Déclaration de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur la circulaire concernant l'organisation des services d'urgence, Paris le 16 avril 2003.

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Circonstance : Congrès annuel des urgentistes : "Urgences 2003" à Paris le 16 avril 2003

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Madame, monsieur,
Mes chers confrères,
C'est un réel plaisir pour moi d'ouvrir aujourd'hui votre congrès " urgences 2003 ", et je souhaite vous remercier de votre invitation.
J'ai souhaité être là car je suis très attentif au travail remarquable réalisé par vos sociétés savantes, la Société Francophone de Médecine d'Urgences et SAMU de France.
Dans la droite ligne de Denis Baron et Paul Petit, vous avez su poursuivre en commun, messieurs les présidents, la tenue de ce rendez-vous national, unique en son genre, de l'ensemble des urgentistes.
C'est le symbole de votre dynamisme et de votre engagement fort dans le sens de l'amélioration des pratiques professionnelles dans votre secteur. Un ministre confronté à ces problèmes a besoin d'avoir face à lui des personnes nombreuses, mobilisées, volontaires et exigeantes.
La table ronde que vous consacrez demain à la Formation Médicale Continue est emblématique de votre souci de toujours faire mieux.
Vous êtes également devenus une force de propositions précieuse pour les pouvoirs publics. Ce qui nous a permis depuis11 mois d'accomplir en commun un travail efficace dont je souhaite tracer devant vous maintenant un premier bilan.
En effet, au printemps dernier, j'ai rapidement pris la mesure des nombreux problèmes non résolus concernant l'urgence. Et vous étiez là pour le souligner, légitimement mais avec insistance. Parfois même avec une impérieuse insistance !
Certes depuis 10 ans des progrès magistraux ont été accomplis par exemple avec la séniorisation des urgentistes. Mais les comportements tant de la population que des professionnels évoluent rapidement. Les attentes et les recours changent. Exigence de rapidité et de disponibilité pour les citoyens ; reconnaissance et valorisation d'un exercice spécifique et de sa pénibilité pour les seconds.
Je suis très attentif à cette évolution en profondeur. Et j'ai souhaité l'accompagner avec vous, par l'intermédiaire d'un groupe national de travail piloté par la DHOS. Il se réunit tous les mois depuis septembre, avec comme premier objectif de préparer des instructions à mes services régionaux.
J'ai signé cette circulaire aujourd'hui même, et je souhaite en souligner les points les plus importants.
Cette circulaire est importante car consensuelle, issue de vos propositions et de vos réflexions. Elle formule des recommandations opérationnelles pour l'organisation des urgences, que je demande avec force aux ARH et aux services déconcentrés de mettre en oeuvre dans les plus brefs délais.
Mes instructions répondent à deux principes fondamentaux, le décloisonnement des hommes et des structures, et la coordination de la prise en charge.
I. Le principe du décloisonnement se décline à trois niveaux : décloisonnement entre l'ambulatoire et l'hôpital, décloisonnement au sein même de l'hôpital, et décloisonnement entre les différents services d'urgences.
1. Décloisonnement entre la permanence des soins ambulatoire et les services d'urgences
Pour assurer une réelle continuité entre les deux secteurs, je demande tout d'abord aux ARH et aux DDASS de centraliser les appels de permanence des soins, au mieux, dans les locaux du Centre-15. Les régulateurs libéraux travaillent ainsi aux côtés des médecins hospitaliers, permettant des basculements simples d'appels d'un côté comme de l'autre.
Une information de la population au plan régional et local accompagnera la mise en place de ces régulations communes.
Je demande, ensuite, à mes services de soutenir le développement des maisons médicales.
Au vu des réalisations en cours, il semble exister en fait trois types de maisons médicales :
les premières, ont pour objet principal de structurer la médecine libérale. Elles permettent aux médecins généralistes de rompre leur isolement et d'organiser un espace de permanence des soins mutualisé.
Ce premier profil est peu relié à l'hôpital. Très bien adapté aux situations de diversification médicale en zone rurale, ce n'est pas, en revanche le type le plus efficace si l'on vise à limiter l'augmentation du nombre de passages aux urgences.
le deuxième type de maisons médicales cherche à mieux adapter la réponse libérale, mais souhaite aussi contribuer à une meilleure organisation des urgences, par l'établissement de protocoles avec les services d'urgences et le SAMU. Ouverte de 18h à minuit et en fin de semaine, elle stabilise le nombre de passages aux urgences. Des arbres décisionnels validés par tous, permettent d'orienter les patients qui se présentent à l'hôpital vers la maison médicale, et réciproquement.
la troisième catégorie, enfin, complète l'offre hospitalière. Il s'agit de consultations externes sans rendez-vous situées à l'intérieur même des établissements, à proximité des services d'urgences. J'ai déjà visité des établissements prévoyant l'installation de ce que l'on appelait en des temps très anciens les services de porte.
