Texte intégral
Mesdames, messieurs, je suis très heureux de participer à cette rencontre parce que le sujet que vous avez choisi, la réflexion que vous avez menée est très importante. Je fais partie de ceux qui pensent que la croissance, plus qu'un indicateur économique, est un projet politique et c'est ce dont je voudrais vous parler. Parce que je crois qu'une société de croissance durable, c'est un vrai projet politique mais cela demande un certain nombre d'efforts pour pouvoir l'atteindre. Pendant très longtemps, on a considéré la croissance comme un des éléments venus d'ailleurs qui pouvait, le moment venu, régler un certain nombre de nos problèmes et puis, telle la marée se retirant, la croissance laissait plus ou moins d'effets, plus ou moins de résultats. On s'est vite aperçu qu'elle avait un rôle un peu lénifiant ", dispensant les gouvernements de faire les réformes parce que, elle-même, apportait un certain nombre de solutions et puis, une fois partie, devant la plage vide et déserte, on voit les réformes qui manquent pour retenir cette croissance et, surtout, l'utiliser comme levier de réforme pour aller chercher les éléments de cette croissance durable.
Aujourd'hui, je pense que, quelle que soit l'action politique que l'on mène à l'intérieur d'un pays, à l'intérieur d'un continent comme l'Europe, et même quelquefois dans des rivalités amicales mais sévères avec un grand continent comme les Etats-Unis, quel est le sens de ces rivalités si, quinze ans durant, vingt ans durant, il y a un point de croissance de différence ? Vous le disiez tout à l'heure pour le niveau de vie, on peut le dire pour toutes les formes et l'expression des puissances et des capacités de décision. Je pense que l'on ne peut pas envisager, aujourd'hui, les plus belles institutions comme celle - que V. Giscard d'Estaing va nous bâtir avec la finesse que l'on lui connaît - sur ce grand espace élargi si nous avons un des niveaux de croissance les plus faibles du monde durablement. Nous ne pouvons pas compter sur nos institutions seules pour pouvoir mener les ambitions qui sont les nôtres. Je voudrais saluer l'initiative de monsieur Worms et de monsieur Didier et leur dire combien j'apprécie qu'ils se soient engagés dans cette réflexion, dans cette pensée. Parce que je crois, aujourd'hui, qu'il nous faut penser la croissance pour la transformer, justement, en un projet de société de croissance durable et essayer de construire cette dynamique à laquelle nous sommes attachés et qui me paraît devoir être la principale ambition de la France. Il nous faut aller chercher cette croissance durable, notamment à l'intérieur de nous-mêmes. Ce qui me paraît très important, c'est d'aller chercher cette croissance durable dans l'ensemble de notre dispositif national. Je ne veux pas, aujourd'hui, mésestimer tout ce qui peut nous venir de l'extérieur, ni des échanges mondiaux évidemment, ni des conquêtes de marché, je ne fais pas partie de ceux qui croient à une " eurosclérose ". Mais je voudrais être un croyant et un pratiquant, à la fois, du sommet de Lisbonne et me mettre dans cette perspective qui était celle du sommet de Lisbonne : les Européens réunis avec, pour ambition à l'horizon 2010, de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde capable d'une croissance économique durable.
C'est un élément de la stratégie de l'Union européenne, mais je vois, aujourd'hui, un certain nombre de difficultés pour transformer cet objectif de Lisbonne en élément stratégique opérationnel. Certes, il y a des avancées, certes, il y a des éléments de coordination. Nous avons un pacte de stabilité et de croissance - un peu plus de stabilité que de croissance d'ailleurs - qui est un des éléments structurants de notre construction européenne. C'est un élément important de notre démarche ; je ne le remets pas en cause parce que ce pacte de stabilité défend globalement des principes de bon père de famille et, aujourd'hui, c'est une sorte de règlement de copropriété de tous ceux qui possèdent, ensemble, l'euro. Il est évident que disposer d'une monnaie commune fait partie de notre stratégie et cela doit nous conduire à observer un certain nombre d'éléments de discipline budgétaire.
Nous nous inscrivons dans cette dynamique, même si nous demandons quelques délais et que nous mesurions que, lorsqu'il n'y a pas de croissance, il faut donner aux gouvernements, dans les périodes d'alternance, le temps de mener les réformes structurelles nécessaires dans lesquelles on va chercher ces réserves de croissance. On voit bien que ceci demande du temps et on voit bien combien la société française est sensible à l'idée de réforme et combien elle a besoin que l'on lui explique, avec tout le dialogue nécessaire, l'exigence des réformes. Parce que même les réformes qui apparaissent comme les plus nécessaires et globalement relativement partagées créent quand même une forte émotion, à laquelle je ne suis point insensible. Il va de soi que ces réformes doivent être engagées parce que nous voyons bien que c'est au-delà de l'espace européen, dans notre espace national, en infra-européen, que nous devons engager notre dynamique de croissance et pouvoir, par la politique de réformes, nous adapter à cette exigence nouvelle.
Il y a un certain nombre d'éléments de stratégie nationale, aujourd'hui, qu'il nous faut modifier fondamentalement pour aller chercher ces réserves de croissance. Il est évident que notre système de retraite, pour prendre l'actualité, est un des éléments majeurs des réformes qu'il faut mener. Ce sont des réformes qu'il faut mener pour protéger notre cohésion sociale. Il est clair que la non-réforme est ce qu'il y a de plus menaçant pour la société française et beaucoup de gens qui ont, aujourd'hui, une inquiétude seraient beaucoup plus inquiets ou devraient être beaucoup plus inquiets par la non réforme que par la réforme. La réforme est, aujourd'hui, nécessaire dans le temps, de manière progressive, avec l'esprit d'équité, c'est-à-dire par une convergence des différents profils, pour que l'on puisse faire en sorte que l'enjeu social, qui appartient à notre patrimoine, soit finançable par notre société. Il est difficile de croire que la France pourra garder durablement un niveau de vie parmi les plus élevés du monde si nous diminuons régulièrement nos nombres d'heures travaillées. Il faut augmenter le nombre d'heures travaillées. Cela veut dire qu'il faut que l'on puisse rentrer assez tôt dans la vie active pour, ensuite, continuer par la formation professionnelle. Il faut également accorder une place plus importante aux actifs, aux salariés plus âgés dans l'entreprise, et que l'on combatte le chômage pour que chacun puisse apporter sa part à cette augmentation du nombre d'heures travaillées, afin de créer la richesse, qui portera notre système social. Cette logique-là, on le voit bien aujourd'hui, est nécessaire et c'est un des éléments majeurs de notre stratégie. Il faut faire ces réformes, notamment pour permettre à notre pays de retrouver sa capacité créatrice.
