Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mon collègue François FILLON vous a présenté la philosophie d'ensemble du projet de loi ainsi que les dispositions portant sur le régime général et les régimes de non salariés. Je vais maintenant vous exposer les grands traits de la partie du projet qui concerne les régimes de la fonction publique.
Nous avons fêté hier les 150 ans de la première loi sur les pensions des fonctionnaires : c'est en effet une loi du 9 juin 1853 qui détermine pour le première fois un droit à pension, aujourd'hui constitutionnalisé, en faveur des fonctionnaires, alors que rien n'était prévu à l'époque pour les autres catégories de travailleurs. Ce texte, remanié en 1924, est demeuré longtemps la seule loi d'envergure applicable aux fonctionnaires, en l'absence d'un statut, absence qui était comblée par la jurisprudence du Conseil d'Etat en tenant lieu jusqu'en 1946. Il est important d'avoir cette dimension en tête, tant les aspects statutaires et ceux liés à la retraite sont interpénétrés, pour bien comprendre les enjeux et le poids de l'Histoire sur le comportement des acteurs de ce débat.
La réforme préparée par le Gouvernement porte sur l'ensemble de la problématique des retraites. Il ne s'agit pas d'opposer les catégories professionnelles entre elles ; de même, il n'est évidemment pas question de s'attaquer à la fonction publique, comme j'ai pu l'entendre ou le lire. Cette réforme, qui est destinée à produire ses effets sur le long terme, n'est pas une réforme de circonstance. Elle s'impose pour sauver notre système de répartition qui est au cur de notre pacte républicain, à savoir les actifs payent la retraite des retraités. Le choc démographique impose la réforme. La contester, c'est refuser de regarder la vérité en face et donc mettre en péril notre système de solidarité collective.
Au nom de la solidarité, mais aussi de la justice, il convient de mettre en place des convergences fortes entre le régime de la fonction publique et celui du régime général. Il convient aussi d'éviter la fragilisation même de notre secteur public en maîtrisant les charges budgétaires liées au financement des retraites.
En effet, même si le régime des fonctionnaires de l'Etat n'est pas au sens strict un régime par répartition, puisque ses charges sont en grande partie budgétisées, il est évident que l'inaction conduirait rapidement à une rupture de l'équilibre économique sur lequel repose ce système. L'Etat verse aujourd'hui 60 milliards d'euros de traitements et 30 milliards de pensions. En 2020, il versera 60 milliards de traitements et 60 milliards de pensions, en euros valeur 2003. En 2040, les règles actuelles conduiraient à 60 milliards de traitements et 90 milliards de pensions.
La CNRACL, qui dispose pour l'instant d'une situation démographique plus favorable, n'échapperait pas longtemps à une dégradation rapide de ses ratios et serait en déséquilibre avec quelques années de retard, mais en déséquilibre quand même.
Il fallait donc agir, après plusieurs années de débats sans conclusion, pour consolider l'équilibre financier de nos régimes. Notre texte répond à cet objectif : il permettra de couvrir en 2020 la moitié du besoin de financement du régime des fonctionnaires, soit 14 milliards d'euros par an sur 28 qui seront nécessaires.
La deuxième raison qui motive la réforme est un impératif de justice : l'opinion publique ne comprend pas pourquoi certaines catégories sociales accomplissent un effort tandis que d'autres en seraient exemptées. Le sauvetage de la retraite par répartition exige des efforts partagés et justement répartis. C'est pourquoi il n'était plus possible de laisser de côté le régime de la fonction publique. La réforme que propose le Gouvernement est juste et équitable, car elle impose un effort partagé par tous.
Le Titre III du projet de loi contient les mesures relatives au régime de la fonction publique. Contrairement aux affirmations des opposants à la réforme, notre texte est le fruit de discussions approfondies avec les syndicats de fonctionnaires, qui ont pu encore en débattre récemment au sein des Conseils supérieurs des différentes fonctions publiques, lesquels ont tous approuvé le texte du projet. Le dialogue a eu lieu. Il a été intense, complet, constructif : le texte que vous examinez intègre de nombreuses remarques formulées par les partenaires sociaux. D'autres peuvent encore l'être.
