Texte intégral
R. Sicard-. La journée d'hier a été marquée par une nouvelle mobilisation, notamment à l'Education nationale, qui continue de rejeter le projet sur la décentralisation. Ce projet, c'est vous qui l'avez rédigé. N. Sarkozy a annoncé son report jusqu'à l'automne. Il paraît que ce n'est pas un recul, mais c'est quand même une grosse concession ?
- "C'est en tous les cas l'ouverture d'une discussion, qui permet aux syndicats de s'exprimer encore plus largement qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant."
Mais qu'en espérez-vous ? Une possibilité de débloquer la situation ?
- "Ce que nous espérons, c'est le dialogue permette une meilleure compréhension, parce que, dans ces affaires, il y a souvent beaucoup d'incompréhension. Par exemple, les personnels techniques, dont il est en principe prévu le transfert, c'est quelque chose qui a été fait pour les écoles primaires depuis 120 ans. Ce n'est donc pas la révolution ! Il s'agit des personnels qui entretiennent les bâtiments. Quand il s'agit des écoles primaires, c'est fait depuis Jules Ferry, quand il s'agit des collèges ou des lycées, on envisage de le faire avec Luc Ferry. Mais en fait, il n'y a pas beaucoup de différences."
Cela dit, il y a trois semaines, vous disiez qu'il n'y a aucune raison de reporter ce projet. Qu'est-ce qui a changé entre temps ?
- "Le projet n'est pas reporté..."
Ah bon ? C'est ce qu'a dit N. Sarkozy !
- "Non, la première lecture du projet est reportée. Elle aurait pu avoir lieu avant les grandes vacances, s'agissant des transferts ; elle aura lieu après le 15 septembre. Mais pour voter une loi de cette importance - il y a environ 150 articles et il y a peut-être 5 % du texte qui concernent ces fameux employés de bâtiment qui énervent un peu les syndicats -, il faudra aller jusqu'à la fin de l'année 2003. Le calendrier n'est donc pas entamé par le fait que la première lecture soit un peu retardée."
Les syndicats avaient pourtant compris qu'il y avait une ouverture...
- "Il y a une ouverture, c'est-à-dire que nous discutons avec eux et l'engagement qui a été pris par N. Sarkozy est que le texte qui devait être transmis au Conseil d'Etat incessamment - il aurait d'ailleurs dû l'être ces jours-ci - ne le sera, au plus tard, que le 15 septembre, après que les syndicats nous aient fait part de leurs observations, de leurs demandes. Ils vont nous donner une contribution écrite sur leurs critiques, leurs propositions ou leurs demandes de garantie. Et c'est seulement après l'examen et la négociation sur ces thèmes que le texte pourra être transmis au Conseil d'Etat. Il n'y a pas de retrait du texte, mais il y a des ouvertures pour des aménagements possibles."
Ce que disent les syndicats, c'est que si le Gouvernement a reculé, c'est parce que la mobilisation était forte et qu'il faut donc continuer la mobilisation. Cela promet des examens difficiles.
- "C'est vraiment leur manière de voir. Simplement, nous considérons qu'il faut arriver à moderniser un peu notre pays. D'ailleurs, la question des retraites est prégnante dans cette affaire. Le Parlement est désormais saisi du débat sur les retraites et nous n'avons pas l'intention de différer cela, parce que c'est l'avenir même de nos retraites qui est en cause."
Dans l'Education, une nouvelle journée d'action est prévue pour le 10 juin. Est-ce que les étudiants qui vont passer des examens seront suffisamment préparés, est-ce qu'ils auront eu le temps de réviser ?
- "C'est certainement, pour eux, quelque chose qui les pénalise. Et d'ailleurs, ce qui est aussi préoccupant, en terme d'égalité, c'est que l'on voit que ceux qui sont dans les établissements privés sont avantagés par rapport à ceux qui sont justement dans les systèmes d'Education publique. Ce n'est pas normal."
Beaucoup de gens dans la majorité disent que la vraie priorité, ce sont les retraites et qu'on a eu tort de se mettre cette histoire de décentralisation sur les bras... Est-ce que cela ne peut pas attendre ?
- "Bien sûr, d'ailleurs, nous ne sommes pas à la minute. Mais cela se passe l'un derrière l'autre en fait. Les retraites, on les passe maintenant, la décentralisation, on la passera à l'automne."