Un peuple comme la France, un pays comme la France a des chances, aujourd'hui, de faire face à cette compétition des croissances si nous redevenons créateurs mais, pour redevenir créateurs, il faut que les forces vives soient libres dans notre pays, que notre solidarité sociale soit financée, que nos équilibres économiques et sociaux puissent être affirmés durablement et pas seulement occasionnellement. Il faut que l'on puisse vraiment bâtir cette stratégie de la création, de la créativité, qui est la seule stratégie que la France peut déployer aujourd'hui dans le monde. L'avenir de la France, n'est pas de jouer les cartes de la standardisation, de la banalisation, de la concentration et du gigantisme. L'avenir de la France, c'est de créer de la valeur, d'ajouter de la valeur, de créer de l'idée, de créer du talent, de prendre des brevets, de développer de l'innovation, d'ajouter de l'humain dans l'économique, de faire, en fait, une stratégie de valeur ajoutée qui est sans doute la meilleure des stratégies de croissance. On ne fait pas une politique de la création sans faire une politique de la formation renforcée et modernisée avec, à la fois, un système éducatif de grande qualité, proche du terrain, diversifié et aussi cette formation tout au long de la vie, cette assurance emploi, dirait le Président de la République, c'est-à-dire cette capacité à avoir dans sa vie professionnelle et en emploi ou en formation. La formation, ce n'est pas quelque chose que l'on met dans sa poche une fois pour toutes mais c'est un partenaire quotidien de l'épanouissement personnel. Là, nous avons un certain nombre de réformes qui sont très importantes à développer. C'est un des éléments majeurs de la politique que nous voulons mener.
Je compte beaucoup sur un certain nombre d'ouvertures, d'expérimentations, notamment pour que notre système soit plus ouvert, plus diversifié tout en gardant, naturellement, sa dimension républicaine. Il ne s'agit pas d'avoir une atteinte à la République, à l'école républicaine mais mettons un peu de diversité dans les dispositifs pour y mettre de la responsabilité. Les acteurs de la formation doivent se sentir encore davantage responsables de leurs initiatives. Il nous faudra également et parallèlement à cet effort de formation développer une véritable dynamique de la recherche et de l'innovation. Je crois vraiment que c'est un cap important pour notre pays. Quand je regarde, aujourd'hui, l'ensemble de notre dispositif de recherche et d'innovations, je vois que nous sommes souvent, sur certains critères, parmi les meilleurs du monde. Si l'on regarde notre recherche publique, aujourd'hui, elle est très importante dans le monde, plus importante d'ailleurs relativement que ne l'est notre recherche privée. Mais nous avons une recherche qui est quand même fondée, globalement, plus sur la valeur des structures que sur la valeur des projets et, pourtant, l'avenir est aux projets plus qu'aux structures. En tout cas, la légitimité d'avenir pour les moyens financiers devra aller donner une priorité aux projets sur la structure parce qu'il arrive, c'est rare vous le savez bien, mais il arrive que l'on trouve des structures sans projet et, très souvent, on rencontre des projets qui chercheraient des structures.
Nous voulons avoir une vraie dynamique de projets. On a commencé avec le plan cancer. C'est une forte motivation. Mais, autour du plan cancer, on va mobiliser des forces importantes. On a le projet ITER pour la fusion nucléaire. On a quelques projets où autour desquels nous allons bâtir des fortes mobilisations, avec de concepts fédérateurs, des équipes pluridisciplinaires, quelquefois des sites géographiques complémentaires, afin que nous puissions mettre en place un certain nombre de moyens très importants pour développer cette capacité de recherche. J'ajouterais que nous devons aussi modifier toutes les structures périphériques de la recherche qui sont les structures entrepreneuriales. Tout ce transfert de technologies, toute cette capacité que l'on peut avoir pour transformer l'idée en action, en valeur, en richesse. De ce point de vue-là, nous avons un texte qui devrait nous permettre, d'abord, de dégager des moyens importants pour créer des structures innovantes, faire en sorte qu'un nouveau type de statut puisse exister pour permettre aux entreprises qui ont besoin de hauts de bilans musclés durablement. Je pense notamment dans les biotechnologies qui ont besoin de capacités d'investissements dans la durée, puissent avoir des systèmes fiscaux et sociaux adaptés à ce type d'exercice avec, souvent, ce besoin important de capitaux propres. Je pense aussi que, sur les investisseurs providentiels -comme on traduit en français l'expression américaine- je crois qu'il faut que, avec nos investisseurs providentiels, auxquels on donne des avantages fiscaux, l'on puisse trouver le moyen d'orienter les moyens financiers vers les idées, les projets et, notamment, les entreprises innovantes. C'est un des éléments importants de cette politique que nous voulons mener dans tout ce qui concerne la valorisation de la matière grise. Je crois que c'est très important. Je pense que ce sera d'autant plus important que nous avons des défis démographiques à lever. Je crois vraiment, comme cela a été écrit dans un excellent livre d'un certain monsieur Godet, Le choc de 2006, où je vois vraiment, là, l'équation démographique posée de manière très claire. Nous sommes au carrefour de tous nos problèmes, le problème de nos retraites, le problème de nos développements, le problème de la politique familiale, et un certain nombre de grands sujets et, notamment, pour ce qui est du développement de la matière grise, de l'ensemble d'un certain nombre de nos outils de formation. G. Longuet sait bien cela, en Lorraine et ailleurs, mais la démographie étant ce qu'elle est, l'avenir de nos universités, l'avenir de nos lycées, l'avenir de toutes nos structures de formation ne sont pas assurés si on n'élargit pas les publics qui ont accès à ces dispositifs de formation. Si on reste sur des publics qui sont démographiquement restreints, il va de soi qu'il y a des appareils de formation, de recherche, de développement qui vont se trouver en situation fragilisée. Je suis inquiet pour l'avenir d'un certain nombre d'universités, aujourd'hui, qui, à dix ans, n'ont pas forcément l'attractivité européenne et internationale qui leur donnera la base démographique nécessaire et suffisante pour se construire leur propre avenir. Et donc, je crois qu'il y a, là, dans cette mobilisation de l'intelligence, qui est un espace majeur de recherche de la croissance, une vraie stratégie pour la matière grise dans notre pays. C'est un des éléments les plus importants. Alors, l'autre grande réforme majeure pour essayer de trouver dans la société française des points de croissance concerne la fameuse réforme de l'Etat dont vous avez déjà entendu parler depuis une bonne cinquantaine d'années. Elle est engagée. Nous allons essayer d'accélérer le mouvement et nous voulons l'accélérer en prenant le sujet sous différents angles, d'abord, je crois, avec un concept qui était d'ailleurs un concept classique. Comme je vois, ici, le préfet Camous, je lui rappellerais le concept en 69 de participation aux régionalisations. Finalement, on appelle cela autrement aujourd'hui mais c'est le même concept. C'est le concept de la responsabilité et c'est le concept de décisions prises au plus près de l'usager. Je crois vraiment que la réforme de l'Etat a besoin de ces deux idées, une idée de responsabilité parce que beaucoup trop de processus sont, aujourd'hui, opaques. On ne sait pas qui décide et on est dans un système qui n'est pas suffisamment évalué parce que le processus de décision n'est pas suffisamment identifié. Globalement, nous voulons faire une action profonde de décentralisation. Je vous assure que la décentralisation est une réforme majeure.
