autres solutions que vous nous proposez ?
Arnaud MONTEBOURG : D'abord je voudrais vous dire que nous défendons ce qui est l'oeuvre de la gauche. Il faut rappeler que cette grande conquête qu'est la retraite à 60 ans, qui a fait beaucoup de bien pour les salariés qui travaillent dur, qui ont des métiers pénibles, qui a été un soulagement lorsqu'elle a été décidée il y a 20 ans par le gouvernement de Pierre MAUROY donc nous défendons notre oeuvre. Et nous essayons...
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que vous vous faites l'avocat également de l'attentisme de la gauche sur ce sujet des retraites pendant 5 ans ?
Arnaud MONTEBOURG : Nous essayons. Je vais répondre sur vote accusation d'attentisme. Je ne crois pas mais je veux d'abord vous dire que notre position est une position de combativité.
Pourquoi nous n'acceptons pas que l'on divise les salariés du public et du privé ? Parce que ce n'est pas une question d'égalité, contrairement à ce que nous fait croire le gouvernement RAFFARIN. En vérité, on nous a dit, on va résoudre l'inégalité entre public et privé mais en vérité c'est un alignement du public sur les allongements du privé qui sont maintenant dans le débat.
Gérard COURTOIS : Votre proposition est de revenir à 37,5 ans pour tout le monde ?
Arnaud MONTEBOURG : Notre position est une position aujourd'hui de combativité et de refus de la solution que proposent aujourd'hui Monsieur RAFFARIN et Monsieur FILLON.
Gérard COURTOIS : Dans votre motion, vous proposez bien de revenir à 37,5 ans ?
Arnaud MONTEBOURG : Nous ne le proposons pas. Nous ne proposons pas cette solution
Gérard COURTOIS : J'ai mal lu alors !
Arnaud MONTEBOURG : Personne ne le proposait au parti socialiste. Nous proposons simplement de tenir la position consistant à dire, il y a des organisations syndicales qui aujourd'hui sont écoutées poliment, du bout de l'oreille, de façon assez distraite par le ministre des affaires sociales.
Pierre-Luc SEGUILLON : Et qui ne tiennent pas toutes le même langage !
Arnaud MONTEBOURG : Certes mais aucune d'entre elles n'est écoutée ! Aucune d'entre elles ! Que ce soit Force Ouvrière, la CGT et CFDT ! Et à aucun moment il y en a une qui a pu dire, nous sommes en véritable négociation, c'est à dire que nous échangeons des concessions mutuelles et des contreparties. Par exemple, je voudrais vous faire...
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais la CFDT par exemple est d'accord sur cet alignement du public sur le privé.
Arnaud MONTEBOURG : Je voudrais vous dire, par exemple s'agissant des métiers les plus pénibles, il n'y a pas eu un effort qui était fait par le gouvernement à destination de ceux qui ont commencé à travailler à 16 ans, qui ont cotisé 45 ans, 46 ans, qui généralement ont exercé des métiers pénibles, qui arrivent à 60 ans dans des conditions généralement de santé, nous le voyons sur le terrain, généralement difficiles, qui subissent plus que d'autres des conséquences dans leur corps, il faut le dire et parler très clairement. Et bien là-dessus le gouvernement ne fait aucune offre.
Pierre-Luc SEGUILLON : Mais attendez, vous ne répondez pas clairement à la question simple qui vous est posée. Vous parlez de pénibilité bien sûr, vous parlez d'absence de négociation mais la question est simple ! Est-ce que oui ou non les fonctionnaires doivent s'aligner sur le privé ou à l'inverse faut-il que le privé revienne aux 37,5 ans, ce qui était le cas avant la réforme d'Edouard BALLADUR en 93 ?
Arnaud MONTEBOURG : Je vais vous répondre très clairement. Ce genre de remise en question ne peut avoir, ne peut s'installer dans le paysage et ne peut faire l'objet d'une acceptation que s'il y a un accord global avec les syndicats.
Or, pour le moment il n'y a pas d'accord car le gouvernement passe en force et refuse l'accord donc nous défendons, aux côtés des syndicats, un ordre public social, c'est à dire le désir qu'est, premièrement, de défendre le système par répartition et ne pas laisser les salariés les plus modestes qui eux ne payent pas d'impôts je vous le rappelle, et qui ne pourront pas, par l'effet d'incitations fiscales, capitaliser. Parce que finalement les incitations fiscales pour la capitalisation, cela ne bénéficiera que à ceux qui disposent de revenus plus substantiels que d'autres. Nous défendons ce système par répartition que le gouvernement ne sauve pas.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors je vais poser ma question autrement. Si une partie des organisations syndicales comme la CFDT, est d'accord pour cet alignement, si une autre partie comme FO ou la CGT, est contre cet alignement. Quelle est votre position ?
