Texte intégral
Le ministre - Je commencerai en me réjouissant de l'accueil réservé par nos amis italiens ici sur le Lac de Garde qui, je crois, a permis une réunion informelle fructueuse dans le format du Gymnich.
Je dirai d'abord deux mots des deux sujets que nous avons abordés hier, d'abord concernant la stratégie de sécurité et puis sur la Conférence intergouvernementale.
Sur la sécurité, Javier Solana a fait le point sur la méthode qu'il compte suivre et lancé des pistes de réflexion qu'il va approfondir cet automne. L'important me paraît être le bon équilibre à trouver entre les menaces auxquelles nos pays sont confrontés. Je pense à des menaces de prolifération et à l'inquiétude que ressentent nos concitoyens devant celles qui sont directement sensibles comme le terrorisme ou le crime organisé. Je crois qu'il y a une autre dimension qui ne doit pas être oubliée dans cette réflexion, dans cette stratégie sur la sécurité, c'est le fait que l'Union ne réagit pas seulement à des menaces qui la visent mais qu'elle est aussi porteuse d'une certaine conception du monde et de la paix internationale. Il est donc important que, dans cette stratégie, se reflètent bien notre vision et la nécessité d'un renforcement de nos capacités pour faire face à ces différentes menaces.
En ce qui concerne la Conférence intergouvernementale, il s'agit de définir à la fois l'esprit et la méthode avec lesquels nous allons travailler. Je tiens à dire que l'échange approfondi que nous avons eu a été je crois particulièrement fructueux. Les propositions de Franco Frattini et les indications et contacts qu'il a pu avoir au cours de l'été ont permis de dessiner les bases de ce que devrait être cette Conférence intergouvernementale (CIG). Nous souhaitons une CIG qui puisse être courte même s'il faut donner le temps au travail et à la réflexion, aux discussions au niveau politique, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement ainsi qu'au niveau des ministres. Sont également importantes l'invitation à titre d'observateurs des trois pays candidats et des représentants du Parlement européen et, c'est le principe fondamental, la nécessité de s'écarter le moins possible de ce que nous avons comme base de travail, c'est-à-dire le projet de Constitution élaboré par la Convention. Nous sommes tous conscients de l'importance des enjeux de cette Conférence intergouvernementale, nous avons tous, les uns et les autres, et chacun l'a rappelé hier, un certain nombre de points qui sont importants pour nos différents pays mais il faut que nous prenions la mesure des difficultés de cette dernière phase ; par conséquent, le principe qui a été avancé par les uns et par les autres est que tout pays qui voudra modifier l'équilibre consensuel trouvé par la Convention devra permettre de dégager un nouveau consensus et donc substituer à une proposition une autre proposition de façon à éviter que nous ne "détricotions" peu à peu ce projet.
Il est donc très important d'aborder cette étape dans un esprit constructif et de faire en sorte que nous puissions avancer. Alors il y a un certain nombre de points dans ce projet qui méritent d'être clarifiés, d'être complétés, je pense par exemple au statut du ministre des Affaires étrangères. Sur tous ces points, il faudra avancer vite et pour le reste faire preuve de réalisme, même si chacun souhaite que le texte soit le meilleur possible, et donc avancer à pas comptés, en faisant en sorte qu'à chaque proposition existante puisse correspondre une nouvelle proposition bénéficiant d'un consensus commun.
