Lettre de M. Gilles Lemaire, secrétaire national des Verts, à M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, au sujet de la réforme des retraites, Paris le 26 mai 2003.

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Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Vous nous avez fait parvenir votre pré-projet de loi de réforme des retraites, ce dont je vous remercie.
Vous sollicitez notre avis et nos propositions. Je vous adresse donc en retour la motion votée par notre Conseil National le 12 avril dernier, motion intitulée " pour une réforme écologiste des retraites ".
Si nous sommes convaincus que l'évolution démographique et les défauts du système actuel nécessitent de réformer en profondeur le système de retraites, les objectifs de réforme, que nous poursuivons, restent éloignés des vôtres.
Nous souhaitons que la réforme bénéficie à toutes les femmes et tous les hommes de ce pays, et pas seulement à celles et ceux qui auront pu se maintenir dans une activité salariée suffisamment longtemps pour percevoir une bonne retraite.
Vous affichez comme solution au problème de financement des retraites l'augmentation de la durée de cotisation. En fait, vous allongez la période d'activité salariée nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein, sans garantir la possibilité d'atteindre le nombre d'années de cotisations demandées : votre projet aboutirait donc à une diminution du niveau des retraites versées.
Aujourd'hui les entreprises se " débarrassent " des salariés jugés trop âgés dans le meilleur des cas par des préretraites, mais aussi par des licenciements. De surcroît, toute une génération de jeunes n'a pu entrer que fort tard sur le marché du travail compte tenu du chômage existant et pour certains métiers, la possibilité de rester dans un emploi jusqu'à la retraite est fort hypothétique compte tenu de l'usure physique.
Comme par ailleurs, les dispositifs de lutte contre le chômage ont été modifiés dans le sens d'une plus grande restriction de prise en charge en durée et en montant, votre projet aboutirait donc à un appauvrissement programmé des personnes âgées.
La réforme des retraites aurait dû être l'occasion de mieux prendre en compte les périodes de formation, de chômage, d'emploi précaire et de travail à temps partiel ainsi que les différences d'espérance de vie en bonne santé, en permettant aux salariés ayant occupés des postes de travail pénibles de partir en retraite plus tôt.
Vous n'avez pas fait ces choix.
En ce qui concerne le financement, votre réforme exclut d'emblée la seule disposition qui, selon nous, permettrait de mieux financer le système : la hausse des cotisations, au motif que cette hausse mettrait en péril la compétitivité de notre économie.
Depuis 20 ans, la part de la valeur ajoutée, distribuée aux revenus de la propriété a augmenté considérablement, diminuant d'autant la part affectée aux salaires et aux cotisations sociales. Chaque année, les entreprises réalisent des gains de productivité, de l'ordre de 2,5 % : nous proposons d'affecter une partie de ces gains de productivité au financement des retraites, par une augmentation des cotisations de l'ordre de 0,8 % par an. Cette mesure permettrait de maintenir un haut niveau de pensions : des retraités plus riches consommeraient plus de biens et de services, et maintiendraient ainsi une activité économique plus importante dans notre pays.
Monsieur le Ministre, nous considérons que votre projet est un écran de fumée, qui masque fort mal la volonté de votre gouvernement de modifier la répartition des revenus au détriment des femmes et des hommes qui travaillent dans ce pays, et au bénéfice à court terme des actionnaires des grandes entreprises. Dans l'intérêt des nos concitoyens, nos députés le combattront, lorsque vous le présenterez à l'Assemblée Nationale.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
(source http://www.les-verts.org, le 1er juillet 2003)