Arnaud MONTEBOURG : Notre position est qu'il est impossible sur un sujet d'ampleur nationale de cette nature, d'accepter qu'il n'y ait pas dans l'ensemble de la discussion, tout le monde autour de la table qui ait signé un accord général qui donne des satisfactions à tout le monde. Les syndicats n'ont jamais déclaré qu'ils étaient contre la réforme des retraites. Ils savent l'enjeu de cette réforme. Nous autres aussi, nous disons qu'il faut travailler sur cette réforme des retraites. Il est impossible de le faire sur le dos des salariés comme le gouvernement s'apprête à le faire et il va le faire pendant l'été. Et voilà la raison pour laquelle je fais partie de ceux au parti socialiste, comme beaucoup d'autres qui vont défiler.
Pierre-Luc SEGUILLON : Qui va le faire avant l'été au Parlement !
Arnaud MONTEBOURG : Qui iront défiler le 13 mai de manière à montrer la combativité à défendre ce qui reste l'oeuvre de la gauche.
Gérard COURTOIS : Comment expliquez-vous, ou alors on a une singularité formidable en France, que sur les 15 pays de l'Union européenne, il y en ait 13 qui aient un âge de la retraite à 65 ans, un de mémoire l'Italie à 62 ans et la France à 60 ans. Comment pourrions-nous, nous, échapper à ce qui semble être la mécanique générale sur l'ensemble de nos partenaires européens ?
Arnaud MONTEBOURG : D'abord parce qu'il y a une particularité économique dans notre pays, c'est que les entreprises ne conservent pas les salariés âgés et qu'il y a une tradition dans notre pays, du travail en quelque sorte jetable. Combien de cadres vous racontent leurs déboires à partir de 53, 54 ans ? La pression s'installe puis on décide finalement un jour de congédier. Cette réalité là est concrète pour tous les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie... Donc c'est une des particularités françaises.
Pierre-Luc SEGUILLON : Sur cette particularité française, est ce que... position politique, vous êtes partisan de tout faire pour que les entreprises ne procèdent pas de la sorte et par exemple, refuser toutes les aides de l'état qui viennent favoriser les mises en pré retraite et les contrats diverses qui permettent de laisser des salariés sur le bord de la route
Arnaud MONTEBOURG : Il y avait eu des actes de volonté politique à l'égard des licenciements pour les plus de 55 ans et qui ont fait l'objet d'ailleurs... d'ailleurs qui n'ont découragé absolument pas les entreprises, les entreprises ont continué à licencier d'une façon importante s'agissant de ces salariés. Et nous sommes là sur la particularité française qui n'est pas politique, qui est simplement, à quoi çà sert d'augmenter la durée de cotisation pour des chômeurs ? Et non pas pour des gens qui cotisent et effectivement travaillent. En vérité, c'est ce sur quoi il faut travailler. Tout à l'heure vous parliez d'immobilisme...
Pierre-Luc SEGUILLON : D'attentisme !
Arnaud MONTEBOURG : D'attentisme. Il y a eu d'abord une évolution du dossier pendant la précédente législature dirigée par Lionel JOSPIN. Nous avons évolué sur le niveau du chômage et le nombre de cotisants a changé d'un million. Nous avons pris le chômage à 12% et nous l'avons rendu à 9 %...
Pierre-Luc SEGUILLON : Dans un contexte international qui était plutôt favorable !
Arnaud MONTEBOURG : Je ne le nie pas mais il y a eu aussi des efforts nationaux qui ont accéléré l'effet vertueux de l'influence internationale sur le plan économique. Les effets étaient sensibles. Donc quand vous prenez un dossier à 12% de chômeurs et que le dossier évolue à 9 % de chômeurs, çà veut dire un million de cotisants en plus, donc vous n'avez pas la même perception, ni les mêmes extrapolations comme on dit en statistiques, c'est à dire où va être le point d'arrivée et comment vous discutez avec les partenaires sociaux ? J'ajoute que nous n'avons pas été cigale mais plutôt fourmi puisque nous avons mis de l'argent de côté dans le fond de réserve, nous avons fait un travail, par exemple pour les retraites les plus modestes, de revalorisation et notamment s'agissant des retraites agricoles par exemple ou ces retraités qui n'étaient pas imposables et qui ont bénéficié d'un abandon du RDS. Tout cela il ne faut pas l'oublier. Donc il y a eu un travail qui était fait sur la question des retraites et notamment, alors que la droite passait son temps à nous demander, que faites-vous sur les retraites ? Il est bien certain que nous n'avons pas voulu porter atteinte aux droits des salariés !
