Texte intégral
Hier, j'étais à Rome, je participais à la Conférence intergouvernementale. J'ai d'abord constaté que tous les dirigeants européens avaient bien conscience que l'Europe vit un tournant historique : avec l'unification du continent, mais aussi l'adoption d'une constitution. Ceci donne un sentiment de responsabilité, il faut que les citoyens qui le demandent soient à même de comprendre et de participer à la construction de l'Europe.
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Q - Pourquoi nous y sommes-nous mal pris dans le dossier Alstom ?
R - Il y a eu des débats. Je suis tout à fait d'accord avec Daniel Cohn-Bendit. Nous avions, c'est vrai, une situation d'urgence et c'est pourquoi nous avons notifié des mesures en même temps que nous les prenions. La question posée était tout de même celle du dépôt de bilan d'Alstom. Ensuite, les frottements, les discussions, les disputes jusqu'à la solution qui a été trouvée, font partie de la démarche de négociation, parfois heurtée, mais toujours constructive, qui est à la base des règles de bonne compagnie en Europe. Ces règles sont celles que les Etats ont définies.
Q - A propos du pacte de stabilité, cette semaine, Francis Mer va revenir à Bruxelles. Nous voudrions savoir si la copie française a été ou va être corrigée ou M. Mer va-t-il juste faire un effort de pédagogie pour convaincre. Que va-t-il y avoir de nouveau à partir de demain ?
R - Il y a des discussions. Le commissaire européen Pedro Solbes a déjà constaté des efforts. Cette règle du pacte de stabilité - 3 % pour éviter des déficits et un endettement excessifs - est dans notre intérêt national et pas seulement dans l'intérêt général européen. Mais nous ne pouvons pas brutalement la respecter. Si nous le faisions dans la période actuelle, il y aurait plus de chômage et des risques de fermeture d'entreprises. Si des mesures sont possibles sans casser la croissance ni l'esprit du projet de budget, pourquoi pas ? Je ne peux pas vous indiquer ce qui est en phase de négociation. L'idée est de respecter au maximum une règle qui sert nos intérêts, tout en n'hypothéquant pas la réalisation de nos objectifs. Car aujourd'hui, nous avons comme impératif absolu de maintenir l'emploi.
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Est-ce que nous ne pourrions pas dédramatiser le débat ? La Commission a pris des centaines de décisions en matière de concentration et de concurrence. Pas plus d'une dizaine de cas ont été jugés comme n'étant pas conformes aux règles de la concurrence. Il est normal de fixer des règles de compétition ouvertes, quelle que soit la gestion des entreprises. Lorsque la Grande-Bretagne, pays du libéralisme économique, a été obligée de renflouer British Energy, - qui distribuait des fournitures d'électricité à 20 ou 30 % des consommateurs britanniques - des aides d'Etat d'urgence ont été accordées pour les mêmes motifs que ceux qui ont conduit le gouvernement français à aider Alstom. Et il y a eu le même débat. Est-ce qu'alors nous avons dit que les Britanniques étaient plus ou moins Européens ?
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La vocation des entreprises françaises est de devenir des entreprises européennes. Je voudrais souligner ce point par rapport à l'histoire de l'Europe. L'Europe est née de la politique industrielle européenne pour reconvertir les secteurs du charbon et de l'acier. Il s'agissait de mettre les moyens de la guerre au service de la paix. C'est ainsi que l'Europe a commencé, au lendemain de la dernière guerre mondiale. Aujourd'hui, on ne pourrait plus imaginer de construire des groupes industriels, voire de liquider des secteurs qui doivent être reconvertis, par une politique dirigiste européenne. Personne ne l'admettrait. Les banques ne joueraient pas le jeu, car nous sommes sur un marché mondial. En revanche, je voudrais valoriser ce que font les pays en Europe dans une perspective européenne, notamment la présidence italienne, mais aussi le fameux couple franco-allemand : ils s'engagent sur des initiatives de croissance. Nous sommes conscients qu'il faut enfin, après vingt ans, essayer de combler notre retard par rapport aux Etats-Unis. Nous avons des potentialités, mais aussi des faiblesses et le gouvernement est déterminé à ce que la recherche, l'innovation, la création d'entreprise, la créativité, - tout ce qui peut faire l'attractivité du site Europe - soient véritablement des enjeux européens.
