Interview de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, dans "Netsurf" de mai et déclaration le 17 juin, sur les services en ligne, le soutien à l'édition française de programmes multimédias et la politique de recherche du ministère de la culture.

Prononcé le 1er mai 1996

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Circonstance : Ouverture des Assises de la recherche, à Paris le 17 juin 1996

Texte intégral

DISCOURS D'OUVERTURE DES ASSISES DE LA RECHERCHE - LUNDI 17 JUIN 1996
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'ouvrir ces premières assises consacrées à la politique de recherche du ministère de la culture.
Cette réunion se tient dans un musée national qui symbolise, fortement, l'alliance de la science et de la culture.
Créé en 1937 sous l'impulsion de Georges Henri Rivière, un grand conservateur, premier titulaire de la chaire d'ethnographie française à l'Ecole du Louvre, ce musée-laboratoire est une institution originale. Depuis 1969, des personnels du ministère, des universités, du centre national de la recherche scientifique collaborent activement autour des collections du musée et au sein de l'unité de recherche qui lui est associée.
J'ai une grande ambition pour ce musée qui seul a les compétences et les collections pour faire comprendre à nos concitoyens l'évolution des sociétés françaises depuis le Moyen-Age jusqu'à nos jours.
Je fais entièrement confiance à l'expérience de son nouveau directeur, Monsieur Michel Collardelle, et de ses collaborateurs pour y parvenir.
Je tiens à remercier Monsieur Dominique Lecourt, professeur d'université, expert au Conseil ministériel de la recherche et Monsieur Bernard Bigot, directeur général de la recherche et de la technologie au secrétariat d'Etat à la recherche pour leurs propos préliminaires.
Ils ont su mettre en évidence les enjeux profonds de ces deux journées de réflexion collective qui associent tous les acteurs de la recherche au ministère et doivent nous permettre de donner un nouvel élan à ce secteur d'activités.
Cette réunion doit beaucoup à la mission de la recherche et de la technologie assistée des présidents et rapporteurs des séances de travail qui vont se dérouler durant ces deux jours. Je remercie en particulier Monsieur Jean-Claude Groshens, conseiller d'Etat, Monsieur André Dauphiné, professeur d'université, directeur du département des sciences humaines et sociales au secrétariat d'Etat à la recherche, d'avoir accepté de présider les travaux des deux prochaines journées.
Je suis heureux que vous soyez venus si nombreux pour ces assises et je tiens à remercier en particulier les personnalités extérieures au ministère de la culture qui se sont déplacées spécialement.
Les nombreux débats que suscite le développement des sciences révèlent une prise de conscience de leurs retombées sur le quotidien comme sur l'avenir culturel et économique de notre pays.
A l'aube du troisième millénaire, tout porte à croire que le mouvement va s'accentuer.
La modernité ne se décrète pas; il faut la préparer et la construire; c'est un défi essentiel, mais difficile.
Dans ce contexte, la politique de recherche et la politique culturelle de l'Etat sont deux outils complémentaires pour faire progresser la démocratie et orienter notre avenir.
Le monde de la culture et de la création artistique constitue un terrain d'expérimentation, dont les exigences imposent une recherche permanente.
Les musiciens, qui ont su avant d'autres artistes s'approprier ces techniques, apprécient aujourd'hui de ne plus avoir à utiliser un clavier d'ordinateur pour entendre des sons, comme au temps des premiers systèmes de synthèse.
En quelques dizaines d'années, la recherche a permis la synthèse en temps réel mais aussi d'importantes évolutions ergonomiques. La pensée musicale et les gestes traditionnels des créateurs commencent à retrouver leur place grâce aux progrès accomplis par les interfaces.
Avec l'arrivée du tout numérique et du multimédia, de nombreuses professions culturelles vont devoir repenser leurs méthodes de travail et de nouvelles écritures vont voir le jour. Des mondes virtuels simulés grâce aux ordinateurs naissent chaque jour dans les laboratoires de recherche.
Le cinéma commence à en offrir des illustrations convaincantes de vérité et les prouesses techniques sont impressionnantes.