C'est vrai, cela appartient à notre logique, à notre histoire et aussi à notre avenir parce que ce qui va se passer dans notre pays avec la réforme FILLON ? C'est la pauvreté qui va réapparaître chez nos anciens.
Pierre-Luc SEGUILLON : Alors comment on finance finalement ?
Arnaud MONTEBOURG : Et bien on décide de s'y mettre vraiment. Vous savez, en 20 ans, le partage de la richesse qui est créée dans notre pays, nous produisons beaucoup de richesse, entre les salaires et les actionnaires, c'est à dire ceux qui sont propriétaires du capital, s'est déplacé au détriment des salariés de 11%, et en faveur de la rémunération du capital. Ce sont des choses qui sont réelles, qui sont reconnues. Donc aujourd'hui la question c'est, est ce que nous cherchons à infléchir cette tendance ou est ce que nous l'accélérons ? Le gouvernement RAFFARIN a décidé de continuer sur cette lancée, ce mouvement naturel qui est finalement la marque de son ultra libéralisme.
Patrick COHEN : Alors à propos de libéralisme, un mot sur la politique économique et budgétaire du gouvernement RAFFARIN. Le Premier Ministre a confirmé qu'il gèlerait les dépenses publiques pour 2004, pas un euro de plus a-t-il répété ces derniers jours, ce qui suppose également des départs à la retraite de fonctionnaires non remplacés, des baisses des effectifs dans la fonction publique. Comment est ce que vous appréciez cette politique ?
Arnaud MONTEBOURG : Je crois qu'il faut lire attentivement le rapport de ses sénateurs, des gens plutôt avertis et sages qui indique que pour respecter les engagements de 3,5 % de déficit public vis-à-vis de l'Europe et notamment du pacte de stabilité, il faudrait en 2004 supprimer 50.000 emplois publics.
Gérard COURTOIS : Sur un total de ?
Arnaud MONTEBOURG : Sur un grand total c'est vrai mais 50.000 emplois publics. Si le gouvernement tient son engagement de 3 % ou 2,9, combien faudrait-il supprimer de fonctionnaires ou ne pas remplacer ?
La question que nous posons c'est, où est-ce qu'on les prend ? Parce que tout le monde réclame des enseignants. On a supprimé là des pions, on a supprimé les assistants éducateurs, ceux qui les aide-éducateurs, les fameux emplois jeunes qui faisaient un travail considérable, d'abord parce qu'il y avait plus d'adultes dans l'enceinte scolaire, çà permettait notamment de faire face au phénomène de violence, au phénomène aussi d'abandon qu'un certain nombre d'enfants dans le système scolaire ressentent, c'était le moyen d'augmenter l'encadrement.
Patrick COHEN : On vous a jamais entendu, c'est une parenthèse, jamais entendu aussi louangeur sur le bilan du gouvernement JOSPIN monsieur MONTEBOURG !
Arnaud MONTEBOURG : Je pense que vous vous trompez parce que j'en ai ma part de responsabilité, j'y ai apporté ma pierre. Je n'ai pas toujours été heureux, nous n'avons pas toujours pu faire tout prévaloir mais franchement c'est une politique de gauche non ! Il n'y a pas de doutes là-dessus ! Et aujourd'hui elle montre d'ailleurs son véritable visage à contrario.
Pierre-Luc SEGUILLON : Vous dites pas toujours çà ! Vous dites quelquefois c'est une politique qui s'annonçait de gauche et qui, une fois au pouvoir, ne l'a pas été ou ne l'a plus été.
Arnaud MONTEBOURG : Il y a eu une évolution mais je dois vous dire qu'aujourd'hui rétrospectivement, lorsque nous regardons ce qui a été fait et toute cette politique sur les emplois jeunes et une politique qui aujourd'hui a été remise en question. Où est ce que nous allons trouver dans les DDE pour l'entretien des routes ? Dans les gendarmeries ? Non parce que là, le gouvernement dit, il faut augmenter - et il a raison d'ailleurs - les effectifs.
