Interviews de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, à France 3 le 4 juin 2003 et à LCI le 6, sur le projet de loi de réforme des retraites et sur le conflit social d'opposition à cette réforme.

Prononcé le

Média : France 3 - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Texte de l'interview à France 3 le 4 juin 2003 :
Notre invité, Le ministre des Affaires sociales, François FILLON. Alors, augmenter les cotisations, imposer le capital, les patrimoines, ces pistes-là ne vous ont pas intéressé ?
Ce sont des pistes très démagogiques, il y a beaucoup de gens qui, à gauche commencent à le dire. Et ce sont surtout des pistes qui sont diamétralement opposées à celles que le Parti socialiste défendait il y a un an quand il était au pouvoir. Plus d'impôts, plus de taxes, plus de prélèvements, ça veut dire quoi ? Ca veut dire, le niveau de vie des actifs qui diminue ? Ca veut dire, moins d'emplois dans les entreprises et ça veut dire en fait que, parce qu'on n'a pas le courage de réformer, on laisse à la génération future le soin de le faire à notre place.
Cela dit, le PS va déposer des amendements, mardi prochain ainsi que le PC. Est-ce que le gouvernement pourrait brandir le 49.3 pour que le débat ne s'enlise pas.
Non, non, il n'est pas question de brandir le 49.3, le gouvernement souhaite ce débat et il attend avec impatience qu'on puisse vraiment confronter les arguments, qu'on puisse démontrer par exemple que ce que nous dit Monsieur HOLLANDE à l'instant : travailler plus pour gagner moins, est faux. En travaillant plus on aura une retraite, justement, qui sera une retraite plus confortable, plus sure. Et donc le gouvernement attend ce débat avec beaucoup de sérénité et avec beaucoup de tranquillité parce que les amendements qui sont déposés sont des amendements pour l'essentiel qui visent, comme je le disais à l'instant, à augmenter les impôts, les taxes, les prélèvements obligatoires et pas à sécuriser le système.
Alors, à la SNCF la grève a été reconduite, les cheminots s'inquiètent. Quand est-ce que vous allez vous attaquer aux régimes spéciaux ?
D'abord, on ne s'attaque à personne, on essaie de sauver les retraites des Français. Mais comme je l'ai dit à maintes reprises, les régimes spéciaux ne sont pas concernés par cette réforme.
Mais est-ce qu'on peut parle d'équité quand on ne touche pas aux régimes spéciaux et que par...
Les régimes spéciaux, c'est 5 % des problèmes qui sont posés aujourd'hui en matière de retraite...
Oui, mais ce sont des personnes qui partent à la retraite à 50 ans, 55 ans ?
C'est très difficile de réformer les retraites dans notre pays, on le sait, il y a eu beaucoup de gouvernements qui se sont heurtés à ces difficultés. Donc nous, nous estimons que nous faisons l'essentiel et s'agissant des régimes spéciaux, les entreprises qui sont en charge de ces sujets en discuteront avec leur personnel.
Alors, le gouvernement a reculé sur la décentralisation mais les enseignants, eux, restent mobilisés. Aujourd'hui c'est à vous qu'ils s'adressent François FILLON, c'est à vous qu'ils s'adressent François FILLON, ils ne veulent pas non plus de votre réforme des retraites.
Eh bien moi je leur dis qu'il n'y aucune raison pour que les enseignants soient considérés comme une catégorie à part de la population. Il y a aujourd'hui une grande majorité de Français qui travaillent quarante années pour toucher leur retraite, nous souhaitons que demain tous les Français soient au même régime. Je ne méconnais pas les difficultés du métier d'enseignant, le gouvernement est prêt à engager des discussions sur la pénibilité par exemple, dans les métiers de la fonction publique, mais il n'y a aucune raison pour que les enseignants soient traités différemment des autres Français. Et il n'y a aucune raison pour que les enseignants français soient différents des autres pays européens. Dans tous les autres pays européens, la durée de travail pour avoir une retraite à taux plein, c'est plutôt 45 ans que 37,5. Est-ce qu'il y a vraiment une différence fondamentale entre un enseignant allemand, un enseignant anglais, un enseignant suédois et un enseignant français !