S'agissant du Proche Orient, chacun d'entre nous regrette la décision du Premier ministre palestinien de démissionner et souhaite évidemment qu'elle puisse être rapportée. Je crois que la situation sur le terrain et la reprise des violences ne font évidemment qu'accroître notre sentiment d'inquiétude. Il n'y a pas, et c'est la conviction commune, d'alternative à la Feuille de route et pour cela il faut donc sans tarder reprendre l'initiative et éviter l'écueil de croire que la solution sécuritaire est la seule qui puisse permettre véritablement de répondre aux difficultés de la région. Bien sûr, la lutte contre le terrorisme est nécessaire et il revient aux Palestiniens de prendre en charge cette lutte, de prendre l'ensemble des décisions qui sont nécessaires, d'adopter et de faire les choix indispensables. L'Union européenne agit de son côté avec ses procédures contre le terrorisme. Elle avait demandé au Hamas à Thessalonique d'observer un cessez-le-feu et nous avons souhaité en tirer toutes les conséquences à la suite de l'attentat de Jérusalem. En conséquence, un consensus s'est exprimé pour décider l'inscription du Hamas sur la liste des organisations terroristes. Mais ceci, et la France a insisté, doit se situer dans le cadre d'une reprise d'initiatives, d'une démarche forte et volontariste de la part de la communauté internationale. Il nous faut donc une démarche politique volontaire. C'est pourquoi nous voulons demander avec force à Israël de s'engager pleinement dans la mise en uvre de la Feuille de route avec des gestes concrets, qu'il s'agisse de l'arrêt de la colonisation, de la construction du mur selon un tracé qui préjuge de décisions politiques, et de la même façon, nous voulons que le message adressé au Hamas, la décision que nous voulons prendre puisse être bien comprise comme la marque de la détermination de l'Union européenne. J'ai donc proposé qu'on précise bien les règles qu'on entend appliquer, les conditions auxquelles nous pourrions revenir, si cela était possible, sur cette décision, préciser nos attentes, c'est-à-dire la renonciation à la violence et au terrorisme. Cela doit être un message bien compris par le Hamas.
En ce qui concerne l'Irak, chacun de nos Etats voit bien la situation difficile dans laquelle est plongée la région. J'ai rappelé la position de la France selon laquelle seule une approche fondée sur l'exigence politique, sur un processus politique fort, peut être susceptible d'inverser la situation et de ramener une stabilité. La réponse doit donc être politique. Le rétablissement de la souveraineté irakienne doit être le point de départ et non le point d'arrivée de la communauté internationale.
Ce changement de logique et de cadre juridique doivent s'organiser de trois manières : sur le plan politique d'abord nous pourrions agir en plusieurs étapes, faire des instances irakiennes le dépositaire provisoire de la souveraineté irakienne, ce qui veut dire trouver une bonne articulation entre le Conseil de gouvernement et le Conseil des ministres.
Deuxième étape : il faudrait confier à ces instances la réalité du pouvoir exécutif en procédant si nécessaire à leur réorganisation en liaison avec les Nations unies. Les Nations unies doivent piloter ce processus politique.
Troisième étape : il est nécessaire d'établir, toujours en liaison avec les Nations unies, un calendrier pour la tenue d'élections générales, la mise en place d'une assemblée constituante et d'un gouvernement démocratiquement élu et pleinement légitime.
Sur le plan économique, la reconstruction de l'Irak devra être assurée par les instances irakiennes chargées de l'administration provisoire du pays, et s'effectuer dans un cadre pleinement transparent, avec en particulier le contrôle de toutes les ressources financières par les autorités irakiennes. Cette reconstruction devrait être bien sûr soutenue par toute la communauté internationale à travers le mécanisme de la Conférence des donateurs à l'image de celle qui est prévue le 24 octobre à Madrid.
Sur le plan militaire, la mise en place d'une force multinationale devrait être décidée par le Conseil de sécurité qui en définirait le mandat mais aussi les missions et prévoirait des rapports présentés régulièrement et fréquemment devant les Nations unies. Cette force multinationale devrait s'inscrire dans le cadre du retour de la souveraineté de l'Irak. Elle serait par conséquent au service des nouvelles autorités irakiennes. Nous voulons aborder la proposition de résolution qui a été déposée par les Etats-Unis dans un esprit ouvert, positif, constructif, en concertation avec l'ensemble de nos partenaires. C'est ce que nous avons fait au cours des derniers jours. Je rappelle que, pour la France, ce texte va dans le bon sens, mais qu'il ne prend pas en compte l'objectif prioritaire qui est le transfert de la responsabilité politique à un gouvernement irakien aussi rapidement que possible.
