Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur les mesures gouvernementales en faveur de la création d'entreprises dans le domaine des biotechnologies, Evry le 23 avril 2003.

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Circonstance : Visite à la Génopole à Evry le 23 avril 2003

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire d'Etat, Cher Renaud,
Monsieur le Président, Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Un peu moins d'un mois s'est écoulé depuis ma précédente visite à Evry ; j'avais assisté à la présentation du rapport d'évaluation de l'EMBO (European Molecular Biology Organisation) sur le réseau des génopoles. Outre le plaisir d'accompagner Renaud Dutreil dans sa découverte de ce site de référence pour la génomique en France, cette nouvelle visite est motivée par plusieurs évènements importants.
Le Plan innovation
Tout d'abord, le Plan en faveur de l'innovation.
A l'issue de trois mois de consultation, nous avons présenté, le 9 avril dernier, avec Nicole Fontaine, Ministre de l'Industrie, la mise en oeuvre d'une première étape de ce Plan gouvernemental. De nouveaux textes législatifs ou décrets réglementaires sont en cours d'élaboration et seront applicables dès le 1er janvier 2004.
Les mesures de ce Plan bénéficieront à toutes les entreprises innovantes ; parmi elles, les entreprises de biotechnologies sont particulièrement concernées. L'action très efficace de la Génopole d'Evry pour faciliter l'essor des jeunes pousses en biotechnologies, dont nous venons de prendre la mesure, fait de Genopole un site privilégié pour donner un relief particulier au lancement de ce Plan.
Je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail des mesures, qui sont facilement consultables sur le site Internet du ministère ; je soulignerai les plus emblématiques pour le secteur des biotechnologies.
Il s'agit tout d'abord de mesures fiscales fortes, déjà saluées par l'ensemble des acteurs : la création du statut de " Société unipersonnelle d'investissement providentiel " devrait permettre d'accroître fortement le volume des financements disponibles pour les entrepreneurs ;
La création d'un mécanisme d'aide fiscale pluriannuelle aux Jeunes entreprises innovantes permettra à ces entreprises fortement impliquées dans la R D de passer le cap difficile des dix premières années avec les lourdes charges d'investissement qui sont nécessaires avant d'accéder à la rentabilité.
Nous avons aussi souhaité simplifier l'accès des entreprises aux aides à l'innovation dont elles peuvent bénéficier. L'ANVAR sera ainsi chargée d'animer en réseau, au plus près du terrain, les aides à l'innovation en faveur des PME-PMI, en liaison avec les collectivités locales, les associations, les réseaux nationaux de recherche et les Chambres de Commerce et d'Industrie.
Enfin trois autres séries de mesures visent :
- à mieux valoriser les résultats de la recherche ;
- à insuffler un esprit d'entreprendre, dès l'enseignement primaire et jusqu'à l'enseignement supérieur, en mettant en place des formations à l'entrepreneuriat ;
- à faire de la recherche et de l'innovation une priorité européenne.
Les autres actions du gouvernement devant bénéficier aux biotechnologies
Parallèlement au Plan innovation, plusieurs réformes ont été engagées dans le même sens, sous l'égide du Premier Ministre, notamment l'introduction d'une souplesse indispensable dans la durée annuelle du travail ou des allègements fiscaux favorisant l'investissement de recherche. Par ailleurs, le projet de loi "agir pour l'initiative économique" préparé par Renaud Dutreil, vise à promouvoir la création d'entreprises.
Il est également prévu que le Gouvernement cible des mesures ambitieuses permettant à notre pays de revenir en cinq ans au premier rang européen pour la recherche et l'industrie des biotechnologies.
Ce secteur est prioritaire et nous veillons à lui accorder les moyens nécessaires au bon accomplissement des projets les plus prometteurs - qu'ils touchent aux recherches les plus amont ou aux activités de transfert et de développement.
Un plan spécifique est en préparation, dont l'élaboration implique particulièrement le ministère chargé de la recherche et le ministère chargé de l'industrie. Il aura pour buts essentiels :
- D'augmenter le nombre des sociétés de biotechnologie et les financements qui leur seront accessibles ;
- De faciliter et d'accélérer leur maturité ;
- D'accroître la propriété intellectuelle en sciences de la vie ;
- De développer le partenariat entre les mondes académiques, biotechnologiques, pharmaceutiques et cliniques ;
et d'augmenter la visibilité des biotechnologies françaises au niveau européen et mondial.
Ces actions devront s'appuyer sur la construction de l'espace européen, tant sur le plan de la recherche, avec la mise en place du 6ème programme cadre, que sur le plan de l'harmonisation réglementaire qui favorise la compétitivité économique de l'Union Européenne.
Dans cette phase d'élaboration, les principaux acteurs sont consultés pour privilégier une vision pragmatique, aussi proche des besoins que possible. Ma visite de Genopole aujourd'hui m'a permis de mieux cerner la spécificité de ce secteur stratégique pour la France et l'Europe.
Je réaffirme ici clairement la volonté politique de la France de s'inscrire dans un cadre favorable à la protection et à la valorisation de l'innovation dans le domaine des biotechnologies.
La directive européenne de 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, est d'application effective dans notre pays depuis le 31 juillet 2000.
La transposition prochaine de cette directive en droit français doit lever toute incertitude sur la volonté de l'Etat de soutenir un essor rapide des biotechnologies.
Dans le domaine spécifique du médicament, qui représente encore la part prépondérante de l'aboutissement des développements biotechnologiques, la transposition de la directive européenne de 2001, relative à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain, doit permettre de moderniser la loi Huriet.
Diverses difficultés rencontrées dans la recherche pharmaceutique, par exemple dans le domaine de la pharmacogénomique, doivent être prises en compte à cette occasion.
