Editoriaux de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière dans "Lutte ouvrière" les 1er, 9, 16, 23 et 30 mai 2003, sur le plan de réforme des retraites proposé par le gouvernement et ses conséquences pour les salariés, sur les manifestations et les grèves dans la Fonction publique.

Prononcé le 1er mai 2003

Intervenant(s) : 

Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

( 1er mai 2003)
Les enseignants et les facteurs donnent l'exemple
Le projet du gouvernement Chirac-Raffarin sur les retraites est une attaque grave contre le monde du travail, contre les travailleurs du public comme ceux du privé. À ceux des services publics, on veut imposer cette régression qu'est l'allongement de la durée de cotisation de 37 ans et demi à 40 ans, que le gouvernement Balladur avait imposé aux travailleurs du privé. Aux travailleurs du privé, on annonce qu'ils devront cotiser 42 ans, voire au-delà, pour toucher une retraite pleine. Tous paieront plus longtemps en tant que salariés pour toucher moins en tant que retraités.
C'est un recul où les travailleurs payent par les deux bouts. On oblige à travailler plus longtemps même ceux qui sont usés par une vie d'exploitation et attendent leur retraite comme une libération. Mais, en réalité, à beaucoup de travailleurs, leur patron ne laisse même pas ce choix.
Celles et ceux qui auront été licenciés, de Moulinex à Danone en passant par Metaleurop, à 52 ou à 55 ans, c'est-à-dire à un âge où ils ne retrouvent plus de travail, toucheront une retraite amputée, faute d'avoir le nombre d'annuités nécessaires. Ils seront sanctionnés financièrement d'avoir été mis à la porte par leur patron! Comme seront sanctionnés ceux qui n'ont qu'un travail précaire ou à temps partiel imposé.
Ceux qui nous gouvernent osent appeler cela une "retraite à la carte" ou une "retraite individualisée"! Histoire de rendre les retraités responsables de l'insuffisance de leur retraite! Ce serait au patronat d'assurer une retraite décente à tous les travailleurs. Mais l'idée de demander à ceux dont les salaires permettent à peine de vivre en travaillant d'épargner pour leur retraite ne peut germer que dans la cervelle d'un bourgeois cynique et bien nourri.
Il ne peut pas être question d'accepter tout cela. Pas plus qu'on ne peut accepter les autres mesures comme le déremboursement de médicaments essentiels ou les suppressions d'emplois dans les services publics, aussi scandaleuses les unes que les autres.
Si le gouvernement parvient à faire passer ici ses projets, il se sentira encouragé à continuer ailleurs. D'autant plus que le grand patronat, qui de son côté licencie, bloque les salaires, aggrave la précarité, exigera du gouvernement d'aller toujours plus loin et d'économiser toujours plus au détriment des travailleurs.
Il ne faut pas que ces mesures passent. C'est l'intérêt de tous les travailleurs, du privé comme du public. Les revendications des travailleurs peuvent apparaître diverses suivant les métiers, les catégories, mais leur satisfaction dépend du rapport de forces global.
Les salariés d'un certain nombre de secteurs, à l'Éducation nationale ou à La Poste notamment, ont commencé à réagir. Ils ont choisi la bonne voie, la seule voie. Il faut que leur exemple soit contagieux. Il faut qu'un nombre croissant de travailleurs réagisse à la provocation gouvernementale.
Les directions syndicales appellent à une journée de grève et de manifestations le 13 mai. Chacune a ses arrière-pensées et la plupart d'entre elles ont commencé à abdiquer devant le gouvernement, en abandonnant par exemple la revendication du retour à 37 ans et demi maximum de cotisation pour tous, ou encore en reprenant le mensonge sur la nécessité de sacrifices supplémentaires pour sauver le système de retraite.
Malgré tout cela, il est de l'intérêt de tous les travailleurs que les grèves et les manifestations de cette journée du 13 mai soient le plus massivement suivies et qu'elles débordent au-delà.
Ce n'est pas seulement la retraite qui est en cause, mais aussi les coups que les gouvernement successifs et le patronat nous ont portés au cours des années précédentes et qui ont déjà conduit à une dégradation importante de la condition des salariés. Ce qui est en cause, ce sont les coups encore plus graves qu'ils nous porteront si nous les laissons faire.
Il faut faire reculer le gouvernement et obliger les syndicats à agir.