Venons-en aux retraites. B. Thibault, de la CGT, a dit qu'il fallait prolonger le mouvement, d'où de nouveaux blocages. Est-ce que, dans la majorité, on continue à réfléchir à ce fameux service minimum, en cas de grèves ?
- "Oui, bien sûr, on y réfléchit. Mais avant d'aborder le sujet, d'abord, il faudrait sortir de la crise, ce n'est pas la peine de mettre de l'huile sur le feu en ce moment, on le comprend quand même bien ! Et d'autre part, peut-être pourrait-on avoir pour souci que la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui, soit enfin respectée. Par exemple, les piquets de grève qui veulent empêcher les personnes d'aller travailler quand elles le veulent, c'est illégal. Les mouvements de grève sans préavis - il y en a eu et il y en a encore -, ça aussi, c'est illégal. Donc, faisons déjà respecter la loi et, ensuite, réfléchissons à l'améliorer."
C'est au Gouvernement de faire respecter la loi. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
- "Oui, bien sûr. En même temps, si, le Gouvernement fait tout ce qu'il faut pour faire respecter la loi, y compris sur les piquets de grève, chaque fois qu'il le peut, il s'emploie à les faire évacuer. Mais ce n'est pas toujours non plus très facile, il faut bien le reconnaître."
Les syndicats continuent à dire qu'ils veulent renégocier. Y a-t-il une possibilité de rediscuter ?
- "Je rappelle d'abord que sur les retraites - c'est d'ailleurs la même chose pour l'Education nationale avec la décentralisation : sur la décentralisation, nous avons fait 26 assises régionales, avec 55.000 personnes qui ont participé à ce mouvement et nous avons parlé des fameux TOS avec les syndicats... Les TOS, ce sont ces emplois des bâtiments. Nous en avons parlé avec les syndicats pendant des mois et des mois. Aujourd'hui, ils l'ont oublié. Les centrales n'étaient pas souvent présentes, mais c'étaient souvent les syndicats locaux qui sont intervenus. Et pour les retraites, c'est la même chose : F. Fillon a négocié pendant des mois et des mois. Et ce n'était pas une négociation fantasmatique, puisque la CFDT - et pas seulement elle d'ailleurs - a signé..."
Mais visiblement, cela n'a pas suffi ?
- "Pour certains, cela n'a pas suffi. Mais on ne peut pas dire que la négociation et le débat n'ont pas eu lieu. Maintenant, c'est le temps du Parlement. Et au Parlement aussi, on débat."
Cela veut dire qu'il y aura des concessions possibles au Parlement ?
- "D'abord, le Parlement est souverain, on est dans une démocratie..."
Mais je veux dire que le texte n'est pas ficelé définitivement ? Au Parlement, on peut l'amender ?
- "La gauche dépose des amendements. Tout dépend de la qualité de ces amendements. Soit ce sont des amendements d'obstruction et, évidemment, ce n'est pas un bon moyen de faire avancer le débat ; soit il y a des amendements intelligents, d'amélioration du texte et qui sont aussi de nature à faire consensus. Le Gouvernement, évidemment, peut s'en inspirer et en tenir compte."
Il y a une chose que les Français ne comprennent pas, c'est qu'on leur dit qu'il va falloir travailler plus longtemps et, pourtant, ils s'aperçoivent qu'après 50 ans, en général, ce sont les patrons qui les poussent vers la porte.
- "Ils ont raison, parce qu'il est vrai que le fait d'être contraint de partir à la retraite à 55 ans, 56 ans, en tous les cas entre 50 et 60 ans, dans les entreprises, et dire en même temps qu'il faut travailler davantage pour financer les retraites, il y a là une contradiction. Et dans la législation sociale, il faudra que nous tenions compte de cela. Il y a des dispositifs qui encouragent le départ anticipé et je crois que ce n'est pas une bonne chose."
Cela veut dire qu'il faudrait une nouvelle loi pour empêcher les patrons de se débarrasser de leurs employés trop tôt ?