Sans exclusive, je souhaite que les ARH soutiennent particulièrement les maisons médicales qui fonctionneront en lien étroit avec les urgences hospitalières.
2. Décloisonnement entre les différents services d'urgences
Au sein des établissements, les services d'urgences, le SAMU, les SMUR, et le cas échéant la réanimation, doivent mutualiser leurs moyens médicaux.
Plus encore, ces moyens seront également mutualisés entre établissements d'un même territoire, à un niveau pertinent, dans le cadre de fédérations médicales inter hospitalières.
Il faut développer les équipes communes d'urgentistes. Elles pourraient exercer sur plusieurs sites et permettre de faire de l'accueil, comme de la régulation ou de l'intervention. C'est une organisation à développer, au vu des quelques expériences particulièrement réussies telles que celle de Tarn et Garonne.
3. Décloisonnement entre les services d'urgences et les autres services de l'hôpital.
Ce ne sont pas les services d'urgences qui accueillent les patients. C'est l'ensemble de l'établissement.
Tous les services doivent donc se sentir concernés. Leur contribution à la prise en charge des urgences sera contractualisée. L'organisation et l'évaluation de cette contractualisation relèvera d'une " commission des admissions et des consultations non programmées " que j'entends généraliser.
Je souhaite également améliorer la participation des spécialistes dans le diagnostic établi aux urgences. Les modalités de participation des médecins seniors des services de spécialités, seront systématiquement et préalablement organisées par conventions.
II. La Coordination du dispositif : deuxième principe à développer
1. Je souhaite en premier lieu, conforter le SAMU dans son rôle pivot de l'organisation et du fonctionnement de l'aide médicale urgente et renforcer les SMUR.
Je vois quatre priorités :
L'interconnexion du 15 et du 18, tout d'abord. Cette information mutuelle concerne non seulement la retransmission initiale des données de l'alerte, mais également le déclenchement des opérations et leur suivi. Elle est obligatoire par la loi, mais pas toujours effective. Je demande donc aux DDASS et aux ARH d'effectuer une évaluation régulière du fonctionnement de ce dispositif, de me la communiquer, et de veiller à donner les moyens nécessaires à la mise en place de cette interconnexion.
La mise en réseau des SAMU, ensuite. Il doit être possible de mutualiser la régulation médicale sur plusieurs départements ; par exemple en cas de faible activité sur certaines plages horaires. Cette organisation repose sur un travail préalable, réalisé en commun par les SAMU concernés. Elle doit être proposée par eux.
Le renforcement des effectifs de permanenciers auxiliaires de régulation médicale (PARM), est également une priorité. Des travaux sont en cours entre vos représentants -urgentistes et permanenciers- et mes services, pour mieux définir la formation et les conditions d'exercice des permanenciers des Centres-15. Mais, sans attendre, je souhaite que les ARH renforcent les équipes les plus sollicitées, notamment dans le cadre des réseaux de SAMU.
Enfin, je leur demande de veiller à assurer un véritable maillage du territoire par les Service Mobile d'Urgences et de Réanimation (SMUR). En complément de cette implantation et en particulier dans les départements où la dispersion de la population et la limitation des moyens de secours soulèvent des difficultés, il est souhaitable d'identifier des médecins correspondants du SAMU. Formés spécifiquement à l'urgence ils sont médecins libéraux, médecins SMUR ou médecins pompiers. Ils constituent des relais efficaces dans la prise en charge de l'urgence vitale, comme le prouve l'initiative du SAMU de la Meuse.
2. La coordination doit aussi s'entendre en aval des urgences.
Le développement d'un réseau d'aval de tous les établissements disposant de capacités d'accueil, doit permettre de réduire les délais d'attente aux urgences et les inadéquations absurdes de prise en charge. Les SROS et les contrats d'objectifs et de moyens doivent intégrer ce développement primordial du réseau d'aval. Je le demande avec force. Car, probablement plus que l'amont, c'est la fluidité de l'aval qui permettra les améliorations les plus sensibles de l'engorgement de certains services d'urgences.
3. Enfin, coordonner, c'est mettre en place des filières adaptées à certaines pathologies ou populations
Ces filières permettent le transfert et l'admission directs et immédiats des patients présentant des pathologies particulières telles que l'accident vasculaire cérébral ou l'infarctus du myocarde, vers les plateaux techniques disposant des compétences et des équipements requis.
De même, les SROS identifieront des filières de prise en charge spécifique en pédiatrie, gériatrie et psychiatrie.
Vous le voyez, ce sont des objectifs particulièrement ambitieux, et je sais que vous les partagez. Sachez, que j'attacherai une attention particulière à ce qu'ils soient atteints.
