Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Délégué général du Québec,
Monsieur le Conseiller,
Monsieur le Producteur délégué
Mesdames et Messieurs les membres de l'ICAF
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de pouvoir participer aujourd'hui à la conclusion des travaux du 5ème Conseil international du magazine télévisé "Espace francophone" et de prendre part au débat sur le thème "Coopération décentralisée, médias et Francophonie".
Avant d'en venir au sujet lui-même, permettez-moi toutefois de dire quelques mots du magazine "Espace francophone". C'est en effet à son producteur délégué, M. Dominique Gallet, que nous devons l'initiative de ces journées qui nous réunissent dans ce département des Côtes d'Armor.
Depuis plus de 15 ans, le magazine télévisé "Espace francophone" défend et illustre les valeurs qui fondent la communauté francophone, tout en sachant mettre en évidence les identités propres de ses membres. Diversité dans le respect des valeurs universelles : telle est bien la spécificité de la Francophonie.
Sur tous les continents, grâce à l'image, des millions de téléspectateurs sont ainsi sensibilisés aux coutumes, aux modes de vie, au fonctionnement social et économique des pays francophones.
Nous sommes là, je crois, au coeur de ce qu'attendent les francophones de notre production et de notre Coopération audiovisuelle : une fonction de trait d'union entre des pays qui se rapprochent et souhaitent acquérir entre eux une familiarité réelle. L'efficacité de l'image est là : elle rend proche ce qui était lointain. "Espace francophone" y ajoute sa qualité d'écriture, une simplicité, une immédiateté, un tutoiement sincère et convaincant des réalités francophones, qui sont la clé de son succès.
Il restera probablement à élargir la thématique de cette émission, notamment à la vie économique, aux nouveaux enjeux technologiques, qui vous le savez tous sont une préoccupation unanimement partagée par vos pays et par les jeunes. Eux souhaitent en effet comprendre le monde tel qu'il va et en déchiffrer les règles parce qu'ils y entrent.
Veillant à la couverture quotidienne des grands événements de la Francophonie, "Espace Francophone", via TV5, CFI et RFO, offre aussi dans le monde entier, les moments forts de la vie de notre communauté. Je veux parler des sommets francophones bien sûr, mais aussi des Jeux de la Francophonie, du FESPACO de Ouagadougou ou du MASA, Marché des entreprises et des spectacles d'Abidjan, pour ne citer que ceux-ci parmi les grands événements culturels de l'espace francophone.
Il n'est donc pas étonnant que les télévisions africaines, parmi les programmes que leur fournit CFI, choisissent, chaque semaine, de diffuser "Espace francophone". Elles y retrouvent une sensibilité à leur culture, puisque de nombreuses émissions sont consacrées aux pays francophones d'Afrique, ainsi qu'une ouverture sur l'ensemble du monde. Cette fonction de trait d'union, j'y reviens ici pour vous demander de veiller d'autant plus au rôle de votre émission dans la production d'images faites au Sud et par des professionnels du Sud, car c'est aussi ce que nous attendons tous de notre Coopération audiovisuelle francophone.
C'est par cet échange télévisuel entre le Nord et le Sud - que le magazine "Espace francophone" atteint le mieux son objectif de transmission planétaire de l'esprit francophone. Je souhaite que cet aspect du projet d'"Espace francophone" demeure et, même, qu'il s'accentue. Il y a là, je le répète une attente forte de tous nos partenaires qu'on ne peut esquiver : la France, attachée à l'exception culturelle, ne saurait faire directement partager son point de vue par ces partenaires de la Francophonie, si les plus démunis d'entre eux dans la compétition audiovisuelle n'avaient pas le sentiment concret que la Coopération francophone leur permet d'accéder à l'espace audiovisuel international.
J'observe d'autre part que ces liens empruntent dorénavant les voies des plus récents développement technologiques. Là encore, l'ICAF n'est pas en reste puisque par son initiative, la découverte de la Francophonie peut se faire par le truchement des CD Roms et par la Banque audiovisuelle francophone qui va permettre de mettre en ligne le riche ensemble formé des centaines d'émissions du magazine.