Personne ne voit forcément, aujourd'hui, avec clarté, ce que sera la France de demain mais je vous assure que la France de demain, mais pas demain dans très longtemps, demain dans trois ans, dans quatre ans, grâce à la réforme constitutionnelle, d'une part, mais grâce aussi au transfert de compétences que nous allons proposer dans quelques semaines au Parlement. Nous allons vraiment faire en sorte que l'Etat soit recentré sur ses missions avec des acteurs identifiés sur des missions parfaitement mesurées avec une loi organique financière qui va nous obliger à travailler par programmes et qui va nous obliger à avoir des processus d'évaluation et puis du transfert d'initiatives et de responsabilités, une délégation républicaine menée à des collectivités territoriales et ces collectivités territoriales auront les responsabilités. La norme restera celle de l'Etat mais la délégation, la responsabilité seront celle du territoire. L'Etat pourra mener les évaluations mais, entre la norme et l'évaluation, il y a la confiance, la responsabilité. C'est ce que nous voulons développer. Alors, on nous dit, " oui, bien sûr, mais il y a tellement de niveaux de compétence et tellement de niveaux de collectivités dans notre pays que tout cela ne va pas conduire à des économies, ne va pas dégager de la marge d'initiatives ". Bien sûr que si. Parce que si je suis convaincu qu'il est très difficile de changer par en haut les systèmes d'organisation et les architectures administratives. Vous verrez que, par en bas et par ce petit outil que nous avons mis dans la Constitution qui s'appelle le référendum, comment les acteurs territoriaux eux-mêmes vont demander à ce que l'on simplifie. Vous allez voir, dès le 6 juillet, avec le premier référendum, en Corse, nous avons trois collectivités territoriales où nous allons proposer de rassembler les deux départements et la région dans une seule collectivité. Et le schéma qui va être proposé à l'opinion pourra être proposé si d'autres territoires demandent ce type d'initiative. D'ores et déjà, j'entends en Alsace, j'entends en Savoie, j'entends en Normandie, j'entends, dans un grand nombre de régions, des idées de cette nature pour pouvoir modifier les structures et modifier les structures par les territoires. Cette dynamique-là va nous conduire à une carte qui sera simplifiée avec des responsabilités mieux identifiées.
C'est, je crois, un élément très important, non pas en terme de pouvoir, mais en terme d'initiatives, donc en terme de croissance. Parce que, au fond, ce dont nous avons besoin, c'est que les acteurs territoriaux puissent s'engager dans des logiques de développement, dans des logiques de projets. Quand on voit, aujourd'hui, dans un grand nombre de pays, l'articulation qu'il y a, notamment entre technologies et territoires, il faut réfléchir à ces logiques-là. Il y a de plus en plus, dans le monde, -l'Italie nous l'a montré, les Etats-Unis également mais aussi dans les pays du Sud-Est asiatique- il y a des concentrations territoriales, des spécialisations territoriales, des seuils critiques territoriaux, qui sont, à un moment, atteints par une concentration de potentiels de développement, de potentiels d'énergies, de potentiels d'idées, de créativité et donc de potentiels de croissance. Je pense que nous avons besoin, dans notre pays, d'avoir cette dynamique-là qui est une dynamique, en fait, d'initiatives, de donner la liberté aux acteurs de terrain de pouvoir s'engager dans une logique de projets.
C'est un des éléments très importants de la réforme de l'Etat que nous voulons engager, que nous menons actuellement et que nous menons, notamment, par cette approche de la décentralisation mais nous la menons aussi par l'approche des ordonnances pour la simplification. Nous menons cela également par des réformes de ministère à ministère et nous avons, là, un certain nombre d'initiatives qui nous conduiront à avoir un Etat, je crois, qui sera plus à même de répondre aux attentes du citoyen mais qui sera moins asphyxié par ses propres procédures et moins lourd dans ses propres décisions. C'est un des éléments majeurs de la dynamique que nous voulons développer.
Je voudrais ajouter dans cette vision de l'Etat, aujourd'hui, un point qui me paraît, pour la croissance, aussi important : c'est la capacité d'avoir un Etat stratège, un Etat qui pense à 15 ans, qui pense à 20 ans. Je pense que, vraiment, dans le passé, on a oublié quelque peu cette fonction stratégique du rôle de l'Etat. A vouloir être partout, l'Etat s'est dispersé, a fait la course à toutes les collectivités territoriales, à tous les acteurs économiques, a voulu être présent partout. Il a quelquefois abandonné sa mission, sa mission qui est souvent de penser l'avenir et de préparer cet avenir. Et des structures comme le commissariat au plan, des structures comme la DATAR ont besoin, aujourd'hui, d'être repensées, redéveloppées pour être ces acteurs de l'Etat stratège, c'est-à-dire penser à ce à quoi le marché ne peut pas penser, ou ne pense pas spontanément, et penser à ce que, aujourd'hui, même l'action publique n'envisage pas. Je crois qu'il est très important, y compris pour des grands sujets stratégiques économiques, c'est-à-dire quels sont les grands secteurs dans lesquels la France, économiquement, aujourd'hui, considère qu'elle a des positions stratégiques à défendre. Quand je regarde bien, en-dehors des industries qui sont liées à la Défense, qui ont, avec l'Etat, des partenariats stratégiques de très long terme, je vois qu'il y a quand même un grand nombre de secteurs pour lesquels nous sommes sans véritable pensée stratégique à dix ans. Or, sur un certain nombre de grands projets, nous voyons qu'il faut, en France, rassembler des compétences, rassembler quelques pôles d'excellence, être capable de bâtir un développement qui soit celui d'un pays, aujourd'hui, moderne, capable de bâtir une véritable stratégie compétitive et avoir une lisibilité internationale pour un certain nombre de ces centres de croissance. Je crois qu'il nous faut mener ce travail, évidemment pas le mener de manière isolée mais le mener en ouverture avec la société civile, avec les acteurs économiques et sociaux. Voilà le cap qui est, aujourd'hui, le nôtre. Nous voulons nous mobiliser pour aller chercher la croissance et la trouver en libérant l'énergie des forces vives, en donnant davantage de potentiels humains à notre capacité entrepreneuriale et que la ressource humaine soit une priorité, notamment au travers de la formation mais aussi au travers d'un certain nombre d'initiatives. Je pense à ce que nous avons fait, par exemple, sur l'harmonisation des SMIC. Je pense à un certain nombre d'initiatives aussi pour lesquelles il nous faut mener un certain nombre de progrès, je pense à des sujets sur lesquels nous devons faire encore des efforts. Je pense à la création d'entreprise, par exemple, où pendant toute la période de croissance, nous avons eu des taux de créations d'entreprises qui étaient en train de diminuer. Là, il y a vraiment une pathologie nationale qui est à corriger. Aujourd'hui, les trois derniers résultats des trois derniers mois sont plutôt bons, 20 000-21 000-23 000 par mois. On est sur un rythme qui s'accélère. C'est un des éléments importants mais il faut travailler sur ces sujets-là qui sont vraiment au cur même de ce qui est, pour nous, essentiel pour la création de valeur ajoutée, pour la création de richesses. Il est très important également de veiller à notre capacité de maintenir notre cohésion sociale et de faire en sorte que la société puisse avoir un lien, un tissu social suffisamment bien tissé, E.Morin dirait complexe, " complessus ", qui tisse le lien, pour éviter que se trouvent trop de marges dans la société, trop de personnes qui se sentent exclues et qui, ce faisant, ne participant pas à la dynamique collective, naturellement, sont, pour l'ensemble de la société, une difficulté majeure. Je pense donc que nous devons avoir des objectifs de cohésion sociale. C'est cela, au fond, la stratégie qui est la nôtre de la société de croissance durable avec, à la fois, un objectif de libération des énergies, un objectif de réforme de l'Etat et de l'action publique et aussi un objectif de cohésion sociale, de solidarité, pour nous permettre de garder une société avec suffisamment de liens pour pouvoir faire face aux différentes difficultés du monde.