Les sociétés industrialisées sauront-elles en profiter pour favoriser l'éducation du plus grand nombre, lutter contre le sous-développement des pays pauvres et favoriser l'intégration sociale sur leur propre territoire ?
J'ai souvent eu l'occasion de le dire, un des enjeux majeurs de la société de l'information est le respect de la pluralité, c'est à dire des identités culturelles.
Le développement de ces domaines de recherche, accompagné d'une politique incitative pour la création de programmes et de centres de ressources francophones en ligne, est stratégique pour l'avenir de notre langue dans le monde.
Au sein de l'Etat, le ministère de la culture a le devoir d'analyser en permanence les mutations que je viens rapidement d'évoquer.
La crédibilité de sa politique culturelle en dépend.
De même, pour remplir ses missions de conservation et de valorisation du patrimoine, il se doit d'utiliser les méthodes scientifiques et les techniques les plus performantes.
C'est pourquoi, depuis plus de trente ans, la recherche accompagne les politiques mises en oeuvre et que des archéologues, des ethnologues, des historiens de l'art, des sociologues, des économistes y côtoient des physiciens, des chimistes, des géologues et des informaticiens.
Cette diversité fait la richesse du secteur de recherche du ministère et renforce ses capacités d'expertise et d'intervention.
En 1996, le ministère consacrera sept cent soixante millions de francs, à la recherche.
Les travaux de recherche menés ou soutenus par les services et les établissements publics répondent à trois grandes catégories d'objectifs :
- la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel national;
- l'amélioration des connaissances sur les processus de la création artistique et des outils techniques qui lui sont nécessaires;
- la compréhension des rapports entre l'organisation sociale, l'économie et les productions culturelles.
On le voit, les champs de recherche sont nombreux et le plus souvent pluridisciplinaires.
Leur complexité et leur diversité impliquent des compétences multiples et des relations étroites et durables avec la communauté scientifique.
C'est la raison de la politique volontariste de collaboration scientifique mise en oeuvre depuis le début de la décennie.
Si le centre national de la recherche scientifique est un partenaire majeur, il n'est pas le seul. Le ministère collabore, efficacement, avec des organismes comme le commissariat à l'énergie atomique ou l'institut national de recherche en informatique et automatique, des grandes écoles et de nombreuses universités.
En matière de politique de recherche et de développement technologique, la cohérence et la continuité sont les gages principaux de la réussite.
Plus encore que dans d'autres secteurs d'activités, la coordination y est indispensable comme la programmation et l'évaluation.
La conjoncture économique difficile que traverse notre pays et la nécessité de rétablir les équilibres budgétaires imposent, aujourd'hui, au ministère de faire des choix très sélectifs.
Je souhaite que ces assises soient l'occasion de s'interroger collectivement sur les programmes prioritaires de recherche, à mener ou à soutenir dès l'année prochaine, tout en abordant les questions de moyens et d'organisation.
Vos travaux devraient permettre d'élaborer un schéma stratégique pour l'avenir de la recherche au ministère, capable de mobiliser tous les personnels compétents et les moyens scientifiques sur des thèmes d'intérêt national.
Le conseil ministériel de la recherche est chargé de débattre des orientations générales. Dans l'organisation actuelle a-t-il réellement les moyens d'agir efficacement ?
Les conseils spécialisés sont-ils suffisamment associés à ses débats, pour pouvoir expliciter leurs propositions et lui permettre d'opérer les synthèses que j'attends de cette instance ?
Je suis persuadé que de cette réunion, où des scientifiques et des responsables de l'administration culturelle dialoguent sur les priorités, les moyens, l'organisation, sortiront des propositions pragmatiques et concrètes.
C'est ainsi que se dessinera, pour les années à venir, un nouveau paysage de la recherche, dans lequel chacun exercera sa part de responsabilité au service des missions du ministère de la culture.
Je vous remercie de votre précieuse collaboration.
(source http://www.culture.fr, le 23 janvier 2003)