Texte intégral
Q - Vous êtes la ministre déléguée aux Affaires européennes, Noëlle Lenoir. Tout d'abord, sur l'esprit sur l'ambiance, j'ai l'impression que l'image de la France n'est pas très bonne actuellement dans l'hémisphère bruxellois, on est un peu le mauvais élève ou en tout cas l'élève indiscipliné. Est-ce que c'est ce que vous entendez, vous, dans les couloirs de Bruxelles ?
R - Non, au contraire il y a une très grande relation de confiance entre la Commission et le gouvernement. C'est vrai que les efforts que nous avons commencé à consentir, notamment avec la réforme des retraites qui a été bouclée à la fin de la dernière session parlementaire, montrent que nous sommes sur la voie des réformes structurelles. Elles sont indispensables pour réduire le déficit et la dette. Concernant la dette, nous avons effectivement atteint la limite fixée par les critères de Maastricht - 60% du PIB - mais l'Italie est à 100%. Cet endettement est un mal endémique des pays européens. Pendant des décennies, les Etats européens ont assuré un niveau élevé de santé et de protection sociale, à travers notamment les retraites. Nous allons continuer à le faire. Mais c'est vrai qu'il faut changer la donne et c'est ce que nous sommes en train de réaliser.
Q - Oui, un mal endémique des pays européens. Cela dit, la France cumule les déficits publics pour la troisième année consécutive, on dépasse donc le critère fixé pour l'endettement. Quand on entend Jacques Chirac qui demande le 14 juillet que soient étudiées des modalités provisoires d'assouplissement du pacte de stabilité, quand on voit Jean-Pierre Raffarin qui veut poursuivre et même accélérer la baisse des impôts alors que la croissance est en panne, que les déficits se creusent, est-ce qu'on n'a pas l'impression que Paris finalement fait fi des règles bruxelloises, Noëlle Lenoir ?
R - Non. Depuis quelques mois, la Commission a consenti des assouplissements en ce qui concerne le pacte de stabilité. La France doit surtout administrer la preuve que des réformes sont mises en oeuvre pour poursuivre l'objectif de 3 %, sans qu'une date ait été fixée pour atteindre cet objectif. Chacun est conscient que dans la notion de pacte figurent les concepts de stabilité et de croissance. Or il ne faut pas casser la croissance. Les Etats-Unis ont engagé une réforme fiscale très importante avec des baisses d'impôts, l'Allemagne également. Nous aussi voulons relancer la croissance. C'est d'ailleurs le maître-mot de la présidence italienne. Beaucoup de rapports sont parus récemment pour tracer les voies et moyens de cette relance de la croissance, par la consommation, grâce aux baisses d'impôts, par l'investissement, grâce à la réalisation d'infrastructures. Il y a une vraie réflexion en Europe à ce sujet, et c'est pourquoi je suis sûre que la Commission sera très sensible à ce que va lui exposer le Premier ministre.
Q - Quelle est la marge de manoeuvre pour Paris ? Jusqu'à quel point Bruxelles peut-elle admettre le comportement de Paris ? Bruxelles vient de mettre en garde l'Allemagne officiellement, le prochain sera la France, Noëlle Lenoir ?
R - Nous allons discuter. L'Europe est un espace de discussion, de négociation, de dialogue. C'est vrai qu'il faut poursuivre dans la voie dans laquelle nous nous sommes engagés. Nous allons continuer à assurer un niveau élevé de protection de la santé, mais avec une répartition des charges différente. C'est vrai : nous avons aussi devant nous la modernisation de l'Etat qui est un chantier encore largement ouvert. La décentralisation à l'oeuvre doit enfin permettre, en rapprochant l'administration du citoyen, d'améliorer le rapport qualité-prix du service public. Tout cela demande un peu de temps et c'est ce que nous allons plaider.
Q - Jean-Pierre Raffarin sera après-demain mercredi, à Bruxelles, officiellement pour évoquer l'aide après les terribles incendies du Var. Qui va-t-il rencontrer parmi les têtes pensantes de la Commission ? Est-ce qu'il va rencontrer Pedro Solbes, le commissaire européen aux Affaires économiques ? Mario Monti, celui de la concurrence ?