Ces difficultés, elles ne nous sont pas épargnées puisque vous avez vu, et vous êtes bien placés pour le savoir, combien les prévisions de croissance ont été rapidement revues à la baisse et combien nous avons été, les uns et les autres, obligés de nous mettre dans des scénarios qui sont des scénarios de grande prudence. Aujourd'hui encore, nous devons bâtir des scénarios même si nous les croyons crédibles puisque l'hypothèse sur laquelle nous sommes, 1,3 % de croissance pour l'année 2003, nous semble confortée par la guerre aujourd'hui achevée, par le prix du pétrole. Nous craignions un certain nombre de difficultés, le baril à 50 dollars. On a vu un certain nombre d'indicateurs, aujourd'hui, être plutôt dans le bon sens et, finalement, le scénario d'une reprise sur un rythme de 2,5 est un scénario, aujourd'hui, crédible. Je suis sûr que F. Mer a dû vous en parler. Je ne vais pas développer tout cela même si nous sommes très attentifs à la relation entre l'euro et le dollar, puisque nous voyons bien tout ce que ceci peut entraîner comme conséquences aujourd'hui sur le plan économique. Mais, globalement, je dirais que les scénarios noirs, qui avaient été à un moment envisagés, se sont plutôt éloignés et même si nous restons très attentifs à la parité euro-dollar, même si nous sommes très attentifs à la situation de notre partenaire commercial, l'Allemagne, premier partenaire, premier client, premier fournisseur qui est, d'une certaine manière, à notre avis, menacé de pression déflationniste. Même si nous avons cette vigilance générale, nous sentons, aujourd'hui, que les scénarios que nous avions fondés, sont des scénarios qui nous paraissent crédibles. C'est pour cela que nous ne voulons pas entrer dans les logiques que l'on appelle souvent, en France, " des logiques de rigueur ", qui ont un sens bien précis, c'est-à-dire aller faire appel à l'impôt, aller faire appel au citoyen ou à l'entreprise, pour surmonter les difficultés.
C'est pour ça que j'ai préféré la logique de la discipline budgétaire plutôt que de la rigueur pour bien montrer que nous devons faire des efforts dans l'appareil de l'Etat, que nous devons maîtriser nos dépenses parce que cela dépend de nous. Alors, ce n'est pas facile et il est aussi sûr que, aujourd'hui, ministère par ministère, je n'éprouve pas que des réunions chaleureuses, quand je suis en train de préparer cela. Mais, c'est un élément que le Gouvernement maîtrise et il doit pouvoir montrer l'exemple de maîtriser sa propre dépense et je souhaite vraiment que nous puissions maîtriser, en 2004, notre dépense en obtenant que l'on ne dépense pas plus qu'en 2003. C'est cela notre dynamique. Cela veut dire clairement que nous avons un certain nombre d'économies à faire mais je dis à tous mes ministres " Faites des économies et, pour financer vos idées nouvelles, vous garderez les économies que vous avez faites et, là, vous aurez les moyens de financer les idées nouvelles. Les idées nouvelles se financent par les économies qui sont réalisées, département ministériel par département ministériel". Nous voulons cela, grâce à ces efforts, grâce aux réformes de structure, la décentralisation, les retraites, l'ensemble des réformes que nous avons engagées, nous sommes dans une réflexion, actuellement, sur l'assurance maladie. Je vous le disais, on est en train d'achever notre programme pour la réforme de l'Etat. Tout ça doit nous donner les marges de manuvre qui nous permettront de pouvoir tenir ce qui nous paraît très important, c'est-à-dire les allègements de charges et les allègements d'impôts parce que la société française est, aujourd'hui, trop chargée. Les forces vives sont trop chargées, aujourd'hui, de lourdeurs et de pesanteurs pour pouvoir libérer la croissance dont nous avons besoin tous ensemble. Cela est très important à faire comprendre dans notre pays : la croissance est pour tout le monde et cette croissance se partage parce qu'un point de croissance, c'est 150 000 emplois. C'est une capacité, aujourd'hui à partager ces fruits de la croissance. Encore faut-il aller les chercher, ces points de croissance, partout où nous pouvons les trouver. C'est un point majeur de notre dynamique.
En résumé et pour terminer, je voudrais vous dire que je vois bien, aujourd'hui, dans le monde, la tentation qui serait celle de nous isoler et de ne voir la société française qu'au travers de nos propres prismes bleu blanc rouge. Regardons, aujourd'hui, comment se passe l'organisation du monde, regardons ces millions de Chinois qui, aujourd'hui, doivent faire face à un certain nombre de difficultés et, malgré notamment les difficultés qu'ils ont à affronter, sont quand même à un rythme de croissance de 9 % et je ne parle pas des millions d'Indiens et de quelques millions de Sud-Américains qui sont également là pour participer à la croissance parce que la croissance trouve sa force dans la capacité de mobilisation des personnes. Quand je regarde le monde et que je vois que, dans ce monde, il y a une Europe qui ferait de la stabilité un élément de stratégie et que, dans cette Europe-là, il y aurait une France qui ne mesurerait pas les défis qui sont les siens de mobilisation, à ce moment-là, on peut inventer les scénarios que nous voudrons, nous serons en situation de faiblesse à l'horizon 2020. Or. Cela, ce n'est pas le destin de la France. Le destin de la France, c'est de faire face suffisamment tôt aux défis qu'elle doit relever pour avoir le courage d'engager les réformes dans le dialogue social et, au moment où je vous parle, deux de mes ministres sont rassemblés avec les syndicats pour essayer de trouver la manière d'améliorer la réforme des retraites de façon à ce que l'on puisse faire en sorte que cette réforme puisse aller jusqu'à son terme. Je suis vraiment déterminé, je le leur ai dit. La politique que nous menons est une politique d'ouverture. Je suis ferme mais pas fermé mais je crois qu'il est très important que nous comprenions bien, dans le pays aujourd'hui, que si nous voulons assurer l'avenir de nos enfants, si nous voulons que la France, à l'horizon 2020, puisse être aussi fière des Français que nous sommes comme, nous, nous pouvons être fiers de la France, aujourd'hui, quand elle se fait entendre sur la scène internationale, eh bien cela demande quelques efforts, des efforts certes partagés mais des efforts nécessaires. C'est ce que nous voulons faire par la politique de réforme, c'est ce que nous voulons faire pour la société de la croissance durable car, au fond, je crois qu'une société de croissance durable est la seule façon que nous avons d'avoir une société juste. La meilleure façon, aujourd'hui, de faire avancer une société, c'est que, notamment, le politique soit capable de tenir ses engagements et que, pour qu'il tienne ses engagements, il puisse donner les équilibres de justice qu'attend la société. Aujourd'hui, la manière la plus forte, la plus efficace et probablement la plus juste de faire en sorte que les équilibres d'une société soient respectés, c'est de bâtir une croissance qui ne soit pas un yo-yo occasionnel, mais qui soit une stratégie politique durable. Je vous remercie. "
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 mai 2003)
