Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous remercier d'être venus nombreux aujourd'hui. Votre présence confirme l'intérêt de faire avancer la réflexion collective en matière de commerce.
Je vous félicite d'avoir choisi cette table ronde parce que les deux autres tables traitent de sujets très intéressants. Mais je vous rassure, les travaux de ces Assises feront l'objet d'une publication, nous pourrons ainsi prendre connaissance de ce qui se dit dans les salles voisines.
Il peut paraître paradoxal d'évoquer le développement local et le commerce en même temps que se discutent des sujets d'actualité comme les rapports entre la production et la distribution ou la qualité des produits.
Je voudrais vous montrer en quelques mots que ce n'est pas si paradoxal que cela. En réalité c'est même une évidence si l'on veut bien admettre que l'économie du secteur du commerce se développe actuellement sur une nouvelle logique, qui est très différente de celle du passé.
Désormais la régulation du secteur du commerce est une régulation fondée sur les territoires autant que la résultante d'un équilibre entre offre et demande.
Si nous n'avons pas une perception encore très claire de cela, l'observation des tendances lourdes du secteur ne laisse pas de doute.
A la première régulation par les prix, se superpose progressivement une nouvelle forme de régulation, que j'appelerai une " régulation par la valeur ",
Si on examine rapidement les principaux aspects du commerce sous ce nouvel éclairage, la problématique des futures régulations du
commerce s'en trouve bouleversée.
1/
La nouvelle logique du développement du commerce modifie largement la conception que l'on a du consommateur et de la zone de chalandise.
En trente ans nous sommes passés d'un commerce de détail où le consommateur était individualisé et assez fidèle à un commerce de masse avec un consommateur anonyme et volage.
En 2000 nous voyons bien que la grande distribution généraliste est arrivée au bout de sa logique. Ce sont les surfaces spécialisées qui ont pris le relais.
Ces mutations ont eu des conséquences considérables et parfois désastreuses pour le territoire. Les consommateurs ont été orientés vers les périphéries urbaines où l'automobile, l'échangeur routier et le parking en surface constituent la trilogie obligatoire des zones commerciales.
Après le triomphe de l'offre universelle des hypermarchés, le commerce se segmente à nouveau au profit d'enseignes spécialisées qui retrouvent le chemin des centres villes dès lors qu'elles ont su faire des économies d'échelle à l'amont, c'est le succès des commerces en franchise.
Mais cette grille d'analyse n'est pas éternelle, le réseau internet rassemble, en théorie les deux : un seul site : un lieu global, un seul supermarché au monde d'une part, des offres très pointues d'autre part.
Le commerce électronique invente sous nos yeux une galerie marchande infinie. Nous devons veiller à multiplier les portails sûrs, à assurer un véritable choix et une protection du consommateur adéquate.
2/
La nouvelle logique revisite, hélas souvent de façon déséquilibrée, les relations avec la production.
Je ne vais pas développer longuement ce point, objet d'une autre table ronde et sur lequel le Premier ministre insistera cet après-midi, mais simplement flécher leur impact pour les territoires.
La grande distribution travaille avec un très grand nombre de PME, c'est un fait. C'est vrai aussi que les enseignes recherchent de plus en plus à mettre dans les linéaires des produits des régions.
Cette orientation doit être encouragée car elle est la source d'une dynamique des territoires qui pour certains connaissent de graves difficultés. Mais cela ne saurait se faire à n'importe quel prix.
La collectivité publique n'a pas à supporter, une première fois les aides à l'installation et à l'investissement des PME et peu d'années après, les plans de reconversion parce que les mêmes PME ont été brutalement déréférencées.
Cette situation, qui n'est pas rare, fait reposer les ajustements du marché sur les territoires et surtout sur l'emploi.
C'est encore moins tolérable lorsque la PME travaille avec sous une marque distributeur. En effet, dans ce cas, elle ne crée pas de valeur sous son nom propre, elle est plus dépendante que les autres, elle doit être mieux protégée.