Q - On ne répond toujours pas à l'inquiétude sociale ?
R - L'inquiétude sociale n'est pas due à l'Europe.
Q - Quelle campagne de communication la France va-t-elle mener dans les mois qui viennent pour faire de la pédagogie autour de l'Europe ?
R - Le Premier ministre mène une campagne de terrain. Je la mène également au rythme de trois ou quatre visites par mois, dans les grandes villes et régions de France. La France est profondément européenne. Le gouvernement est européen. Et il faut répéter que l'Europe n'est pas un pays étranger. L'Europe est telle que nous la façonnons tous les jours. Jean-Pierre Raffarin a indiqué qu'il était un Européen convaincu. On juge, en effet, un gouvernement aux actes et notre souci est de respecter les règles européennes. Je ne sens aucune morosité, notamment quant au fonctionnement du marché européen car l'euro, une des plus grandes conquêtes de la construction européenne, permet une stabilité monétaire, de lutter contre la spéculation et de sécuriser plus des deux-tiers du commerce extérieur de la France qui est intra-communautaire.
Q - Ce que l'on comprend dans le premier reportage c'est que la France a ces ennuis et l'Europe c'est encore plus d'ennuis.
R - L'Europe c'est nous. Peut-on imaginer de construire l'Europe sans fixer, comme disait Francis Mer tout à l'heure, un règlement de copropriété ? Savez-vous que grâce à l'Europe, nos plus grandes entreprises sont les premiers investisseurs dans les pays de l'élargissement. Nous avons près d'un quart des parts de marché pour les constructeurs automobiles. Nous sommes les premiers investisseurs en Pologne, en Roumanie et en Hongrie. Nous sommes en plein développement industriel dans ces pays. Il y a des mesures qui doivent être prises, et je regrette qu'elles n'aient pas été prises lorsque nous étions au zénith de la croissance à 4 %. Le moment où le déficit structurel, budgétaire s'est le plus creusé, c'est en l'an 2000, alors que nous avions 4 % de croissance ! L'Europe nécessite une vision à long terme. Mais je suis d'accord avec vous, il n'y a pas de morosité européenne en France.
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Je voudrais faire une observation sur le sondage que je trouve bon et qui serait sans doute bien meilleur encore si la conjoncture économique était plus favorable. Les inquiétudes des citoyens sont en effet souvent projetées sur l'Europe. () L'Europe c'est nous. Il faut donc transcender les clivages partisans sur l'Europe. Il y a des nuances à l'UMP, et Nicolas Dupont-Aignan incarne ces nuances, au même titre qu'il y a des nuances chez les Verts ou ailleurs. Il faut vivre avec ces nuances. L'engagement du gouvernement est, cela dit, résolument européen. Quant au référendum, le Président de la République, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, en décidera. La Constitution dit cependant que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce, soit par la voie parlementaire, soit par la voie référendaire. Et j'ai tendance à penser que les deux voies sont très démocratiques. Mais c'est le président qui choisira la meilleure voie le moment venu. Attendons.
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Q - Et dans la majorité, Madame Lenoir, avez-vous tenté de convaincre ou même de faire taire Nicolas Dupont-Aignan ?
R - Certainement pas. D'ailleurs, les partis sont des lieux d'expression, comme l'Europe. Ce que je voulais dire c'est que le gouvernement n'a pas besoin de demander un brevet d'Européen puisque nous avons été avec nos partenaires allemands, parmi les plus créatifs et les plus productifs à la Convention. Et si le texte de la Constitution est rédigé tel qu'il est, c'est parce que nous y avons apporté une contribution absolument décisive sur tous les plans - qu'il s'agisse d'améliorer l'efficacité de la prise de décision ou de démocratiser des institutions qui seront plus proches des citoyens. A cet égard, nous sommes parfaitement à l'aise. Concernant notre engagement européen, il s'agit bien entendu d'un débat qui doit être populaire et qui doit, à mes yeux, dépasser les clivages partisans. Je souhaite qu'il y ait un dialogue entre l'UMP et les forces d'opposition sur l'Europe, car nous dessinons l'avenir de notre pays pour les décennies à venir. Nous ne sommes pas seuls, nous le faisons maintenant à l'échelle du continent, c'est pourquoi je voudrais que nous arrêtions de bouder notre plaisir. Car qui aurait imaginé la chute du mur de Berlin il y a une quinzaine d'années ? Il y a eu ce miracle ! Je félicite les organisateurs de cette émission car elle permet d'ouvrir ce dialogue sur les transformations de l'Europe.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2003)
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Q - Pourquoi nous y sommes-nous mal pris dans le dossier Alstom ?
