Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le parlement et porte parole du gouvernement, à Europe 1 le 22 septembre 2003, sur le programme des réformes, la stratégie budgétaire, la situation d'Alstom et sa candidature pour l'UMP à l'élection régionale en Ile-de-France.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach-. J.-F. Copé bonjour. Vous êtes déjà à Nancy pour les journées parlementaires de l'UMP. Vous avez entendu que la rédaction d'Europe 1 a beaucoup traité de l'intervention de J.-P. Raffarin sur M6. Est-ce que cette intervention va suffire à mobiliser, réconforter, doper les parlementaires UMP, qui ne cachaient pas leur inquiétude dans ce que N. Sarkozy appelle cette " zone de turbulences " pour le gouvernement.
- "Vous savez c'est indispensable. Maintenant, la rentrée a commencé et je crois qu'on est à l'appel à la mobilisation générale parce qu'il faut convaincre les Français que ce qu'il faut faire en ce moment, c'est travailler à nos réformes, nous avons cinq ans pour réussir."
Vous ne les avez pas convaincus, c'est ce que vous voulez dire ?
- "Ecoutez attendez, le Premier ministre les rencontre demain et ça sera l'occasion de dérouler tout l'agenda 2006, c'est-à-dire tout le programme des réformes. Parce qu'il faut bien comprendre qu'on est au milieu du gué. Cela fait 15 mois qu'on a enclenché un certain nombre de choses, et donc il faut poursuivre, et le message c'est la confiance et puis c'est surtout la détermination. Qui pourrait comprendre qu'on renonce à nos réformes ?"
Mais qui vous demande de renoncer ? Simplement, ils vont trouver probablement le sens du concret à M. Raffarin, de l'énergie, de la conviction ? Est-ce qu'il leur a montré, hier, est-ce qu'il leur montre le chemin et l'horizon ?
- "Vous savez, l'idée elle est assez simple : il y a d'un côté un rendez-vous qui est fixé pour la fin 2006, il y a un certain nombre de chantiers qui ont dû être traités, qu'il s'agisse des retraites, qu'il s'agisse de la sécurité, qu'il s'agisse de la sécurité des Français, qu'il s'agisse de la formation professionnelle qui est indispensable, la santé, l'école, tout ça c'est des sujets très difficiles parce qu'ils n'ont pas été abordés."
Et les grandes réformes c'est quoi alors ? C'est 2005 ?
- "Une par semestre, vous avez entendu le rythme, donc ça va.."
2005.
- "Ça va assez vite, donc il y en a de prévues pour 2005 ; 2003 l'apprentissage, 2004 on travaille la santé - ce sera décidé à l'automne 2004 ; et enfin 2005 c'est l'école. Donc à chaque fois, c'est le temps nécessaire, on discute, on écoute et puis on décide."
Mais la vérité c'est que 2004, année d'élections, sera une année sans vraies réformes. Une année de pause.
- "Pas tout à fait d'accord avec vous parce que les élections c'est en mars, les élections régionales et cantonales.."
Alors quelle grande réforme dans le deuxième semestre de 2004, J.-F. Copé ?
- "Deuxième semestre 2004, c'est la réforme de la protection sociale, parce qu'on veut préserver absolument notre Sécurité sociale. Pour cela, il y a des mesures à prendre, parce que sinon, vous avez vu que les déficits vont très vite. Donc il faut qu'on préserve la possibilité pour tous les Français d'être soignés dans les meilleures conditions tout en appelant à la responsabilité. Et puis en même temps, il faut investir, vous l'avez entendu, l'hôpital, les urgences, il y a beaucoup de choses à faire, les Français attendent.."
Comment vous financez les déficits des comptes sociaux de l'Assurance Maladie dès l'année prochaine ?
- "On ne pourra pas je vais vous dire, moi je pense qu'on ne peut pas résorber un déficit structurel par des mesures de conjoncture. Ce n'est pas en ajoutant ici ou là un bout de taxe qu'on règle le problème, c'est une réflexion plus globale sur la durée."