Le projet de loi modifie le Code des pensions tout en sauvegardant le statut de la fonction publique, qui continuera d'être fondée sur le principe de la carrière. En même temps, il organise la convergence avec le régime général des salariés pour les paramètres qui ne présentent pas de caractère spécifique, à commencer par la durée de cotisation exigée pour bénéficier d'une pension au taux plein.
Sans entrer dans les détails techniques du projet- nous aurons l'occasion d'y revenir dans le débat sur les articles, je voudrais faire quelques mises au point. Depuis plusieurs semaines, trop d'approximations, trop de contre-vérités, trop de messages alarmistes sont propagés par ceux qui veulent maintenir l'immobilisme. Je comprends en même temps l'inquiétude des personnes qui s'interrogent sur leur avenir, mais je ne peux admettre que l'on traite des bonnes questions avec des fausses réponses.
I. Première précision : notre réforme respecte les règles fondamentales de la fonction publique.
- D'abord, le taux actuel de liquidation est maintenu : pour un agent titulaire à temps complet, au plafond de la durée de cotisation (37,5 ans avant la réforme, 40 ans en 2008), la retraite sera toujours de 75% du traitement de référence, hors bonifications. Un fonctionnaire qui a rempli une carrière complète aura demain, comme hier, une retraite au taux plein !
- ensuite, la pension sera toujours calculée par rapport au traitement. Notre projet initial prévoyait de prendre en compte le traitement moyen des trois dernières années. Après discussion avec les partenaires sociaux, il a été décidé de conserver la référence au traitement acquis 6 mois avant le départ en retraite, comme aujourd'hui. Ceci s'explique par la structure des carrières : beaucoup de corps, en particulier d'enseignants, n'atteignent en effet le sommet de la carrière que tardivement.
- Enfin, troisième garantie : s'agissant des personnels classés en service actif - c'est-à-dire ceux qui peuvent partir par anticipation en fonction de la pénibilité ou du danger de leur métier, policiers, postiers, infirmières, les règles statutaires demeurent identiques. Ces agents se voient simplement appliquer les mêmes règles d'allongement de la durée du travail et de décote que leurs collègues. Ils pourront comme avant décider de partir selon les statuts à 50 ou à 55 ans.
Le relevé de conclusions des rencontres sociales tenues les 14 et 15 mai prévoit en outre d'ouvrir un chantier sur la situation des emplois correspondant à des métiers pénibles. Il s'agira le moment venu de mettre à jour la liste de ces emplois pour tenir compte de l'évolution du monde du travail. Le groupe de travail examinant ce sujet sera installé avant le 14 juillet. Nous mènerons aussi une réflexion sur les carrières longues.
II. Deuxième aspect sur lequel je veux insister : la réforme est juste ; elle est progressive.
Le principe retenu consiste à allonger la durée de cotisation pour parvenir au taux plein, le nombre d'annuités correspondant à une carrière complète étant porté de 37,5 à 40 d'ici à 2008.
Des dispositions sont prévues pour inciter les agents à adapter leurs choix de départ à cette nouvelle situation. Tout d'abord, des mesures visent à rendre plus attractives les fins de carrière : il s'agit d'ouvrir pour les enseignants un droit à une deuxième carrière et d'élargir pour tous les fonctionnaires civils les possibilités de bénéficier d'une cessation progressive d'activité à temps partiel.
Ensuite, un coefficient de majoration, ou surcote, permettra d'augmenter la pension de ceux qui compteraient 40 annuités après l'âge de 60 ans. Symétriquement, un coefficient de minoration, ou décote, sera appliqué aux années manquantes, dans la limite de 5, pour ceux qui choisiraient de partir à compter de l'ouverture des droits avec une carrière incomplète. Cette décote sera portée à 5% en 2015, la décote du régime général étant parallèlement abaissée à ce niveau.
Nous avons prévu des dispositions transitoires très longues, la décote ne commençant à s'appliquer qu'à partir de 2006 et atteignant son intensité maximale en 2020 seulement. Les fonctionnaires proches de la retraite auront ainsi le temps de se préparer et pourront faire évoluer leurs choix de départ sur une longue période. De plus, ce mécanisme ne vise pas à baisser le montant de la pension comme l'affirment les adversaires de la réforme, mais incite les agents à différer leur départ pour se rapprocher de la limite d'âge de leur corps, limite à laquelle s'annule la décote.