Pierre-Luc SEGUILLON : Donc vous nous dites, il faut augmenter les impôts ?
Arnaud MONTEBOURG : Les policiers peut être ?
Ecoutez, moi ce que je vois c'est que finalement le gouvernement a décidé de diminuer des impôts justes, les impôts sur le revenu, ce sont des impôts justes parce que progressifs, qui frappent proportionnellement ou de façon progressive selon la taille du revenu. Cela s'est compensé par l'augmentation d'impôts injustes, c'est à dire des impôts indirects, la taxe sur les essences, les impôts locaux qui sont des impôts tout à fait injustes par l'effet de la décentralisation. On essaie d'organiser l'amaigrissement de l'état et on transfère aux collectivités locales qui elles n'ont pas d'autre choix que de lever de l'impôt supplémentaire sur des assiettes qui sont d'ailleurs scandaleusement injustes, que ce soit les entreprises ou d'ailleurs les ménages.
Patrick COHEN : Oui. Vous, vous préconisez un big-bang fiscal qui, pour créer un impôt universel qui serait quoi, en gros trois fois plus élevé que l'actuel impôt sur le revenu !
Arnaud MONTEBOURG : Et bien nous proposons...
Pierre-Luc SEGUILLON : Attendez, auparavant simplement dans ce que...
Arnaud MONTEBOURG : Ah...
Pierre-Luc SEGUILLON : Non mais vous allez répondre tout de suite à cette question mais dans ce que vous venez de nous dire là à l'instant, c'est à somme nulle entre compensation, entre impôts injustement abaissés et impôts augmentés ? C'est à somme nulle ? Parce que si c'est à somme nulle, çà veut dire que le discours que vous utilisez en général est faux !
Arnaud MONTEBOURG : Je dis simplement que sur le plan économique, ce sont des décisions qui sont contestables, parce que finalement elles n'entretiennent pas la croissance dont on a besoin et sur le plan social, c'est particulièrement injuste. C'est çà que je veux dire. C'est que d'un côté, on diminue des prélèvements qui sont relativement justes et de l'autre on augmente des prélèvements, on laisse augmenter des prélèvements, c'est le cas sur le tabac, l'essence, des prélèvements qui sont obligatoires, auxquels les Français ne peuvent pas échapper, qui eux sont particulièrement injustes. Nous pourrions prendre un autre exemple, la baisse de l'impôt sur la fortune, c'est un demi-milliard d'euros en moins pour ceux qui disposent...
Patrick COHEN : Vous parlez de la loi DUTREIL parce que l'impôt sur la fortune en lui-même n'a pas été abaissé !
Arnaud MONTEBOURG : La réforme qui a fait échapper...
Patrick COHEN : Les exonérations !
Arnaud MONTEBOURG :
Oui les exonérations, c'est une baisse, quand on exonère des propriétés, notamment la propriété de capital, c'est une baisse, donc une exonération qui a coûté aux finances publiques un demi-milliard d'euros.
Lorsque l'on met cela en parallèle avec l'augmentation du ticket modérateur pour les personnes âgées dépendantes, sur l'APA, la fameuse allocation personnalisée d'autonomie, qui a coûté, elle, aux personnes âgées dépendantes et aux familles un demi-milliard d'euros. Finalement on a la politique de Monsieur RAFFARIN qui est résumée. Robin des Bois prenait aux riches pour donner aux pauvres, Monsieur RAFFARIN prend aux personnes âgées dépendantes pour donner à ceux qui sont assujettis à l'impôt sur la fortune.
Je suis désolé que Monsieur RAFFARIN s'inscrive dans une telle caricature mais c'est malheureusement pas comme cela que sur le plan économique on peut relancer une machine qui aujourd'hui est en train de décélérer. Et sur le plan social, c'est tout à fait scandaleux. Et d'ailleurs, les Français, je peux vous le dire, sur le terrain, n'en doutent guère.
Gérard COURTOIS : Juste une question macro économique. Est-ce que le gouvernement français pardon
Patrick COHEN : Non, non, allez-y...
Gérard COURTOIS : On est resté sur...
Patrick COHEN : Oui, donc sur l'impôt, est ce que c'est bien raisonnable d'imaginer une fusion des différents impôts existant qui aboutirait à un impôt universel mais qui serait, qui pomperait trois fois plus de PIB que l'actuel impôt sur le revenu, c'est ce que vous proposez dans votre motion.