(Source http://www.lutte-ouvriere-journal.org, le 30 avril 2003)
( 9 mai 2003)
" Faire du 13 mai une démonstration de force du monde du travail"
Cette semaine, le ministre du Travail Fillon présente au gouvernement ce qu'il appelle la "réforme des retraites". Cette prétendue réforme est une attaque grave contre les retraités d'aujourd'hui et de demain, c'est-à-dire contre tous les salariés. Chirac et Raffarin veulent imposer au public ce que Balladur avait imposé au privé, 40 ans de cotisation, puis ils voudraient imposer 42 ans pour tous.
Dans une société rationnelle et humaine où les fruits du progrès sont répartis entre tous, le progrès de la productivité devrait conduire à un raccourcissement de la durée du travail. Dans cette organisation sociale pourrie, plus la productivité augmente du fait de l'aggravation du rythme de travail et des cadences, moins les travailleurs en profitent. Les fruits de la productivité sont empochés exclusivement par le grand patronat, par la classe riche.
Les artisans de ces attaques savent que, dans bien des secteurs, on ne peut pas allonger la durée du travail. Dans les grandes entreprises de l'automobile par exemple, les patrons eux-mêmes cherchent à se débarrasser, par le biais des préretraites, de leurs travailleurs les plus usés. Et ceux qui sont victimes de plans de licenciements à un âge où ils ne peuvent plus retrouver de travail n'auront pas le nombre d'annuités pour toucher une retraite pleine.
Mais c'est justement le but de l'opération! Faire cotiser plus longtemps pour une retraite plus réduite. Abaisser les salaires et diminuer les retraites, ce sont deux façons complémentaires pour le grand patronat et le gouvernement d'abaisser la part du monde du travail dans le revenu national.
Les gens qui nous gouvernent prétendent que la lutte des classes n'existe pas. Mais comment appeler autrement ce qu'ils font aux travailleurs ? Comment appeler autrement le déremboursement d'un grand nombre de médicaments, alors que le gouvernement sait parfaitement qu'il pousse des centaines de milliers de personnes aux revenus les plus modestes à ne plus se soigner correctement ?
La réduction des effectifs dans les services publics est encore une attaque contre les salariés, et doublement. D'abord parce que moins d'infirmières, moins d'enseignants, moins d'agents des transports publics, moins de facteurs, cela dégradera encore plus la qualité des services publics. Mais aussi parce que réduire les effectifs des services publics, c'est aggraver le chômage à un moment où le patronat procède à tour de bras à des licenciements collectifs, où des villes et des régions entières se transforment en zones sinistrées.
L'État, qui se refuse à empêcher les grandes entreprises de procéder à ces licenciements, devrait au moins créer lui-même des emplois. Mais l'État-patron, au contraire, en supprime.
Tous les travailleurs ont pu constater comment leur sort se dégrade au fil des ans. Cette dégradation est catastrophique dans certaines régions où les fermetures d'entreprises plongent une partie de la population dans la pauvreté.
Les attaques ont beau être diverses, tout dépend du rapport de forces global entre le patronat et le gouvernement, d'un côté, et l'ensemble du monde du travail, de l'autre. Nous ne pouvons pas laisser notre sort se dégrader. Les enseignants qui ne l'acceptent pas et qui le font savoir par des grèves et des manifestations ont raison et montrent la voie.
Les confédérations syndicales appellent à une journée de grève et de manifestations le 13 mai. Même si elles le font avec des préoccupations de boutique en commençant à brader certains des intérêts essentiels des travailleurs, il est vital que la journée du 13 mai soit massivement suivie. Car si le succès de la journée est vraiment perceptible par tous, il pourra convaincre qu'il faut aller au-delà des journées d'action symboliques.
Si une partie des travailleurs mis en mouvement le 13 mai continuaient le lendemain, ce serait une pression sur les confédérations pour qu'elles continuent. Et, pour le patronat et le gouvernement, ce serait le signe que quelque chose est en train de changer dans le monde du travail.
(source http://www.lutte-ouvriere-journal.org, le 9 mai 2003)
(16 mai 2003)
Après le 13 mai : tous ensemble, forcer chirac et raffarin à remballer leurs projets
Les appels à la grève et à la manifestation lancés pour le mardi 13 mai ont été suivis massivement. Dans toutes les villes du pays, des manifestations nombreuses et combatives ont parcouru les rues. Les grèves ont été massives dans les transports, dans l'enseignement et toute la Fonction publique, mais aussi dans de très nombreuses entreprises privées, où l'activité s'est arrêtée, montrant que les tentatives du gouvernement de diviser salariés du secteur public et du secteur privé ont fait long feu.
