Texte intégral
Monsieur le vice-Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs.
J'ai le plaisir de procéder aujourd'hui à l'installation du Conseil Supérieur de la Participation (CSP) dans sa nouvelle composition.
Créé en 1994, le CSP est une institution encore jeune, mais qui a su occuper la place qui lui revenait. Elle le doit, largement, à l'action de Georges REPECZKY, son premier vice-président. Son implication, sa connaissance du sujet ainsi que ses qualités personnelles en ont fait un animateur respecté. En votre nom à tous, je veux lui rendre hommage.
Je remercie chacun d'entre vous d'avoir accepté de siéger au sein de cette instance et Claude CAMBUS d'avoir accepté d'en assumer la vice-présidence. La composition du conseil, qui associe des personnalités venant de tous les horizons, est un gage d'ouverture intellectuelle et de propositions communes.
Mesdames et messieurs,
La participation exprime un projet de société fondé sur la " réconciliation du travail et du capital ". C'est un thème auquel je suis personnellement attaché.
Vous me permettrez de citer Charles de Gaulle, qui a voulu et imposé la participation :
" Dès lors que des gens se mettent ensemble pour réaliser une oeuvre économique commune... ils forment une société dans laquelle chacun doit être intéressé tant au fonctionnement qu'à la rentabilité, donc aux profits. Cela implique que soit attribuée, de par la loi, la juste part à chacun. Cela implique aussi que tous soient informés de la vie de l'entreprise et puissent, par des représentants qu'ils auront nommés librement, participer à la marche de la société.... C'est - ajoute Charles de Gaulle - la voie dans laquelle j'ai fait quelques pas ; par exemple en 1945 quand avec mon gouvernement j'ai institué les comités d'entreprise, quand en 1959 et 1967, j'ai par des ordonnances, ouvert la brèche de l'intéressement ".
Je crois que tout est dit. Les enjeux sont posés et les solutions présentées.
Depuis, Philippe SEGUIN, puis Edouard BALLADUR ont poursuivi l'oeuvre entreprise, avec l'Ordonnance de 1986 et la Loi de 1994, dont Jean CHERIOUX et Jacques GODFRAIN sont à l'origine. Laurent FABIUS contribua à cette dynamique avec la loi de 2001 ; cette loi dont on se souvient que le Sénat renforça substantiellement le volet consacré à l'actionnariat salarié.
Cette idée de la participation était, hier, percutante ; elle reste, aujourd'hui, résolument contemporaine :
§ contre l'ancienne " lutte des classes ", la participation repose sur la convergence des intérêts économiques et sociaux ;
§ contre l'autorité discrétionnaire, elle est fondée sur la transparence et la collégialité de certaines décisions ;
§ face aux forces du marché et de l'économie concurrentielle, elle promeut, non une opposition systématique et illusoire de ces forces, mais leur infléchissement et leur régulation par " l'intérieur ".
L'intérêt de la participation va donc bien au-delà de la seule dimension financière... C'est une philosophie d'action autour de laquelle s'imbriquent plusieurs objectifs, largement poursuivis par le gouvernement :
§ objectif d'un capitalisme populaire moins administré mais mieux régulé ;
§ objectif d'une démocratie sociale animée par des partenaires sociaux responsabilisés et influents ;
§ objectif d'une revalorisation du travail comme instrument de dignité sociale ;
§ objectif, en définitive, d'une alliance mieux équilibrée et plus stimulante entre le progrès économique et le progrès social.
En dépit des réticences et des conservatismes qui subsistent encore, l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié ont progressivement conquis droit de cité.
Quel est le tableau ?
L'épargne salariale représente en France un encours de l'ordre de 50 milliards d'euros. Elle concerne 5,6 millions de salariés, soit près de 38% d'entre eux. Pour l'exercice 2000, ils ont perçu 7,6 milliards d'euros au titre de la participation ou de l'intéressement.
La participation au sens large est aujourd'hui ouverte au plus grand nombre, tout spécialement aux salariés des PME et TPE, notamment par la création du PEI, ainsi qu'aux mandataires sociaux des entreprises. De nombreuses branches ont négocié sur le sujet.
Les droits des salariés sont renforcés par une représentation accrue dans les conseils d'administration ou de surveillance, ou par la participation des actionnaires salariés au sein des organes de direction.
