Texte intégral
R. Elkrief-. Faut-il renoncer à la décentralisation dans l'Education nationale pour faire passer les retraites ?
- "Il ne faut pas aujourd'hui reculer devant des réformes que l'on s'est fixées."
Décentralisation et retraites, donc les deux ?
- "Il n'y a que deux manières, très confortables, de faire de la politique : ou ne rien faire ou tout refuser. Nous avons décidé de réformer parce qu'il y a trop longtemps que ce pays attend. Il s'agit d'abord, évidemment, de continuer à nouer le dialogue avec les enseignants - A. Duhamel le disait à l'instant. Ce sont des personnes qui ont un malaise, qui souffrent, non seulement parce que les conditions de vie sont parfois difficiles, dans des collèges difficiles, des lycées difficiles, mais aussi parce qu'il y a tous les maux de la société : les échecs scolaires, les problèmes avec les familles, les violences..."
Mais ce n'est pas trop tard ce dialogue ? On voit qu'il y a un conseil interministériel aujourd'hui. On a envie de dire : "il fallait peut-être en parler avant, il fallait peut-être réfléchir avant !"
- "Pour moi, il y a deux urgences aujourd'hui dans le domaine de l'Education : la première, c'est en effet de tordre le cou aux rumeurs : il n'y a pas de démantèlement du service public parce que l'Education nationale est nationale et le restera, parce que les diplômes sont les mêmes pour tous et le resteront, parce que le recrutement des professeurs est national et le restera, et parce que les diplômes sont nationaux et le resteront. C'est la rumeur qu'il faut vraiment arrêter une bonne fois pour toutes. L'école, c'est le pacte républicain, ce sont des valeurs de la République. Nous sommes aussi républicains, sinon plus, que ceux qui sont contre cette réforme."
C'est vrai que les enseignants regrettent quand même une chose essentielle : l'éducation n'a pas du tout été mise au premier plan de l'action gouvernementale. On a parlé de sécurité, c'était attendu ; on parle de justice, c'est normal. Mais l'éducation a eu l'air d'être un peu le parent pauvre de l'action gouvernementale.
- "C'est la deuxième urgence dont je veux parler. Excusez-moi, je ne voudrais pas vous choquer ni choquer ceux qui nous écoutent, mais on entend beaucoup parler d'enseignants, d'enseignement, d'éducation, depuis maintenant un mois. Je n'entends pas parler d'enfants, de programmes et de ce qu'il faudrait faire pour améliorer les choses. Je comprends qu'il y a des problèmes : le problème des retraites et le problème de la décentralisation qui fait peur. Expliquons-nous là-dessus, rassurons mais surtout, parlons des sujets. Comment se fait-il qu'avec le budget de l'Education nationale, avec cette machine qui quand même est remarquable, comment aboutissons-nous au chiffre de 20, 25 ou 30 % d'enfants qui ont un problème avec la lecture, l'écriture ou le calcul en 6ème ? Je ne dis pas en CE1 ou en CE2... en 6ème ! Comment se fait-il que l'orientation ne se fasse pas dans notre pays ?"
Les enseignants considèrent qu'ils ne sont pas entendus. Est-ce que c'est la maladresse du tandem Ferry-Darcos ? Est-ce que c'est la maladresse du Gouvernement ou est-ce que c'est le blocage de cette citadelle - enfin ce qu'on décrit comme une citadelle -, l'Education nationale ?
- "Pardon de vous citer encore ce que je viens d'entendre. A. Duhamel, justement, dit : ce sont parfois - ceux qui sont dans la rue - des gens ancrés à gauche, et encore plus à gauche que la gauche..."
Qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous voulez dire que ce n'est pas sincère que c'est politicien, que c'est politique ?
- "Non, ce n'est pas ça. Je veux dire par là que je rencontre énormément d'enseignants..."
... A Toulouse ?
- "A Toulouse et ailleurs. Ce sont des personnes qui ont un malaise, qui sentent qu'il y a un malaise, qui sentent qu'il faut s'occuper d'eux et de l'Education nationale. Mais il faut bien reconnaître aussi qu'aujourd'hui, ce que l'on entend dans la rue est parfois très loin du problème ou de la décentralisation ou des retraites. C'est-à-dire que c'est un problème plus général, plus politisé. Donc, je crois qu'il faut sortir de la politique dans ce débat, et qu'il faut rentrer dans quelque chose de plus sérieux."