Texte de l'interview à LCI le 6 juin 2003 :
François FILLON, bonsoir, nous nous retrouvons dans votre bureau, rue de Grenelle, qui est aujourd'hui un peu le PC de la réforme des retraites. Alors précisément, c'est bien sûr sur cette réforme que je voudrais qu'on revienne ce soir. Vous avez dit et redit qu'on entrait désormais dans la phase politique et qu'il n'était plus question de report, de retrait ou de réécriture du projet de loi. Néanmoins, quand on regarde le mouvement social, il y a peut-être une légère érosion, mais il y a en même temps une certaine radicalisation. Est-ce que cette radicalisation vous inquiète, et est-ce qu'elle pourrait éventuellement vous faire reculer ?
Elle ne nous fera pas reculer. Elle me préoccupe, naturellement, car nous souhaitons que les choses puissent rentrer dans l'ordre, que les enfants, les jeunes puissent passer leurs examens, que tous les Français puissent utiliser les transports en commun et qu'ils ne soient pas pris en otage par des petits groupes, qui ne correspondent pas réellement au sentiment de la majorité des Français, et même au sentiment de la majorité de ceux qu'ils prétendent représenter, et qui se lancent dans des actions qui sont des actions très violentes. Et je compte évidemment beaucoup sur l'esprit de responsabilité des organisations syndicales, qui d'ailleurs jusqu'à maintenant ont montré qu'elles souhaitaient que les choses ne s'enveniment pas.
Alors on peut compter sur la responsabilité des organisations syndicales, on peut requérir des enseignants pour faire passer les examens, mais si progressivement s'instaure une espèce de paralysie endémique des transports urbains, par exemple, qu'est-ce qu'on peut faire ?
Je ne crois pas que nous allions dans cette direction. Je pense que les arguments que le gouvernement développe jour après jour font leur chemin dans l'esprit de nos concitoyens. L'argument sur l'équité, il est, je crois, très largement passé, y compris au sein des groupes qui, dans la fonction publique, sont encore hostiles à la réforme, mais qui voient bien qu'il est de plus en plus difficile de faire grève contre l'équité. Et donc je ne vois pas comment pourrait se cristalliser un mouvement de refus d'une réforme qui aujourd'hui est, même à gauche, considérée comme nécessaire.
Mais alors cette pédagogie à laquelle s'attache le gouvernement, à laquelle s'attache également le parti majoritaire, l'UMP, est-ce qu'elle ne vient pas trop tard, et si on réfléchit un peu sur la méthode que vous avez utilisée, est-ce que vous ne regrettez pas de ne pas avoir impliqué, je dirais, tout de suite l'opinion, avant même de commencer à travailler ce projet de loi, par exemple, on l'avait évoqué à l'époque, par un référendum où on aurait demandé à l'opinion de se prononcer pour ou contre l'équité, l'effort partagé, la réforme ?
Je crois que c'est une très, très mauvaise idée, c'est l'exemple même de la fausse bonne idée derrière laquelle certains se protègent, en fait, d'une absence de réflexion de fond. Imaginez-vous, Pierre-Luc SEGUILLON, quelques semaines ou quelques mois après des élections présidentielles, des élections législatives, le gouvernement de nouveau rassemblant l'ensemble du corps électoral pour lui poser des questions très générales : est-ce que vous êtes favorable à l'équité sur les retraites ? Personne n'aurait compris que nous ne prenions pas nos responsabilités en commençant par un gros effort de concertation avec les partenaires sociaux. Cet effort, il a eu lieu, et il a été, je me permets de vous le dire, couronné de succès, car même s'il y a aujourd'hui des organisations qui sont hostiles à la réforme, c'est à mon sens, depuis une dizaine d'années, la première fois qu'il y a une négociation aussi longue, aussi complète, et avec un accord autour d'une grande question sociale.