L'épargne longue est, pour sa part, favorisée, par la création du Plan partenarial d'épargne salariale volontaire ( PPESV ) d'une durée initiale de dix ans ;
La création, l'an passé, du Comité Intersyndical de l'Epargne Salariale (CIES) montre l'intérêt croissant des organisations syndicales. Ce comité destiné à labelliser les produits de placement offerts aux salariés exprime leur volonté de s'emparer de ce thème de négociation, ce dont je me félicite. Outre les informations sur les gestionnaires et les fonds solidaires, le comité peut constituer une force de réflexion et de proposition. Il peut contribuer à élargir l'épargne salariale aux salariés des PME.
Sur la base de ce constat général, nous devons ensemble dégager de nouvelles perspectives. Il est temps d'engager une nouvelle étape, dont je veux, devant vous et avec vous, esquisser les contours.
Je vous propose quatre objectifs.
Premier objectif : Nous devons chercher à consolider et simplifier les dispositifs d'épargne salariale en vue de leur généralisation. Il s'agit là de renforcer le droit à la participation et de contribuer au renforcement des fonds propres de nos entreprises, donc à leur ancrage sur le territoire national.
Vous le savez, de nombreux dispositifs d'épargne salariale coexistent, ce qui peut nuire à sa lisibilité tant pour les entreprises que pour les salariés. Je vous demande, par conséquent, d'étudier les pistes de simplification. J'en évoquerai, brièvement, deux :
- au regard des réalités économiques actuelles, nous devons réfléchir à la pertinence de la formule de calcul de la participation établie en 1967 ;
- nous devons, en second lieu, examiner les voies d'une meilleure articulation de l'intéressement, de la participation et des plans d'épargne. L'idée a été souvent avancée d'une fusion de la participation et de l'intéressement. Je vous demande de l'étudier. Il en est de même de l'opportunité de faire du plan d'épargne entreprise le socle obligatoire de la participation financière.
Second objectif : Nous devons faire reconnaître la participation au niveau européen.
Il s'agit ici d'inscrire la question de la participation dans une perspective plus large. L'ancrage et le développement de l'épargne salariale dans notre pays lui confèrent au sein de l'Union Européenne une certaine exemplarité.
Celle-ci doit nous inciter à progresser dans une double direction :
- d'une part adapter, lorsque cela s'avère nécessaire, les dispositifs de participation aux entreprises à dimension européenne. Une évolution des textes pourrait être ainsi envisagée. Il s'agirait de permettre à ces sociétés de calculer tout ou partie de l'intéressement de leurs salariés en tenant compte de l'ensemble des sociétés ; ceci, indépendamment de leur localisation au sein de l'Union européenne. Nous aurons ici, de façon croissante, un enjeu fondamental car nous allons assister au développement de groupes européens à têtes multiples, à l'image d'Arcelor, d'Altadis ou d'EADS.
- d'autre part, nous devons engager, avec nos partenaires européens, une réflexion sur les obstacles transnationaux au développement de la participation au sein de l'Union. A la suite de sa communication du 8 juillet 2002 " cadre pour la promotion de la participation financière des salariés ", la Commission a récemment confié une mission en ce sens à un groupe d'experts présidé par Jean-Baptiste de FOUCAULD. C'est un premier pas intéressant qu'il nous faut exploiter. Je vous invite à travailler en liaison avec lui ainsi qu'avec les services de la Commission européenne.
Troisième objectif : Nous devons accroître la liberté de choix des salariés.
Complément de rémunération non substitutif au salaire, l'épargne salariale doit permettre au salarié d'exercer des choix parmi des projets personnels : achat d'une résidence, soutien aux enfants dans leurs études ou à l'occasion de leur entrée dans la vie active, préparation de la retraite ... . Il faut développer cette liberté de choix entre constitution d'une épargne en argent ou en temps.
Deux pistes pourraient être explorées en ce sens : la première en matière de compte épargne temps, la seconde en matière d'épargne retraite.
La création du compte épargne temps par la loi de 1994 a constitué une avancée considérable. La loi du 19 février 2001 a ensuite élargi les sources d'alimentation de ce compte. Une réflexion sur le lien entre compte épargne temps et plan d'épargne entreprise doit s'engager. Le renforcement de ce lien pourrait accroître les possibilités de financement du temps choisi.
