Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur les grandes orientations de la politique pénitentiaire, à Clairvaux le 4 avril 2003.

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Circonstance : Visite par Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, accompagné de Dominique Perben, garde des Sceaux, de la maison centrale de Clairvaux (Aube) le 4 avril 2003

Texte intégral

Merci beaucoup monsieur le Directeur.
Monsieur le Garde des Sceaux, ministre de la Justice,
Monsieur le Ministre, député maire de Troyes,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Maire,
Madame le juge d'application des peines,
Monsieur le directeur,
Mesdames Messieurs,
Emu d'être, aujourd'hui, parmi vous, à la Maison centrale de Clairvaux, haut lieu chargé d'histoire, afin de rencontrer celles et ceux qui travaillent dans cet établissement et, à travers eux, de témoigner de l'attention portée, par nos concitoyens, à l'ensemble du personnel pénitentiaire. Depuis plus de vingt ans, l'administration pénitentiaire n'avait pas reçu la visite d'un Premier ministre dans une prison, comme si les lieux où s'exécutent les peines et les personnels qui assument leur mission, relevaient d'une part d'ombre de l'action de l'Etat difficile à assumer et comme indigne de la responsabilité gouvernementale. C'est pour ça que j'ai accepté, cette proposition, d'être aujourd'hui à vos côtés, qui m'a été faite par le Garde des Sceaux, parce que je revendique solennellement, au nom du Gouvernement, cette présence en ces lieux où s'exerce l'autorité publique. Et comme tel, l'engagement de l'Etat, monsieur le Préfet, est entier.
Cette visite a, pour moi, plusieurs significations. La première, c'est d'honorer la mémoire des personnels de Clairvaux, qui ont payé de leur vie l'accomplissement de leur devoir. Un surveillant, une infirmière, on s'en souvient, ont été pris en otage et retrouvé morts, le 21 septembre 1971, de même qu'un surveillant, lors de l'évasion collective du 11 septembre 1992 . Cette première raison, de devoir de mémoire est, pour moi, très importante. La seconde, c'est de rendre hommage à l'ensemble du personnel pénitentiaire qui doit faire face à la gestion de détenus difficiles et parfois dangereux, dans un contexte actuel de forte croissance de la population pénale, qui rend encore plus complexe et délicat l'exercice des métiers pénitenciers. La troisième, c'est de montrer aux Françaises et aux Français, l'importance que joue au quotidien l'administration pénitentiaire, celui d'une vraie force de sécurité pour tout le pays qui concourt, au même titre que la police et la gendarmerie, à la restauration de la sécurité et de la paix publique, sur l'ensemble de notre pays. Afin d'améliorer encore son efficacité, des moyens importants ont été donnés au ministère de la Justice, pour accroître la sécurité. 3 740 emplois créés en cinq ans dans l'administration pénitentiaire, la construction de nouveaux établissements et un vaste programme de renforcement de la sécurité dans les prisons, sont autant de signes de la volonté du Gouvernement d'oeuvrer en ce sens. La quatrième signification de cette présence, aujourd'hui, c'est d'illustrer l'importance des maisons centrales dans notre dispositif pénitentiaire global. Il s'agit de la catégorie de prison la plus sécurisée. Sur l'ensemble des constructions programmées, deux seront construites dans les années à venir. La cinquième raison, c'est de mieux faire connaître ce que sont les métiers pénitentiaires, des métiers d'autorité mais aussi d'humanité, d'écoute, de dialogue, des métiers tournés autour de cette double fonction de la surveillance et de la réinsertion. Enfin, en ce qui concerne les conditions de détention, je voudrais dire que la volonté de mon Gouvernement est d'améliorer la prise en charge des détenus dans les établissements pénitentiaires ; la construction de nouveaux établissements va, évidemment, dans cette direction de contribuer à l'amélioration de ces conditions de détention.
Mais au-delà, d'autres préoccupations me paraissent devoir être prises en compte. Je pense aux problèmes de santé en prison, à la loi d'orientation et de programmation qu'a fait voter par le Parlement, le garde des Sceaux. Cette loi du 9 septembre 2002, prévoit, à cet effet, la construction d'unités hospitalières sécurisées, interrégionales, destinées à l'accueil de détenus souffrant de troubles de la personnalité qui sont à l'origine, nous le savons, de nombreuses difficultés dans les détentions. Ils seront pris en charge dans des établissements hospitaliers, avec le concours de personnels de surveillance. La question de la prévention du suicide fait aussi l'objet d'un travail de fond, avec experts, psychiatres, sur ces sujets et nous attendons, dans quelques mois, les propositions qui seront formulées, suite à cette démarche engagée.
Quant aux mineurs détenus, ils vont bénéficier de conditions de détention nouvelles, avec la restructuration des quartiers existants et la création d'établissements où il n'y aura que des mineurs, pour permettre une prise en charge spécifique, distincte de celle des majeurs. Enfin, pour les personnes détenues souffrant d'un handicap, un programme d'équipement de cellule adaptée, est en cours de réalisation.
Mais, parce que la prison n'est pas la réponse unique à toutes les situations, une politique de renforcement des alternatives à l'incarcération - je pense, notamment, au placement sous bracelet électronique - est actuellement menée. Monsieur Warsmann, député des Ardennes, travaille sur les modalités d'exécution des courtes peines. Telles sont, mesdames et messieurs, les raisons de ma présence ici. L'administration pénitentiaire est au cur des missions de l'Etat. Ses cadres et ses personnels contribuent pleinement à l'équilibre de notre pays, en portant des valeurs communes, de responsabilité, de justice et de solidarité. C'est pourquoi mon Gouvernement veut accompagner cette administration, en la dotant de moyens modernes et suffisants, en restaurant l'autorité des personnels et en améliorant les conditions de détention des personnes incarcérées.
Je voudrais ici, à Clairvaux, dire à l'ensemble des personnels de la pénitentiaire, la reconnaissance de la République pour la mission difficile qu'ils assument, le courage dont ils font preuve, cet engagement quotidien qui, ici, a mobilisé tant de familles avec - je le disais tout à l'heure - des souvenirs douloureux, mais aussi un engagement rigoureux, au service de la sécurité, au service de la justice. Je voudrais dire, clairement, ici, que la société que nous voulons pour la France du XXIème siècle, c'est une société de justice, qui s'appuie de manière équilibrée, sur une politique de fermeté, de sécurité, mais aussi sur une politique d'humanité et d'attention aux autres. C'est pour ça qu'aux personnels qui sont au contact des plus grandes difficultés de notre société, parce qu'ils sont les premiers militants de la République face aux fauteurs d'insécurité, je voudrais dire notre attention et notre considération, celle de toutes les Françaises et les Français qui veulent une République apaisée, qui veulent une République de sécurité, qui veulent une société de justice. C'est cela, la République. Merci, mesdames et messieurs, de la servir en donnant le meilleur de vous même.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 9 avril 2003)