Alors vous dites : négociation très longue, effectivement, vous vous êtes concertés avec les organisations syndicales depuis de longs mois. Vous vous êtes concertés, vous avez pratiqué, entre guillemets, le dialogue social, mais vous avez volontairement pratiqué une ambiguïté permanente entre négociation et concertation. Et aujourd'hui, certains, comme la CGT, vous reprochent d'avoir peu négocié.
Non, il y a eu une vraie négociation. Nous avons hésité, c'est vrai, sur le terme de négociation parce que ce sujet des retraites dépasse, au fond, seulement la question des organisations syndicales qui défendent les intérêts des salariés, c'est une question qui concerne toute la société française et qui concerne évidemment au premier chef le Parlement, qui est le représentant de l'ensemble de la Nation. Mais enfin, je crois qu'il faut oublier cette querelle de mots, parce que nous avons négocié. Nous avons négocié au fil des jours, et notamment pendant une nuit entière, avec les organisations syndicales, et nous sommes arrivés à un accord. Je veux dire, on n'arrive pas à un accord sans négociation. On est arrivé à un accord avec la CFDT, avec la CGC, avec les organisations patronales, la CFTC a décidé de rester neutre. Donc il y a deux organisations, FO et la CGT, qui ont refusé de soutenir cet accord.
Par rapport à la CGT, est-ce que vous ne regrettez pas d'avoir perdu trois mois ? En quelque sorte, on a bien vu que vous avez attendu que se passe son congrès avant d'entrer dans le vif du sujet. Trois mois de perdus ?
Non, je ne crois pas, on n'a pas perdu trois mois. D'abord, parce que ces trois mois ont été utiles pour aboutir à l'accord que nous avons obtenu. Et ensuite, parce que ces trois mois ont aussi permis de faire la pédagogie de la réforme vis-à-vis de l'opinion publique. Et enfin parce que la CGT, même si je n'ai jamais pensé qu'elle accepterait de soutenir une réforme aussi lourde que celle-là, parce que c'est dans la tradition de la CGT, la CGT depuis 40 ans n'a jamais soutenu une grande réforme sociale, quel que soit d'ailleurs le gouvernement qui l'initiait...
Mais vous avez pensé qu'elle ne s'y opposerait pas ?
Je pense... j'ai toujours pensé que la CGT, par sa participation à la négociation, avait pesé sur, finalement, le visage final du projet. La présence de la CGT aux négociations a renforcé la position des organisations syndicales, par rapport au maintien du régime par répartition, par rapport à un certain nombre d'avancées sociales.
Et vous le sentiment qu'au final, Bernard THIBAULT, le secrétaire général de la CGT, a été en quelque sorte prisonnier de sa base ?
Je crois que Bernard THIBAULT a fait beaucoup d'efforts pour faire évoluer la CGT vers un syndicat réformiste, qui signe des accords. Je pense qu'il est sur le bon chemin, mais qu'il y a beaucoup de traditions, il y a une histoire sociale qui est très lourde, et qu'on ne peut pas réussir les choses aussi vite.
Alors aujourd'hui, sur la substance de votre réforme elle-même, de la réforme, du projet de réforme, il semble premièrement qu'il y a une ambiguïté. Quand vous dites : les fonctionnaires ne verront pas une baisse de leurs pensions s'ils font 40 ans, vous avez raison. Mais eux vous répondent, c'est un temps virtuel, parce qu'en réalité, quand on regarde le temps effectif d'activité des fonctionnaires aujourd'hui, notamment dans l'Education nationale, c'est beaucoup plus proche de 35 ans que de 37,5 ans, à plus forte raison de 40 ans, donc réellement il y aura baisse de nos pensions.
Là on est au coeur, non seulement de la réforme que nous proposons, mais on est au coeur de toute la question qui est de savoir comment, dans des pays qui sont des pays vieillissants, dans les grandes démocraties modernes, on va pouvoir obtenir de la croissance avec une population qui vieillit. Nous, nous disons, et c'est au fond le coeur de la politique du gouvernement, qu'on ne pourra y parvenir qu'en travaillant plus. Et nous combattons, au fond, l'idée qui a été instillée, en particulier par le gouvernement précédent, selon laquelle on pourrait affronter ce vieillissement de la population, affronter la mondialisation, en travaillant moins. Nous, on dit qu'il faut travailler plus. Et le coeur de la réforme, c'est évidemment l'allongement d'une durée non seulement de cotisation, mais d'activité...