Arnaud MONTEBOURG : Nous proposons surtout la suppression des impôts qui fusionnent. C'est à dire que nous proposons en effet que la fiscalité locale vienne un peu à la manière des allemands d'ailleurs, les Allemands n'ont pas de fiscalité locale propre, ils ont une fiscalité additionnelle sur la fiscalité nationale, c'est à dire que les collectivités locales votent l'impôt sur la base de l'impôt national et prennent en quelque sorte, des euros additionnels. C'est ce que nous proposons. Et nous proposons en effet la fusion entre la fiscalité locale, la CSG, l'impôt sur le revenu, pour clarifier et rendre progressif, car vous savez que la CSG est proportionnelle donc elle est plus injuste que l'impôt progressif.
Vous savez, il y a une sorte de psychodrame sur l'impôt sur le revenu dans notre pays, je crois que nous avons à faire l'effort, à mettre en face la question de l'impôt sur le revenu, la question de la légitimité de la dépense publique. De ce point de vue, nous avons à travailler la question des contrôles politiques sur l'utilisation de l'argent publique dans notre pays.
Cela n'existe pas sous la Vème République, c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons fait un gros travail d'analyse de ce qui pourrait être fait pour augmenter le contrôle politique sur la dépense publique, que ce soit à l'échelon local d'ailleurs, nous avons une espèce de décentralisation assez féodale où on utilise l'argent public en fonction d'intérêts de terrain, sans aucune transparence, sans aucun contrôle politique, sans aucune possibilité de recours des citoyens et des contribuables. Et bien à l'échelon national, nous avons la même opacité, la même impossibilité d'avoir des débats sur les dépenses publiques en toute transparence.
Pierre-Luc SEGUILLON : Est-ce que votre big-bang fiscal, çà signifie simplification ? Plus juste ? Plus de transparence, plus de contrôle ? Mais est ce que çà signifie aussi, et c'est la question qui vous était posée, augmentation des prélèvements ?
Arnaud MONTEBOURG : Moi je n'ai pas peur de dire que dés lors que dans un contrat républicain, par exemple sur la question des retraites, sur la question de l'assurance maladie, ce sont des dépenses, des prélèvements obligatoires, sous forme d'impôts d'ailleurs parce que la CSG est un impôt social, je n'ai pas peur de dire que sur les mécanismes de solidarité, les Français choisissent le niveau de solidarité qui est le leur, dés lors qu'on leur garantie que l'argent sera bien employé, qu'il sera bien contrôlé, je crois qu'il ne faut pas avoir peur de prélèvement obligatoire qui fait trembler dans certains ménages, pas tous. Nous avons à construire l'adhésion autour de l'impôt à travers la force et la réalité de la dépense publique. C'est ce travail là de réhabilitation de la dépense publique qui permet l'adhésion à l'impôt. Dans tous les pays démocratiques cela fonctionne. Dans notre pays on aime pas l'impôt et on réclame la dépense, il y a une contradiction qu'il faut résoudre. Et je dois vous dire que sur la question sociale, lorsque le gouvernement dérembourse ou refuse de rembourser au niveau de 65 % 616 médicaments supplémentaires très habituellement prescrits, provoquant les hourvaris d'ailleurs du syndicat des médecins, des mutuelles, à un moment où finalement.
Pierre-Luc SEGUILLON : Sur une liste qu'avait demandé Lionel JOSPIN en 1999 si je ne me trompe pas !
Arnaud MONTEBOURG : Sur une liste que personne auparavant n'avait fait sortir du remboursement à ce niveau là puisque ce sont des médicaments qui sont médicalement importants. Quand on met en parallèle les augmentations de rémunération de la consultation médicale à 20 euros qui a généré c'est vrai, uniforme et universelle pour toute consultation médicale, il y a des médecins qui ont besoin d'être mieux rémunérés mais est ce qu'il était nécessaire de le faire de façon aussi uniforme et universelle ? En face de cela on met, parce que on voit apparaître immédiatement après un déficit supplémentaire de l'assurance maladie, des déremboursements renvoyant sur la mutuelle et le mutualisme, c'est à dire finalement la cotisation et l'effort personnel, finalement l'acceptation d'une sécurité sociale à deux vitesses, il y a un démantèlement qui est aujourd'hui brutal, il est même pas dissimulé, il est brutal, il est même théorisé par les dirigeants de l'UMP. Nous nous retrouvons finalement dans la même politique que celle que je décrivais, s'agissant de l'impôt sur la fortune et l'allocation personnalisée
Patrick COHEN : Finalement Arnaud MONTEBOURG, la semaine dernière ici même, Michel ROCCARD qu'on a cité par ailleurs, disait, au sein des partis socialistes ou sociaux-démocrates, le débat devrait être tranché depuis longtemps. On sait que l'économie administrée, çà ne marche pas, le capitalisme a gagné, ce qu'on peut faire c'est apprendre à réguler l'économie de marché.