Chers amis d'"Espace francophone", je sais que les années 1996 et 1997 ont été, pour vous, budgétairement difficiles et je me félicite de la décision de TV5 et de CFI à laquelle nous nous sommes associés, pour en débattre d'abord, et pour nous convaincre ensuite, avec ces opérateurs, d'acheter l'ensemble des droits de diffusion de vos émissions. Je crois savoir que grâce à cela le "Conseil international de coproduction" qui nous a réuni a pu avoir lieu.
Il s'agit d'une bonne décision et d'ailleurs, sinon... nous ne l'aurions pas prise. Je vous rends toutefois attentifs au fait que l'avoir prise pour éviter que cette émission ne disparaisse, ne doit pas vous faire éluder la raison de notre relative prudence : comme toujours, les pouvoirs publics ont à faire des choix, et ils sont de plus en plus difficiles à faire. Aujourd'hui, on ne peut plus être simplement bons, il faut être excellents pour convaincre, mobiliser des financements, gagner dans la durée. Je souhaite vraiment qu'avec vous nous continuions a avoir ce débat et je ne souhaite pas que cette heureuse réunion en masque la nécessité et la complexité. Nous le conduirons conjointement et nous veillerons à la réussite du pari que nous avons pris ensemble.
Je souhaiterais maintenant revenir sur votre discussion de ce matin et en particulier sur le lien entre la Coopération décentralisée, les médias et la Francophonie. Ce lien ne va pas de soi, il faut bien le dire. Mais je me réjouis que nous abordions la question, tant les médias et les collectivités décentralisées jouent, chacun pour ce qui les concerne, un rôle essentiel dans le développement de la Francophonie.
Celle-ci n'a pas d'abord été le fait des Etats, mais celui de nombreuses associations et ONG, qui ont mobilisé pour elle, au Québec, en Belgique, en France, et dans beaucoup d'endroits, des acteurs venant des horizons les plus divers. Ces ONG ont lancé des coopérations, des actes de solidarité. Elles ont surtout lancé de grandes idées (de dialogue et métissage des cultures, d'humanisme, de respect des diversités dans l'unité, de dignité égale des peuples) qui ont été reprises par les gouvernements et les instances de la Francophonie institutionnelle telle qu'elle s'est développée, depuis 1970 avec la création de l'ACCT et surtout depuis 1986, date du premier Sommet francophone, origine d'une évolution qui a connu son point d'orgue avec le Sommet de novembre 1997 à Hanoi.
Mais, s'il est bon que les Etats aient pris le relais, apportant leurs moyens propres, il ne faudrait pas que leur action étouffe celle des acteurs de la société civile. Ce n'est d'ailleurs pas le cas, et je m'en réjouis vivement. En France, en tous cas, non seulement les associations - qui forment le tissu vivant de notre Francophonie - sont de plus en plus nombreuses, mais un nouvel acteur essentiel s'est manifesté avec une vigueur croissante dans la période récente, grâce aux lois de 1982 et surtout de 92 et 95, sur la décentralisation : je veux parler des collectivités locales et départements, et aussi des régions.
J'observe d'autre part qu'en Afrique s'annonce désormais une décentralisation, rendue possible par l'approfondissement de la démocratie, qui peut à son tour en être confortée. Le mouvement sera lent, ponctué peut-être de coups d'arrêt, voire de reculs, mais il me paraît essentiel de réfléchir aux mesures permettant de le soutenir. Car la décentralisation est une école de la démocratie, qui permet de faire émerger des élites nouvelles transcendant des clivages partisans souvent plaqués sur une réalité africaine qui leur demeure nouvelle.
Cette évolution ouvre de nouvelles perspectives à la Coopération décentralisée, au suivi de l'univers francophone. Comme vous le voyez, il ne s'agit pas seulement, loin de là, de pallier les difficultés financières des Etats, en période de budgets contraints, par l'appel à d'autres ressources budgétaires.
La Coopération décentralisée contribue aussi au développement d'une Francophonie populaire sans laquelle notre Francophonie ne reposerait pas sur des bases solides. Ce n'est pas ici le lieu d'aborder ce sujet, mais sachez que j'y attache pour ma part une grande importance.