- "Il y a une liberté de gestion des entreprises dans ce domaine. Mais en tous les cas, tous les dispositifs qui encouragent le départ anticipé, et parfois qui en font supporter le coût financier à l'Etat, comme c'est arrivé pendant très longtemps - le gouvernement précédent a usé et sur-usé de cela -, il faudra y mettre fin."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2003)
- "C'est en tous les cas l'ouverture d'une discussion, qui permet aux syndicats de s'exprimer encore plus largement qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant."
Mais qu'en espérez-vous ? Une possibilité de débloquer la situation ?
- "Ce que nous espérons, c'est le dialogue permette une meilleure compréhension, parce que, dans ces affaires, il y a souvent beaucoup d'incompréhension. Par exemple, les personnels techniques, dont il est en principe prévu le transfert, c'est quelque chose qui a été fait pour les écoles primaires depuis 120 ans. Ce n'est donc pas la révolution ! Il s'agit des personnels qui entretiennent les bâtiments. Quand il s'agit des écoles primaires, c'est fait depuis Jules Ferry, quand il s'agit des collèges ou des lycées, on envisage de le faire avec Luc Ferry. Mais en fait, il n'y a pas beaucoup de différences."
Cela dit, il y a trois semaines, vous disiez qu'il n'y a aucune raison de reporter ce projet. Qu'est-ce qui a changé entre temps ?
- "Le projet n'est pas reporté..."
Ah bon ? C'est ce qu'a dit N. Sarkozy !
- "Non, la première lecture du projet est reportée. Elle aurait pu avoir lieu avant les grandes vacances, s'agissant des transferts ; elle aura lieu après le 15 septembre. Mais pour voter une loi de cette importance - il y a environ 150 articles et il y a peut-être 5 % du texte qui concernent ces fameux employés de bâtiment qui énervent un peu les syndicats -, il faudra aller jusqu'à la fin de l'année 2003. Le calendrier n'est donc pas entamé par le fait que la première lecture soit un peu retardée."
Les syndicats avaient pourtant compris qu'il y avait une ouverture...
- "Il y a une ouverture, c'est-à-dire que nous discutons avec eux et l'engagement qui a été pris par N. Sarkozy est que le texte qui devait être transmis au Conseil d'Etat incessamment - il aurait d'ailleurs dû l'être ces jours-ci - ne le sera, au plus tard, que le 15 septembre, après que les syndicats nous aient fait part de leurs observations, de leurs demandes. Ils vont nous donner une contribution écrite sur leurs critiques, leurs propositions ou leurs demandes de garantie. Et c'est seulement après l'examen et la négociation sur ces thèmes que le texte pourra être transmis au Conseil d'Etat. Il n'y a pas de retrait du texte, mais il y a des ouvertures pour des aménagements possibles."
Ce que disent les syndicats, c'est que si le Gouvernement a reculé, c'est parce que la mobilisation était forte et qu'il faut donc continuer la mobilisation. Cela promet des examens difficiles.
- "C'est vraiment leur manière de voir. Simplement, nous considérons qu'il faut arriver à moderniser un peu notre pays. D'ailleurs, la question des retraites est prégnante dans cette affaire. Le Parlement est désormais saisi du débat sur les retraites et nous n'avons pas l'intention de différer cela, parce que c'est l'avenir même de nos retraites qui est en cause."
Dans l'Education, une nouvelle journée d'action est prévue pour le 10 juin. Est-ce que les étudiants qui vont passer des examens seront suffisamment préparés, est-ce qu'ils auront eu le temps de réviser ?
- "C'est certainement, pour eux, quelque chose qui les pénalise. Et d'ailleurs, ce qui est aussi préoccupant, en terme d'égalité, c'est que l'on voit que ceux qui sont dans les établissements privés sont avantagés par rapport à ceux qui sont justement dans les systèmes d'Education publique. Ce n'est pas normal."
Beaucoup de gens dans la majorité disent que la vraie priorité, ce sont les retraites et qu'on a eu tort de se mettre cette histoire de décentralisation sur les bras... Est-ce que cela ne peut pas attendre ?
- "Bien sûr, d'ailleurs, nous ne sommes pas à la minute. Mais cela se passe l'un derrière l'autre en fait. Les retraites, on les passe maintenant, la décentralisation, on la passera à l'automne."