Notre responsabilité est donc bien, à ce stade, de sortir de l'ambiguïté, de trouver des solutions qui soient à la mesure des enjeux. Nous sommes convaincus que notre destin commun se joue en Irak, destin qui suppose que personne ne s'en désintéresse, que personne ne se sente à l'écart des évolutions en cours. Nous sommes engagés par ce qui se passe en Irak, nous sommes tous concernés, et la volonté de la communauté internationale, l'unité de la communauté internationale doit bien sûr être fortement marquée. Mais nous devons être lucides, avoir la conviction qu'il convient de rendre au peuple irakien la responsabilité première dans toute recherche de sortie de crise.
Un mot encore pour revenir sur le processus de paix : dans la situation difficile que connaît actuellement le Proche-Orient, il importe bien sûr d'être en initiative, et nous pensons que l'Union européenne a une responsabilité particulière et doit prendre toute sa place dans ces initiatives, qu'il s'agisse d'être pleinement associée au mécanisme de supervision qui a été défini et qui prend en compte les seuls Etats-Unis aujourd'hui, qu'il s'agisse de considérer de nouvelles possibilités d'actions telles que par exemple la Conférence internationale que nous avons évoquée de nouveau aujourd'hui, telles que par exemple les élections palestiniennes. Seules véritablement des actions fortes de ce type sont susceptibles de remobiliser l'ensemble des peuples de la région, comme cela pourrait être le cas d'une force qui pourrait se déployer sur place.
Ce sont là évidemment des pistes de travail, mais nous voyons bien que c'est toute la communauté internationale qui est concernée et l'Union européenne a, dans notre esprit à tous, une responsabilité particulièrement grande.
Q - Est-ce que vous n'avez pas peur que la décision d'inclure le Hamas dans la liste des organisations terroristes déclenche...
R - Cette décision doit bien sûr être vue - et c'est le sens de la réflexion qui a été menée aujourd'hui - comme la marque très claire de la part de l'Union européenne de ne pas transiger sur le terrorisme. Elle concerne l'organisation politique du Hamas. Les comités de soutien, les individus sont évidemment un autre sujet.
Si nous voulons adresser un message clair, je crois que cette décision doit concerner la branche militaire et la branche politique du Hamas. Il convient de le faire dans le cadre d'une démarche politique - et c'est bien ce que je vous ai dit tout à l'heure - d'une volonté politique de relancer ce processus, d'engager chacun et l'ensemble des parties, et c'est pour cela qu'en même temps il est important que les Israéliens avancent, tirent les conclusions pour ce qui les concerne. Il ne s'agit pas d'une mesure simplement ponctuelle. Il s'agit véritablement de mettre le poids de l'Union européenne dans les négociations de paix et d'avancer donc plus rapidement.
Q - Pour revenir à la CIG, à la fin de la Convention, vous avez dit que pour vous il y a des points très importants, comme la culture, l'agriculture. Est-ce qu'il n'y a plus d'agenda français ? Tout est réglé ?
R - Nous avons eu l'occasion de dire que ce projet prenait en compte les exigences les plus importantes pour nous et qu'il représentait en particulier une haute ambition pour l'Europe. A partir de là, bien sûr, il y a un certain nombre de demandes françaises qui sont à apprécier dans le cadre de la Conférence intergouvernementale. Et, au vu de cette conférence, nous serons amenés à préciser les points sur lesquels nous voulons d'éventuelles modifications. Mais je le rappelle, ce projet satisfait pour l'essentiel nos revendications et nous serons amenés à faire des propositions dans le cadre du débat et en particulier pour les points qui manquent de clarté encore aujourd'hui, qui méritent d'être précisés ou pour les points qui n'ont pas été suffisamment abordés par la Convention. Mais pour ce qui constitue les grands choix de la Convention, je pense en particulier aux choix dans le domaine institutionnel, pour les choix qui ont été clairement marqués, qui ont fait l'objet de nombreux débats, je crois qu'il est très important d'avoir une approche, une méthode qui permette d'éviter de déconstruire ce qui a été fait jusqu'à maintenant par la Convention, parce que ce serait alors prendre le risque de tout défaire ; si chacun rouvre cette Conférence intergouvernementale avec 10 % de revendications nouvelles, il y a alors le risque de se retrouver devant une texte très brouillé.