Je reviens quand même à ma question : est-ce qu'il n'y a pas eu des maladresses ? Est-ce qu'il n'y a pas eu une manière de s'adresser aux enseignants qui a été fausse et mal engagée ? Et je vais enchaîner peut-être plus directement : vous savez ce qu'on a dit, vous aviez été pressenti pour être ministre de l'Education nationale...
- "... J'ai refusé."
Vous aviez refusé à l'époque. Maintenant, on dit que vous seriez un des prétendants les plus sérieux, que L. Ferry allant à Matignon aurait dit : "on prépare l'arrivée de P. Douste-Blazy"... Est-ce que c'est une question de personne ? Est-ce que vous auriez d'autres solutions ?
- "Non. L. Ferry et X. Darcos qui sont, et compétents et courageux tous les deux, proposent quoi ? Ils proposent de continuer une réforme qui a commencé il y a vingt ans - avec d'ailleurs un gouvernement de gauche, puis continué par des gouvernements de droite, et encore des gouvernements de gauche -, qui est tout simplement de donner la possibilité de gérer, d'administrer et d'entretenir les bâtiments scolaires. Moi, comme maire de Toulouse, aujourd'hui, je m'occupe des écoles primaires. Les personnels qui travaillent dans les écoles primaires, c'est moi qui m'en occupe et cela ne pose aucun problème ! Pareil pour les collèges et les départements, pareil pour les régions et les lycées. Donc, il faut arrêter ça."
Mais apparemment, ils ne comprennent pas les enseignants...
- "Ils ne comprennent pas ?"
On ne s'est pas bien adressé à eux.
- "Ce que je dis est quand même compréhensible. Quand je dis que les personnels seront toujours membres du service public, c'est-à-dire que soit ils resteront dans la fonction publique d'Etat, soit ils passeront de la fonction publique territoriale, s'ils le veulent, au choix. C'est quelque chose d'assez clair et d'assez net. Donc, je crois qu'il faut arrêter avec les peurs, tordre le cou aux peurs sur la décentralisation..."
... Il faut retirer ou reporter ces mesures ?
- "Non, il ne faut pas retirer cette mesure. Par contre, il faut l'expliquer. Et je crois surtout qu'il faut se mettre d'accord avec les syndicats, avec une méthode que nous avons proposée, que J.-P. Raffarin porte dans ce projet de décentralisation, qui est l'expérimentation. Pourquoi ne pas faire, avec les syndicats, la preuve que la décentralisation de ces personnels administratifs, qu'on appelle "TOS", ça fonctionne en région ? On prend quatre, cinq, six régions et puis rendez-vous...
On prend le temps...
- "Non, pas du tout, on le fait tout de suite ! On le fait comme prévu, parce que quand on fait de la politique, quand on est au gouvernement, quand on veut faire des réformes, il faut les faire. Simplement, il faut expliquer qu'on ne se trompe pas, il faut éviter les peurs collectives. C'est ça aussi."
Je voudrais revenir à Toulouse, parce que c'est une ville dont on parle beaucoup, pas seulement pour les résultats sportifs, mais aussi, hélas, pour les affaires et les scandales. Vous avez soutenu D. Baudis, qui a démenti ce qu'il a appelé "des calomnies" dans l'affaire P. Alègre. Néanmoins c'est quand même une ville étrange, dans laquelle beaucoup de notables sont mis en cause. Quel est le climat dans cette ville ? Comment le vivez-vous ?
Quand vous dites que D. Baudis répond à des calomnies, quelles sont ces calomnies ? Il s'agit quand même de soirées, où il y aurait eu tortures de mineurs, viols de mineurs et meurtres de mineurs ! Vous voyez, je vous regarde, je connais D. Baudis et ce n'est pas possible. En mon âme et conscience, je vous le dis : ce n'est pas possible. Et comme il y a beaucoup d'autres personnes qui, semble-t-il, ont été citées par des prostituées, je crois qu'il est vraiment très important - et D. Baudis a eu raison - de prendre les devants, parce qu'il est très important que la justice se fasse le plus vite possible. Parce que, entre tout ce que l'on peut dire de n'importe qui, et entre le secret de l'instruction qui n'est jamais gardé, il peut y avoir (...) simplement la démocratie. Donc, il est important d'être là. Cela s'est passé à Toulouse, cela aurait pu se passer ailleurs et cela se passera encore ailleurs. Il est important, toujours, de laver les calomnies, surtout des gens qui ont une valeur morale aussi importante que celle de D. Baudis."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 mai 2003)
- "Il ne faut pas aujourd'hui reculer devant des réformes que l'on s'est fixées."