Par ailleurs, la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a permis la monétarisation du Compte épargne temps. Il pourrait être dorénavant envisagé de permettre le transfert des droits du CET vers le PEE de manière à bénéficier des avantages attachés à ces plans, pour le salarié privilégiant une optique d'épargne financière à celle du temps choisi.
Nous voyons ainsi, Mesdames et Messieurs, comment l'utilisation de ces outils pourrait favoriser, à l'appréciation des salariés, soit du temps choisi, soit de l'épargne. Nous sommes ici aux antipodes des démarches imposées de réduction du temps de travail présidée par une vision dirigiste du partage du travail.
S'agissant du lien entre épargne-retraite et épargne salariale, je sais combien ce sujet est sensible. Elles n'ont certes pas le même fondement mais un futur développement de l'épargne retraite devra tenir compte des "acquis" de l'épargne salariale.
La première raison, c'est l'allongement de l'horizon de l'épargne salariale avec le PPESV dans lequel l'épargne est bloquée pendant 10 ans. La seconde raison, c'est la création des plans d'épargne interentreprises qui pourrait être un précédent pour favoriser le développement égalitaire d'un mécanisme d'épargne retraite. La troisième raison, c'est la place reconnue aux partenaires sociaux, et le rôle joué dorénavant par le comité intersyndical de l'épargne salariale. Enfin, la quatrième raison, la plus pragmatique est que les sommes investies dans l'épargne salariale peuvent être un vecteur d'alimentation de cette future épargne retraite.
Devant l'ensemble de ces questions, votre Conseil peut apporter des éléments éclairages pertinents.
Quatrième objectif : Nous devons encourager les pratiques de bonne gouvernance dans le cadre de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE)
L'enjeu de la participation, je l'ai indiqué, n'est pas seulement financier. Son succès ne se mesure pas seulement à l'aune des actifs gérés. Elle a pour vocation première de rassembler tous les acteurs de l'entreprise autour d'objectifs communs, en donnant à chacun une conscience accrue d'une communauté d'intérêts au sein de l'entreprise. Elle doit permettre en effet d'associer les salariés et leurs représentants aux processus de veille et d'innovation, aux projets, aux réflexions stratégiques de l'entreprise.
Performance économique et implication des salariés sont corrélées. A ce titre, elle concerne les pratiques de bonne gouvernance d'entreprise, elles-mêmes inscrites dans le champ plus large de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE).
Etre socialement responsable signifie pour une entreprise, non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, mais aussi l'environnement en vue de promouvoir un développement durable. Il y a quelques entreprises voyous qui défraient la chronique à intervalles réguliers. Nous les pourchassons. Ne nous laissons pas abuser par l'arbre qui cache la forêt, mais aidons les entreprises à assumer leurs responsabilités sociales et environnementales. Faisons en sorte que la participation effective de leurs salariés à leurs organes de direction ou de surveillance, ou à leur comité d'entreprise leur permette de peser sur le choix des décisions et d'en suivre toutes les conséquences sociales.
Ce dossier de la responsabilité sociale des entreprises renvoie à divers travaux ou initiatives au nombre desquels peuvent notamment figurer, le rapport BOUTON sur " le meilleur gouvernement des entreprises côtées " et le projet du Gouvernement de réforme de la gouvernance d'entreprise. Il renvoie aussi à la négociation en cours sur les conséquences sociales des restructurations.
Il s'inscrit enfin dans l'agenda international et communautaire, notamment avec le Livre vert de juillet 2001 et la communication de juillet 2002 de la Commission Européenne sur ce thème.
En mettant tout particulièrement en lumière le rôle de levier joué en la matière par la participation, votre Conseil peut constituer un relais extrêmement utile d'information, de réflexion et de diffusion des bonnes pratiques.
***
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les quelques axes que je vous livre fort librement et autour desquels, pour autant que vous les partagiez, pourrait s'organiser la réflexion qui vous rassemblera pour les trois ans à venir. J'ai conscience qu'ils sont loin d'épuiser la richesse du sujet.
Instance indépendante, votre Conseil peut néanmoins compter sur le concours actif de notre administration et tout particulièrement de la DRT et de la Dares. La présence des représentants du Ministère des Finances témoigne aussi de son intérêt et de sa disponibilité pour vos travaux.
Sous la houlette de M. CAMBUS, j'attends beaucoup de vos propositions. La participation est pour moi l'un des leviers de la modernisation de notre vie économique et sociale.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 26 mars 2003)
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs.
