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Conseil National pour l'Accès aux Origines Personnelles
Il y a un an, j'avais le plaisir d'installer avec Christian Jacob, Ministre délégué à la Famille, le Conseil National pour l'Accès aux Origines Personnelles.
Je rappelais alors que la création de ce Conseil était à la fois très attendue et nécessaire.
Attendue par ceux des adoptés et anciens pupilles de l'Etat qui recherchaient leurs origines personnelles, souvent depuis plusieurs années. Ceux-ci vivaient de façon très douloureuse le secret demandé à leur naissance, qui continuait à leur être opposé, alors que leurs parents de naissance n'étaient pas informés de leur recherche et n'étaient donc pas en mesure d'exprimer leur volonté d'aujourd'hui " de façon éclairée ".
Attendue par les professionnels qui accompagnent ces femmes en grande détresse qui, aujourd'hui, encore souhaitent que leur accouchement demeure confidentiel et qui souhaitaient être confortés dans leur pratique, remarquable mais parfois méconnue.
Nécessaire pour que des réponses claires soient apportées aux personnes en quête de leurs origines par des professionnels soucieux de respecter leur dignité et leur volonté, mais aussi la dignité et la volonté des personnes recherchées.
Nécessaire pour que les femmes qui veulent accoucher secrètement puissent bénéficier sur l'ensemble du territoire français non seulement des meilleures conditions sanitaires, mais aussi d'un accueil de qualité, avec une information claire sur les choix qui leur sont offerts, notamment celui de pouvoir lever ultérieurement ce secret.
Cependant, la création du CNAOP n'était pas sans soulever des inquiétudes tout autant légitimes.
Inquiétude des adoptés et des pupilles de l'Etat qui se demandaient si la création de ce nouvel organisme, plutôt que de faciliter l'accès aux origines , n'allait pas en réalité créer de nouveaux obstacles, notamment par un fonctionnement bureaucratique.
Inquiétude des familles adoptives qui craignaient une remise en cause de la qualité des liens familiaux tissés au fil des jours.
Inquiétude des femmes, auxquelles un secret alors absolu avait été garanti, il y a 20, 30, 40 ans et au-delà, inquiétude que l'on ne pouvait que supposer : ces mères de l'ombre ne pouvaient avouer leur crainte de voir leur vie actuelle bouleversée par l'intrusion du CNAOP dans leur intimité.
Dans ces conditions, mettre en place une telle structure, la rendre opérationnelle relevait presque du défi.
Aujourd'hui, après un an d'activité, je peux dire que le Conseil national existe ; il est bien l'institution qui a déjà répondu aux attentes de certaines des personnes qui recherchent leurs origines ; il a mis en oeuvre le partenariat voulu par le législateur avec les professionnels concernés, tout d'abord ceux des services des Conseils généraux.
Ses premiers mois de fonctionnement sont de nature à apaiser les inquiétudes des uns et des autres.
Sur les quelques 600 dossiers de demandes d'accès aux origines personnelles, 80 ont été finalisés en 6 mois, puisque c'est en février 2003 que les premières prises de contact avec les mères de naissance pour recueillir leur volonté ont pu avoir lieu.
Bien sûr, il y a des dossiers vides de tout renseignement concernant l'identité de la mère et du père de naissance. Mais toutes les personnes concernées bénéficient d'un accompagnement personnel, dans la transparence. Tenues au courant des démarches, elles reçoivent l'assurance que des recherches approfondies ont été faites par les chargées de mission du secrétariat général, tant auprès des services départementaux que des organismes autorisés pour l'adoption et des établissements de santé pour vérifier que les parents de naissance n'ont laissé aucun renseignement. Il faut souligner ici que les correspondants départementaux du Conseil, les dirigeants des organismes d'adoption et des établissement de santé ont apporté un concours sans faille et précieux aux services du secrétariat général dans ses recherches.
Mais il y a aussi les dossiers renseignés sur l'identité, le plus souvent celle de la mère de naissance. Et l'étude des quelques 80 dossiers déjà finalisés montre qu'ils représentent quasiment la moitié des dossiers, et c'est là une heureuse surprise, je dois le dire.
Heureuse surprise d'autant que le nombre de refus opposés par les mères de naissance à la levée du secret est relativement faible. Ces femmes sont contactées dans le respect de leur vie privée par les chargées de mission du Conseil, selon une déontologie qui s'inspire du savoir faire des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance en matière de consultation des dossiers et s'est enrichie des 20 ans d'expérience québécoise des retrouvailles entre parents biologiques et adoptés.
La réaction positive de ces femmes signifie qu'elles comprennent la démarche de la personne qu'elles ont mise au monde. Elles peuvent ainsi lui expliquer leur geste, sortir d'un non dit lourd à porter. Leur vie en est bouleversée mais certaines d'entre elles peuvent aussi y trouver l'apaisement.
En regard du nombre de saisines pour accès aux origines personnelles, celui des levées de secret et de déclarations d'identité spontanées, 48, peut apparaître relativement faible.
Il est vrai que la réversibilité du secret est une possibilité qui n'a été ouverte aux mères de naissance que par la loi du 5 juillet 1996, votée par le Parlement sur mon initiative ; il faut s'employer à la faire connaître davantage, car c'est parfois le seul espoir de pouvoir retrouver une femme qui n'a pas laissé son identité dans le dossier de l'enfant.
Il importe d'autant plus que les femmes qui souhaitent aujourd'hui accoucher de manière confidentielle soient mieux informées des possibilités qui s'offrent à elles. Conformément au décret d'application du 3 mai 2002, le Conseil national a donc élaboré un document qui leur sera remis avant qu'elles ne prennent leur décision. Dans un premier temps, ce document sera adressé à tous les correspondants départementaux, aux services spécialisés pour l'accueil des femmes enceintes en difficulté et aux organismes autorisés pour l'adoption pour être en quelque sorte testé par les responsables. Après quelques mois, en liaison avec les hommes et femmes de terrain que sont les correspondants départementaux du CNAOP, ce dernier sera en mesure d'en apprécier le caractère adéquat et d'y apporter des améliorations, avant d'envisager une très large diffusion dans les mêmes services et toutes les maternités.
Il me reste à saluer le travail accompli par les membres du Conseil qui ont partagé le fruit de leurs réflexions et, au tout premier chef, par son président qui a assumé ce rôle avec les mêmes éminentes qualités humaines qu'il avait démontrées dans les autres missions qui lui avaient été confiées par mes prédécesseurs.
Je remercie Madame Le Boursicot, Secrétaire Générale, qui a déployé toute son énergie avec l'efficacité et la compétence qui lui sont reconnues, à construire ce nouveau service public et à le faire fonctionner. Elle a su s'entourer d'une équipe efficace, chaleureuse et surtout respectueuse des femmes et des hommes qui s'adressent au CNAOP, dans un climat de confiance, qui seul permet de dénouer des situations toujours humainement complexes.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 septembre 2003)