Décentralisation et retraites, donc les deux ?
- "Il n'y a que deux manières, très confortables, de faire de la politique : ou ne rien faire ou tout refuser. Nous avons décidé de réformer parce qu'il y a trop longtemps que ce pays attend. Il s'agit d'abord, évidemment, de continuer à nouer le dialogue avec les enseignants - A. Duhamel le disait à l'instant. Ce sont des personnes qui ont un malaise, qui souffrent, non seulement parce que les conditions de vie sont parfois difficiles, dans des collèges difficiles, des lycées difficiles, mais aussi parce qu'il y a tous les maux de la société : les échecs scolaires, les problèmes avec les familles, les violences..."
Mais ce n'est pas trop tard ce dialogue ? On voit qu'il y a un conseil interministériel aujourd'hui. On a envie de dire : "il fallait peut-être en parler avant, il fallait peut-être réfléchir avant !"
- "Pour moi, il y a deux urgences aujourd'hui dans le domaine de l'Education : la première, c'est en effet de tordre le cou aux rumeurs : il n'y a pas de démantèlement du service public parce que l'Education nationale est nationale et le restera, parce que les diplômes sont les mêmes pour tous et le resteront, parce que le recrutement des professeurs est national et le restera, et parce que les diplômes sont nationaux et le resteront. C'est la rumeur qu'il faut vraiment arrêter une bonne fois pour toutes. L'école, c'est le pacte républicain, ce sont des valeurs de la République. Nous sommes aussi républicains, sinon plus, que ceux qui sont contre cette réforme."
C'est vrai que les enseignants regrettent quand même une chose essentielle : l'éducation n'a pas du tout été mise au premier plan de l'action gouvernementale. On a parlé de sécurité, c'était attendu ; on parle de justice, c'est normal. Mais l'éducation a eu l'air d'être un peu le parent pauvre de l'action gouvernementale.
- "C'est la deuxième urgence dont je veux parler. Excusez-moi, je ne voudrais pas vous choquer ni choquer ceux qui nous écoutent, mais on entend beaucoup parler d'enseignants, d'enseignement, d'éducation, depuis maintenant un mois. Je n'entends pas parler d'enfants, de programmes et de ce qu'il faudrait faire pour améliorer les choses. Je comprends qu'il y a des problèmes : le problème des retraites et le problème de la décentralisation qui fait peur. Expliquons-nous là-dessus, rassurons mais surtout, parlons des sujets. Comment se fait-il qu'avec le budget de l'Education nationale, avec cette machine qui quand même est remarquable, comment aboutissons-nous au chiffre de 20, 25 ou 30 % d'enfants qui ont un problème avec la lecture, l'écriture ou le calcul en 6ème ? Je ne dis pas en CE1 ou en CE2... en 6ème ! Comment se fait-il que l'orientation ne se fasse pas dans notre pays ?"
Les enseignants considèrent qu'ils ne sont pas entendus. Est-ce que c'est la maladresse du tandem Ferry-Darcos ? Est-ce que c'est la maladresse du Gouvernement ou est-ce que c'est le blocage de cette citadelle - enfin ce qu'on décrit comme une citadelle -, l'Education nationale ?
- "Pardon de vous citer encore ce que je viens d'entendre. A. Duhamel, justement, dit : ce sont parfois - ceux qui sont dans la rue - des gens ancrés à gauche, et encore plus à gauche que la gauche..."
Qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous voulez dire que ce n'est pas sincère que c'est politicien, que c'est politique ?
- "Non, ce n'est pas ça. Je veux dire par là que je rencontre énormément d'enseignants..."
... A Toulouse ?
- "A Toulouse et ailleurs. Ce sont des personnes qui ont un malaise, qui sentent qu'il y a un malaise, qui sentent qu'il faut s'occuper d'eux et de l'Education nationale. Mais il faut bien reconnaître aussi qu'aujourd'hui, ce que l'on entend dans la rue est parfois très loin du problème ou de la décentralisation ou des retraites. C'est-à-dire que c'est un problème plus général, plus politisé. Donc, je crois qu'il faut sortir de la politique dans ce débat, et qu'il faut rentrer dans quelque chose de plus sérieux."