Aujourd'hui, je pense que, quelle que soit l'action politique que l'on mène à l'intérieur d'un pays, à l'intérieur d'un continent comme l'Europe, et même quelquefois dans des rivalités amicales mais sévères avec un grand continent comme les Etats-Unis, quel est le sens de ces rivalités si, quinze ans durant, vingt ans durant, il y a un point de croissance de différence ? Vous le disiez tout à l'heure pour le niveau de vie, on peut le dire pour toutes les formes et l'expression des puissances et des capacités de décision. Je pense que l'on ne peut pas envisager, aujourd'hui, les plus belles institutions comme celle - que V. Giscard d'Estaing va nous bâtir avec la finesse que l'on lui connaît - sur ce grand espace élargi si nous avons un des niveaux de croissance les plus faibles du monde durablement. Nous ne pouvons pas compter sur nos institutions seules pour pouvoir mener les ambitions qui sont les nôtres. Je voudrais saluer l'initiative de monsieur Worms et de monsieur Didier et leur dire combien j'apprécie qu'ils se soient engagés dans cette réflexion, dans cette pensée. Parce que je crois, aujourd'hui, qu'il nous faut penser la croissance pour la transformer, justement, en un projet de société de croissance durable et essayer de construire cette dynamique à laquelle nous sommes attachés et qui me paraît devoir être la principale ambition de la France. Il nous faut aller chercher cette croissance durable, notamment à l'intérieur de nous-mêmes. Ce qui me paraît très important, c'est d'aller chercher cette croissance durable dans l'ensemble de notre dispositif national. Je ne veux pas, aujourd'hui, mésestimer tout ce qui peut nous venir de l'extérieur, ni des échanges mondiaux évidemment, ni des conquêtes de marché, je ne fais pas partie de ceux qui croient à une " eurosclérose ". Mais je voudrais être un croyant et un pratiquant, à la fois, du sommet de Lisbonne et me mettre dans cette perspective qui était celle du sommet de Lisbonne : les Européens réunis avec, pour ambition à l'horizon 2010, de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde capable d'une croissance économique durable.
C'est un élément de la stratégie de l'Union européenne, mais je vois, aujourd'hui, un certain nombre de difficultés pour transformer cet objectif de Lisbonne en élément stratégique opérationnel. Certes, il y a des avancées, certes, il y a des éléments de coordination. Nous avons un pacte de stabilité et de croissance - un peu plus de stabilité que de croissance d'ailleurs - qui est un des éléments structurants de notre construction européenne. C'est un élément important de notre démarche ; je ne le remets pas en cause parce que ce pacte de stabilité défend globalement des principes de bon père de famille et, aujourd'hui, c'est une sorte de règlement de copropriété de tous ceux qui possèdent, ensemble, l'euro. Il est évident que disposer d'une monnaie commune fait partie de notre stratégie et cela doit nous conduire à observer un certain nombre d'éléments de discipline budgétaire.
Nous nous inscrivons dans cette dynamique, même si nous demandons quelques délais et que nous mesurions que, lorsqu'il n'y a pas de croissance, il faut donner aux gouvernements, dans les périodes d'alternance, le temps de mener les réformes structurelles nécessaires dans lesquelles on va chercher ces réserves de croissance. On voit bien que ceci demande du temps et on voit bien combien la société française est sensible à l'idée de réforme et combien elle a besoin que l'on lui explique, avec tout le dialogue nécessaire, l'exigence des réformes. Parce que même les réformes qui apparaissent comme les plus nécessaires et globalement relativement partagées créent quand même une forte émotion, à laquelle je ne suis point insensible. Il va de soi que ces réformes doivent être engagées parce que nous voyons bien que c'est au-delà de l'espace européen, dans notre espace national, en infra-européen, que nous devons engager notre dynamique de croissance et pouvoir, par la politique de réformes, nous adapter à cette exigence nouvelle.
Il y a un certain nombre d'éléments de stratégie nationale, aujourd'hui, qu'il nous faut modifier fondamentalement pour aller chercher ces réserves de croissance. Il est évident que notre système de retraite, pour prendre l'actualité, est un des éléments majeurs des réformes qu'il faut mener. Ce sont des réformes qu'il faut mener pour protéger notre cohésion sociale. Il est clair que la non-réforme est ce qu'il y a de plus menaçant pour la société française et beaucoup de gens qui ont, aujourd'hui, une inquiétude seraient beaucoup plus inquiets ou devraient être beaucoup plus inquiets par la non réforme que par la réforme. La réforme est, aujourd'hui, nécessaire dans le temps, de manière progressive, avec l'esprit d'équité, c'est-à-dire par une convergence des différents profils, pour que l'on puisse faire en sorte que l'enjeu social, qui appartient à notre patrimoine, soit finançable par notre société. Il est difficile de croire que la France pourra garder durablement un niveau de vie parmi les plus élevés du monde si nous diminuons régulièrement nos nombres d'heures travaillées. Il faut augmenter le nombre d'heures travaillées. Cela veut dire qu'il faut que l'on puisse rentrer assez tôt dans la vie active pour, ensuite, continuer par la formation professionnelle. Il faut également accorder une place plus importante aux actifs, aux salariés plus âgés dans l'entreprise, et que l'on combatte le chômage pour que chacun puisse apporter sa part à cette augmentation du nombre d'heures travaillées, afin de créer la richesse, qui portera notre système social. Cette logique-là, on le voit bien aujourd'hui, est nécessaire et c'est un des éléments majeurs de notre stratégie. Il faut faire ces réformes, notamment pour permettre à notre pays de retrouver sa capacité créatrice.
Un peuple comme la France, un pays comme la France a des chances, aujourd'hui, de faire face à cette compétition des croissances si nous redevenons créateurs mais, pour redevenir créateurs, il faut que les forces vives soient libres dans notre pays, que notre solidarité sociale soit financée, que nos équilibres économiques et sociaux puissent être affirmés durablement et pas seulement occasionnellement. Il faut que l'on puisse vraiment bâtir cette stratégie de la création, de la créativité, qui est la seule stratégie que la France peut déployer aujourd'hui dans le monde. L'avenir de la France, n'est pas de jouer les cartes de la standardisation, de la banalisation, de la concentration et du gigantisme. L'avenir de la France, c'est de créer de la valeur, d'ajouter de la valeur, de créer de l'idée, de créer du talent, de prendre des brevets, de développer de l'innovation, d'ajouter de l'humain dans l'économique, de faire, en fait, une stratégie de valeur ajoutée qui est sans doute la meilleure des stratégies de croissance. On ne fait pas une politique de la création sans faire une politique de la formation renforcée et modernisée avec, à la fois, un système éducatif de grande qualité, proche du terrain, diversifié et aussi cette formation tout au long de la vie, cette assurance emploi, dirait le Président de la République, c'est-à-dire cette capacité à avoir dans sa vie professionnelle et en emploi ou en formation. La formation, ce n'est pas quelque chose que l'on met dans sa poche une fois pour toutes mais c'est un partenaire quotidien de l'épanouissement personnel. Là, nous avons un certain nombre de réformes qui sont très importantes à développer. C'est un des éléments majeurs de la politique que nous voulons mener.