Enfin il faut que nous soyons clairs entre nous sur le rôle de la grande distribution comme vecteur de l'économie régionale à l'exportation. Des chiffres contradictoires circulent. Surtout, quel est le retour pour les PME, à quelles conditions économiques s'ouvre le référencement mondial ?
3/
La nouvelle logique transforme la relation avec le consommateur
Il est bien admis que le commerce consiste à vendre du service, de plus en plus. Cela a des incidences très fortes sur les territoires.
Les services sont des prestations de proximité : livraison, installation, entretien, réparation. Le produit est peut-être mondial, le service est local.
Pour ces fonctions, le consommateur n'est plus anonyme, la notion de client réapparaît.
Je ne suis pas certaine que les grandes multinationales traditionnelles du commerce en tirent toutes les conséquences quant à l'évolution de leur métier, en matière d'emplois notamment.
Le commerçant vend de l'information sur l'origine, le mode de production, les qualités intrinsèques du produit.
C'est un point fondamental, l'actualité nous montre s'il en était besoin, la demande croissante du consommateur pour être mieux informé.
Cela concerne d'abord la santé publique, est c'est bien normal. On voit poindre aussi des demandes en termes d'éthique. Dans quelles conditions vis à vis du droit du travail, de l'environnement le produit a-t-il été fabriqué ?
Les choix du consommateur pèseront lourd sur le développement des territoires, voilà une dimension nouvelle que le commerce doit prendre pleinement en compte.
Pour résumer ces évolutions, je dirai que la composition du prix du produit évolue, le contenu-matière première s'amenuise pour laisser la place à " l'enveloppe " y compris marketing, du produit.
ette évolution joue un un rôle structurant dans les flux logistiques, la part faite à la recherche, la qualité, la satisfaction du consommateur.
4/
La nouvelle logique change le rapport à l'espace du commerce.
En effet dès lors que la valeur ajoutée n'est plus dans la matière vendue mais dans l'ensemble des intrants apportés, l'optimisation des facteurs peut amener à des développements des territoires qui seront très contrastés.
Nous devons réfléchir à cela dans l'équilibre urbain-rural. Il nous faut veiller à ce que la valeur, si elle reprend la direction des centres-villes, ce que je souhaite, ce ne soit pas au détriment du milieu rural.
Pour cela aussi il est indispensable que la fabrication et la transformation soient rémunérées à leur juste valeur.
Nous devons réagir lorsque les commerces ont disparu. Le commerce ne revient pas naturellement dans les zones sinistrées. Une politique de croissance, d'emploi et de pouvoir d'achat favorisent la réappropriation des quartiers par les commerces, parfois cela ne suffit pas.
Nous devons proposer, en liaison avec les collectivités locales des schémas nouveaux de reconquête commerciale plutôt que de dupliquer des solutions toutes faites.
Le commerce n'est pas uniquement un échange marchand, c'est aussi un des éléments du lien social. Dans la construction ou la reconstruction de nos territoires nous ne devons pas perdre de vue cette vérité là.
Quelles régulations pour le commerce ? c'est le thème de la table ronde générale de cet après-midi où nous nous retrouverons tous.
Bien sûr nous évoquerons la répartition de la valeur dans l'ensemble de la chaîne, du producteur au consommateur. C'est un point très sensible et le Premier ministre en parlera.
Mais je souhaite que l'on réfléchisse aussi en termes d'économie des territoires.
Dans leur diversité, leurs fragilités mais aussi leurs atouts, les territoires jouent désormais un rôle déterminant dans le développement du commerce de demain.
Ce développement ne peut pas être anarchique, il faut une régulation qui est de la responsabilité des Pouvoirs publics, en liaison avec les acteurs économiques locaux.
A l'occasion de cette table ronde je souhaite que nous analysions, au fond des choses, l'état actuel de la régulation du commerce, pour trouver le chemin vers un système qui assure un développement équilibré des différentes formes de commerce.
Nous réussirons si nous sommes solidaires, si les acteurs économiques sont solidaires, si les acteurs locaux sont solidaires.