Le Premier ministre, Raffarin, a déclaré que ce qu'il appelle "la réforme" des retraites passera de toute façon, et que "ce n'est pas la rue qui gouverne". Mais Chirac, Raffarin et Fillon ne gouvernent pas plus: ils obéissent au MEDEF. Derrière toutes les arguties développées sur la nécessité d'augmenter les années de cotisation et d'élever l'âge de la retraite, il n'y a rien d'autre que la volonté du patronat de payer toujours moins, que ce soit pour les salaires ou pour les retraites, que ce soit directement, pour ceux du secteur privé, ou indirectement pour ceux du secteur public.
Si on laisse faire, ce seront bientôt tous les travailleurs qui devront avoir travaillé au moins quarante et un ou quarante-deux ans pour pouvoir partir à la retraite avec une pension complète. Il faudra cotiser plus, et plus longtemps, pour toucher moins, d'autant que les patrons continueront en fait à se débarrasser des travailleurs ayant dépassé la cinquantaine, avec toutes les conséquences qui en découlent quant au nombre d'annuités et au montant de la retraite.
Tout cela signifie un abaissement programmé du niveau de vie des retraités, d'autant plus choquant qu'en dépit du chômage on produit chaque année plus de richesses, parce que la productivité du travail ne cesse d'augmenter. Cela n'est pas seulement le fruit du progrès technique. C'est aussi le produit des surcharges de travail dues aux suppressions d'emplois, des cadences infernales et des horaires déments que subissent d'innombrables travailleurs. Ce sont les salariés qui en font les frais. C'est le grand patronat, ce sont les possesseurs de capitaux, qui empochent les bénéfices. Mais pour Chirac et Raffarin, il n'est pas question de prendre sur les profits de ces gens-là pour maintenir le niveau des retraites, même pas d'augmenter le taux des cotisations patronales.
Que pour le gouvernement ce soit aux seuls salariés de payer, Raffarin l'a dit très clairement à la télévision: "On doit faire des économies, parce qu'il faut financer la baisse des charges, la baisse des impôts". La baisse des charges sociales, c'est-à-dire des cotisations patronales pour la Sécurité sociale ou les retraites, c'est un cadeau au patronat, au détriment des droits des travailleurs. La baisse des impôts, c'est surtout les hauts revenus, les riches, qui en bénéficient. Ce serait, nous dit-on, pour favoriser la création d'emplois. Mais cela aussi c'est un mensonge éhonté. Cela fait trente ans, depuis que le chômage s'est développé, que l'on nous sert le même discours. Mais les subventions, les baisses de charges, le patronat les empoche, et il n'embauche que quand cela lui rapporte.
C'est maintenant qu'il faut donner un coup d'arrêt à l'offensive lancée par le gouvernement et le patronat, et c'est tous ensemble, car elle vise tout le monde du travail. Elle vise les travailleurs du secteur privé comme ceux du secteur public. Elle vise aussi tout autant les travailleurs bénéficiant d'un régime de retraite spécial, comme les cheminots ou l'EDF, même si le gouvernement de Chirac-Raffarin a préféré dissocier leur cas. Il tente ainsi de diviser, mais c'est pour mieux s'en prendre à ces travailleurs plus tard quand il aura réussi à les isoler et à les présenter comme des "privilégiés". Eux aussi doivent réagir dès maintenant, avec tous les autres, comme beaucoup l'ont fait en participant aux manifestations du 13 mai, voire en poursuivant le mouvement au lendemain de celles-ci.
Il ne suffira évidemment pas d'une seule journée d'action pour faire reculer Chirac et Raffarin. Les directions syndicales ont beau parler "d'épreuve de force", elles ne sont pas forcément déterminées à faire reculer le gouvernement. Celui-ci compte se servir de cette situation, en faisant semblant d'accepter de discuter avec les syndicats, pour faire passer malgré tout ses mesures, et cela dans les jours qui viennent.
Alors c'est dans les jours qui viennent qu'il faut aussi contraindre le gouvernement et le patronat à ravaler leur sale projet, et cela est possible. Avec le succès de la journée du 13 mai, les travailleurs ont pu mesurer leur nombre et la force qu'ils représentent dans le pays. Maintenant il faut développer partout la mobilisation, les manifestations, les grèves, et cette force peut alors faire suffisamment peur au gouvernement pour le faire reculer.