Je compte beaucoup sur un certain nombre d'ouvertures, d'expérimentations, notamment pour que notre système soit plus ouvert, plus diversifié tout en gardant, naturellement, sa dimension républicaine. Il ne s'agit pas d'avoir une atteinte à la République, à l'école républicaine mais mettons un peu de diversité dans les dispositifs pour y mettre de la responsabilité. Les acteurs de la formation doivent se sentir encore davantage responsables de leurs initiatives. Il nous faudra également et parallèlement à cet effort de formation développer une véritable dynamique de la recherche et de l'innovation. Je crois vraiment que c'est un cap important pour notre pays. Quand je regarde, aujourd'hui, l'ensemble de notre dispositif de recherche et d'innovations, je vois que nous sommes souvent, sur certains critères, parmi les meilleurs du monde. Si l'on regarde notre recherche publique, aujourd'hui, elle est très importante dans le monde, plus importante d'ailleurs relativement que ne l'est notre recherche privée. Mais nous avons une recherche qui est quand même fondée, globalement, plus sur la valeur des structures que sur la valeur des projets et, pourtant, l'avenir est aux projets plus qu'aux structures. En tout cas, la légitimité d'avenir pour les moyens financiers devra aller donner une priorité aux projets sur la structure parce qu'il arrive, c'est rare vous le savez bien, mais il arrive que l'on trouve des structures sans projet et, très souvent, on rencontre des projets qui chercheraient des structures.
Nous voulons avoir une vraie dynamique de projets. On a commencé avec le plan cancer. C'est une forte motivation. Mais, autour du plan cancer, on va mobiliser des forces importantes. On a le projet ITER pour la fusion nucléaire. On a quelques projets où autour desquels nous allons bâtir des fortes mobilisations, avec de concepts fédérateurs, des équipes pluridisciplinaires, quelquefois des sites géographiques complémentaires, afin que nous puissions mettre en place un certain nombre de moyens très importants pour développer cette capacité de recherche. J'ajouterais que nous devons aussi modifier toutes les structures périphériques de la recherche qui sont les structures entrepreneuriales. Tout ce transfert de technologies, toute cette capacité que l'on peut avoir pour transformer l'idée en action, en valeur, en richesse. De ce point de vue-là, nous avons un texte qui devrait nous permettre, d'abord, de dégager des moyens importants pour créer des structures innovantes, faire en sorte qu'un nouveau type de statut puisse exister pour permettre aux entreprises qui ont besoin de hauts de bilans musclés durablement. Je pense notamment dans les biotechnologies qui ont besoin de capacités d'investissements dans la durée, puissent avoir des systèmes fiscaux et sociaux adaptés à ce type d'exercice avec, souvent, ce besoin important de capitaux propres. Je pense aussi que, sur les investisseurs providentiels -comme on traduit en français l'expression américaine- je crois qu'il faut que, avec nos investisseurs providentiels, auxquels on donne des avantages fiscaux, l'on puisse trouver le moyen d'orienter les moyens financiers vers les idées, les projets et, notamment, les entreprises innovantes. C'est un des éléments importants de cette politique que nous voulons mener dans tout ce qui concerne la valorisation de la matière grise. Je crois que c'est très important. Je pense que ce sera d'autant plus important que nous avons des défis démographiques à lever. Je crois vraiment, comme cela a été écrit dans un excellent livre d'un certain monsieur Godet, Le choc de 2006, où je vois vraiment, là, l'équation démographique posée de manière très claire. Nous sommes au carrefour de tous nos problèmes, le problème de nos retraites, le problème de nos développements, le problème de la politique familiale, et un certain nombre de grands sujets et, notamment, pour ce qui est du développement de la matière grise, de l'ensemble d'un certain nombre de nos outils de formation. G. Longuet sait bien cela, en Lorraine et ailleurs, mais la démographie étant ce qu'elle est, l'avenir de nos universités, l'avenir de nos lycées, l'avenir de toutes nos structures de formation ne sont pas assurés si on n'élargit pas les publics qui ont accès à ces dispositifs de formation. Si on reste sur des publics qui sont démographiquement restreints, il va de soi qu'il y a des appareils de formation, de recherche, de développement qui vont se trouver en situation fragilisée. Je suis inquiet pour l'avenir d'un certain nombre d'universités, aujourd'hui, qui, à dix ans, n'ont pas forcément l'attractivité européenne et internationale qui leur donnera la base démographique nécessaire et suffisante pour se construire leur propre avenir. Et donc, je crois qu'il y a, là, dans cette mobilisation de l'intelligence, qui est un espace majeur de recherche de la croissance, une vraie stratégie pour la matière grise dans notre pays. C'est un des éléments les plus importants. Alors, l'autre grande réforme majeure pour essayer de trouver dans la société française des points de croissance concerne la fameuse réforme de l'Etat dont vous avez déjà entendu parler depuis une bonne cinquantaine d'années. Elle est engagée. Nous allons essayer d'accélérer le mouvement et nous voulons l'accélérer en prenant le sujet sous différents angles, d'abord, je crois, avec un concept qui était d'ailleurs un concept classique. Comme je vois, ici, le préfet Camous, je lui rappellerais le concept en 69 de participation aux régionalisations. Finalement, on appelle cela autrement aujourd'hui mais c'est le même concept. C'est le concept de la responsabilité et c'est le concept de décisions prises au plus près de l'usager. Je crois vraiment que la réforme de l'Etat a besoin de ces deux idées, une idée de responsabilité parce que beaucoup trop de processus sont, aujourd'hui, opaques. On ne sait pas qui décide et on est dans un système qui n'est pas suffisamment évalué parce que le processus de décision n'est pas suffisamment identifié. Globalement, nous voulons faire une action profonde de décentralisation. Je vous assure que la décentralisation est une réforme majeure.