J'ai le plaisir de procéder aujourd'hui à l'installation du Conseil Supérieur de la Participation (CSP) dans sa nouvelle composition.
Créé en 1994, le CSP est une institution encore jeune, mais qui a su occuper la place qui lui revenait. Elle le doit, largement, à l'action de Georges REPECZKY, son premier vice-président. Son implication, sa connaissance du sujet ainsi que ses qualités personnelles en ont fait un animateur respecté. En votre nom à tous, je veux lui rendre hommage.
Je remercie chacun d'entre vous d'avoir accepté de siéger au sein de cette instance et Claude CAMBUS d'avoir accepté d'en assumer la vice-présidence. La composition du conseil, qui associe des personnalités venant de tous les horizons, est un gage d'ouverture intellectuelle et de propositions communes.
Mesdames et messieurs,
La participation exprime un projet de société fondé sur la " réconciliation du travail et du capital ". C'est un thème auquel je suis personnellement attaché.
Vous me permettrez de citer Charles de Gaulle, qui a voulu et imposé la participation :
" Dès lors que des gens se mettent ensemble pour réaliser une oeuvre économique commune... ils forment une société dans laquelle chacun doit être intéressé tant au fonctionnement qu'à la rentabilité, donc aux profits. Cela implique que soit attribuée, de par la loi, la juste part à chacun. Cela implique aussi que tous soient informés de la vie de l'entreprise et puissent, par des représentants qu'ils auront nommés librement, participer à la marche de la société.... C'est - ajoute Charles de Gaulle - la voie dans laquelle j'ai fait quelques pas ; par exemple en 1945 quand avec mon gouvernement j'ai institué les comités d'entreprise, quand en 1959 et 1967, j'ai par des ordonnances, ouvert la brèche de l'intéressement ".
Je crois que tout est dit. Les enjeux sont posés et les solutions présentées.
Depuis, Philippe SEGUIN, puis Edouard BALLADUR ont poursuivi l'oeuvre entreprise, avec l'Ordonnance de 1986 et la Loi de 1994, dont Jean CHERIOUX et Jacques GODFRAIN sont à l'origine. Laurent FABIUS contribua à cette dynamique avec la loi de 2001 ; cette loi dont on se souvient que le Sénat renforça substantiellement le volet consacré à l'actionnariat salarié.
Cette idée de la participation était, hier, percutante ; elle reste, aujourd'hui, résolument contemporaine :
§ contre l'ancienne " lutte des classes ", la participation repose sur la convergence des intérêts économiques et sociaux ;
§ contre l'autorité discrétionnaire, elle est fondée sur la transparence et la collégialité de certaines décisions ;
§ face aux forces du marché et de l'économie concurrentielle, elle promeut, non une opposition systématique et illusoire de ces forces, mais leur infléchissement et leur régulation par " l'intérieur ".
L'intérêt de la participation va donc bien au-delà de la seule dimension financière... C'est une philosophie d'action autour de laquelle s'imbriquent plusieurs objectifs, largement poursuivis par le gouvernement :
§ objectif d'un capitalisme populaire moins administré mais mieux régulé ;
§ objectif d'une démocratie sociale animée par des partenaires sociaux responsabilisés et influents ;
§ objectif d'une revalorisation du travail comme instrument de dignité sociale ;
§ objectif, en définitive, d'une alliance mieux équilibrée et plus stimulante entre le progrès économique et le progrès social.
En dépit des réticences et des conservatismes qui subsistent encore, l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié ont progressivement conquis droit de cité.
Quel est le tableau ?
L'épargne salariale représente en France un encours de l'ordre de 50 milliards d'euros. Elle concerne 5,6 millions de salariés, soit près de 38% d'entre eux. Pour l'exercice 2000, ils ont perçu 7,6 milliards d'euros au titre de la participation ou de l'intéressement.
La participation au sens large est aujourd'hui ouverte au plus grand nombre, tout spécialement aux salariés des PME et TPE, notamment par la création du PEI, ainsi qu'aux mandataires sociaux des entreprises. De nombreuses branches ont négocié sur le sujet.
Les droits des salariés sont renforcés par une représentation accrue dans les conseils d'administration ou de surveillance, ou par la participation des actionnaires salariés au sein des organes de direction.