Venons-en aux retraites. B. Thibault, de la CGT, a dit qu'il fallait prolonger le mouvement, d'où de nouveaux blocages. Est-ce que, dans la majorité, on continue à réfléchir à ce fameux service minimum, en cas de grèves ?
- "Oui, bien sûr, on y réfléchit. Mais avant d'aborder le sujet, d'abord, il faudrait sortir de la crise, ce n'est pas la peine de mettre de l'huile sur le feu en ce moment, on le comprend quand même bien ! Et d'autre part, peut-être pourrait-on avoir pour souci que la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui, soit enfin respectée. Par exemple, les piquets de grève qui veulent empêcher les personnes d'aller travailler quand elles le veulent, c'est illégal. Les mouvements de grève sans préavis - il y en a eu et il y en a encore -, ça aussi, c'est illégal. Donc, faisons déjà respecter la loi et, ensuite, réfléchissons à l'améliorer."
C'est au Gouvernement de faire respecter la loi. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
- "Oui, bien sûr. En même temps, si, le Gouvernement fait tout ce qu'il faut pour faire respecter la loi, y compris sur les piquets de grève, chaque fois qu'il le peut, il s'emploie à les faire évacuer. Mais ce n'est pas toujours non plus très facile, il faut bien le reconnaître."
Les syndicats continuent à dire qu'ils veulent renégocier. Y a-t-il une possibilité de rediscuter ?
- "Je rappelle d'abord que sur les retraites - c'est d'ailleurs la même chose pour l'Education nationale avec la décentralisation : sur la décentralisation, nous avons fait 26 assises régionales, avec 55.000 personnes qui ont participé à ce mouvement et nous avons parlé des fameux TOS avec les syndicats... Les TOS, ce sont ces emplois des bâtiments. Nous en avons parlé avec les syndicats pendant des mois et des mois. Aujourd'hui, ils l'ont oublié. Les centrales n'étaient pas souvent présentes, mais c'étaient souvent les syndicats locaux qui sont intervenus. Et pour les retraites, c'est la même chose : F. Fillon a négocié pendant des mois et des mois. Et ce n'était pas une négociation fantasmatique, puisque la CFDT - et pas seulement elle d'ailleurs - a signé..."
Mais visiblement, cela n'a pas suffi ?
- "Pour certains, cela n'a pas suffi. Mais on ne peut pas dire que la négociation et le débat n'ont pas eu lieu. Maintenant, c'est le temps du Parlement. Et au Parlement aussi, on débat."
Cela veut dire qu'il y aura des concessions possibles au Parlement ?
- "D'abord, le Parlement est souverain, on est dans une démocratie..."
Mais je veux dire que le texte n'est pas ficelé définitivement ? Au Parlement, on peut l'amender ?
- "La gauche dépose des amendements. Tout dépend de la qualité de ces amendements. Soit ce sont des amendements d'obstruction et, évidemment, ce n'est pas un bon moyen de faire avancer le débat ; soit il y a des amendements intelligents, d'amélioration du texte et qui sont aussi de nature à faire consensus. Le Gouvernement, évidemment, peut s'en inspirer et en tenir compte."
Il y a une chose que les Français ne comprennent pas, c'est qu'on leur dit qu'il va falloir travailler plus longtemps et, pourtant, ils s'aperçoivent qu'après 50 ans, en général, ce sont les patrons qui les poussent vers la porte.
- "Ils ont raison, parce qu'il est vrai que le fait d'être contraint de partir à la retraite à 55 ans, 56 ans, en tous les cas entre 50 et 60 ans, dans les entreprises, et dire en même temps qu'il faut travailler davantage pour financer les retraites, il y a là une contradiction. Et dans la législation sociale, il faudra que nous tenions compte de cela. Il y a des dispositifs qui encouragent le départ anticipé et je crois que ce n'est pas une bonne chose."
Cela veut dire qu'il faudrait une nouvelle loi pour empêcher les patrons de se débarrasser de leurs employés trop tôt ?
- "Il y a une liberté de gestion des entreprises dans ce domaine. Mais en tous les cas, tous les dispositifs qui encouragent le départ anticipé, et parfois qui en font supporter le coût financier à l'Etat, comme c'est arrivé pendant très longtemps - le gouvernement précédent a usé et sur-usé de cela -, il faudra y mettre fin."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2003)