Du reste, l'émergence des acteurs décentralisés dans notre Coopération francophone n'est que l'une des manifestations, particulièrement importantes il est vrai, du poids croissant de la société civile dans cette Coopération. Je veux parler des syndicats, des organisations professionnelles. Les problématiques sont identiques au progrès de la démocratie à partir de la base, de l'assise de notre communauté francophone s'élargissant.
Si j'introduis ces dimensions, qui en fait débordent le cadre du débat de ce matin, c'est parce que nous rejoignons l'autre volet de notre réflexion : les médias, et plus spécialement les nouveaux médias.
C'est la notion de réseau qui nous fournit une clé pour la réflexion sur les rapports entre médias et Coopération décentralisée.
La notion est consubstantielle aux nouveaux médias, aux NTIC - nouvelles technologies de l'information et de la communication - comme l'on dit.
La constitution de réseaux est par ailleurs une aspiration constante des collectivités décentralisées. Et, à cet égard, on voit le profit qu'elles peuvent tirer de l'utilisation de nouveau médias, à commencer, tout simplement, par Internet. Qu'il s'agisse de la constitution de bases de données, qui peuvent être créées (et consultées) par des adhérents géographiquement dispersés, à un coût très inférieur à celui de vastes systèmes centraux, avec les possibilités d'actualisation permanente des données propre à l'informatique, qu'il s'agisse de la mise en place de formes d'échanges, fondées sur une communication instantanée, on mesure bien l'intérêt de cet outil pour tous ceux qui sont engagés dans des Coopérations décentralisées.
Bien entendu, l'apport des médias à la Coopération décentralisée ne peut aussi être de nature plus classique et le négliger sous prétexte de modernité serait une erreur.
Car la Francophonie souffre encore, singulièrement d'ailleurs en France, d'un manque d'intérêt de larges fractions de l'opinion publique, pas toujours consciente des enjeux pour notre pays. La Francophonie souffre en effet, d'une image un peu passéiste, voire, osons le mot, ringarde. Les médias peuvent contribuer à la corriger.
Cela suppose, certes, qu'eux-mêmes soient sensibilisés, mais le moment est favorable, après "le coup de projecteur" qu'a constitué le Sommet de Hanoï, grâce à la décision de rénover et simplifier les institutions francophones, notamment en nommant un Secrétaire général, grâce aussi au choix, avec M. Boutros-Ghali, d'une personnalité de grande envergure.
La Coopération décentralisée me paraît fournir des thèmes intéressants pour le grand public, parce qu'il s'agit de thèmes concrets, qui touchent à la vie quotidienne : ouverture de centres de santé primaire, mise en place d'un état civil en vue d'élections, creusement d'un puits, etc....
Ce que Poitiers ou Dinan fait avec le Vietnam, Lyon avec le Liban, Limoges avec son festival, La Rochelle avec le sien, tout cela est repris par les médias locaux.... Et cela à son tour, suscite des vocations d'individus, d'entreprises, de municipalités, d'associations, qui s'engagent, créent, agissent, prennent des initiatives en faveur de la Coopération décentralisée et de la construction de cette Francophonie des peuples, par-delà les frontières et que nous appelons de tous nos voeux...
Je me réjouis donc que des réunions comme celles-ci se tiennent dorénavant en région et non plus à Paris, et notamment dans cette belle ville de Dinan, ville qui m'est particulièrement chère, ville d'Auguste Pavie dont nous avons fêté, l'an dernier le cent-cinquantième anniversaire de la naissance. Auguste Pavie, qui en habituant Dinan à travailler avec le Vietnam, le Cambodge et le Laos, a contribué avant l'heure à ce que nous appelons aujourd'hui la Coopération décentralisée.
Cela étant, utiliser les potentialités que les médias représentent pour la Francophonie, et tout spécialement pour la Coopération décentralisée en Francophonie implique une véritable stratégie de la communication. Pour la définir et la mettre en oeuvre le nouveau Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, a naturellement un rôle important à jouer. Les Etats, de leur côté, qui sont les principaux acteurs de la solidarité francophone, doivent, en faisant converger leurs coopérations bilatérales et en mettant celles-ci plus en synergie avec la Coopération multilatérale francophone, attirer ensemble l'attention du public sur ce qu'ils réalisent en commun, et sur ce que les collectivités locales et les ONG de leurs pays réalisent, bâtissent, en commun, d'une manière décentralisée.