L'épargne longue est, pour sa part, favorisée, par la création du Plan partenarial d'épargne salariale volontaire ( PPESV ) d'une durée initiale de dix ans ;
La création, l'an passé, du Comité Intersyndical de l'Epargne Salariale (CIES) montre l'intérêt croissant des organisations syndicales. Ce comité destiné à labelliser les produits de placement offerts aux salariés exprime leur volonté de s'emparer de ce thème de négociation, ce dont je me félicite. Outre les informations sur les gestionnaires et les fonds solidaires, le comité peut constituer une force de réflexion et de proposition. Il peut contribuer à élargir l'épargne salariale aux salariés des PME.
Sur la base de ce constat général, nous devons ensemble dégager de nouvelles perspectives. Il est temps d'engager une nouvelle étape, dont je veux, devant vous et avec vous, esquisser les contours.
Je vous propose quatre objectifs.
Premier objectif : Nous devons chercher à consolider et simplifier les dispositifs d'épargne salariale en vue de leur généralisation. Il s'agit là de renforcer le droit à la participation et de contribuer au renforcement des fonds propres de nos entreprises, donc à leur ancrage sur le territoire national.
Vous le savez, de nombreux dispositifs d'épargne salariale coexistent, ce qui peut nuire à sa lisibilité tant pour les entreprises que pour les salariés. Je vous demande, par conséquent, d'étudier les pistes de simplification. J'en évoquerai, brièvement, deux :
- au regard des réalités économiques actuelles, nous devons réfléchir à la pertinence de la formule de calcul de la participation établie en 1967 ;
- nous devons, en second lieu, examiner les voies d'une meilleure articulation de l'intéressement, de la participation et des plans d'épargne. L'idée a été souvent avancée d'une fusion de la participation et de l'intéressement. Je vous demande de l'étudier. Il en est de même de l'opportunité de faire du plan d'épargne entreprise le socle obligatoire de la participation financière.
Second objectif : Nous devons faire reconnaître la participation au niveau européen.
Il s'agit ici d'inscrire la question de la participation dans une perspective plus large. L'ancrage et le développement de l'épargne salariale dans notre pays lui confèrent au sein de l'Union Européenne une certaine exemplarité.
Celle-ci doit nous inciter à progresser dans une double direction :
- d'une part adapter, lorsque cela s'avère nécessaire, les dispositifs de participation aux entreprises à dimension européenne. Une évolution des textes pourrait être ainsi envisagée. Il s'agirait de permettre à ces sociétés de calculer tout ou partie de l'intéressement de leurs salariés en tenant compte de l'ensemble des sociétés ; ceci, indépendamment de leur localisation au sein de l'Union européenne. Nous aurons ici, de façon croissante, un enjeu fondamental car nous allons assister au développement de groupes européens à têtes multiples, à l'image d'Arcelor, d'Altadis ou d'EADS.
- d'autre part, nous devons engager, avec nos partenaires européens, une réflexion sur les obstacles transnationaux au développement de la participation au sein de l'Union. A la suite de sa communication du 8 juillet 2002 " cadre pour la promotion de la participation financière des salariés ", la Commission a récemment confié une mission en ce sens à un groupe d'experts présidé par Jean-Baptiste de FOUCAULD. C'est un premier pas intéressant qu'il nous faut exploiter. Je vous invite à travailler en liaison avec lui ainsi qu'avec les services de la Commission européenne.
Troisième objectif : Nous devons accroître la liberté de choix des salariés.
Complément de rémunération non substitutif au salaire, l'épargne salariale doit permettre au salarié d'exercer des choix parmi des projets personnels : achat d'une résidence, soutien aux enfants dans leurs études ou à l'occasion de leur entrée dans la vie active, préparation de la retraite ... . Il faut développer cette liberté de choix entre constitution d'une épargne en argent ou en temps.
Deux pistes pourraient être explorées en ce sens : la première en matière de compte épargne temps, la seconde en matière d'épargne retraite.
La création du compte épargne temps par la loi de 1994 a constitué une avancée considérable. La loi du 19 février 2001 a ensuite élargi les sources d'alimentation de ce compte. Une réflexion sur le lien entre compte épargne temps et plan d'épargne entreprise doit s'engager. Le renforcement de ce lien pourrait accroître les possibilités de financement du temps choisi.