Q - (A propos de la réforme de la Commission européenne)
R - Je pense que la Convention est arrivée à des propositions sages et équilibrées sur ce sujet. Si le sujet doit donc être abordé de nouveau, il est important que ce soit fait sur des bases constructives. Si c'est pour rouvrir un débat qui ne conduise à aucune solution, alors je crois que nous serons très vite dans une impasse. Une fois de plus, ce qui nous paraît important à ce stade - ne préjugeons pas des sujets qui pourraient être discutés ou pas - c'est d'aborder cette étape dans un esprit constructif, avec un mode opératoire. Aujourd'hui, je crois que la détermination de la présidence italienne, la clarté avec laquelle se sont exprimés les uns et les autres et le souci marqué par chacun des pays d'essayer d'avancer dans ce sens là me paraît, de bon augure. Mais une fois de plus, tout l'art dans ce domaine est d'exécution. Si nous voulons véritablement avancer, nous devons garder en tête la nécessité de respecter un certain nombre d'équilibres et si nous voulons leur substituer de nouvelles propositions, il faut le faire évidemment avec les bases d'un consensus.
Q - (Concernant les positions de la France et du Royaume-Uni sur l'Irak)
R - Je crois que nous partageons beaucoup de préoccupations et que les objectifs des uns et des autres sont très largement convergents. Dans le cadre des conversations que nous avons actuellement aux Nations unies, nous allons faire en sorte de pouvoir déboucher sur des propositions concrètes, constructives, et je l'imagine ou je l'espère, acceptables par les uns et par les autres. Le but, vous le voyez bien, c'est d'essayer de sortir de cette situation où la violence mène le jeu. Si nous voulons essayer d'enrayer cela, il faut que nous affirmions très clairement un changement d'approche qui mette les Irakiens au coeur de toute recherche de solution.
Q - Concernant le Hamas ? Est-ce que ça veut dire clairement que la France a accepté le classement comme organisation terroriste ?
R - Un comité de soutien aux Palestiniens existe dans notre pays, les enquêtes que nous avons faites n'ont pu établir à ce stade aucune responsabilité de sa part. Nous continuons à travailler en relation avec nos partenaires. Si nous avions la moindre indication sur un lien entre cette association et le terrorisme, nous en tirerions bien sûr toutes les conclusions.
Q Un gouvernement affaibli dans le cadre de cette CIG... La France se place-t-elle au-dessus de ces contingences européennes ?
R - Non. Là je vous laisse la libre appréciation sur cela. Je crois que ce n'est pas du tout conforme à la démarche française. Il y a des objectifs, qui sont ceux du Pacte de stabilité et de croissance, que nous voulons bien évidemment honorer, nous avons aussi des contraintes, et nous souhaitons donc le faire en prenant en compte ces contraintes. Vous connaissez notre situation difficile sur le plan financier et budgétaire, il nous faut essayer de prendre en compte des principes qui ne sont pas faciles à faire coïncider. L'objectif n'est pas négociable, mais à partir de là nous devons essayer de faire cela dans le cadre de notre calendrier. Je crois que la plupart des pays comprennent cette démarche. Nous ne sommes pas seuls dans cette situation. Bien évidemment, à aucun moment il n'est question de remettre en cause l'engagement européen de la France, et pour la CIG, je crois que les positions et les propositions françaises sont bien comprises et partagées par de nombreux partenaires. Par conséquent il n'y a aucun affaiblissement, à aucun moment. Les mots du Premier ministre sont les miens puisque j'appartiens à son gouvernement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 09 septembre 2003)
Je dirai d'abord deux mots des deux sujets que nous avons abordés hier, d'abord concernant la stratégie de sécurité et puis sur la Conférence intergouvernementale.