R - Il y a eu des débats. Je suis tout à fait d'accord avec Daniel Cohn-Bendit. Nous avions, c'est vrai, une situation d'urgence et c'est pourquoi nous avons notifié des mesures en même temps que nous les prenions. La question posée était tout de même celle du dépôt de bilan d'Alstom. Ensuite, les frottements, les discussions, les disputes jusqu'à la solution qui a été trouvée, font partie de la démarche de négociation, parfois heurtée, mais toujours constructive, qui est à la base des règles de bonne compagnie en Europe. Ces règles sont celles que les Etats ont définies.
Q - A propos du pacte de stabilité, cette semaine, Francis Mer va revenir à Bruxelles. Nous voudrions savoir si la copie française a été ou va être corrigée ou M. Mer va-t-il juste faire un effort de pédagogie pour convaincre. Que va-t-il y avoir de nouveau à partir de demain ?
R - Il y a des discussions. Le commissaire européen Pedro Solbes a déjà constaté des efforts. Cette règle du pacte de stabilité - 3 % pour éviter des déficits et un endettement excessifs - est dans notre intérêt national et pas seulement dans l'intérêt général européen. Mais nous ne pouvons pas brutalement la respecter. Si nous le faisions dans la période actuelle, il y aurait plus de chômage et des risques de fermeture d'entreprises. Si des mesures sont possibles sans casser la croissance ni l'esprit du projet de budget, pourquoi pas ? Je ne peux pas vous indiquer ce qui est en phase de négociation. L'idée est de respecter au maximum une règle qui sert nos intérêts, tout en n'hypothéquant pas la réalisation de nos objectifs. Car aujourd'hui, nous avons comme impératif absolu de maintenir l'emploi.
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Est-ce que nous ne pourrions pas dédramatiser le débat ? La Commission a pris des centaines de décisions en matière de concentration et de concurrence. Pas plus d'une dizaine de cas ont été jugés comme n'étant pas conformes aux règles de la concurrence. Il est normal de fixer des règles de compétition ouvertes, quelle que soit la gestion des entreprises. Lorsque la Grande-Bretagne, pays du libéralisme économique, a été obligée de renflouer British Energy, - qui distribuait des fournitures d'électricité à 20 ou 30 % des consommateurs britanniques - des aides d'Etat d'urgence ont été accordées pour les mêmes motifs que ceux qui ont conduit le gouvernement français à aider Alstom. Et il y a eu le même débat. Est-ce qu'alors nous avons dit que les Britanniques étaient plus ou moins Européens ?
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La vocation des entreprises françaises est de devenir des entreprises européennes. Je voudrais souligner ce point par rapport à l'histoire de l'Europe. L'Europe est née de la politique industrielle européenne pour reconvertir les secteurs du charbon et de l'acier. Il s'agissait de mettre les moyens de la guerre au service de la paix. C'est ainsi que l'Europe a commencé, au lendemain de la dernière guerre mondiale. Aujourd'hui, on ne pourrait plus imaginer de construire des groupes industriels, voire de liquider des secteurs qui doivent être reconvertis, par une politique dirigiste européenne. Personne ne l'admettrait. Les banques ne joueraient pas le jeu, car nous sommes sur un marché mondial. En revanche, je voudrais valoriser ce que font les pays en Europe dans une perspective européenne, notamment la présidence italienne, mais aussi le fameux couple franco-allemand : ils s'engagent sur des initiatives de croissance. Nous sommes conscients qu'il faut enfin, après vingt ans, essayer de combler notre retard par rapport aux Etats-Unis. Nous avons des potentialités, mais aussi des faiblesses et le gouvernement est déterminé à ce que la recherche, l'innovation, la création d'entreprise, la créativité, - tout ce qui peut faire l'attractivité du site Europe - soient véritablement des enjeux européens.
Q - On ne répond toujours pas à l'inquiétude sociale ?
R - L'inquiétude sociale n'est pas due à l'Europe.
Q - Quelle campagne de communication la France va-t-elle mener dans les mois qui viennent pour faire de la pédagogie autour de l'Europe ?