Ainsi, un agent qui partira avec le nombre d'annuités requis pour le taux plein, soit 40 à compter de 2008, sera garanti de percevoir comme aujourd'hui avec 37,5 annuités une pension égale à 75% de son dernier traitement, lequel continuera d'être calculé sur les six derniers mois de la carrière. En cas de carrière incomplète, la décote s'annulera à la limite d'âge : 65 ans dans le cas général, 55 ou 60 ans pour les fonctionnaires classés dans ce que l'on appelle les " services actifs " correspondant à des métiers dangereux ou pénibles.
Il est faux de prétendre que le niveau des pensions va baisser de 20, de 30 ou de 40% comme on peut le lire dans des tracts. Encore une fois, un agent qui aura fait une carrière complète touchera demain la même retraite qu'aujourd'hui. De même, il ne faut pas laisser croire que 40 ans d'assurance égalent 40 ans de travail effectif : avec les bonifications ou les rachats de périodes, on peut arriver à ce niveau en travaillant moins de 40 ans.
D'ailleurs, pour ne pas pénaliser les fonctionnaires par rapport aux salariés, les règles de validation et d'acquisition des périodes comptant pour la retraite sont améliorées par le projet de loi :
- en premier lieu, une durée d'assurances " tous régimes " est instituée. Elle permettra à ceux qui ont eu des carrières successives dans la fonction publique et dans d'autres régimes de ne pas être pénalisés pour l'application des règles de décote et de surcote : toutes les années compteront.
- ensuite, le temps partiel n'est pas défavorisé pour la durée d'assurance : il comptera comme un temps plein, ce qui est particulièrement important pour les femmes mères de famille. Il sera aussi possible de surcotiser sur la base d'un temps plein pour améliorer le niveau de sa pension.
- une mesure particulière vise les personnels services actifs de la fonction publique hospitalière qui recevront une année d'assurance supplémentaire tous les 10 ans de carrière.
- je voudrais aussi insister sur la possibilité, comme dans les autres régimes, de racheter jusqu'à trois années d'études, comptant soit pour la durée d'assurance, soit pour la liquidation. Nous déposerons un amendement alignant les conditions pour les fonctionnaires sur celles prévues pour le régime général, ce qui répond à une attente des partenaires sociaux et satisfait l'esprit de l'accord conclu le 15 mai. Ce texte comporte donc des avancées significatives.
III. Troisième précision : les avantages familiaux sont maintenus et sont modernisés :
J'entends tout dire là-dessus. Non seulement les dispositions en faveur de la famille sont maintenues, mais elles sont adaptées aux évolutions professionnelles.
D'abord, la majoration de 10% pour les parents d'au moins 3 enfants demeure inchangée, comme dans le régime général. Ensuite, la pension de réversion des hommes est alignée à la hausse sur celle des femmes. Enfin , Le droit au départ avec disposition immédiate de la pension après 15 ans de service des femmes ayant élevé trois enfants est conservé. Ce point est particulièrement sensible dans les métiers de la Santé et de l'Education.
Quant à la bonification pour enfants, la jurisprudence européenne nous a obligé à adapter le dispositif antérieur pour pouvoir le conserver : pour le passé, il a été décidé de ne pas diminuer les droits des femmes dont les enfants étaient déjà nés. Certains nous recommandaient de diviser l'avantage par deux, pour le baisser à 6 mois, et de l'étendre ainsi plus facilement aux hommes. Nous avons refusé cette solution qui ignorait la réalité sociologique : les femmes ont des carrières moins favorables que celles des hommes car elles s'arrêtent souvent pour élever les enfants. Nous avons donc fait le choix de traduire la jurisprudence en conservant pour le passé la bonification d'un an par enfant, qui est étendue aux hommes, mais qui nécessite de s'être arrêté de travailler pour la naissance ou l'éducation de l'enfant.
De façon à conserver le bénéfice de la bonification aux femmes fonctionnaires qui ont eu leur enfant avant de travailler, le Gouvernement déposera un amendement traitant cette situation.