Effective.
Si les fonctionnaires refusent de travailler un an ou deux ans de plus, alors effectivement ils prendront, ils feront le choix d'avoir une pension moins élevée. Nous, nous leur proposons de maintenir le niveau de pension, malgré les difficultés démographiques des régimes, en travaillant, en 2008, deux ans et demi de plus. Et je leur fais remarquer une nouvelle fois que ce temps de travail supplémentaire que nous leur demandons n'est pas excessif par rapport à tous les autres pays européens, qui sont déjà allés beaucoup plus loin que nous sur ce sujet.
Alors autre aspect et autre difficulté de votre réforme, vous la faites au nom de l'équité, et vous laissez de côté, tactiquement, chacun semble l'avoir compris, les régimes spéciaux d'un certain nombre de professions, je pense à la SNCF, je pense à la RATP, qui, très lucidement, se disent : de toute manière, notre temps viendra. Pourquoi ne pas avoir dit la vérité, et dire : au nom de l'équité, tout le monde doit partager cet effort, y compris ces régimes spéciaux ? Ce n'est pas une ruse ou une finesse tactique de votre part ?
Non, non, il y a des raisons très précises. D'abord, nous avons des responsabilités principales. La principale responsabilité du gouvernement, c'est d'assurer l'équilibre du régime général, qui concerne la plus grande partie de nos concitoyens, et c'est ensuite, en tant qu'employeur, d'assurer l'équilibre du régime des fonctionnaires. Les régimes spéciaux sont des régimes d'entreprises, ce sont les entreprises qui assurent cet équilibre, ce sont des régimes qui ont une histoire sociale très complexe et très lourde, et donc la réforme, naturellement, mérite un temps de réflexion, une négociation à l'intérieur de l'entreprise. Nous, nous voulons réussir...
Donc, je dirais, l'heure de vérité viendra pour eux aussi ?
Il y aura des discussions dans les entreprises, je l'ai toujours dit, mais il n'y a pas de calendrier, et ça se passera en fonction des réalités de la gestion de l'entreprise. Mais voyez, nous, ce que nous voulons, c'est remettre en mouvement la société française par rapport à la réforme. On est dans un système qui est bloqué, sur les retraites comme sur beaucoup d'autres sujets. Aujourd'hui on propose de remettre en mouvement la société française pour la question des retraites, pour 95 % des problèmes qui se posent, je trouve que c'est déjà pas mal. Et si je regarde ce qui s'est passé autrefois, dans les réformes ou les tentatives précédentes, je constate que ce que nous allons faire c'est la réforme des retraites la plus importante depuis l'après-guerre.
Alors, cette réforme, elle vise à assurer le financement des retraites, notamment en 2020. Vous l'avez reconnu vous-même, c'est, en ce qui concerne le privé, à peu près un tiers du financement nécessaire qui sera assuré. Pour le reste vous comptez sur un mécanisme qui fait que le chômage diminuerait et que ce qu'on ne paiera plus en cotisations chômage, on le paiera en cotisations vieillesse, autrement, à somme nulle. Sauf que vous n'êtes absolument pas certain que le chômage diminuera et c'est bien là que le bât blesse.
Oui, il faut bien voir...
Une précision, vous avez commencé par dire, par prendre pour hypothèse, le chômage baissant autour de 2010 et revenant autour de 5 %. Et puis il semble que l'autre jour devant la commission des Affaires sociales, c'est plutôt en 2020 que vous avez prévu cette réduction ?
Non. 4,5 % en 2010, ce sont les hypothèses du Conseil d'orientation des retraites.
Un des scénarios.