Cette circulaire marque une avancée notable, mais de nombreuses pistes restent à étudier.
J'ai demandé au groupe de travail national d'explorer trois nouveaux axes dans les prochains mois. Je souhaite qu'il me propose des améliorations des décrets de 1997, une organisation plus rationnelle des transports héliportés, et des modalités innovantes d'évaluation.
J'insiste sur ce dernier point. Car coordonner et décloisonner n'est rien, si on ne sait pas évaluer ce qui se passe. Ce n'est pas une idée neuve. Son principe était déjà inscrit dans les décrets de 1995. Mais, force est de constater qu'il y a loin des principes à l'action. On observe même un paradoxe. Les urgences sont le secteur hospitalier en plus forte progression d'activité, avec des difficultés de fonctionnement récurrentes. Et aucun système d'information, aussi fruste soit-il, ne décrit correctement cette activité. J'ai donc demandé au groupe de travail sur les urgences, de me faire des propositions sur un tel système d'information, et sur la possibilité de déléguer l'exploitation des données à des organismes confiés aux professionnels et aux établissements, au plan national et régional, à l'instar de l'Observatoire Régional des Urgences de Midi-Pyrénées.
Je vous informe également que j'ai décidé de saisir à nouveau le Conseil Economique et Social d'une évaluation de la mise en oeuvre des décrets de 1997, afin que l'on voit très clairement ce qui a été prévu, ce qui a été réalisé, ou simplement que l'on mette en oeuvre ce qui ne l'a pas encore été.
En conclusion, je souhaiterais évoquer quatre éléments d'information importants.
L'anticipation des fermetures estivales des lits, tout d'abord. Afin de limiter les risques de dysfonctionnement des urgences, j'ai demandé aux ARH de mettre en place un système d'information adapté. Dés le mois prochain, elles adresseront aux établissements un tableau de recensement des fermetures prévisionnelles de lits pour les spécialités médicales et chirurgicales. Ces données seront transmises à tous les services d'urgences et aux SAMU de chaque région. Elles seront réactualisées toutes les semaines durant la période estivale. De cette façon, les situations à risque pourront être détectées et corrigées dans les meilleurs délais.
Le groupe interministériel sur la violence, ensuite, dont j'ai pris l'initiative à l'automne dernier, à la demande notamment de M. Patrice Pelloux, poursuit ses travaux en collaboration avec le Ministère de la Justice, et celui de l'Intérieur. La réflexion a été découpée en deux temps. Un premier travail centré sur les problèmes de violence liés aux personnes détenues, gardées à vue ou en rétention administrative, est achevé. S'engage désormais un élargissement de la problématique aux violences de toutes origines, aux urgences, en hospitalisation et en psychiatrie. J'attends, d'ici cet été, des propositions concrètes.
Concernant la permanence de soins.
Les deux décrets mettant en oeuvre la " permanence des transports sanitaires " et la " permanence des soins " ont été transmis au conseil d'Etat comme je m'y étais engagé lors de la remise du rapport de Charles Descours.
Le décret " permanence des soins " précise le cahier des charges qui permettra à chaque CODAMU de fixer les principes d'organisation de la permanence, telles que la sectorisation, l'élaboration des tableaux de permanence, et la mise en place d'une régulation centralisée.
Concernant la garde ambulancière.
Les résultats de l'expérimentation menée dans huit départements en collaboration avec la CNAMTS et les professionnels se sont révélés concluants. J'ai donc décidé de généraliser l'organisation et le financement de cette garde. C'est ce que prévoit le décret en question.
Ces décrets seront publiés avant l'été.
La spécialité d'urgences, enfin.
Les compétences et savoir-faire requis par la maîtrise du métier d'urgentiste sont variés. Leur apprentissage réclame du temps, un environnement approprié et la disponibilité des formateurs. L'étendue du domaine justifie aujourd'hui l'individualisation d'un diplôme spécialisé de médecine d'urgence. J'en souhaite la création. Les travaux préparatoires ont été engagés avec le concours des collaborateurs de Luc Ferry et plusieurs professionnels de la médecine d'urgence. Un projet de maquette de formation a déjà été rédigé. Je pense donc raisonnablement faire aboutir ce projet dans l'année qui vient, de façon à ce qu'il soit opérationnel pour la rentrée 2004.
Le problème des urgences est un des premiers problèmes qui s'est imposé à moi comme l'un des plus préoccupants. Vous êtes victimes de votre succès. J'ai entendu vos difficultés. J'ai entendu votre appel, qui est d'abord une demande de juste reconnaissance. J'ai partagé avec vous un épisode consternant de battage médiatique voici quelques mois. C'est donc un message de respect, de confiance et d'ambition que je suis venu vous délivrer aujourd'hui.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 28 avril 2003)