Par ailleurs, la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a permis la monétarisation du Compte épargne temps. Il pourrait être dorénavant envisagé de permettre le transfert des droits du CET vers le PEE de manière à bénéficier des avantages attachés à ces plans, pour le salarié privilégiant une optique d'épargne financière à celle du temps choisi.
Nous voyons ainsi, Mesdames et Messieurs, comment l'utilisation de ces outils pourrait favoriser, à l'appréciation des salariés, soit du temps choisi, soit de l'épargne. Nous sommes ici aux antipodes des démarches imposées de réduction du temps de travail présidée par une vision dirigiste du partage du travail.
S'agissant du lien entre épargne-retraite et épargne salariale, je sais combien ce sujet est sensible. Elles n'ont certes pas le même fondement mais un futur développement de l'épargne retraite devra tenir compte des "acquis" de l'épargne salariale.
La première raison, c'est l'allongement de l'horizon de l'épargne salariale avec le PPESV dans lequel l'épargne est bloquée pendant 10 ans. La seconde raison, c'est la création des plans d'épargne interentreprises qui pourrait être un précédent pour favoriser le développement égalitaire d'un mécanisme d'épargne retraite. La troisième raison, c'est la place reconnue aux partenaires sociaux, et le rôle joué dorénavant par le comité intersyndical de l'épargne salariale. Enfin, la quatrième raison, la plus pragmatique est que les sommes investies dans l'épargne salariale peuvent être un vecteur d'alimentation de cette future épargne retraite.
Devant l'ensemble de ces questions, votre Conseil peut apporter des éléments éclairages pertinents.
Quatrième objectif : Nous devons encourager les pratiques de bonne gouvernance dans le cadre de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE)
L'enjeu de la participation, je l'ai indiqué, n'est pas seulement financier. Son succès ne se mesure pas seulement à l'aune des actifs gérés. Elle a pour vocation première de rassembler tous les acteurs de l'entreprise autour d'objectifs communs, en donnant à chacun une conscience accrue d'une communauté d'intérêts au sein de l'entreprise. Elle doit permettre en effet d'associer les salariés et leurs représentants aux processus de veille et d'innovation, aux projets, aux réflexions stratégiques de l'entreprise.
Performance économique et implication des salariés sont corrélées. A ce titre, elle concerne les pratiques de bonne gouvernance d'entreprise, elles-mêmes inscrites dans le champ plus large de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE).
Etre socialement responsable signifie pour une entreprise, non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, mais aussi l'environnement en vue de promouvoir un développement durable. Il y a quelques entreprises voyous qui défraient la chronique à intervalles réguliers. Nous les pourchassons. Ne nous laissons pas abuser par l'arbre qui cache la forêt, mais aidons les entreprises à assumer leurs responsabilités sociales et environnementales. Faisons en sorte que la participation effective de leurs salariés à leurs organes de direction ou de surveillance, ou à leur comité d'entreprise leur permette de peser sur le choix des décisions et d'en suivre toutes les conséquences sociales.
Ce dossier de la responsabilité sociale des entreprises renvoie à divers travaux ou initiatives au nombre desquels peuvent notamment figurer, le rapport BOUTON sur " le meilleur gouvernement des entreprises côtées " et le projet du Gouvernement de réforme de la gouvernance d'entreprise. Il renvoie aussi à la négociation en cours sur les conséquences sociales des restructurations.
Il s'inscrit enfin dans l'agenda international et communautaire, notamment avec le Livre vert de juillet 2001 et la communication de juillet 2002 de la Commission Européenne sur ce thème.
En mettant tout particulièrement en lumière le rôle de levier joué en la matière par la participation, votre Conseil peut constituer un relais extrêmement utile d'information, de réflexion et de diffusion des bonnes pratiques.
***
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les quelques axes que je vous livre fort librement et autour desquels, pour autant que vous les partagiez, pourrait s'organiser la réflexion qui vous rassemblera pour les trois ans à venir. J'ai conscience qu'ils sont loin d'épuiser la richesse du sujet.
Instance indépendante, votre Conseil peut néanmoins compter sur le concours actif de notre administration et tout particulièrement de la DRT et de la Dares. La présence des représentants du Ministère des Finances témoigne aussi de son intérêt et de sa disponibilité pour vos travaux.
Sous la houlette de M. CAMBUS, j'attends beaucoup de vos propositions. La participation est pour moi l'un des leviers de la modernisation de notre vie économique et sociale.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 26 mars 2003)