Oui, enfin c'est le scénario qui a été retenu par le Conseil d'orientation des retraites et qui n'est pas basé sur qui est basé sur une étude très précise des phénomènes démographiques. Nous, nous avons estimé que compte tenu des incertitudes sur la croissance, compte tenu d'un certain nombre de rigidités de la société française, qu'on va essayer de faire disparaître les unes après les autres, mais sur lesquelles effectivement il peut y avoir ambiguïté, un taux de chômage pour cette période entre 5 et 6% était une estimation tout à fait raisonnable. Il faut bien voir de quoi on parle. Pourquoi est-ce qu'on fait cette réforme ? On fait cette réforme parce qu'il y a un problème démographique. Ce problème démographique, il a des conséquences sur les retraites mais il a aussi des conséquences sur le nombre d'actifs qui vont demain chercher du travail dans la société française. Je crois que les Français ne se rendent pas compte...
Mais il a été démontré dans d'autres pays, par exemple en Allemagne, qu'une baisse démographique ne signifiait pas forcément...
L'exemple allemand n'est absolument pas comparable à l'exemple français parce qu'on oublie dans l'exemple allemand l'arrivée de l'Allemagne de l'Est et le poids que pèse l'Allemagne de l'Est sur la politique de l'emploi en Allemagne, et donc je crois que vraiment les situations ne sont pas comparables. C'est la première fois dans l'histoire de notre pays, à ma connaissance, en tout cas dans l'histoire moderne, que nous allons nous trouver avec des départs en retraite non remplacés. C'est-à-dire une augmentation massive des départs à la retraite, à partir de 2006 on passe de 500.000 personnes qui prennent leur retraite chaque année à 800.000 et en même temps, derrière, des classes d'âge qui arrivent en activité qui sont des classes d'âge peu nombreuses. Il ne peut pas ne pas y avoir d'effet mécanique sur le chômage...

Si cet effet n'est pas suffisant, vous avez prévu d'augmenter de 3 points, entre 2008 et 2020 les cotisations chômage...
C'est ce qu'il faut pour maintenir le niveau des pensions...
Si ce scénario souhaité n'est pas le bon, il faudra augmenter davantage les cotisations vieillesse ?
Bien sûr et c'est aussi un défi que le gouvernement propose à l'ensemble de la société française, de relever. Il faut augmenter le taux d'activité des plus de 55 ans, il faut diminuer le chômage des jeunes, on est un pays totalement atypique en Europe en matière de chômage des jeunes. Pour cela il faut que les entreprises aient aussi une gestion de leurs personnels qui soit orientée vers un allongement de la durée d'activité. Et nous mettons une sorte de marché entre les mains des entreprises, en leur disant : on est prêt à maintenir les prélèvements obligatoires, à ne pas les augmenter malgré la pression des dépenses sociales, à condition que vous fassiez, vous, l'effort de gérer de manière différente les carrières de vos personnels.
Autre problème, cette fois-ci pour le public. Il vous faut trouver quelque chose comme 12 ou 13 milliards d'euros d'ici à 2020. Où est-ce que vous allez les trouver ?
Dans la réforme de l'Etat. Il faut impérativement que l'Etat se réforme, soit plus efficace, soit dans un certain nombre de domaine moins coûteux pour qu'on puisse financer à la fois l'évolution des salaires des fonctionnaires parce qu'il faudra aussi demain, si on veut avoir une fonction publique attractive, avoir des politiques salariales plus dynamiques qu'aujourd'hui, et puis financer les retraites. Donc, la réforme de l'Etat c'est l'étape suivante, nécessaire pour assurer les grands équilibres.
Alors certains de vos amis, qui ne sont pas totalement convaincus par votre raisonnement, je pense notamment au groupe des Libéraux au sein de l'Assemblée Nationale, vont proposer des amendements. Et par exemple, le groupe qui est un peu entraîner par Monsieur NOVELLI va vous proposer... vous avez prévu dans un article 5 du projet de réforme, de revoir plus tard l'épargne retraite et d'amender cet article 5, de telle sorte qu'on prenne en compte, tout de suite, cette épargne retraite. Est-ce que vous êtes prêt à accepter cet amendement ?