Pour le futur, la bonification est remplacée par une validation comme période de service des périodes d'arrêt en relation avec la naissance, l'adoption ou l'éducation de l'enfant, cette validation pouvant atteindre trois ans par enfant. La mesure sera accordée aux femmes et aux hommes. En remplaçant la bonification par une validation des périodes non travaillées, nous prenons vraiment en compte la réalité du travail et nous répondons plus exactement à la question de la compensation des désavantages que subissent dans leurs carrières les parents qui se consacrent à l'éducation de leurs enfants en s'arrêtant ou en travaillant à temps partiel.
Je voudrais m'arrêter un instant sur ce dernier point : il est faux de prétendre que nous contraignons les femmes à devoir s'arrêter de travailler pour bénéficier de la validation de périodes dans le futur : le temps partiel pour élever un enfant entre sa naissance et son troisième anniversaire est accordé de plein droit à ceux et celles qui le demandent. Il comptera comme du temps plein pour acquérir la pension. Il suffira donc à une femme qui a un jeune enfant et qui ne veut pas -ou ne peut pas- s'arrêter, de prendre un temps partiel de droit par exemple à 80% de temps travaillé pour faire valider son annuité. Notre texte répond ainsi à toutes les situations.
IV. Dernière précision : nous faisons une réforme qui ose surmonter des tabous qui nous étaient présentés comme insurmontables, ce qui nous permettra d'améliorer la situation des actifs et des retraités :
-Tout d'abord, les pensions seront indexées sur les prix comme pour le régime général. Ceci favorisera les comparaisons et permettra de maintenir le pouvoir d'achat des pensions. La politique salariale en sera facilitée grâce aux marges de manuvre qui seront disponibles.
J'entends dire parfois que l'indexation sur les prix provoquera l'érosion des pensions. C'est une contre-vérité grossière : dans la fonction publique, où la pension sera calculée en fonction du dernier salaire, il est évident que la pension suivra intégralement le coût de la vie.
A ceux qui douteraient encore, je dirais qu'à l'issue des rencontres des 14 et 15 mai avec les partenaires sociaux, le Gouvernement a accepté qu'un " coup de pouce " puisse être donné comme dans le régime général. Des modalités particulières de discussion seront mises en place dans la fonction publique pour en parler.
-Deuxième sujet qu'on nous présentait comme impossible à régler : la question des primes était sur la table depuis des lustres. L'intégration de ces éléments dans la pension proprement dite n'était pas envisageable en raison notamment de son coût très élevé : 5 à 6 Milliards d'euros par an en 2020. Nous n'avons pas baissé les bras pour autant, le Gouvernement étant soucieux d'avancer sur ce point très attendu par les fonctionnaires.
Tout d'abord, nous avons tenu un engagement correspondant à un accord qui n'avait pas été honoré par le précédent Gouvernement et qui concerne les aides-soignantes : leurs primes seront intégrées dans leur traitement, et compteront donc dans la pension, à hauteur de 10% du traitement indiciaire.
Ensuite, le projet de loi institue pour tous les fonctionnaires civils et les militaires un nouveau régime, distinct du régime des pensions.
Ce régime par répartition et par points sera garanti par un mécanisme de provisionnement selon des modalités qui doivent être précisées d'ici à sa création. Il sera obligatoire. Ce point est central pour la répartition et a été affirmé à l'issue des rencontres avec les partenaires sociaux.
L'assiette du régime sera constituée par les éléments de rémunération qui n'entrent pas actuellement dans l'assiette des pensions, dans la limite de 20% du traitement. Cette assiette est suffisamment large pour toucher la quasi-totalité des situations.
Voilà. Comme vous le voyez, notre projet ne fuit pas les réalités. Nous répondons aux problèmes qui se posent, de façon réaliste et concrète. Aux fonctionnaires, nous ne tenons pas comme certains marchands d'illusion des discours faciles, du genre : " tout va bien, tout peut continuer comme avant ", comme si la fonction publique était dans une bulle à l'écart de la société. Les fonctionnaires sont lucides et responsables. Ils savent que des adaptations sont nécessaires pour sauvegarder leurs retraites. Notre projet répond à cette attente et concilie justice et respect des principes qui fondent notre fonction publique.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.fonction.publique.gouv.fr, le 12 juin 2003)
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mon collègue François FILLON vous a présenté la philosophie d'ensemble du projet de loi ainsi que les dispositions portant sur le régime général et les régimes de non salariés. Je vais maintenant vous exposer les grands traits de la partie du projet qui concerne les régimes de la fonction publique.