R - Il est invité par le collège des commissaires, c'est-à-dire par l'ensemble des membres de la Commission et bien entendu le président Romano Prodi. Il aura donc en face de lui toute la gamme des compétences de la Commission européenne et les sujets seront sans doute très variés.
Q - Certes, mais est-ce qu'il aura un tête-à-tête avec ces deux personnes sur les deux dossiers chauds entre Paris et Bruxelles ?
R - La Commission est un organisme collégial, donc chaque commissaire est intéressé, à un titre ou à un autre, aux dossiers des autres. Je crois que ce sera une discussion générale. Il y aura un instant de confidence avec le président de la Commission, mais je ne crois pas que des entretiens en tête-à-tête soient prévus, en tout cas pas pour l'instant.
Q - Est-ce que le dossier Alstom sera sur le devant parce qu'il faut faire accélérer ce dossier ?
R - Tout à fait. Nous avons notifié la semaine dernière à la Commission européenne la prise de participation de l'Etat dans le capital d'Alstom avec évidemment un argumentaire. C'est cet argumentaire que le Premier ministre va discuter de nouveau avec la Commission en soulignant le fait qu'à la clé, il y a non seulement le sauvetage d'une entreprise emblématique du point de vue du développement technologique, mais aussi la préservation de 62.000 emplois en Europe.
Q - Bull, est-ce que la France va rembourser, comme le demande la Commission, cette avance de trésorerie de presque un demi-milliard d'euros ?
R - Sur Bull aussi, il y aura certainement des discussions. Nous sommes conscients des contraintes justifiées que nous impose l'Europe en la matière.
Q - Nous étions en ligne avec la porte-parole de Mario Monti, qui apparemment était bien déterminée à ce que la France rembourse.
R - Nous ne sommes pas du tout dans une logique d'opposition, au contraire. Nous sommes là - et la démarche du Premier ministre est une démarche de dialogue - pour exposer un ensemble de problèmes auxquels sont confrontés la plupart des pays européens dont l'Allemagne. Nous souhaitons contribuer, avec la Commission, à la solution de ces problèmes. Nous ne voulons pas du tout être en opposition et nous mettre en marge de ce qui est à la base du fonctionnement de l'Europe, c'est-à-dire des relations de confiance, fondées sur le dialogue. Nous plaidons pour avoir un peu de temps pour mettre en oeuvre les objectifs qui nous sont assignés, un peu de temps, mais certainement pas pour le rejet de ces objectifs.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 août 2003
R - Non, au contraire il y a une très grande relation de confiance entre la Commission et le gouvernement. C'est vrai que les efforts que nous avons commencé à consentir, notamment avec la réforme des retraites qui a été bouclée à la fin de la dernière session parlementaire, montrent que nous sommes sur la voie des réformes structurelles. Elles sont indispensables pour réduire le déficit et la dette. Concernant la dette, nous avons effectivement atteint la limite fixée par les critères de Maastricht - 60% du PIB - mais l'Italie est à 100%. Cet endettement est un mal endémique des pays européens. Pendant des décennies, les Etats européens ont assuré un niveau élevé de santé et de protection sociale, à travers notamment les retraites. Nous allons continuer à le faire. Mais c'est vrai qu'il faut changer la donne et c'est ce que nous sommes en train de réaliser.
Q - Oui, un mal endémique des pays européens. Cela dit, la France cumule les déficits publics pour la troisième année consécutive, on dépasse donc le critère fixé pour l'endettement. Quand on entend Jacques Chirac qui demande le 14 juillet que soient étudiées des modalités provisoires d'assouplissement du pacte de stabilité, quand on voit Jean-Pierre Raffarin qui veut poursuivre et même accélérer la baisse des impôts alors que la croissance est en panne, que les déficits se creusent, est-ce qu'on n'a pas l'impression que Paris finalement fait fi des règles bruxelloises, Noëlle Lenoir ?