Sur la sécurité, Javier Solana a fait le point sur la méthode qu'il compte suivre et lancé des pistes de réflexion qu'il va approfondir cet automne. L'important me paraît être le bon équilibre à trouver entre les menaces auxquelles nos pays sont confrontés. Je pense à des menaces de prolifération et à l'inquiétude que ressentent nos concitoyens devant celles qui sont directement sensibles comme le terrorisme ou le crime organisé. Je crois qu'il y a une autre dimension qui ne doit pas être oubliée dans cette réflexion, dans cette stratégie sur la sécurité, c'est le fait que l'Union ne réagit pas seulement à des menaces qui la visent mais qu'elle est aussi porteuse d'une certaine conception du monde et de la paix internationale. Il est donc important que, dans cette stratégie, se reflètent bien notre vision et la nécessité d'un renforcement de nos capacités pour faire face à ces différentes menaces.
En ce qui concerne la Conférence intergouvernementale, il s'agit de définir à la fois l'esprit et la méthode avec lesquels nous allons travailler. Je tiens à dire que l'échange approfondi que nous avons eu a été je crois particulièrement fructueux. Les propositions de Franco Frattini et les indications et contacts qu'il a pu avoir au cours de l'été ont permis de dessiner les bases de ce que devrait être cette Conférence intergouvernementale (CIG). Nous souhaitons une CIG qui puisse être courte même s'il faut donner le temps au travail et à la réflexion, aux discussions au niveau politique, au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement ainsi qu'au niveau des ministres. Sont également importantes l'invitation à titre d'observateurs des trois pays candidats et des représentants du Parlement européen et, c'est le principe fondamental, la nécessité de s'écarter le moins possible de ce que nous avons comme base de travail, c'est-à-dire le projet de Constitution élaboré par la Convention. Nous sommes tous conscients de l'importance des enjeux de cette Conférence intergouvernementale, nous avons tous, les uns et les autres, et chacun l'a rappelé hier, un certain nombre de points qui sont importants pour nos différents pays mais il faut que nous prenions la mesure des difficultés de cette dernière phase ; par conséquent, le principe qui a été avancé par les uns et par les autres est que tout pays qui voudra modifier l'équilibre consensuel trouvé par la Convention devra permettre de dégager un nouveau consensus et donc substituer à une proposition une autre proposition de façon à éviter que nous ne "détricotions" peu à peu ce projet.
Il est donc très important d'aborder cette étape dans un esprit constructif et de faire en sorte que nous puissions avancer. Alors il y a un certain nombre de points dans ce projet qui méritent d'être clarifiés, d'être complétés, je pense par exemple au statut du ministre des Affaires étrangères. Sur tous ces points, il faudra avancer vite et pour le reste faire preuve de réalisme, même si chacun souhaite que le texte soit le meilleur possible, et donc avancer à pas comptés, en faisant en sorte qu'à chaque proposition existante puisse correspondre une nouvelle proposition bénéficiant d'un consensus commun.