Nous avons fêté hier les 150 ans de la première loi sur les pensions des fonctionnaires : c'est en effet une loi du 9 juin 1853 qui détermine pour le première fois un droit à pension, aujourd'hui constitutionnalisé, en faveur des fonctionnaires, alors que rien n'était prévu à l'époque pour les autres catégories de travailleurs. Ce texte, remanié en 1924, est demeuré longtemps la seule loi d'envergure applicable aux fonctionnaires, en l'absence d'un statut, absence qui était comblée par la jurisprudence du Conseil d'Etat en tenant lieu jusqu'en 1946. Il est important d'avoir cette dimension en tête, tant les aspects statutaires et ceux liés à la retraite sont interpénétrés, pour bien comprendre les enjeux et le poids de l'Histoire sur le comportement des acteurs de ce débat.
La réforme préparée par le Gouvernement porte sur l'ensemble de la problématique des retraites. Il ne s'agit pas d'opposer les catégories professionnelles entre elles ; de même, il n'est évidemment pas question de s'attaquer à la fonction publique, comme j'ai pu l'entendre ou le lire. Cette réforme, qui est destinée à produire ses effets sur le long terme, n'est pas une réforme de circonstance. Elle s'impose pour sauver notre système de répartition qui est au cur de notre pacte républicain, à savoir les actifs payent la retraite des retraités. Le choc démographique impose la réforme. La contester, c'est refuser de regarder la vérité en face et donc mettre en péril notre système de solidarité collective.
Au nom de la solidarité, mais aussi de la justice, il convient de mettre en place des convergences fortes entre le régime de la fonction publique et celui du régime général. Il convient aussi d'éviter la fragilisation même de notre secteur public en maîtrisant les charges budgétaires liées au financement des retraites.
En effet, même si le régime des fonctionnaires de l'Etat n'est pas au sens strict un régime par répartition, puisque ses charges sont en grande partie budgétisées, il est évident que l'inaction conduirait rapidement à une rupture de l'équilibre économique sur lequel repose ce système. L'Etat verse aujourd'hui 60 milliards d'euros de traitements et 30 milliards de pensions. En 2020, il versera 60 milliards de traitements et 60 milliards de pensions, en euros valeur 2003. En 2040, les règles actuelles conduiraient à 60 milliards de traitements et 90 milliards de pensions.
La CNRACL, qui dispose pour l'instant d'une situation démographique plus favorable, n'échapperait pas longtemps à une dégradation rapide de ses ratios et serait en déséquilibre avec quelques années de retard, mais en déséquilibre quand même.
Il fallait donc agir, après plusieurs années de débats sans conclusion, pour consolider l'équilibre financier de nos régimes. Notre texte répond à cet objectif : il permettra de couvrir en 2020 la moitié du besoin de financement du régime des fonctionnaires, soit 14 milliards d'euros par an sur 28 qui seront nécessaires.
La deuxième raison qui motive la réforme est un impératif de justice : l'opinion publique ne comprend pas pourquoi certaines catégories sociales accomplissent un effort tandis que d'autres en seraient exemptées. Le sauvetage de la retraite par répartition exige des efforts partagés et justement répartis. C'est pourquoi il n'était plus possible de laisser de côté le régime de la fonction publique. La réforme que propose le Gouvernement est juste et équitable, car elle impose un effort partagé par tous.
Le Titre III du projet de loi contient les mesures relatives au régime de la fonction publique. Contrairement aux affirmations des opposants à la réforme, notre texte est le fruit de discussions approfondies avec les syndicats de fonctionnaires, qui ont pu encore en débattre récemment au sein des Conseils supérieurs des différentes fonctions publiques, lesquels ont tous approuvé le texte du projet. Le dialogue a eu lieu. Il a été intense, complet, constructif : le texte que vous examinez intègre de nombreuses remarques formulées par les partenaires sociaux. D'autres peuvent encore l'être.