La journée réussie du 13 mai est un encouragement pour tous ceux qui veulent développer la lutte. Elle peut être le point de départ d'un véritable mouvement d'ensemble des travailleurs. "Tous ensemble, tous ensemble, grève", disait le slogan du mouvement de novembre-décembre 1995 qui avait obligé le gouvernement Juppé à retirer son plan. Il faut obliger de la même façon Chirac, Raffarin, et derrière eux le patronat, à remballer toutes leurs attaques.
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 15 mai 2003)
( 23 mai 2003)
Défendre nos retraites, obliger le gouvernement Chirac-Raffarin à retirer son projet !
Les enseignants, les salariés de l'Éducation nationale, ont constitué le gros des manifestations du 19 mai pour défendre les retraites. Mais bien d'autres travailleurs du service public, des postiers à la Banque de France, de l'Equipement aux hôpitaux, y ont également participé. Il y a eu des grèves et des débrayages à La Poste, à France Télécom et dans les transports publics d'un certain nombre de villes de province. C'est le signe que le mouvement de protestation, qui a connu, le 13 mai, le moment fort que l'on sait, continue. Malgré la propagande gouvernementale, le mouvement dans le service public bénéficie de la sympathie des travailleurs du secteur privé.
Oui, il faut que le mouvement de protestation contre le projet Raffarin-Fillon se renforce et s'élargisse. Le projet n'est pas devenu meilleur depuis que le gouvernement a jeté quelques miettes aux dirigeants de la CFDT et de la CGC, pour leur donner le prétexte de se faire les porte-parole de la politique gouvernementale. Chérèque a même osé déclarer que son entente avec Fillon a "sauvé le système de retraite" !
Pour le gouvernement et pour le patronat, il ne s'agit nullement de "sauver la retraite". Les caisses de retraite ne sont pas en déficit. Même les experts que le gouvernement invoque ne prévoient un déficit que pour dans vingt ans. Et, surtout, le déficit qu'ils prévoient est inférieur aux seules exonérations de charges sociales accordées au patronat. Si l'objectif du gouvernement était seulement d'éviter le déficit futur, il suffirait de mettre fin aux exonérations de charges sociales des patrons, pour que la question soit réglée.
On veut prolonger à 42 ans le temps de travail pour tous les salariés, des ouvriers des chaînes de production aux infirmières ou aux aides-soignantes, en passant par les enseignants, simplement pour permettre aux patrons de payer toujours moins de cotisations sociales. Ceux qui sont trop usés pour tenir le coup si longtemps ou qui, mis à la porte, n'ont pas le nombre d'annuités nécessaires, en seront réduits à des retraites à peine supérieures au minimum vieillesse, 578 euros, 3800 F par mois !
Alors, il ne faut pas les laisser faire! Le plan Raffarin-Fillon, s'il passe, se traduira par un abaissement brutal du niveau de vie des retraités. On use les travailleurs, toute leur vie durant, pour augmenter la productivité. Et ils sont les seuls à ne pas bénéficier de la productivité croissante qui résulte pourtant, pour une large part, de l'augmentation du rythme de travail, c'est-à-dire de l'épuisement physique et nerveux des travailleurs.
C'est maintenant qu'il faut réagir, tous ensemble, travailleurs du public et du privé, pour arrêter l'offensive. Il est inacceptable que les travailleurs soient contraints de travailler plus longtemps pour toucher moins. C'est aux patrons qu'il faut imposer de payer, sur leurs profits, des cotisations sociales suffisantes pour que chaque travailleur puisse partir à la retraite au plus tard à 60 ans, et soit assuré de toucher une pension correcte après 37 ans et demi de cotisation au maximum.
Il faut que les manifestations du dimanche 25 mai, la prochaine échéance, soient le plus massives possible. C'est le seul moyen de contraindre les directions syndicales à agir, sous peine d'apparaître aux yeux des travailleurs, non pas comme les représentantes des salariés face au patronat et au gouvernement, mais comme les agents du patronat et du gouvernement auprès des travailleurs.
Le 13 mai a montré le mécontentement des travailleurs, mais aussi leur puissance. La prolongation de la grève dans certains secteurs les jours suivants, et aussi le 19 mai, ont montré que, pour nombre de travailleurs, il ne faut pas en rester à un baroud d'honneur. Il faut que le mouvement se développe, le 25 mai et au-delà, que les grèves se généralisent jusqu'à ce que le gouvernement Chirac-Raffarin soit contraint de retirer son projet, comme Juppé avait été obligé de retirer le sien.