Nous devons aussi, me semble-t-il, avec l'Agence de la Francophonie, et l'ensemble de nos partenaires, avec les associations telle l'UIJPLF, organiser ensemble une meilleure sensibilisation et mobilisation de nos médias régionaux et locaux, notamment de la presse écrite, pour que, soutenus par les collectivités territoriales, ils travaillent en réseau afin d'aider les médias du Sud à se développer. Ce qui se fait dans le domaine de la presse rurale et des radios locales, avec l'Agence et le SYFIA (Système francophone d'information agricole), et qui est déjà important, doit être développé fortement dans ce cadre.
Telles ont les réflexions que j'entendais partager avec vous ce matin. Démocratie et réseau sont les traits d'union entre les médias et la Coopération décentralisée auxquels nous nous intéressons ce matin. Médias et Coopération décentralisée peuvent être des outils très efficaces de promotion de la démocratie. Ils le seront d'autant plus qu'ils seront organisés en réseaux par-delà les frontières et les continents, pour le plus grand bénéfice de notre Coopération francophone.
Mon propos ne pouvait naturellement être exhaustif, ni même conclusif. Mais un débat s'est engagé, que nous approfondirons.
Je tiens donc à remercier ceux qui ont oeuvré à la réussite de ces journées. Dominique Gallet, tout d'abord, producteur délégué d'"Espace francophone", qui en a eu l'idée initiale, et qui a proposé de tenir la réunion de l'ICAF sur le terrain, dans un Département qui m'est cher, puisque j'en ai présidé le Conseil général pendant 21 années, et qui, je crois pouvoir le dire, a joué un rôle pionnier dans le développement de la Coopération décentralisée.
Je remercie également le Conseil régional et le Conseil général, les villes de Dinan et Saint-Malo, ou ses représentants. Permettez-moi, enfin de saluer Michel Lucier, dont nous étions hier soir les invités.
Merci donc, et au revoir, car cette réunion marque seulement la première étape de notre réflexion./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2001)
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Délégué général du Québec,
Monsieur le Conseiller,
Monsieur le Producteur délégué
Mesdames et Messieurs les membres de l'ICAF
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de pouvoir participer aujourd'hui à la conclusion des travaux du 5ème Conseil international du magazine télévisé "Espace francophone" et de prendre part au débat sur le thème "Coopération décentralisée, médias et Francophonie".
Avant d'en venir au sujet lui-même, permettez-moi toutefois de dire quelques mots du magazine "Espace francophone". C'est en effet à son producteur délégué, M. Dominique Gallet, que nous devons l'initiative de ces journées qui nous réunissent dans ce département des Côtes d'Armor.
Depuis plus de 15 ans, le magazine télévisé "Espace francophone" défend et illustre les valeurs qui fondent la communauté francophone, tout en sachant mettre en évidence les identités propres de ses membres. Diversité dans le respect des valeurs universelles : telle est bien la spécificité de la Francophonie.
Sur tous les continents, grâce à l'image, des millions de téléspectateurs sont ainsi sensibilisés aux coutumes, aux modes de vie, au fonctionnement social et économique des pays francophones.
Nous sommes là, je crois, au coeur de ce qu'attendent les francophones de notre production et de notre Coopération audiovisuelle : une fonction de trait d'union entre des pays qui se rapprochent et souhaitent acquérir entre eux une familiarité réelle. L'efficacité de l'image est là : elle rend proche ce qui était lointain. "Espace francophone" y ajoute sa qualité d'écriture, une simplicité, une immédiateté, un tutoiement sincère et convaincant des réalités francophones, qui sont la clé de son succès.
Il restera probablement à élargir la thématique de cette émission, notamment à la vie économique, aux nouveaux enjeux technologiques, qui vous le savez tous sont une préoccupation unanimement partagée par vos pays et par les jeunes. Eux souhaitent en effet comprendre le monde tel qu'il va et en déchiffrer les règles parce qu'ils y entrent.