Personne ne voit forcément, aujourd'hui, avec clarté, ce que sera la France de demain mais je vous assure que la France de demain, mais pas demain dans très longtemps, demain dans trois ans, dans quatre ans, grâce à la réforme constitutionnelle, d'une part, mais grâce aussi au transfert de compétences que nous allons proposer dans quelques semaines au Parlement. Nous allons vraiment faire en sorte que l'Etat soit recentré sur ses missions avec des acteurs identifiés sur des missions parfaitement mesurées avec une loi organique financière qui va nous obliger à travailler par programmes et qui va nous obliger à avoir des processus d'évaluation et puis du transfert d'initiatives et de responsabilités, une délégation républicaine menée à des collectivités territoriales et ces collectivités territoriales auront les responsabilités. La norme restera celle de l'Etat mais la délégation, la responsabilité seront celle du territoire. L'Etat pourra mener les évaluations mais, entre la norme et l'évaluation, il y a la confiance, la responsabilité. C'est ce que nous voulons développer. Alors, on nous dit, " oui, bien sûr, mais il y a tellement de niveaux de compétence et tellement de niveaux de collectivités dans notre pays que tout cela ne va pas conduire à des économies, ne va pas dégager de la marge d'initiatives ". Bien sûr que si. Parce que si je suis convaincu qu'il est très difficile de changer par en haut les systèmes d'organisation et les architectures administratives. Vous verrez que, par en bas et par ce petit outil que nous avons mis dans la Constitution qui s'appelle le référendum, comment les acteurs territoriaux eux-mêmes vont demander à ce que l'on simplifie. Vous allez voir, dès le 6 juillet, avec le premier référendum, en Corse, nous avons trois collectivités territoriales où nous allons proposer de rassembler les deux départements et la région dans une seule collectivité. Et le schéma qui va être proposé à l'opinion pourra être proposé si d'autres territoires demandent ce type d'initiative. D'ores et déjà, j'entends en Alsace, j'entends en Savoie, j'entends en Normandie, j'entends, dans un grand nombre de régions, des idées de cette nature pour pouvoir modifier les structures et modifier les structures par les territoires. Cette dynamique-là va nous conduire à une carte qui sera simplifiée avec des responsabilités mieux identifiées.
C'est, je crois, un élément très important, non pas en terme de pouvoir, mais en terme d'initiatives, donc en terme de croissance. Parce que, au fond, ce dont nous avons besoin, c'est que les acteurs territoriaux puissent s'engager dans des logiques de développement, dans des logiques de projets. Quand on voit, aujourd'hui, dans un grand nombre de pays, l'articulation qu'il y a, notamment entre technologies et territoires, il faut réfléchir à ces logiques-là. Il y a de plus en plus, dans le monde, -l'Italie nous l'a montré, les Etats-Unis également mais aussi dans les pays du Sud-Est asiatique- il y a des concentrations territoriales, des spécialisations territoriales, des seuils critiques territoriaux, qui sont, à un moment, atteints par une concentration de potentiels de développement, de potentiels d'énergies, de potentiels d'idées, de créativité et donc de potentiels de croissance. Je pense que nous avons besoin, dans notre pays, d'avoir cette dynamique-là qui est une dynamique, en fait, d'initiatives, de donner la liberté aux acteurs de terrain de pouvoir s'engager dans une logique de projets.
C'est un des éléments très importants de la réforme de l'Etat que nous voulons engager, que nous menons actuellement et que nous menons, notamment, par cette approche de la décentralisation mais nous la menons aussi par l'approche des ordonnances pour la simplification. Nous menons cela également par des réformes de ministère à ministère et nous avons, là, un certain nombre d'initiatives qui nous conduiront à avoir un Etat, je crois, qui sera plus à même de répondre aux attentes du citoyen mais qui sera moins asphyxié par ses propres procédures et moins lourd dans ses propres décisions. C'est un des éléments majeurs de la dynamique que nous voulons développer.
Je voudrais ajouter dans cette vision de l'Etat, aujourd'hui, un point qui me paraît, pour la croissance, aussi important : c'est la capacité d'avoir un Etat stratège, un Etat qui pense à 15 ans, qui pense à 20 ans. Je pense que, vraiment, dans le passé, on a oublié quelque peu cette fonction stratégique du rôle de l'Etat. A vouloir être partout, l'Etat s'est dispersé, a fait la course à toutes les collectivités territoriales, à tous les acteurs économiques, a voulu être présent partout. Il a quelquefois abandonné sa mission, sa mission qui est souvent de penser l'avenir et de préparer cet avenir. Et des structures comme le commissariat au plan, des structures comme la DATAR ont besoin, aujourd'hui, d'être repensées, redéveloppées pour être ces acteurs de l'Etat stratège, c'est-à-dire penser à ce à quoi le marché ne peut pas penser, ou ne pense pas spontanément, et penser à ce que, aujourd'hui, même l'action publique n'envisage pas. Je crois qu'il est très important, y compris pour des grands sujets stratégiques économiques, c'est-à-dire quels sont les grands secteurs dans lesquels la France, économiquement, aujourd'hui, considère qu'elle a des positions stratégiques à défendre. Quand je regarde bien, en-dehors des industries qui sont liées à la Défense, qui ont, avec l'Etat, des partenariats stratégiques de très long terme, je vois qu'il y a quand même un grand nombre de secteurs pour lesquels nous sommes sans véritable pensée stratégique à dix ans. Or, sur un certain nombre de grands projets, nous voyons qu'il faut, en France, rassembler des compétences, rassembler quelques pôles d'excellence, être capable de bâtir un développement qui soit celui d'un pays, aujourd'hui, moderne, capable de bâtir une véritable stratégie compétitive et avoir une lisibilité internationale pour un certain nombre de ces centres de croissance. Je crois qu'il nous faut mener ce travail, évidemment pas le mener de manière isolée mais le mener en ouverture avec la société civile, avec les acteurs économiques et sociaux. Voilà le cap qui est, aujourd'hui, le nôtre. Nous voulons nous mobiliser pour aller chercher la croissance et la trouver en libérant l'énergie des forces vives, en donnant davantage de potentiels humains à notre capacité entrepreneuriale et que la ressource humaine soit une priorité, notamment au travers de la formation mais aussi au travers d'un certain nombre d'initiatives. Je pense à ce que nous avons fait, par exemple, sur l'harmonisation des SMIC. Je pense à un certain nombre d'initiatives aussi pour lesquelles il nous faut mener un certain nombre de progrès, je pense à des sujets sur lesquels nous devons faire encore des efforts. Je pense à la création d'entreprise, par exemple, où pendant toute la période de croissance, nous avons eu des taux de créations d'entreprises qui étaient en train de diminuer. Là, il y a vraiment une pathologie nationale qui est à corriger. Aujourd'hui, les trois derniers résultats des trois derniers mois sont plutôt bons, 20 000-21 000-23 000 par mois. On est sur un rythme qui s'accélère. C'est un des éléments importants mais il faut travailler sur ces sujets-là qui sont vraiment au cur même de ce qui est, pour nous, essentiel pour la création de valeur ajoutée, pour la création de richesses. Il est très important également de veiller à notre capacité de maintenir notre cohésion sociale et de faire en sorte que la société puisse avoir un lien, un tissu social suffisamment bien tissé, E.Morin dirait complexe, " complessus ", qui tisse le lien, pour éviter que se trouvent trop de marges dans la société, trop de personnes qui se sentent exclues et qui, ce faisant, ne participant pas à la dynamique collective, naturellement, sont, pour l'ensemble de la société, une difficulté majeure. Je pense donc que nous devons avoir des objectifs de cohésion sociale. C'est cela, au fond, la stratégie qui est la nôtre de la société de croissance durable avec, à la fois, un objectif de libération des énergies, un objectif de réforme de l'Etat et de l'action publique et aussi un objectif de cohésion sociale, de solidarité, pour nous permettre de garder une société avec suffisamment de liens pour pouvoir faire face aux différentes difficultés du monde.