Les mesures réglementaires, fiscales, incitatives qui seront prises dans les mois à venir par le Gouvernement visent à inviter les investisseurs, les industriels et la communauté des chercheurs à engager la France sur une voie d'avenir, aussi bien pour les progrès de la connaissance scientifique, que pour l'emploi, la santé humaine et l'environnement.
Notre pays doit devenir une terre d'accueil particulièrement attractive pour la recherche des entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques.
Tous nos efforts seront mobilisés au service d'une recherche d'excellence et d'une croissance économique ambitieuse, dans le secteur des biotechnologies.
Le 50ème anniversaire de la découverte de la structure de l'ADN
Deux autres événements marquants m'ont incitée à vous rendre à nouveau visite :
Tout d'abord, comme Renaud Dutreil l'a déjà évoqué, le 25 avril prochain nous fêtons le cinquantenaire de la parution de l'article de James Watson et Francis Crick, dans Nature, décrivant pour la première fois la structure en double hélice de la molécule d'ADN.
Cet anniversaire a donné lieu le 8 avril dernier à Lyon, dans le cadre du Forum Biovision, à une célébration très émouvante, en présence de James Watson lui-même et de quatorze autres lauréats du Prix Nobel. J'ai eu l'honneur d'ouvrir cette cérémonie. Je veux associer la Génopole d'Evry à cet hommage, en formant le souhait qu'elle contribue à son tour à de nouvelles avancées conceptuelles aussi fructueuses.
La structure en double hélice d'ADN est certainement le symbole le plus mythique de la découverte en biologie - découverte qui, un jour donné, transcende l'état de la connaissance et ouvre une nouvelle ère - tant par sa puissance explicative du monde que par l'importance de ses retombées technologiques et économiques.
Cette découverte a marqué l'ère des pionniers qui ont forgé les concepts et les outils de la biologie moléculaire, aujourd'hui à la base de toutes les sciences du vivant et à l'origine des biotechnologies. Cette découverte, ce fut le temps zéro d'une véritable révolution scientifique, d'une aventure humaine collective.
Tant par l'activité scientifique des laboratoires publics de recherche que par l'essor de nombreuses entreprises de biotechnologies, la Génopole d'Evry peut s'enorgueillir d'être une digne représentante de cet esprit pionnier.
L'achèvement du séquençage du génome humain
L'agenda du mois d'avril 2003 est décidément particulièrement riche pour la génétique !
Voici à peine une semaine, le 14 avril exactement, les chefs d'Etat et de Gouvernement des six pays partenaires du projet du génome humain ont annoncé l'achèvement de cette gigantesque entreprise de séquençage.
La France était, avec l'Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni, membre du consortium public international qui a conduit ce projet à son aboutissement, près de deux ans et demi avant l'échéance initialement prévue, et pour un coût global inférieur aux prévisions.
Le Centre national de séquençage a été le bras armé de la France dans cette opération exemplaire et je tiens à féliciter ici chaleureusement Jean Weissenbach et ses collaborateurs pour leur implication décisive dans cette ambitieuse action internationale.
Cette nouvelle étape dans la progression de la connaissance humaine intervient un peu plus de cent ans après la découverte des lois de l'hérédité, cinquante ans après la découverte de la structure de l'ADN et treize ans à peine après le lancement du Projet du génome humain Quelle formidable accélération des recherches !
Quelles seront les prochaines étapes dans cette évolution fulgurante de notre compréhension du vivant humain et comment serons-nous capables de traduire ces nouvelles connaissances sur le génome en réels bénéfices pour la santé ?
Je n'ai pas de doute sur la rapidité et l'ampleur de ces avancées, dont certaines, par exemple dans le diagnostic de prédisposition au cancer, sont déjà perceptibles aujourd'hui.
Je crois cependant que nous ne devons pas nous laisser trop griser par ces perspectives fascinantes de la génomique et oublier en chemin notre obligation de responsabilité et d'explication vis-à-vis de la société.
Les inquiétudes soulevées par certaines technologies issues de notre compréhension de la génétique, que ce soit dans le domaine de la biologie humaine, avec l'exemple du clonage, mais surtout dans le domaine de la transgenèse végétale, ces inquiétudes illustrent le déficit de dialogue entre les savants que vous représentez et l'ensemble de nos concitoyens.
Je voudrais saluer ici l'effort de la Génopole d'Evry dont certains acteurs se sont fortement impliqués pour répondre à ce devoir d'explication. Cette attitude exemplaire doit se généraliser et nous devons imaginer ensemble de nouveaux modes de diffusion de cette culture scientifique, si nous souhaitons que les avancées attendues de la génomique soient bien reçues de nos concitoyens.
Parallèlement à ce travail, notre réflexion éthique sur les questions délicates soulevées par la génomique - que ce soit par les connaissances apportées sur les individus ou les outils d'intervention sur leur patrimoine génétique et leur santé -doit être approfondie, en particulier par le dialogue avec des non scientifiques.
Consciente de la difficulté de la compétition, je suis néanmoins pleine d'optimisme, après la visite d'un site comme Genopole, quant au potentiel de la France à contribuer activement à l'essor des connaissances, au mieux-être des femmes et des hommes et à la création de richesse que nous promet aujourd'hui le siècle de la post-génomique - pour peu que nous sachions tirer parti de nos atouts.
Je vous remercie tous pour votre engagement dans cette aventure et compte sur votre mobilisation pour que notre société reconnaisse mieux le potentiel bénéfique de cette jeune science.
Je vous remercie de votre attention.
http://www.recherche.gouv.fr, le 24 avril 2003)