Veillant à la couverture quotidienne des grands événements de la Francophonie, "Espace Francophone", via TV5, CFI et RFO, offre aussi dans le monde entier, les moments forts de la vie de notre communauté. Je veux parler des sommets francophones bien sûr, mais aussi des Jeux de la Francophonie, du FESPACO de Ouagadougou ou du MASA, Marché des entreprises et des spectacles d'Abidjan, pour ne citer que ceux-ci parmi les grands événements culturels de l'espace francophone.
Il n'est donc pas étonnant que les télévisions africaines, parmi les programmes que leur fournit CFI, choisissent, chaque semaine, de diffuser "Espace francophone". Elles y retrouvent une sensibilité à leur culture, puisque de nombreuses émissions sont consacrées aux pays francophones d'Afrique, ainsi qu'une ouverture sur l'ensemble du monde. Cette fonction de trait d'union, j'y reviens ici pour vous demander de veiller d'autant plus au rôle de votre émission dans la production d'images faites au Sud et par des professionnels du Sud, car c'est aussi ce que nous attendons tous de notre Coopération audiovisuelle francophone.
C'est par cet échange télévisuel entre le Nord et le Sud - que le magazine "Espace francophone" atteint le mieux son objectif de transmission planétaire de l'esprit francophone. Je souhaite que cet aspect du projet d'"Espace francophone" demeure et, même, qu'il s'accentue. Il y a là, je le répète une attente forte de tous nos partenaires qu'on ne peut esquiver : la France, attachée à l'exception culturelle, ne saurait faire directement partager son point de vue par ces partenaires de la Francophonie, si les plus démunis d'entre eux dans la compétition audiovisuelle n'avaient pas le sentiment concret que la Coopération francophone leur permet d'accéder à l'espace audiovisuel international.
J'observe d'autre part que ces liens empruntent dorénavant les voies des plus récents développement technologiques. Là encore, l'ICAF n'est pas en reste puisque par son initiative, la découverte de la Francophonie peut se faire par le truchement des CD Roms et par la Banque audiovisuelle francophone qui va permettre de mettre en ligne le riche ensemble formé des centaines d'émissions du magazine.
Chers amis d'"Espace francophone", je sais que les années 1996 et 1997 ont été, pour vous, budgétairement difficiles et je me félicite de la décision de TV5 et de CFI à laquelle nous nous sommes associés, pour en débattre d'abord, et pour nous convaincre ensuite, avec ces opérateurs, d'acheter l'ensemble des droits de diffusion de vos émissions. Je crois savoir que grâce à cela le "Conseil international de coproduction" qui nous a réuni a pu avoir lieu.
Il s'agit d'une bonne décision et d'ailleurs, sinon... nous ne l'aurions pas prise. Je vous rends toutefois attentifs au fait que l'avoir prise pour éviter que cette émission ne disparaisse, ne doit pas vous faire éluder la raison de notre relative prudence : comme toujours, les pouvoirs publics ont à faire des choix, et ils sont de plus en plus difficiles à faire. Aujourd'hui, on ne peut plus être simplement bons, il faut être excellents pour convaincre, mobiliser des financements, gagner dans la durée. Je souhaite vraiment qu'avec vous nous continuions a avoir ce débat et je ne souhaite pas que cette heureuse réunion en masque la nécessité et la complexité. Nous le conduirons conjointement et nous veillerons à la réussite du pari que nous avons pris ensemble.
Je souhaiterais maintenant revenir sur votre discussion de ce matin et en particulier sur le lien entre la Coopération décentralisée, les médias et la Francophonie. Ce lien ne va pas de soi, il faut bien le dire. Mais je me réjouis que nous abordions la question, tant les médias et les collectivités décentralisées jouent, chacun pour ce qui les concerne, un rôle essentiel dans le développement de la Francophonie.
Celle-ci n'a pas d'abord été le fait des Etats, mais celui de nombreuses associations et ONG, qui ont mobilisé pour elle, au Québec, en Belgique, en France, et dans beaucoup d'endroits, des acteurs venant des horizons les plus divers. Ces ONG ont lancé des coopérations, des actes de solidarité. Elles ont surtout lancé de grandes idées (de dialogue et métissage des cultures, d'humanisme, de respect des diversités dans l'unité, de dignité égale des peuples) qui ont été reprises par les gouvernements et les instances de la Francophonie institutionnelle telle qu'elle s'est développée, depuis 1970 avec la création de l'ACCT et surtout depuis 1986, date du premier Sommet francophone, origine d'une évolution qui a connu son point d'orgue avec le Sommet de novembre 1997 à Hanoi.