R - Non. Depuis quelques mois, la Commission a consenti des assouplissements en ce qui concerne le pacte de stabilité. La France doit surtout administrer la preuve que des réformes sont mises en oeuvre pour poursuivre l'objectif de 3 %, sans qu'une date ait été fixée pour atteindre cet objectif. Chacun est conscient que dans la notion de pacte figurent les concepts de stabilité et de croissance. Or il ne faut pas casser la croissance. Les Etats-Unis ont engagé une réforme fiscale très importante avec des baisses d'impôts, l'Allemagne également. Nous aussi voulons relancer la croissance. C'est d'ailleurs le maître-mot de la présidence italienne. Beaucoup de rapports sont parus récemment pour tracer les voies et moyens de cette relance de la croissance, par la consommation, grâce aux baisses d'impôts, par l'investissement, grâce à la réalisation d'infrastructures. Il y a une vraie réflexion en Europe à ce sujet, et c'est pourquoi je suis sûre que la Commission sera très sensible à ce que va lui exposer le Premier ministre.
Q - Quelle est la marge de manoeuvre pour Paris ? Jusqu'à quel point Bruxelles peut-elle admettre le comportement de Paris ? Bruxelles vient de mettre en garde l'Allemagne officiellement, le prochain sera la France, Noëlle Lenoir ?
R - Nous allons discuter. L'Europe est un espace de discussion, de négociation, de dialogue. C'est vrai qu'il faut poursuivre dans la voie dans laquelle nous nous sommes engagés. Nous allons continuer à assurer un niveau élevé de protection de la santé, mais avec une répartition des charges différente. C'est vrai : nous avons aussi devant nous la modernisation de l'Etat qui est un chantier encore largement ouvert. La décentralisation à l'oeuvre doit enfin permettre, en rapprochant l'administration du citoyen, d'améliorer le rapport qualité-prix du service public. Tout cela demande un peu de temps et c'est ce que nous allons plaider.
Q - Jean-Pierre Raffarin sera après-demain mercredi, à Bruxelles, officiellement pour évoquer l'aide après les terribles incendies du Var. Qui va-t-il rencontrer parmi les têtes pensantes de la Commission ? Est-ce qu'il va rencontrer Pedro Solbes, le commissaire européen aux Affaires économiques ? Mario Monti, celui de la concurrence ?
R - Il est invité par le collège des commissaires, c'est-à-dire par l'ensemble des membres de la Commission et bien entendu le président Romano Prodi. Il aura donc en face de lui toute la gamme des compétences de la Commission européenne et les sujets seront sans doute très variés.
Q - Certes, mais est-ce qu'il aura un tête-à-tête avec ces deux personnes sur les deux dossiers chauds entre Paris et Bruxelles ?
R - La Commission est un organisme collégial, donc chaque commissaire est intéressé, à un titre ou à un autre, aux dossiers des autres. Je crois que ce sera une discussion générale. Il y aura un instant de confidence avec le président de la Commission, mais je ne crois pas que des entretiens en tête-à-tête soient prévus, en tout cas pas pour l'instant.
Q - Est-ce que le dossier Alstom sera sur le devant parce qu'il faut faire accélérer ce dossier ?
R - Tout à fait. Nous avons notifié la semaine dernière à la Commission européenne la prise de participation de l'Etat dans le capital d'Alstom avec évidemment un argumentaire. C'est cet argumentaire que le Premier ministre va discuter de nouveau avec la Commission en soulignant le fait qu'à la clé, il y a non seulement le sauvetage d'une entreprise emblématique du point de vue du développement technologique, mais aussi la préservation de 62.000 emplois en Europe.
Q - Bull, est-ce que la France va rembourser, comme le demande la Commission, cette avance de trésorerie de presque un demi-milliard d'euros ?
R - Sur Bull aussi, il y aura certainement des discussions. Nous sommes conscients des contraintes justifiées que nous impose l'Europe en la matière.
Q - Nous étions en ligne avec la porte-parole de Mario Monti, qui apparemment était bien déterminée à ce que la France rembourse.
R - Nous ne sommes pas du tout dans une logique d'opposition, au contraire. Nous sommes là - et la démarche du Premier ministre est une démarche de dialogue - pour exposer un ensemble de problèmes auxquels sont confrontés la plupart des pays européens dont l'Allemagne. Nous souhaitons contribuer, avec la Commission, à la solution de ces problèmes. Nous ne voulons pas du tout être en opposition et nous mettre en marge de ce qui est à la base du fonctionnement de l'Europe, c'est-à-dire des relations de confiance, fondées sur le dialogue. Nous plaidons pour avoir un peu de temps pour mettre en oeuvre les objectifs qui nous sont assignés, un peu de temps, mais certainement pas pour le rejet de ces objectifs.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 août 2003