Par quoi ? Par quelque chose de lourd, d'important, de massif, de structurel, c'est quand ?
- "C'est surtout qu'il faut qu'on en parle avec tout le monde et que chacun se sente responsabilisé. Il y a à travailler la question à l'hôpital, il y a la médecine de ville, il y a les patients, c'est tout le monde qui est concerné. On va y travailler ensemble, comme on a fait pour les retraites."
J.-F. Copé, c'est encore pour le vaillant Premier ministre Raffarin une semaine d'épreuves. Demain encore à Nancy, jeudi le budget 2004, il va promettre, parce que vous le faites déjà, le retour à moins de 3% de déficits en 2005, comment ?
- "Eh bien, écoutez, toute la stratégie économique, elle se résume ainsi : d'un côté, on bloque les dépenses, on les stabilise, tout en finançant essentiellement les priorités, et ensuite on va au devant de la croissance. C'est quoi le message finalement ? C'est de dire sur la politique budgétaire, d'abord on se retrousse les manches, on encourage le travail, la création d'entreprise, la recherche, c'est pour ça qu'on baisse les impôts et les charges, et de l'autre, on se serre les coudes, parce qu'on ne peut pas réussir à donner la cohésion de notre notion si dans le même temps on ne veille pas à ce que tout le monde y participe, d'où l'augmentation du SMIC, de la prime pour l'emploi et puis"
D'où la suppression de l'indemnité pour les chômeurs de longue durée.
- "Non, mais ça c'est un point spécifique qui correspond aussi à la philosophie qui est la notre, faire en sorte d'encourager nos concitoyens à aller vers la voie du travail. Quand on passe du revenu minimum d'insertion au revenu minimum d'activité, c'est dans cette même logique au bout d'un certain nombre d'années, mais en mettant des garde-fous. Par exemple ne pas toucher ceux qui ont plus de 55 ans. Et dans le même temps, l'idée c'est qu'on ne doit pas se serrer la ceinture, il faut se retrousser les manches mais pas se serrer la ceinture, c'est pour ça qu'on refuse de baisser brutalement les dépenses publiques."
Il y a d'autres sujets, ce matin, J.-F. Copé : Alsthom. On voit bien que pour Alsthom, on aura la réponse ce soir, peut-être vous ne pourrez pas en dire beaucoup, chacun semble vouloir et avoir joué son rôle, les banques, l'Europe, et l'Etat qui fait un plus gros effort pour garantir les prêts bancaires. Est-ce qu'on peut dire que l'Etat accepte le principe de son engagement à long terme et qu'il ne va pas entrer dans le capital du groupe ?
- "Ecoutez, en ce qui concerne Alstom, je peux vous dire que ça a été un appel à la mobilisation générale. Le Gouvernement s'est énormément activé depuis ces trois ou quatre derniers jours, tout doit être fait pour trouver un plan qui permette à Alstom d'être préservé.."
Il va être trouvé ?
- "Nous avons bon espoir. Il y avait beaucoup de partenaires dans cette discussion. L'objectif c'est de respecter les règles de Bruxelles et en même temps de les concilier avec le fait que c'est une très grosse entreprise française qui emploie des salariés en France et en Europe, des dizaines de milliers de salariés, sur de la technologie moderne. C'est absolument essentiel d'aboutir, nous avons bon espoir."
Oui, chaque fois qu'une entreprise aura des difficultés, il faudra nationaliser ses pertes ?
- "Non, pas d'accord avec vous, parce qu'en fait chaque entreprise est un cas particulier. Il est des situations dans lesquelles il y a besoin de garantir bien sûr, et la garantie publique est importante. Dans d'autres cas, il faut agir autrement. Regardez par exemple pour France Telecom, nous avons réfléchi à une autre formule. Là, l'idée ça serait plutôt d'assouplir et le fait que l'Etat ne reste pas au-dessus de 50 %."