(source http://www.commerce-artisanat.gouv.fr, le 14 janvier 2000)
Je tiens tout d'abord à vous remercier d'être venus nombreux aujourd'hui. Votre présence confirme l'intérêt de faire avancer la réflexion collective en matière de commerce.
Je vous félicite d'avoir choisi cette table ronde parce que les deux autres tables traitent de sujets très intéressants. Mais je vous rassure, les travaux de ces Assises feront l'objet d'une publication, nous pourrons ainsi prendre connaissance de ce qui se dit dans les salles voisines.
Il peut paraître paradoxal d'évoquer le développement local et le commerce en même temps que se discutent des sujets d'actualité comme les rapports entre la production et la distribution ou la qualité des produits.
Je voudrais vous montrer en quelques mots que ce n'est pas si paradoxal que cela. En réalité c'est même une évidence si l'on veut bien admettre que l'économie du secteur du commerce se développe actuellement sur une nouvelle logique, qui est très différente de celle du passé.
Désormais la régulation du secteur du commerce est une régulation fondée sur les territoires autant que la résultante d'un équilibre entre offre et demande.
Si nous n'avons pas une perception encore très claire de cela, l'observation des tendances lourdes du secteur ne laisse pas de doute.
A la première régulation par les prix, se superpose progressivement une nouvelle forme de régulation, que j'appelerai une " régulation par la valeur ",
Si on examine rapidement les principaux aspects du commerce sous ce nouvel éclairage, la problématique des futures régulations du
commerce s'en trouve bouleversée.
1/
La nouvelle logique du développement du commerce modifie largement la conception que l'on a du consommateur et de la zone de chalandise.
En trente ans nous sommes passés d'un commerce de détail où le consommateur était individualisé et assez fidèle à un commerce de masse avec un consommateur anonyme et volage.
En 2000 nous voyons bien que la grande distribution généraliste est arrivée au bout de sa logique. Ce sont les surfaces spécialisées qui ont pris le relais.
Ces mutations ont eu des conséquences considérables et parfois désastreuses pour le territoire. Les consommateurs ont été orientés vers les périphéries urbaines où l'automobile, l'échangeur routier et le parking en surface constituent la trilogie obligatoire des zones commerciales.
Après le triomphe de l'offre universelle des hypermarchés, le commerce se segmente à nouveau au profit d'enseignes spécialisées qui retrouvent le chemin des centres villes dès lors qu'elles ont su faire des économies d'échelle à l'amont, c'est le succès des commerces en franchise.
Mais cette grille d'analyse n'est pas éternelle, le réseau internet rassemble, en théorie les deux : un seul site : un lieu global, un seul supermarché au monde d'une part, des offres très pointues d'autre part.
Le commerce électronique invente sous nos yeux une galerie marchande infinie. Nous devons veiller à multiplier les portails sûrs, à assurer un véritable choix et une protection du consommateur adéquate.
2/
La nouvelle logique revisite, hélas souvent de façon déséquilibrée, les relations avec la production.
Je ne vais pas développer longuement ce point, objet d'une autre table ronde et sur lequel le Premier ministre insistera cet après-midi, mais simplement flécher leur impact pour les territoires.
La grande distribution travaille avec un très grand nombre de PME, c'est un fait. C'est vrai aussi que les enseignes recherchent de plus en plus à mettre dans les linéaires des produits des régions.
Cette orientation doit être encouragée car elle est la source d'une dynamique des territoires qui pour certains connaissent de graves difficultés. Mais cela ne saurait se faire à n'importe quel prix.
La collectivité publique n'a pas à supporter, une première fois les aides à l'installation et à l'investissement des PME et peu d'années après, les plans de reconversion parce que les mêmes PME ont été brutalement déréférencées.
Cette situation, qui n'est pas rare, fait reposer les ajustements du marché sur les territoires et surtout sur l'emploi.
C'est encore moins tolérable lorsque la PME travaille avec sous une marque distributeur. En effet, dans ce cas, elle ne crée pas de valeur sous son nom propre, elle est plus dépendante que les autres, elle doit être mieux protégée.