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 22 mai 2003)
30 mai 2003
Retraites : ni jeunes dans la galère, ni vieux dans la misère!
L'ampleur des manifestations du 25 mai, après celles du 13 mai, a montré que le monde du travail rejette le plan Raffarin-Fillon sur les retraites qui constitue une attaque grave contre tous les salariés. Le gouvernement se prépare pourtant à exa- miner le projet comme si de rien n'était, puis à le faire entériner par le Parlement. Le ministre du Travail, Fillon, le soir même des manifestations, a adressé une fin de non-recevoir à la protestation de tous ceux qui n'acceptent pas de travailler plus longtemps pour une retraite diminuée.
Le ministre a ressorti la vieille ficelle consistant à opposer les travailleurs du secteur public, présentés comme des privilégiés et des égoïstes, à ceux du secteur privé. Il a eu le cynisme de se poser en défenseur de l'égalité de tous devant la retraite alors que c'est le gouvernement Balladur qui a introduit l'inégalité en imposant 40 ans de cotisation aux travailleurs du privé au lieu de 37 ans et demi.
Mais le stratagème consistant à opposer les salariés les uns aux autres est éventé. Le projet du gouvernement aggrave la situation pour tous car on annonce 41, puis 42 ans de cotisation, et peut-être plus.
Se crever au travail, aller "de l'usine au cimetière" ou partir en retraite avec une pension fortement diminuée, voilà ce qu'ils nous réservent. Et nous n'aurons même pas à choisir entre ces deux perspectives: ce sont les patrons qui choisiront, en jetant à la rue les travailleurs qu'ils considèrent trop usés pour être rentables.
Alors, il n'est pas question d'accepter cela. D'autant moins que Fillon comme Raffarin, quand ils parlent d'égalité devant les sacrifices, ne parlent que des salariés, jamais du patronat, jamais des riches. "Ce serait préjudiciable à l'emploi", répètent-ils. Mais en quoi cela nuirait à l'emploi de faire payer les actionnaires sur leurs dividendes, les spéculateurs sur leurs profits, les bénéficiaires de revenus financiers sur leurs bénéfices, les PDG sur leurs "stock-options"?
Le gouvernement ose se poser en représentant de l'intérêt général face aux intérêts catégoriels. Mais son projet ne reflète en rien l'intérêt général, mais seulement les intérêts particuliers des possédants.
Le gouvernement invoque la "représentation nationale" contre la rue. Mais ce n'est pas parce que le gouvernement dispose de la majorité à l'Assemblée nationale que cela justifie des mesures qui visent ceux qui font marcher la société et qui produisent l'essentiel des richesses. Et puis, il faut tout de même rappeler que cette majorité écrasante au Parlement est la conséquence de l'élection plébiscitaire de Chirac, voulue par les dirigeants de l'ex-gauche plurielle, Parti Socialiste en tête, qui essaient aujourd'hui de se poser en défenseurs des travailleurs.
En voulant imposer à tous les salariés un projet dicté par le grand patronat, Raffarin, Fillon et les autres ne font qu'apporter la démonstration que seules la rue, la mobilisation des travailleurs peuvent s'opposer au pouvoir de l'argent.
Le gouvernement a engagé une épreuve de force. L'enjeu n'est pas seulement la question des retraites, encore qu'un recul rien que sur ce terrain représenterait une régression importante. Mais, après avoir attaqué les salariés sur la question des retraites, le patronat et le gouvernement se préparent à attaquer sur la question de l'assurance-maladie. Ils visent à faire cotiser plus les salariés pour moins de soins et moins de médicaments remboursés.
Alors, c'est le moment de s'opposer à l'offensive générale contre les travailleurs. Il faut que les actions continuent et s'élargissent. Il faut se saisir de toutes les occasions offertes par les syndicats pour amplifier le mouvement. Il faut que les grèves se généralisent et s'étendent aussi aux entreprises privées.
Si les grèves et les manifestations continuent en s'amplifiant le temps qu'il faut, ces laquais du grand patronat et des riches que sont les ministres seront obligés de ravaler leur hargne antiouvrière et de remballer leurs projets.

(Source http://www.lutte-ouvriere-journal.org, le 30 mai 2003)