Le projet de loi modifie le Code des pensions tout en sauvegardant le statut de la fonction publique, qui continuera d'être fondée sur le principe de la carrière. En même temps, il organise la convergence avec le régime général des salariés pour les paramètres qui ne présentent pas de caractère spécifique, à commencer par la durée de cotisation exigée pour bénéficier d'une pension au taux plein.
Sans entrer dans les détails techniques du projet- nous aurons l'occasion d'y revenir dans le débat sur les articles, je voudrais faire quelques mises au point. Depuis plusieurs semaines, trop d'approximations, trop de contre-vérités, trop de messages alarmistes sont propagés par ceux qui veulent maintenir l'immobilisme. Je comprends en même temps l'inquiétude des personnes qui s'interrogent sur leur avenir, mais je ne peux admettre que l'on traite des bonnes questions avec des fausses réponses.
I. Première précision : notre réforme respecte les règles fondamentales de la fonction publique.
- D'abord, le taux actuel de liquidation est maintenu : pour un agent titulaire à temps complet, au plafond de la durée de cotisation (37,5 ans avant la réforme, 40 ans en 2008), la retraite sera toujours de 75% du traitement de référence, hors bonifications. Un fonctionnaire qui a rempli une carrière complète aura demain, comme hier, une retraite au taux plein !
- ensuite, la pension sera toujours calculée par rapport au traitement. Notre projet initial prévoyait de prendre en compte le traitement moyen des trois dernières années. Après discussion avec les partenaires sociaux, il a été décidé de conserver la référence au traitement acquis 6 mois avant le départ en retraite, comme aujourd'hui. Ceci s'explique par la structure des carrières : beaucoup de corps, en particulier d'enseignants, n'atteignent en effet le sommet de la carrière que tardivement.
- Enfin, troisième garantie : s'agissant des personnels classés en service actif - c'est-à-dire ceux qui peuvent partir par anticipation en fonction de la pénibilité ou du danger de leur métier, policiers, postiers, infirmières, les règles statutaires demeurent identiques. Ces agents se voient simplement appliquer les mêmes règles d'allongement de la durée du travail et de décote que leurs collègues. Ils pourront comme avant décider de partir selon les statuts à 50 ou à 55 ans.
Le relevé de conclusions des rencontres sociales tenues les 14 et 15 mai prévoit en outre d'ouvrir un chantier sur la situation des emplois correspondant à des métiers pénibles. Il s'agira le moment venu de mettre à jour la liste de ces emplois pour tenir compte de l'évolution du monde du travail. Le groupe de travail examinant ce sujet sera installé avant le 14 juillet. Nous mènerons aussi une réflexion sur les carrières longues.
II. Deuxième aspect sur lequel je veux insister : la réforme est juste ; elle est progressive.
Le principe retenu consiste à allonger la durée de cotisation pour parvenir au taux plein, le nombre d'annuités correspondant à une carrière complète étant porté de 37,5 à 40 d'ici à 2008.
Des dispositions sont prévues pour inciter les agents à adapter leurs choix de départ à cette nouvelle situation. Tout d'abord, des mesures visent à rendre plus attractives les fins de carrière : il s'agit d'ouvrir pour les enseignants un droit à une deuxième carrière et d'élargir pour tous les fonctionnaires civils les possibilités de bénéficier d'une cessation progressive d'activité à temps partiel.
Ensuite, un coefficient de majoration, ou surcote, permettra d'augmenter la pension de ceux qui compteraient 40 annuités après l'âge de 60 ans. Symétriquement, un coefficient de minoration, ou décote, sera appliqué aux années manquantes, dans la limite de 5, pour ceux qui choisiraient de partir à compter de l'ouverture des droits avec une carrière incomplète. Cette décote sera portée à 5% en 2015, la décote du régime général étant parallèlement abaissée à ce niveau.
Nous avons prévu des dispositions transitoires très longues, la décote ne commençant à s'appliquer qu'à partir de 2006 et atteignant son intensité maximale en 2020 seulement. Les fonctionnaires proches de la retraite auront ainsi le temps de se préparer et pourront faire évoluer leurs choix de départ sur une longue période. De plus, ce mécanisme ne vise pas à baisser le montant de la pension comme l'affirment les adversaires de la réforme, mais incite les agents à différer leur départ pour se rapprocher de la limite d'âge de leur corps, limite à laquelle s'annule la décote.