Enfin il faut que nous soyons clairs entre nous sur le rôle de la grande distribution comme vecteur de l'économie régionale à l'exportation. Des chiffres contradictoires circulent. Surtout, quel est le retour pour les PME, à quelles conditions économiques s'ouvre le référencement mondial ?
3/
La nouvelle logique transforme la relation avec le consommateur
Il est bien admis que le commerce consiste à vendre du service, de plus en plus. Cela a des incidences très fortes sur les territoires.
Les services sont des prestations de proximité : livraison, installation, entretien, réparation. Le produit est peut-être mondial, le service est local.
Pour ces fonctions, le consommateur n'est plus anonyme, la notion de client réapparaît.
Je ne suis pas certaine que les grandes multinationales traditionnelles du commerce en tirent toutes les conséquences quant à l'évolution de leur métier, en matière d'emplois notamment.
Le commerçant vend de l'information sur l'origine, le mode de production, les qualités intrinsèques du produit.
C'est un point fondamental, l'actualité nous montre s'il en était besoin, la demande croissante du consommateur pour être mieux informé.
Cela concerne d'abord la santé publique, est c'est bien normal. On voit poindre aussi des demandes en termes d'éthique. Dans quelles conditions vis à vis du droit du travail, de l'environnement le produit a-t-il été fabriqué ?
Les choix du consommateur pèseront lourd sur le développement des territoires, voilà une dimension nouvelle que le commerce doit prendre pleinement en compte.
Pour résumer ces évolutions, je dirai que la composition du prix du produit évolue, le contenu-matière première s'amenuise pour laisser la place à " l'enveloppe " y compris marketing, du produit.
ette évolution joue un un rôle structurant dans les flux logistiques, la part faite à la recherche, la qualité, la satisfaction du consommateur.
4/
La nouvelle logique change le rapport à l'espace du commerce.
En effet dès lors que la valeur ajoutée n'est plus dans la matière vendue mais dans l'ensemble des intrants apportés, l'optimisation des facteurs peut amener à des développements des territoires qui seront très contrastés.
Nous devons réfléchir à cela dans l'équilibre urbain-rural. Il nous faut veiller à ce que la valeur, si elle reprend la direction des centres-villes, ce que je souhaite, ce ne soit pas au détriment du milieu rural.
Pour cela aussi il est indispensable que la fabrication et la transformation soient rémunérées à leur juste valeur.
Nous devons réagir lorsque les commerces ont disparu. Le commerce ne revient pas naturellement dans les zones sinistrées. Une politique de croissance, d'emploi et de pouvoir d'achat favorisent la réappropriation des quartiers par les commerces, parfois cela ne suffit pas.
Nous devons proposer, en liaison avec les collectivités locales des schémas nouveaux de reconquête commerciale plutôt que de dupliquer des solutions toutes faites.
Le commerce n'est pas uniquement un échange marchand, c'est aussi un des éléments du lien social. Dans la construction ou la reconstruction de nos territoires nous ne devons pas perdre de vue cette vérité là.
Quelles régulations pour le commerce ? c'est le thème de la table ronde générale de cet après-midi où nous nous retrouverons tous.
Bien sûr nous évoquerons la répartition de la valeur dans l'ensemble de la chaîne, du producteur au consommateur. C'est un point très sensible et le Premier ministre en parlera.
Mais je souhaite que l'on réfléchisse aussi en termes d'économie des territoires.
Dans leur diversité, leurs fragilités mais aussi leurs atouts, les territoires jouent désormais un rôle déterminant dans le développement du commerce de demain.
Ce développement ne peut pas être anarchique, il faut une régulation qui est de la responsabilité des Pouvoirs publics, en liaison avec les acteurs économiques locaux.
A l'occasion de cette table ronde je souhaite que nous analysions, au fond des choses, l'état actuel de la régulation du commerce, pour trouver le chemin vers un système qui assure un développement équilibré des différentes formes de commerce.
Nous réussirons si nous sommes solidaires, si les acteurs économiques sont solidaires, si les acteurs locaux sont solidaires.
(source http://www.commerce-artisanat.gouv.fr, le 14 janvier 2000)