Mais, s'il est bon que les Etats aient pris le relais, apportant leurs moyens propres, il ne faudrait pas que leur action étouffe celle des acteurs de la société civile. Ce n'est d'ailleurs pas le cas, et je m'en réjouis vivement. En France, en tous cas, non seulement les associations - qui forment le tissu vivant de notre Francophonie - sont de plus en plus nombreuses, mais un nouvel acteur essentiel s'est manifesté avec une vigueur croissante dans la période récente, grâce aux lois de 1982 et surtout de 92 et 95, sur la décentralisation : je veux parler des collectivités locales et départements, et aussi des régions.
J'observe d'autre part qu'en Afrique s'annonce désormais une décentralisation, rendue possible par l'approfondissement de la démocratie, qui peut à son tour en être confortée. Le mouvement sera lent, ponctué peut-être de coups d'arrêt, voire de reculs, mais il me paraît essentiel de réfléchir aux mesures permettant de le soutenir. Car la décentralisation est une école de la démocratie, qui permet de faire émerger des élites nouvelles transcendant des clivages partisans souvent plaqués sur une réalité africaine qui leur demeure nouvelle.
Cette évolution ouvre de nouvelles perspectives à la Coopération décentralisée, au suivi de l'univers francophone. Comme vous le voyez, il ne s'agit pas seulement, loin de là, de pallier les difficultés financières des Etats, en période de budgets contraints, par l'appel à d'autres ressources budgétaires.
La Coopération décentralisée contribue aussi au développement d'une Francophonie populaire sans laquelle notre Francophonie ne reposerait pas sur des bases solides. Ce n'est pas ici le lieu d'aborder ce sujet, mais sachez que j'y attache pour ma part une grande importance.
Du reste, l'émergence des acteurs décentralisés dans notre Coopération francophone n'est que l'une des manifestations, particulièrement importantes il est vrai, du poids croissant de la société civile dans cette Coopération. Je veux parler des syndicats, des organisations professionnelles. Les problématiques sont identiques au progrès de la démocratie à partir de la base, de l'assise de notre communauté francophone s'élargissant.
Si j'introduis ces dimensions, qui en fait débordent le cadre du débat de ce matin, c'est parce que nous rejoignons l'autre volet de notre réflexion : les médias, et plus spécialement les nouveaux médias.
C'est la notion de réseau qui nous fournit une clé pour la réflexion sur les rapports entre médias et Coopération décentralisée.
La notion est consubstantielle aux nouveaux médias, aux NTIC - nouvelles technologies de l'information et de la communication - comme l'on dit.
La constitution de réseaux est par ailleurs une aspiration constante des collectivités décentralisées. Et, à cet égard, on voit le profit qu'elles peuvent tirer de l'utilisation de nouveau médias, à commencer, tout simplement, par Internet. Qu'il s'agisse de la constitution de bases de données, qui peuvent être créées (et consultées) par des adhérents géographiquement dispersés, à un coût très inférieur à celui de vastes systèmes centraux, avec les possibilités d'actualisation permanente des données propre à l'informatique, qu'il s'agisse de la mise en place de formes d'échanges, fondées sur une communication instantanée, on mesure bien l'intérêt de cet outil pour tous ceux qui sont engagés dans des Coopérations décentralisées.
Bien entendu, l'apport des médias à la Coopération décentralisée ne peut aussi être de nature plus classique et le négliger sous prétexte de modernité serait une erreur.
Car la Francophonie souffre encore, singulièrement d'ailleurs en France, d'un manque d'intérêt de larges fractions de l'opinion publique, pas toujours consciente des enjeux pour notre pays. La Francophonie souffre en effet, d'une image un peu passéiste, voire, osons le mot, ringarde. Les médias peuvent contribuer à la corriger.