S'agissant du Proche Orient, chacun d'entre nous regrette la décision du Premier ministre palestinien de démissionner et souhaite évidemment qu'elle puisse être rapportée. Je crois que la situation sur le terrain et la reprise des violences ne font évidemment qu'accroître notre sentiment d'inquiétude. Il n'y a pas, et c'est la conviction commune, d'alternative à la Feuille de route et pour cela il faut donc sans tarder reprendre l'initiative et éviter l'écueil de croire que la solution sécuritaire est la seule qui puisse permettre véritablement de répondre aux difficultés de la région. Bien sûr, la lutte contre le terrorisme est nécessaire et il revient aux Palestiniens de prendre en charge cette lutte, de prendre l'ensemble des décisions qui sont nécessaires, d'adopter et de faire les choix indispensables. L'Union européenne agit de son côté avec ses procédures contre le terrorisme. Elle avait demandé au Hamas à Thessalonique d'observer un cessez-le-feu et nous avons souhaité en tirer toutes les conséquences à la suite de l'attentat de Jérusalem. En conséquence, un consensus s'est exprimé pour décider l'inscription du Hamas sur la liste des organisations terroristes. Mais ceci, et la France a insisté, doit se situer dans le cadre d'une reprise d'initiatives, d'une démarche forte et volontariste de la part de la communauté internationale. Il nous faut donc une démarche politique volontaire. C'est pourquoi nous voulons demander avec force à Israël de s'engager pleinement dans la mise en uvre de la Feuille de route avec des gestes concrets, qu'il s'agisse de l'arrêt de la colonisation, de la construction du mur selon un tracé qui préjuge de décisions politiques, et de la même façon, nous voulons que le message adressé au Hamas, la décision que nous voulons prendre puisse être bien comprise comme la marque de la détermination de l'Union européenne. J'ai donc proposé qu'on précise bien les règles qu'on entend appliquer, les conditions auxquelles nous pourrions revenir, si cela était possible, sur cette décision, préciser nos attentes, c'est-à-dire la renonciation à la violence et au terrorisme. Cela doit être un message bien compris par le Hamas.
En ce qui concerne l'Irak, chacun de nos Etats voit bien la situation difficile dans laquelle est plongée la région. J'ai rappelé la position de la France selon laquelle seule une approche fondée sur l'exigence politique, sur un processus politique fort, peut être susceptible d'inverser la situation et de ramener une stabilité. La réponse doit donc être politique. Le rétablissement de la souveraineté irakienne doit être le point de départ et non le point d'arrivée de la communauté internationale.
Ce changement de logique et de cadre juridique doivent s'organiser de trois manières : sur le plan politique d'abord nous pourrions agir en plusieurs étapes, faire des instances irakiennes le dépositaire provisoire de la souveraineté irakienne, ce qui veut dire trouver une bonne articulation entre le Conseil de gouvernement et le Conseil des ministres.
Deuxième étape : il faudrait confier à ces instances la réalité du pouvoir exécutif en procédant si nécessaire à leur réorganisation en liaison avec les Nations unies. Les Nations unies doivent piloter ce processus politique.
Troisième étape : il est nécessaire d'établir, toujours en liaison avec les Nations unies, un calendrier pour la tenue d'élections générales, la mise en place d'une assemblée constituante et d'un gouvernement démocratiquement élu et pleinement légitime.
Sur le plan économique, la reconstruction de l'Irak devra être assurée par les instances irakiennes chargées de l'administration provisoire du pays, et s'effectuer dans un cadre pleinement transparent, avec en particulier le contrôle de toutes les ressources financières par les autorités irakiennes. Cette reconstruction devrait être bien sûr soutenue par toute la communauté internationale à travers le mécanisme de la Conférence des donateurs à l'image de celle qui est prévue le 24 octobre à Madrid.
Sur le plan militaire, la mise en place d'une force multinationale devrait être décidée par le Conseil de sécurité qui en définirait le mandat mais aussi les missions et prévoirait des rapports présentés régulièrement et fréquemment devant les Nations unies. Cette force multinationale devrait s'inscrire dans le cadre du retour de la souveraineté de l'Irak. Elle serait par conséquent au service des nouvelles autorités irakiennes. Nous voulons aborder la proposition de résolution qui a été déposée par les Etats-Unis dans un esprit ouvert, positif, constructif, en concertation avec l'ensemble de nos partenaires. C'est ce que nous avons fait au cours des derniers jours. Je rappelle que, pour la France, ce texte va dans le bon sens, mais qu'il ne prend pas en compte l'objectif prioritaire qui est le transfert de la responsabilité politique à un gouvernement irakien aussi rapidement que possible.