Ainsi, un agent qui partira avec le nombre d'annuités requis pour le taux plein, soit 40 à compter de 2008, sera garanti de percevoir comme aujourd'hui avec 37,5 annuités une pension égale à 75% de son dernier traitement, lequel continuera d'être calculé sur les six derniers mois de la carrière. En cas de carrière incomplète, la décote s'annulera à la limite d'âge : 65 ans dans le cas général, 55 ou 60 ans pour les fonctionnaires classés dans ce que l'on appelle les " services actifs " correspondant à des métiers dangereux ou pénibles.
Il est faux de prétendre que le niveau des pensions va baisser de 20, de 30 ou de 40% comme on peut le lire dans des tracts. Encore une fois, un agent qui aura fait une carrière complète touchera demain la même retraite qu'aujourd'hui. De même, il ne faut pas laisser croire que 40 ans d'assurance égalent 40 ans de travail effectif : avec les bonifications ou les rachats de périodes, on peut arriver à ce niveau en travaillant moins de 40 ans.
D'ailleurs, pour ne pas pénaliser les fonctionnaires par rapport aux salariés, les règles de validation et d'acquisition des périodes comptant pour la retraite sont améliorées par le projet de loi :
- en premier lieu, une durée d'assurances " tous régimes " est instituée. Elle permettra à ceux qui ont eu des carrières successives dans la fonction publique et dans d'autres régimes de ne pas être pénalisés pour l'application des règles de décote et de surcote : toutes les années compteront.
- ensuite, le temps partiel n'est pas défavorisé pour la durée d'assurance : il comptera comme un temps plein, ce qui est particulièrement important pour les femmes mères de famille. Il sera aussi possible de surcotiser sur la base d'un temps plein pour améliorer le niveau de sa pension.
- une mesure particulière vise les personnels services actifs de la fonction publique hospitalière qui recevront une année d'assurance supplémentaire tous les 10 ans de carrière.
- je voudrais aussi insister sur la possibilité, comme dans les autres régimes, de racheter jusqu'à trois années d'études, comptant soit pour la durée d'assurance, soit pour la liquidation. Nous déposerons un amendement alignant les conditions pour les fonctionnaires sur celles prévues pour le régime général, ce qui répond à une attente des partenaires sociaux et satisfait l'esprit de l'accord conclu le 15 mai. Ce texte comporte donc des avancées significatives.
III. Troisième précision : les avantages familiaux sont maintenus et sont modernisés :
J'entends tout dire là-dessus. Non seulement les dispositions en faveur de la famille sont maintenues, mais elles sont adaptées aux évolutions professionnelles.
D'abord, la majoration de 10% pour les parents d'au moins 3 enfants demeure inchangée, comme dans le régime général. Ensuite, la pension de réversion des hommes est alignée à la hausse sur celle des femmes. Enfin , Le droit au départ avec disposition immédiate de la pension après 15 ans de service des femmes ayant élevé trois enfants est conservé. Ce point est particulièrement sensible dans les métiers de la Santé et de l'Education.
Quant à la bonification pour enfants, la jurisprudence européenne nous a obligé à adapter le dispositif antérieur pour pouvoir le conserver : pour le passé, il a été décidé de ne pas diminuer les droits des femmes dont les enfants étaient déjà nés. Certains nous recommandaient de diviser l'avantage par deux, pour le baisser à 6 mois, et de l'étendre ainsi plus facilement aux hommes. Nous avons refusé cette solution qui ignorait la réalité sociologique : les femmes ont des carrières moins favorables que celles des hommes car elles s'arrêtent souvent pour élever les enfants. Nous avons donc fait le choix de traduire la jurisprudence en conservant pour le passé la bonification d'un an par enfant, qui est étendue aux hommes, mais qui nécessite de s'être arrêté de travailler pour la naissance ou l'éducation de l'enfant.
De façon à conserver le bénéfice de la bonification aux femmes fonctionnaires qui ont eu leur enfant avant de travailler, le Gouvernement déposera un amendement traitant cette situation.
