Interview de M. François Fillon, ministre délégué à la poste aux télécommunications et à l'espace, sur le site Web du ministère de la poste et des télécommunications, sur les problèmes juridiques liés aux réseaux de télécommunications et notamment Internet, le 26 février 1996.

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Média : telecom.gouv.fr

Texte intégral

QUESTION 1 : Pensez-vous que toute réglementation ne vas pas tuer INTERNET ?
François FILLON : Notre société est confrontée avec le développement d'un réseau comme Internet au même défi qu'elle l'a été en son temps face au développement de l'audiovisuel. Internet, comme toutes ces nouvelles technologies liées au développement de la société de l'information, est une chance pour nos sociétés, il démultiplie l'accès au savoir. Nous devons apprendre à vivre avec ces technologies et ne pas avoir peur du futur qu'elles incarnent. Nous devons donc prendre le temps de la réflexion avant de réglementer leur usage, en observant d'ailleurs que d'ores et déjà le juge français est compétent pour pratiquement toutes les infractions commises contre ou à l'aide d'Internet.
Une réglementation bien pensée n'est pas nécessairement l'ennemi du développement d'une technologie - la réglementation de l'audiovisuel est un bon exemple - mais doit permettre de limiter les abus. En effet, s'il ne s'agit pas de remettre en cause la liberté d'usage de ces nouveaux réseaux, nous ne devons pas non plus laisser se développer un "far west numérique" où nos lois n'auraient plus cours.
QUESTION 2 : Seul le droit international peut-il résoudre le problème de l'extra-territorialité ?
François FILLON : Effectivement, le développement de services extra-territoriaux comme Internet pose des problèmes d'application de nos règles nationales, pas seulement s'agissant des règles de protection des mineurs d'ailleurs, mais aussi de celles de protection des droits d'auteur et bien d'autres...
C'est pourquoi, j'ai proposé, tout comme pour le droit de la mer il y a 30 ans, que la France prenne une initiative pour une coordination européenne et internationale : les services et réseaux dépassent les frontières et la réponse apportée doit donc prendre en compte cette dimension. A ma demande, ce sujet sera évoqué lors du Conseil des Ministres européens de la Culture et des Télécommunications qui aura lieu à Bologne au mois d'avril prochain.
Ceci étant, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir au niveau national. C'est la mission du groupe de travail que j'ai décidé de mettre en place.
QUESTION 3 : Une haute autorité sur les serveurs français est-elle souhaitable ?
François FILLON : Avant de parler d'institutions, je pense qu'il faudrait savoir ce qu'on veut faire. Les régimes de contrôle administratifs a priori ont une efficacité limitée. Ne faut-il pas plutôt développer le régime de sanctions et le contrôle a posteriori du juge ? J'observe par ailleurs que les fournisseurs de services français ont acquis grâce à l'expérience unique au monde du minitel une maturité et une responsabilité réelles dans ces domaines. Le Conseil Supérieur de la Télématique qui réunit tous les acteurs du secteur a développé un corps de règles déontologiques bien accepté et respecté. L'initiative des fournisseurs français d'accès à Internet qui vise à définir un code de déontologie, et dont je me félicite, entre dans cette tradition.
QUESTION 4 : Comment concevez-vous le groupe de travail qui va réfléchir à ces questions ?
François FILLON : Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre de la Culture, et moi-même avons décidé de confier à Isabelle FALQUE-PIERROTIN, membre du Conseil d'Etat qui connaît bien les affaires culturelles, l'animation d'un groupe de travail interministériel qui fasse un état des lieux, c'est à dire analyse les problèmes juridiques posés, fasse le point des réponses possibles et examine les adaptations nécessaires et souhaitables au niveau national et international.
Ce groupe de travail qui réunira les administrations concernées prendra l'attache de l'ensemble des acteurs économiques concernés, notamment les fournisseurs de services en ligne et d'accès à Internet, mais aussi d'experts juridiques.
L'objectif sera de nous remettre un rapport d'ici trois mois pour alimenter les réflexions nationales et internationales.
(source http://www.telecom.gouv.fr, le 23 janvier 2003)