J.-F. Copé, il y aurait beaucoup de choses à dire. Est-ce que je peux vous demander d'être prudent en ce moment et de ne pas rouler sur une autoroute parce que les gendarmes pourraient vous arrêter ?
- "Bien sûr."
Vous savez pourquoi ?
- "Si on excède les vitesses bien sûr.."
Non, pas pour ça, parce qu'il me semble que vous êtes en état d'ivresse. Les grands de l'UMP vous ont désigné comme tête de liste à l'UMP pour affronter aux régionales J.-P. Huchon, le président socialiste de la région Ile-de-France. Les moments de bonheur sont tellement rares en politique, savourez-le non ?
- "Oui, ça a été un moment bien sûr d'émotion. Vous savez, c'est une chance fantastique d'être ainsi choisi par ses amis pour porter les couleurs de l'UMP. C'est un combat difficile, la région Ile-de-France, il y a beaucoup d'adversaires, mais c'est enthousiasmant. Moi, je suis élu de Meaux, qui est une ville de la grande banlieue, où je mesure la difficulté de beaucoup de mes concitoyens, les désespérances, les inquiétudes, mais en même temps il y a tellement d'attente de concret et de réponses concrètes, quotidiennes et en même temps aussi d'ambitions, c'est un formidable défi."
Dans le climat actuel, est-ce que vous ne prenez pas un vrai risque, parce que les gouvernants servent de cibles ? Même si c'est injuste, mais ils servent de cibles.
- "Attendez, quand on s'engage en politique aussi c'est pour assumer nos responsabilités, c'est pour être fidèle à nos convictions, à son pays, fidèle à ses aînés. Moi je trouve que c'est une occasion formidable de continuer le travail d'explications de ce qu'on fait au niveau national, et puis en même temps, de travailler à ce qu'on veut faire comme projet régional."
Rapidement, trois questions. Pendant la phase finale de la campagne électorale, est-ce que vous démissionnez ?
- "Non. Pas jusqu'à l'élection."
Si vous êtes élu, le président Copé reste ministre ou il s'en va ?
- "Bien sûr que non. Moi, je considère qu'on doit accomplir sa mission à 100 %. A partir du moment où je serai, si je l'étais, élu président de la Région, je démissionnerai immédiatement du Gouvernement."
Il y a cinq à six ministres qui vont à la bataille, F. Hollande disait hier sur Europe 1 : le gouvernement fait des élections régionales un enjeu politique national.
- "Pas tout à fait d'accord avec ça. Je vois bien l'idée de F. Hollande bien sûr. C'est de dire, si on perd, c'est le Gouvernement qui est sanctionné, parce qu'il n'a plus de propositions, ils sont très courts en propositions au PS, ils n'en font pas, alors ils cherchent désespérément des choses. Non, moi je crois qu'il faut qu'on assume, nous assumons et nous portons une politique nationale à laquelle nous croyons, il faut en convaincre les uns et les autres que c'est essentiel, et puis en même temps, il y a un enjeu régional. Vous savez, par exemple pour la région Ile-de-France, moi je ne comprends pas qu'une région qui a un tel potentiel humain, de dynamisme, de jeunesse, avec autant d'étudiants, en même temps on n'en parle jamais."
Ne commencez pas la campagne, on verra, on entendra ici, le Front National, J.-P. Huchon.
- "Attendez, c'est le même sujet.."
Qu'est-ce que vous allez faire de M. Santini, de l'UDF, qui pourrait être aussi tête de liste ?
- "Commencer par lui parler et par lui dire qu'on pense tellement de choses en même temps et ensemble, qu'on doit pouvoir être ensemble."
Il pèse lourd, je veux dire en politique, M. Santini, dans la région.
- "Oui, bien sûr qu'il pèse lourd en politique, comme vous dites. Mais je crois surtout que nous avons tellement de points qui nous rassemblent qu'il y a peut-être de bonnes raisons de faire le combat ensemble, parce que je pense qu'il faut qu'on fasse ensemble, en sorte, que l'on puisse vraiment parler de la région Ile-de-France."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 septembre 2003)