Pour le futur, la bonification est remplacée par une validation comme période de service des périodes d'arrêt en relation avec la naissance, l'adoption ou l'éducation de l'enfant, cette validation pouvant atteindre trois ans par enfant. La mesure sera accordée aux femmes et aux hommes. En remplaçant la bonification par une validation des périodes non travaillées, nous prenons vraiment en compte la réalité du travail et nous répondons plus exactement à la question de la compensation des désavantages que subissent dans leurs carrières les parents qui se consacrent à l'éducation de leurs enfants en s'arrêtant ou en travaillant à temps partiel.
Je voudrais m'arrêter un instant sur ce dernier point : il est faux de prétendre que nous contraignons les femmes à devoir s'arrêter de travailler pour bénéficier de la validation de périodes dans le futur : le temps partiel pour élever un enfant entre sa naissance et son troisième anniversaire est accordé de plein droit à ceux et celles qui le demandent. Il comptera comme du temps plein pour acquérir la pension. Il suffira donc à une femme qui a un jeune enfant et qui ne veut pas -ou ne peut pas- s'arrêter, de prendre un temps partiel de droit par exemple à 80% de temps travaillé pour faire valider son annuité. Notre texte répond ainsi à toutes les situations.
IV. Dernière précision : nous faisons une réforme qui ose surmonter des tabous qui nous étaient présentés comme insurmontables, ce qui nous permettra d'améliorer la situation des actifs et des retraités :
-Tout d'abord, les pensions seront indexées sur les prix comme pour le régime général. Ceci favorisera les comparaisons et permettra de maintenir le pouvoir d'achat des pensions. La politique salariale en sera facilitée grâce aux marges de manuvre qui seront disponibles.
J'entends dire parfois que l'indexation sur les prix provoquera l'érosion des pensions. C'est une contre-vérité grossière : dans la fonction publique, où la pension sera calculée en fonction du dernier salaire, il est évident que la pension suivra intégralement le coût de la vie.
A ceux qui douteraient encore, je dirais qu'à l'issue des rencontres des 14 et 15 mai avec les partenaires sociaux, le Gouvernement a accepté qu'un " coup de pouce " puisse être donné comme dans le régime général. Des modalités particulières de discussion seront mises en place dans la fonction publique pour en parler.
-Deuxième sujet qu'on nous présentait comme impossible à régler : la question des primes était sur la table depuis des lustres. L'intégration de ces éléments dans la pension proprement dite n'était pas envisageable en raison notamment de son coût très élevé : 5 à 6 Milliards d'euros par an en 2020. Nous n'avons pas baissé les bras pour autant, le Gouvernement étant soucieux d'avancer sur ce point très attendu par les fonctionnaires.
Tout d'abord, nous avons tenu un engagement correspondant à un accord qui n'avait pas été honoré par le précédent Gouvernement et qui concerne les aides-soignantes : leurs primes seront intégrées dans leur traitement, et compteront donc dans la pension, à hauteur de 10% du traitement indiciaire.
Ensuite, le projet de loi institue pour tous les fonctionnaires civils et les militaires un nouveau régime, distinct du régime des pensions.
Ce régime par répartition et par points sera garanti par un mécanisme de provisionnement selon des modalités qui doivent être précisées d'ici à sa création. Il sera obligatoire. Ce point est central pour la répartition et a été affirmé à l'issue des rencontres avec les partenaires sociaux.
L'assiette du régime sera constituée par les éléments de rémunération qui n'entrent pas actuellement dans l'assiette des pensions, dans la limite de 20% du traitement. Cette assiette est suffisamment large pour toucher la quasi-totalité des situations.
Voilà. Comme vous le voyez, notre projet ne fuit pas les réalités. Nous répondons aux problèmes qui se posent, de façon réaliste et concrète. Aux fonctionnaires, nous ne tenons pas comme certains marchands d'illusion des discours faciles, du genre : " tout va bien, tout peut continuer comme avant ", comme si la fonction publique était dans une bulle à l'écart de la société. Les fonctionnaires sont lucides et responsables. Ils savent que des adaptations sont nécessaires pour sauvegarder leurs retraites. Notre projet répond à cette attente et concilie justice et respect des principes qui fondent notre fonction publique.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.fonction.publique.gouv.fr, le 12 juin 2003)