Ce n'est pas tout à fait comme ça que les choses se présentent. Le titre 5, que j'ai voulu dans mon projet de loi organise l'architecture des futurs systèmes d'épargne retraite, de manière très précise...
Il le reporte à une loi ultérieure...
Mais la fixation des avantages fiscaux qui sont liés à l'épargne retraite a reporté à la loi de finances qui sera votée à l'automne 2004. Donc, c'est un débat qui est un débat un peu, j'allais dire, marginal. Si les Libéraux veulent qu'on vote tout de suite le taux des avantages fiscaux, moi je n'y suis pas hostile, je pense que le ministre des Finances souhaite que ce débat ait lieu dans le débat sur la loi de finances. On est quand même dans un calendrier qui est de quelques mois, sur ce sujet.

Alain MADELIN souhaite aller plus loin et évoquait à nouveau quelque chose qui fait peur à certains, qui sont les fonds de pension.
Oui mais là-dessus, Alain MADELIN est tout à fait minoritaire. L'UMP a choisi sa ligne politique. Cette réforme, je ne l'ai pas inventée tout seul, elle est le fruit d'un travail avec les organisations syndicales, elle s'inspire des travaux du COR, c'est pour cela que je dis qu'elle est ni de gauche, ni de droite. Mais elle a aussi été conçue avec l'UMP qui a fait le choix de consolider un régime par répartition et pas de changer de système de retraite.
Alors dernière question d'intendance. La semaine prochaine vous allez commencer le débat au Parlement. Il y a quelque 10.000 amendements qui vont être déposés entre les amendements du Parti communiste, quelque 6.000, et les amendements du Parti socialiste. La commission des Affaires sociales est arrivée à étudier 21 amendements en cinq heures, j'ai fait le calcul, il vous faudrait à peu près 2.000 heures, 53 jours, à condition de travailler 24 heures sur 24, et vous avez dit que vous n'utiliseriez pas le 49.3. Mais comment est-ce que vous allez faire ? Vous allez travailler jusqu'à quand ?
D'abord, nous allons prendre le temps nécessaire pour ce débat parce que nous ne voulons pas que le débat soit escamoté. Nous pensons que le débat parlementaire va permettre justement, d'une part de montrer que les solutions prétendument alternatives n'existent pas. Et, deuxièmement, que les chiffres que le gouvernement met sur la table sont des chiffres sérieux. Nous, nous avons tout l'été pour discuter de cette réforme. Si les parlementaires veulent rester en séance pendant l'été, le gouvernement y est tout à fait disposé.
Le 14 juillet, ce n'est plus une date butoir ?
Le 14 juillet, c'est un objectif qui nous semblait raisonnable mais c'est au Parlement d'en décider. En tout cas, s'agissant du gouvernement nous sommes tout à fait décidés à faire preuve de patience et de sérénité, parce que ce débat est un débat qui concerne vraiment toute la société française et il ne peut pas être escamoté.
Et à jouer le pourrissement du mouvement social comme l'a dit François HOLLANDE ?
Non, on ne joue pas le pourrissement du mouvement social. Il y a eu une négociation, il y a eu un accord, il faut aussi qu'on accepte... que tout le monde et y compris les partenaires sociaux acceptent les règles du jeu, du fonctionnement de la démocratie. Je pense que nos concitoyens attendent que le gouvernement dialogue, mais ils attendent aussi que le gouvernement décide. Et après une longue phase de dialogue, face à des partenaires qui, en réalité, ne veulent pas de cette réforme, auraient voulu la faire échouer pour rester dans le statu quo, parce qu'ils ne veulent pas de l'allongement de la durée de cotisation, notamment dans le secteur public, le gouvernement a décidé de montrer qu'après une phase de dialogue longue, il était tout à fait déterminé à agir. Et je pense que c'est très important pour restaurer aussi la crédibilité des politiques, la crédibilité de notre système démocratique.

(source http://www.retraites.gouv.fr, le 12 juin 2003)