Ces difficultés, elles ne nous sont pas épargnées puisque vous avez vu, et vous êtes bien placés pour le savoir, combien les prévisions de croissance ont été rapidement revues à la baisse et combien nous avons été, les uns et les autres, obligés de nous mettre dans des scénarios qui sont des scénarios de grande prudence. Aujourd'hui encore, nous devons bâtir des scénarios même si nous les croyons crédibles puisque l'hypothèse sur laquelle nous sommes, 1,3 % de croissance pour l'année 2003, nous semble confortée par la guerre aujourd'hui achevée, par le prix du pétrole. Nous craignions un certain nombre de difficultés, le baril à 50 dollars. On a vu un certain nombre d'indicateurs, aujourd'hui, être plutôt dans le bon sens et, finalement, le scénario d'une reprise sur un rythme de 2,5 est un scénario, aujourd'hui, crédible. Je suis sûr que F. Mer a dû vous en parler. Je ne vais pas développer tout cela même si nous sommes très attentifs à la relation entre l'euro et le dollar, puisque nous voyons bien tout ce que ceci peut entraîner comme conséquences aujourd'hui sur le plan économique. Mais, globalement, je dirais que les scénarios noirs, qui avaient été à un moment envisagés, se sont plutôt éloignés et même si nous restons très attentifs à la parité euro-dollar, même si nous sommes très attentifs à la situation de notre partenaire commercial, l'Allemagne, premier partenaire, premier client, premier fournisseur qui est, d'une certaine manière, à notre avis, menacé de pression déflationniste. Même si nous avons cette vigilance générale, nous sentons, aujourd'hui, que les scénarios que nous avions fondés, sont des scénarios qui nous paraissent crédibles. C'est pour cela que nous ne voulons pas entrer dans les logiques que l'on appelle souvent, en France, " des logiques de rigueur ", qui ont un sens bien précis, c'est-à-dire aller faire appel à l'impôt, aller faire appel au citoyen ou à l'entreprise, pour surmonter les difficultés.
C'est pour ça que j'ai préféré la logique de la discipline budgétaire plutôt que de la rigueur pour bien montrer que nous devons faire des efforts dans l'appareil de l'Etat, que nous devons maîtriser nos dépenses parce que cela dépend de nous. Alors, ce n'est pas facile et il est aussi sûr que, aujourd'hui, ministère par ministère, je n'éprouve pas que des réunions chaleureuses, quand je suis en train de préparer cela. Mais, c'est un élément que le Gouvernement maîtrise et il doit pouvoir montrer l'exemple de maîtriser sa propre dépense et je souhaite vraiment que nous puissions maîtriser, en 2004, notre dépense en obtenant que l'on ne dépense pas plus qu'en 2003. C'est cela notre dynamique. Cela veut dire clairement que nous avons un certain nombre d'économies à faire mais je dis à tous mes ministres " Faites des économies et, pour financer vos idées nouvelles, vous garderez les économies que vous avez faites et, là, vous aurez les moyens de financer les idées nouvelles. Les idées nouvelles se financent par les économies qui sont réalisées, département ministériel par département ministériel". Nous voulons cela, grâce à ces efforts, grâce aux réformes de structure, la décentralisation, les retraites, l'ensemble des réformes que nous avons engagées, nous sommes dans une réflexion, actuellement, sur l'assurance maladie. Je vous le disais, on est en train d'achever notre programme pour la réforme de l'Etat. Tout ça doit nous donner les marges de manuvre qui nous permettront de pouvoir tenir ce qui nous paraît très important, c'est-à-dire les allègements de charges et les allègements d'impôts parce que la société française est, aujourd'hui, trop chargée. Les forces vives sont trop chargées, aujourd'hui, de lourdeurs et de pesanteurs pour pouvoir libérer la croissance dont nous avons besoin tous ensemble. Cela est très important à faire comprendre dans notre pays : la croissance est pour tout le monde et cette croissance se partage parce qu'un point de croissance, c'est 150 000 emplois. C'est une capacité, aujourd'hui à partager ces fruits de la croissance. Encore faut-il aller les chercher, ces points de croissance, partout où nous pouvons les trouver. C'est un point majeur de notre dynamique.
En résumé et pour terminer, je voudrais vous dire que je vois bien, aujourd'hui, dans le monde, la tentation qui serait celle de nous isoler et de ne voir la société française qu'au travers de nos propres prismes bleu blanc rouge. Regardons, aujourd'hui, comment se passe l'organisation du monde, regardons ces millions de Chinois qui, aujourd'hui, doivent faire face à un certain nombre de difficultés et, malgré notamment les difficultés qu'ils ont à affronter, sont quand même à un rythme de croissance de 9 % et je ne parle pas des millions d'Indiens et de quelques millions de Sud-Américains qui sont également là pour participer à la croissance parce que la croissance trouve sa force dans la capacité de mobilisation des personnes. Quand je regarde le monde et que je vois que, dans ce monde, il y a une Europe qui ferait de la stabilité un élément de stratégie et que, dans cette Europe-là, il y aurait une France qui ne mesurerait pas les défis qui sont les siens de mobilisation, à ce moment-là, on peut inventer les scénarios que nous voudrons, nous serons en situation de faiblesse à l'horizon 2020. Or. Cela, ce n'est pas le destin de la France. Le destin de la France, c'est de faire face suffisamment tôt aux défis qu'elle doit relever pour avoir le courage d'engager les réformes dans le dialogue social et, au moment où je vous parle, deux de mes ministres sont rassemblés avec les syndicats pour essayer de trouver la manière d'améliorer la réforme des retraites de façon à ce que l'on puisse faire en sorte que cette réforme puisse aller jusqu'à son terme. Je suis vraiment déterminé, je le leur ai dit. La politique que nous menons est une politique d'ouverture. Je suis ferme mais pas fermé mais je crois qu'il est très important que nous comprenions bien, dans le pays aujourd'hui, que si nous voulons assurer l'avenir de nos enfants, si nous voulons que la France, à l'horizon 2020, puisse être aussi fière des Français que nous sommes comme, nous, nous pouvons être fiers de la France, aujourd'hui, quand elle se fait entendre sur la scène internationale, eh bien cela demande quelques efforts, des efforts certes partagés mais des efforts nécessaires. C'est ce que nous voulons faire par la politique de réforme, c'est ce que nous voulons faire pour la société de la croissance durable car, au fond, je crois qu'une société de croissance durable est la seule façon que nous avons d'avoir une société juste. La meilleure façon, aujourd'hui, de faire avancer une société, c'est que, notamment, le politique soit capable de tenir ses engagements et que, pour qu'il tienne ses engagements, il puisse donner les équilibres de justice qu'attend la société. Aujourd'hui, la manière la plus forte, la plus efficace et probablement la plus juste de faire en sorte que les équilibres d'une société soient respectés, c'est de bâtir une croissance qui ne soit pas un yo-yo occasionnel, mais qui soit une stratégie politique durable. Je vous remercie. "
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 mai 2003)