Notre responsabilité est donc bien, à ce stade, de sortir de l'ambiguïté, de trouver des solutions qui soient à la mesure des enjeux. Nous sommes convaincus que notre destin commun se joue en Irak, destin qui suppose que personne ne s'en désintéresse, que personne ne se sente à l'écart des évolutions en cours. Nous sommes engagés par ce qui se passe en Irak, nous sommes tous concernés, et la volonté de la communauté internationale, l'unité de la communauté internationale doit bien sûr être fortement marquée. Mais nous devons être lucides, avoir la conviction qu'il convient de rendre au peuple irakien la responsabilité première dans toute recherche de sortie de crise.
Un mot encore pour revenir sur le processus de paix : dans la situation difficile que connaît actuellement le Proche-Orient, il importe bien sûr d'être en initiative, et nous pensons que l'Union européenne a une responsabilité particulière et doit prendre toute sa place dans ces initiatives, qu'il s'agisse d'être pleinement associée au mécanisme de supervision qui a été défini et qui prend en compte les seuls Etats-Unis aujourd'hui, qu'il s'agisse de considérer de nouvelles possibilités d'actions telles que par exemple la Conférence internationale que nous avons évoquée de nouveau aujourd'hui, telles que par exemple les élections palestiniennes. Seules véritablement des actions fortes de ce type sont susceptibles de remobiliser l'ensemble des peuples de la région, comme cela pourrait être le cas d'une force qui pourrait se déployer sur place.
Ce sont là évidemment des pistes de travail, mais nous voyons bien que c'est toute la communauté internationale qui est concernée et l'Union européenne a, dans notre esprit à tous, une responsabilité particulièrement grande.
Q - Est-ce que vous n'avez pas peur que la décision d'inclure le Hamas dans la liste des organisations terroristes déclenche...
R - Cette décision doit bien sûr être vue - et c'est le sens de la réflexion qui a été menée aujourd'hui - comme la marque très claire de la part de l'Union européenne de ne pas transiger sur le terrorisme. Elle concerne l'organisation politique du Hamas. Les comités de soutien, les individus sont évidemment un autre sujet.
Si nous voulons adresser un message clair, je crois que cette décision doit concerner la branche militaire et la branche politique du Hamas. Il convient de le faire dans le cadre d'une démarche politique - et c'est bien ce que je vous ai dit tout à l'heure - d'une volonté politique de relancer ce processus, d'engager chacun et l'ensemble des parties, et c'est pour cela qu'en même temps il est important que les Israéliens avancent, tirent les conclusions pour ce qui les concerne. Il ne s'agit pas d'une mesure simplement ponctuelle. Il s'agit véritablement de mettre le poids de l'Union européenne dans les négociations de paix et d'avancer donc plus rapidement.
Q - Pour revenir à la CIG, à la fin de la Convention, vous avez dit que pour vous il y a des points très importants, comme la culture, l'agriculture. Est-ce qu'il n'y a plus d'agenda français ? Tout est réglé ?
R - Nous avons eu l'occasion de dire que ce projet prenait en compte les exigences les plus importantes pour nous et qu'il représentait en particulier une haute ambition pour l'Europe. A partir de là, bien sûr, il y a un certain nombre de demandes françaises qui sont à apprécier dans le cadre de la Conférence intergouvernementale. Et, au vu de cette conférence, nous serons amenés à préciser les points sur lesquels nous voulons d'éventuelles modifications. Mais je le rappelle, ce projet satisfait pour l'essentiel nos revendications et nous serons amenés à faire des propositions dans le cadre du débat et en particulier pour les points qui manquent de clarté encore aujourd'hui, qui méritent d'être précisés ou pour les points qui n'ont pas été suffisamment abordés par la Convention. Mais pour ce qui constitue les grands choix de la Convention, je pense en particulier aux choix dans le domaine institutionnel, pour les choix qui ont été clairement marqués, qui ont fait l'objet de nombreux débats, je crois qu'il est très important d'avoir une approche, une méthode qui permette d'éviter de déconstruire ce qui a été fait jusqu'à maintenant par la Convention, parce que ce serait alors prendre le risque de tout défaire ; si chacun rouvre cette Conférence intergouvernementale avec 10 % de revendications nouvelles, il y a alors le risque de se retrouver devant une texte très brouillé.