A vous lire ou même à vous écouter aujourd'hui, on a le sentiment que vous n'avez pas renoncé par certains aspects, à l'économie administrée, est ce que je me trompe ?
Arnaud MONTEBOURG : Oui vous vous trompez, d'abord parce que l'économie administrée, çà ne veut rien dire. On ne peut pas administrer l'économie, on peut organiser des contre-poids, des contre-puissances. face à la puissance économique, il faut organiser parfois la résistance.
Sur les échanges internationaux par exemple, est ce que nous avons eu raison il y a 10 ans, dans nos pays, de confier notre destin à l'organisation mondiale du commerce qui finalement organise le chômage, d'une certaine façon, provoque, n'organise pas mais provoque le chômage de centaines d'employés et de salariés dans les pays riches et de l'esclavage dans les pays pauvres où il n'y a pas eu une mondialisation humaine et sociale.
Et où la compétition économique se fait sur le dos de millions, pour ne pas dire milliards de salariés dans le monde. Et de ce point de vue, la puissance politique avait son mot à dire et ce n'est pas de l'économie administrée que de le rappeler.
Patrick COHEN : Quand vous dites on doit contrôler les licenciements par exemple, c'est un retour à une certaine forme d'économie administrée !
Arnaud MONTEBOURG : Non, parce que d'abord aujourd'hui il y a un contrôle des licenciements par la Cour de Cassation qui considère qu'il y a des règles à respecter.
Patrick COHEN : Vous pensez qu'on doit renforcer ce contrôle ?
Arnaud MONTEBOURG : Il est nécessaire qu'en effet, dans certain cas, la suspension puisse être invoquée par les représentants du personnel dés lors que nous sommes en présence d'entreprises qui font des profits, qui ne voient pas ses profits diminuer et qui procèdent à des licenciements, comme on le dit, pour convenances boursières. Nous considérons qu'en effet, nous ne pouvons pas nous laisser dicter par l'économie la totalité de l'organisation du monde.
Parce que finalement où est l'homme dans cette histoire ? Et notamment l'homme et la femme au travail.
C'est d'abord cela qui doit être la priorité, ce n'est pas l'économie. Nous sommes entrés dans un monde, et vous me permettrez de parler de ce qui est notre socialisme à nous, nous sommes pour un socialisme de l'engagement, nous n'avons pas peur de défendre des convictions, d'affronter l'ordre du monde, nous n'avons pas peur aussi de la réalité telle qu'elle est et de la puissance qu'elle exerce, y compris pas les effets pervers sur les décisions politiques que l'on peut prendre.
Gérard COURTOIS : J'avais une question qui renvoyait mais qui peut être liée.
Vous avez évoqué tout à fait en passant au départ, dans l'analyse de la politique du gouvernement actuel, le pacte de stabilité, faut-il s'en affranchir ? Dans ce rapport entre la régulation et la volonté politique ?
Arnaud MONTEBOURG : Romano PRODI lui-même disait, c'est une stupidité, si je l'avais dit, on aurait dit, mais quel est ce curieux personnage ? Comment dit-on ? Cette énergumène gesticulant mais on l'a pas dit de Romano PRODI !
Gérard COURTOIS : Donc vous le pensez ?
Arnaud MONTEBOURG : Nous ne pouvons que le penser pour une raison essentielle, c'est que l'Europe ne s'est pas construite politiquement pour bâtir un gouvernement économique, un gouvernement même organisant la convergence sociale. Nous avons abandonné de la souveraineté nationale dans le vide, c'est à dire vers le vide, c'est à dire au profit d'un espace qui aujourd'hui n'est pas gouverné et n'est pas gouvernable, donc nous remplaçons le gouvernement par un traité rigide sur l'organisation des finances publiques qui nous empêche nous, contrairement aux américains qui sont nos compétiteurs économiques en quelque sorte, ou contrairement à l'organisation économique en Asie, de l'ensemble des grandes puissances naissantes ou existantes comme le Japon.