Cela suppose, certes, qu'eux-mêmes soient sensibilisés, mais le moment est favorable, après "le coup de projecteur" qu'a constitué le Sommet de Hanoï, grâce à la décision de rénover et simplifier les institutions francophones, notamment en nommant un Secrétaire général, grâce aussi au choix, avec M. Boutros-Ghali, d'une personnalité de grande envergure.
La Coopération décentralisée me paraît fournir des thèmes intéressants pour le grand public, parce qu'il s'agit de thèmes concrets, qui touchent à la vie quotidienne : ouverture de centres de santé primaire, mise en place d'un état civil en vue d'élections, creusement d'un puits, etc....
Ce que Poitiers ou Dinan fait avec le Vietnam, Lyon avec le Liban, Limoges avec son festival, La Rochelle avec le sien, tout cela est repris par les médias locaux.... Et cela à son tour, suscite des vocations d'individus, d'entreprises, de municipalités, d'associations, qui s'engagent, créent, agissent, prennent des initiatives en faveur de la Coopération décentralisée et de la construction de cette Francophonie des peuples, par-delà les frontières et que nous appelons de tous nos voeux...
Je me réjouis donc que des réunions comme celles-ci se tiennent dorénavant en région et non plus à Paris, et notamment dans cette belle ville de Dinan, ville qui m'est particulièrement chère, ville d'Auguste Pavie dont nous avons fêté, l'an dernier le cent-cinquantième anniversaire de la naissance. Auguste Pavie, qui en habituant Dinan à travailler avec le Vietnam, le Cambodge et le Laos, a contribué avant l'heure à ce que nous appelons aujourd'hui la Coopération décentralisée.
Cela étant, utiliser les potentialités que les médias représentent pour la Francophonie, et tout spécialement pour la Coopération décentralisée en Francophonie implique une véritable stratégie de la communication. Pour la définir et la mettre en oeuvre le nouveau Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, a naturellement un rôle important à jouer. Les Etats, de leur côté, qui sont les principaux acteurs de la solidarité francophone, doivent, en faisant converger leurs coopérations bilatérales et en mettant celles-ci plus en synergie avec la Coopération multilatérale francophone, attirer ensemble l'attention du public sur ce qu'ils réalisent en commun, et sur ce que les collectivités locales et les ONG de leurs pays réalisent, bâtissent, en commun, d'une manière décentralisée.
Nous devons aussi, me semble-t-il, avec l'Agence de la Francophonie, et l'ensemble de nos partenaires, avec les associations telle l'UIJPLF, organiser ensemble une meilleure sensibilisation et mobilisation de nos médias régionaux et locaux, notamment de la presse écrite, pour que, soutenus par les collectivités territoriales, ils travaillent en réseau afin d'aider les médias du Sud à se développer. Ce qui se fait dans le domaine de la presse rurale et des radios locales, avec l'Agence et le SYFIA (Système francophone d'information agricole), et qui est déjà important, doit être développé fortement dans ce cadre.
Telles ont les réflexions que j'entendais partager avec vous ce matin. Démocratie et réseau sont les traits d'union entre les médias et la Coopération décentralisée auxquels nous nous intéressons ce matin. Médias et Coopération décentralisée peuvent être des outils très efficaces de promotion de la démocratie. Ils le seront d'autant plus qu'ils seront organisés en réseaux par-delà les frontières et les continents, pour le plus grand bénéfice de notre Coopération francophone.
Mon propos ne pouvait naturellement être exhaustif, ni même conclusif. Mais un débat s'est engagé, que nous approfondirons.
Je tiens donc à remercier ceux qui ont oeuvré à la réussite de ces journées. Dominique Gallet, tout d'abord, producteur délégué d'"Espace francophone", qui en a eu l'idée initiale, et qui a proposé de tenir la réunion de l'ICAF sur le terrain, dans un Département qui m'est cher, puisque j'en ai présidé le Conseil général pendant 21 années, et qui, je crois pouvoir le dire, a joué un rôle pionnier dans le développement de la Coopération décentralisée.
Je remercie également le Conseil régional et le Conseil général, les villes de Dinan et Saint-Malo, ou ses représentants. Permettez-moi, enfin de saluer Michel Lucier, dont nous étions hier soir les invités.
Merci donc, et au revoir, car cette réunion marque seulement la première étape de notre réflexion./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2001)