Q - (A propos de la réforme de la Commission européenne)
R - Je pense que la Convention est arrivée à des propositions sages et équilibrées sur ce sujet. Si le sujet doit donc être abordé de nouveau, il est important que ce soit fait sur des bases constructives. Si c'est pour rouvrir un débat qui ne conduise à aucune solution, alors je crois que nous serons très vite dans une impasse. Une fois de plus, ce qui nous paraît important à ce stade - ne préjugeons pas des sujets qui pourraient être discutés ou pas - c'est d'aborder cette étape dans un esprit constructif, avec un mode opératoire. Aujourd'hui, je crois que la détermination de la présidence italienne, la clarté avec laquelle se sont exprimés les uns et les autres et le souci marqué par chacun des pays d'essayer d'avancer dans ce sens là me paraît, de bon augure. Mais une fois de plus, tout l'art dans ce domaine est d'exécution. Si nous voulons véritablement avancer, nous devons garder en tête la nécessité de respecter un certain nombre d'équilibres et si nous voulons leur substituer de nouvelles propositions, il faut le faire évidemment avec les bases d'un consensus.
Q - (Concernant les positions de la France et du Royaume-Uni sur l'Irak)
R - Je crois que nous partageons beaucoup de préoccupations et que les objectifs des uns et des autres sont très largement convergents. Dans le cadre des conversations que nous avons actuellement aux Nations unies, nous allons faire en sorte de pouvoir déboucher sur des propositions concrètes, constructives, et je l'imagine ou je l'espère, acceptables par les uns et par les autres. Le but, vous le voyez bien, c'est d'essayer de sortir de cette situation où la violence mène le jeu. Si nous voulons essayer d'enrayer cela, il faut que nous affirmions très clairement un changement d'approche qui mette les Irakiens au coeur de toute recherche de solution.
Q - Concernant le Hamas ? Est-ce que ça veut dire clairement que la France a accepté le classement comme organisation terroriste ?
R - Un comité de soutien aux Palestiniens existe dans notre pays, les enquêtes que nous avons faites n'ont pu établir à ce stade aucune responsabilité de sa part. Nous continuons à travailler en relation avec nos partenaires. Si nous avions la moindre indication sur un lien entre cette association et le terrorisme, nous en tirerions bien sûr toutes les conclusions.
Q Un gouvernement affaibli dans le cadre de cette CIG... La France se place-t-elle au-dessus de ces contingences européennes ?
R - Non. Là je vous laisse la libre appréciation sur cela. Je crois que ce n'est pas du tout conforme à la démarche française. Il y a des objectifs, qui sont ceux du Pacte de stabilité et de croissance, que nous voulons bien évidemment honorer, nous avons aussi des contraintes, et nous souhaitons donc le faire en prenant en compte ces contraintes. Vous connaissez notre situation difficile sur le plan financier et budgétaire, il nous faut essayer de prendre en compte des principes qui ne sont pas faciles à faire coïncider. L'objectif n'est pas négociable, mais à partir de là nous devons essayer de faire cela dans le cadre de notre calendrier. Je crois que la plupart des pays comprennent cette démarche. Nous ne sommes pas seuls dans cette situation. Bien évidemment, à aucun moment il n'est question de remettre en cause l'engagement européen de la France, et pour la CIG, je crois que les positions et les propositions françaises sont bien comprises et partagées par de nombreux partenaires. Par conséquent il n'y a aucun affaiblissement, à aucun moment. Les mots du Premier ministre sont les miens puisque j'appartiens à son gouvernement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 09 septembre 2003)