Nous n'avons pas organisé en quelque sorte, le gouvernement économique qui nous permettrait d'injecter des finances publiques quand nous en avons besoin et notamment lorsque nous sommes en récession.
Donc cette espèce de paralysie liée à l'institution politique européenne pose le problème d'une Europe qui serait une Europe avec une tête et pas seulement avec des règles, avec un gouvernement qui rendrait des comptes devant la population. Michel ROCARD parlait la semaine dernière de la Banque Centrale Européenne, s'agissant de la Banque Centrale Américaine, elle rend des comptes devant le congrès qui peut à tout moment transformer ses statuts. Chez nous.
Pierre-Luc SEGUILLON : C'est un point d'accord que vous avez avec lui d'ailleurs !
Arnaud MONTEBOURG : C'est un désaccord politique.
Pierre-Luc SEGUILLON : Non, un point d'accord que vous avez avec lui ! Pour réformer les statuts de la Banque Centrale Européenne. Si j'ai bien lu votre motion.
Arnaud MONTEBOURG : Oui mais lui disait je crois, à moins que je l'aie mal compris et auquel cas je lui présenterais immédiatement des excuses, que la Banque Centrale Européenne ne pouvait pase on était tous d'accords en quelque sorte pour qu'elle soit indépendante. Lionel JOSPIN s'est en effet battu pour qu'il y ait dans le statut de la Banque Centrale, l'obligation de préserver l'emploi et pas seulement la stabilité des prix mais la vérité c'est que les Américains qui sont d'une puissance politique, qui exercent la puissance, qui n'en ont pas peur, face à la puissance économique les Américains eux-mêmes, disposent d'une Banque Centrale qui rend des compte devant le congrès des élus de l'ensemble des états d'Amérique.
Patrick COHEN : Bon, une dernière question, sur les institutions, on a pas eu le temps d'évoquer un grand nombre de sujets, est ce que avec la réforme de la décentralisation, le gouvernement RAFFARIN ne met-il pas en oeuvre la démocratie participative que vous appelez dans votre motion ?
Arnaud MONTEBOURG : Vous savez ce que fait le gouvernement RAFFARIN ? Il sert ses barons et ses féodaux, il leur donne de la puissance budgétaire, des compétences supplémentaires, il leur donne encore plus. Et en plus ils vont pouvoir aller au supermarché des compétences, c'est à dire s'ils sont riches et qu'ils peuvent acheter, et bien ils prendront, s'ils sont pauvres, ils resteront à la porte du supermarché de la décentralisation.
Patrick COHEN : Il donne aussi la parole au peuple en Corse !
Arnaud MONTEBOURG : Ah bon, vous trouvez ?
Patrick COHEN : En Corse, référendum !
Arnaud MONTEBOURG : Et bien écoutez, moi je vais vous dire, il avait dit, s'inspirant de la révolution française, vous savez Monsieur RAFFARIN n'hésite pas devant les métaphores, il avait dit, comme sous la révolution française, nous allons organiser des référendums, nous allons organiser le droit de pétitions, comme pendant la fête de la fédération, il avait dit quelque chose comme çà.
Et le projet est arrivé devant le sénat et ses amis sénateurs car vous savez qu'il est lui-même issu de cette noble assemblée, a décidé que oui on ferait des référendums si les élus étaient d'accords, oui on organiserait le droit de pétition des citoyens dans les collectivités locales si et seulement si les élus l'acceptaient donc finalement vous voyez, nous n'avons pas fait beaucoup de progrès.
En vérité, face à cette décentralisation où on transmet du budget supplémentaire, des compétences supplémentaires, de la puissance supplémentaire, il aurait fallut organiser le contrepoids par des statuts pour l'opposition, améliorés, des possibilités d'action pour les citoyens, des possibilités d'interrogation pour les contribuables. Tout cela Monsieur RAFFARIN malheureusement, n'en a que faire.
Patrick COHEN : Merci Arnaud MONTEBOURG, c'était votre Grand Jury. Prochain invité, ce sera la ministre de la fonction publique Jean-Paul DELEVOYE. Bonsoir à tous, à dimanche prochain.

(source http://www.nouveau-ps.net, le 20 mai 2003)