Je reviens quand même à ma question : est-ce qu'il n'y a pas eu des maladresses ? Est-ce qu'il n'y a pas eu une manière de s'adresser aux enseignants qui a été fausse et mal engagée ? Et je vais enchaîner peut-être plus directement : vous savez ce qu'on a dit, vous aviez été pressenti pour être ministre de l'Education nationale...
- "... J'ai refusé."
Vous aviez refusé à l'époque. Maintenant, on dit que vous seriez un des prétendants les plus sérieux, que L. Ferry allant à Matignon aurait dit : "on prépare l'arrivée de P. Douste-Blazy"... Est-ce que c'est une question de personne ? Est-ce que vous auriez d'autres solutions ?
- "Non. L. Ferry et X. Darcos qui sont, et compétents et courageux tous les deux, proposent quoi ? Ils proposent de continuer une réforme qui a commencé il y a vingt ans - avec d'ailleurs un gouvernement de gauche, puis continué par des gouvernements de droite, et encore des gouvernements de gauche -, qui est tout simplement de donner la possibilité de gérer, d'administrer et d'entretenir les bâtiments scolaires. Moi, comme maire de Toulouse, aujourd'hui, je m'occupe des écoles primaires. Les personnels qui travaillent dans les écoles primaires, c'est moi qui m'en occupe et cela ne pose aucun problème ! Pareil pour les collèges et les départements, pareil pour les régions et les lycées. Donc, il faut arrêter ça."
Mais apparemment, ils ne comprennent pas les enseignants...
- "Ils ne comprennent pas ?"
On ne s'est pas bien adressé à eux.
- "Ce que je dis est quand même compréhensible. Quand je dis que les personnels seront toujours membres du service public, c'est-à-dire que soit ils resteront dans la fonction publique d'Etat, soit ils passeront de la fonction publique territoriale, s'ils le veulent, au choix. C'est quelque chose d'assez clair et d'assez net. Donc, je crois qu'il faut arrêter avec les peurs, tordre le cou aux peurs sur la décentralisation..."
... Il faut retirer ou reporter ces mesures ?
- "Non, il ne faut pas retirer cette mesure. Par contre, il faut l'expliquer. Et je crois surtout qu'il faut se mettre d'accord avec les syndicats, avec une méthode que nous avons proposée, que J.-P. Raffarin porte dans ce projet de décentralisation, qui est l'expérimentation. Pourquoi ne pas faire, avec les syndicats, la preuve que la décentralisation de ces personnels administratifs, qu'on appelle "TOS", ça fonctionne en région ? On prend quatre, cinq, six régions et puis rendez-vous...
On prend le temps...
- "Non, pas du tout, on le fait tout de suite ! On le fait comme prévu, parce que quand on fait de la politique, quand on est au gouvernement, quand on veut faire des réformes, il faut les faire. Simplement, il faut expliquer qu'on ne se trompe pas, il faut éviter les peurs collectives. C'est ça aussi."
Je voudrais revenir à Toulouse, parce que c'est une ville dont on parle beaucoup, pas seulement pour les résultats sportifs, mais aussi, hélas, pour les affaires et les scandales. Vous avez soutenu D. Baudis, qui a démenti ce qu'il a appelé "des calomnies" dans l'affaire P. Alègre. Néanmoins c'est quand même une ville étrange, dans laquelle beaucoup de notables sont mis en cause. Quel est le climat dans cette ville ? Comment le vivez-vous ?
Quand vous dites que D. Baudis répond à des calomnies, quelles sont ces calomnies ? Il s'agit quand même de soirées, où il y aurait eu tortures de mineurs, viols de mineurs et meurtres de mineurs ! Vous voyez, je vous regarde, je connais D. Baudis et ce n'est pas possible. En mon âme et conscience, je vous le dis : ce n'est pas possible. Et comme il y a beaucoup d'autres personnes qui, semble-t-il, ont été citées par des prostituées, je crois qu'il est vraiment très important - et D. Baudis a eu raison - de prendre les devants, parce qu'il est très important que la justice se fasse le plus vite possible. Parce que, entre tout ce que l'on peut dire de n'importe qui, et entre le secret de l'instruction qui n'est jamais gardé, il peut y avoir (...) simplement la démocratie. Donc, il est important d'être là. Cela s'est passé à Toulouse, cela aurait pu se passer ailleurs et cela se passera encore ailleurs. Il est important, toujours, de laver les calomnies, surtout des gens qui ont une valeur morale aussi importante que celle de D. Baudis."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 mai 2003)