R - Le Premier ministre mène une campagne de terrain. Je la mène également au rythme de trois ou quatre visites par mois, dans les grandes villes et régions de France. La France est profondément européenne. Le gouvernement est européen. Et il faut répéter que l'Europe n'est pas un pays étranger. L'Europe est telle que nous la façonnons tous les jours. Jean-Pierre Raffarin a indiqué qu'il était un Européen convaincu. On juge, en effet, un gouvernement aux actes et notre souci est de respecter les règles européennes. Je ne sens aucune morosité, notamment quant au fonctionnement du marché européen car l'euro, une des plus grandes conquêtes de la construction européenne, permet une stabilité monétaire, de lutter contre la spéculation et de sécuriser plus des deux-tiers du commerce extérieur de la France qui est intra-communautaire.
Q - Ce que l'on comprend dans le premier reportage c'est que la France a ces ennuis et l'Europe c'est encore plus d'ennuis.
R - L'Europe c'est nous. Peut-on imaginer de construire l'Europe sans fixer, comme disait Francis Mer tout à l'heure, un règlement de copropriété ? Savez-vous que grâce à l'Europe, nos plus grandes entreprises sont les premiers investisseurs dans les pays de l'élargissement. Nous avons près d'un quart des parts de marché pour les constructeurs automobiles. Nous sommes les premiers investisseurs en Pologne, en Roumanie et en Hongrie. Nous sommes en plein développement industriel dans ces pays. Il y a des mesures qui doivent être prises, et je regrette qu'elles n'aient pas été prises lorsque nous étions au zénith de la croissance à 4 %. Le moment où le déficit structurel, budgétaire s'est le plus creusé, c'est en l'an 2000, alors que nous avions 4 % de croissance ! L'Europe nécessite une vision à long terme. Mais je suis d'accord avec vous, il n'y a pas de morosité européenne en France.
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Je voudrais faire une observation sur le sondage que je trouve bon et qui serait sans doute bien meilleur encore si la conjoncture économique était plus favorable. Les inquiétudes des citoyens sont en effet souvent projetées sur l'Europe. () L'Europe c'est nous. Il faut donc transcender les clivages partisans sur l'Europe. Il y a des nuances à l'UMP, et Nicolas Dupont-Aignan incarne ces nuances, au même titre qu'il y a des nuances chez les Verts ou ailleurs. Il faut vivre avec ces nuances. L'engagement du gouvernement est, cela dit, résolument européen. Quant au référendum, le Président de la République, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, en décidera. La Constitution dit cependant que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce, soit par la voie parlementaire, soit par la voie référendaire. Et j'ai tendance à penser que les deux voies sont très démocratiques. Mais c'est le président qui choisira la meilleure voie le moment venu. Attendons.
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Q - Et dans la majorité, Madame Lenoir, avez-vous tenté de convaincre ou même de faire taire Nicolas Dupont-Aignan ?
R - Certainement pas. D'ailleurs, les partis sont des lieux d'expression, comme l'Europe. Ce que je voulais dire c'est que le gouvernement n'a pas besoin de demander un brevet d'Européen puisque nous avons été avec nos partenaires allemands, parmi les plus créatifs et les plus productifs à la Convention. Et si le texte de la Constitution est rédigé tel qu'il est, c'est parce que nous y avons apporté une contribution absolument décisive sur tous les plans - qu'il s'agisse d'améliorer l'efficacité de la prise de décision ou de démocratiser des institutions qui seront plus proches des citoyens. A cet égard, nous sommes parfaitement à l'aise. Concernant notre engagement européen, il s'agit bien entendu d'un débat qui doit être populaire et qui doit, à mes yeux, dépasser les clivages partisans. Je souhaite qu'il y ait un dialogue entre l'UMP et les forces d'opposition sur l'Europe, car nous dessinons l'avenir de notre pays pour les décennies à venir. Nous ne sommes pas seuls, nous le faisons maintenant à l'échelle du continent, c'est pourquoi je voudrais que nous arrêtions de bouder notre plaisir. Car qui aurait imaginé la chute du mur de Berlin il y a une quinzaine d'années ? Il y a eu ce miracle ! Je félicite les organisateurs de cette émission car elle permet d'ouvrir ce dialogue sur les transformations de l'Europe.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2003)