Déclaration de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur les activités des chambres régionales des comptes, en région Rhône-Alpes le 13 juin 2003.

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Circonstance : 20ème anniversaire de la Chambre régionale des comptes en région Rhône-Alpes le 13 juin 2003

Texte intégral


Monsieur le président, Bernard Levallois
Monsieur le Premier président de la Cour des comptes,
Permettez-moi de saluer particulièrement nos amis Anne-Marie Comparini, Pierre Hérisson et Didier Migaud.
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le président, de votre invitation à clôturer le colloque que vous avez organisé du 20e anniversaire de la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes.
Voici trois semaines, je me trouvais à Caen, à l'invitation de M. le président Le Foll. Je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous et je salue l'initiative du président Levallois.
Je me réjouis en effet que se réunissent les personnes concernées par l'activité des chambres régionales, les élus locaux, les magistrats, les fonctionnaires d'autorité, mais également les universitaires, les juristes et les commissaires aux comptes.
Le sujet du colloque m'intéresse à trois titres :
par mon expérience d'élu et d'exécutif local,
par ma responsabilité de ministre du budget, qui me fait mesurer l'importance d'un contrôle efficace des comptes publics, et de l'évaluation de la gestion publique ;
par ma qualité de ministre de la réforme budgétaire, chargé de mettre en uvre la loi organique du 1er août 2001, à laquelle, vous le savez, je me suis beaucoup consacré au Sénat, et qui doit aider à une gestion optimale des deniers publics.
Vous avez souhaité, Monsieur le président, placer au cur des débats non les juridictions financières, mais les collectivités territoriales. Et la table ronde à laquelle j'ai pu assister en a bien mesuré les enjeux.
Vingt ans après leur création, les vingt-deux Chambres régionales des comptes ont atteint leur maturité : leurs domaines d'intervention sont désormais rôdés, comme le contrôle budgétaire, le jugement des comptes et l'examen de la gestion.
Je me bornerai donc à deux brefs commentaires.
1er commentaire
Le jugement des comptes, procédure multiséculaire en France est l'une des facettes du principe de la séparation entre l'ordonnateur et le comptable. La procédure en est clairement connue, son objet défini, avec des garanties nécessaires, sous le contrôle de la cour des comptes, juridiction d'appel.
Mon souhait est que nous puissions, dans le respect de ce cadre, moderniser ce contrôle, en accompagnant les évolutions que j'ai souhaité engager et accélérer avec la Direction générale de la comptabilité publique. J'invite ainsi les juridictions financières à s'engager résolument dans une démarche de simplification et d'efficacité : mise en état d'examen des comptes, classement des pièces comptables, dématérialisation des comptes et des pièces justificatives.
J'attache également un grand prix à l'expérimentation du contrôle hiérarchisé des dépenses mise en uvre par la comptabilité publique, qui vise à proportionner l'étendue des contrôles aux enjeux financiers et aux risques.
Second commentaire
Quant à l'examen de la gestion, si longtemps controversé, je me réjouis que la loi du 21 décembre 2001 ait pacifié le débat sur la distinction entre contrôle de régularité et contrôle d'opportunité.
En privilégiant dans le débat les collectivités locales, vous avez souhaité, Monsieur le président, me semble-t-il, qu'il soit répondu à deux questions :
1. La légitimité d'un contrôle, par une juridiction d'Etat, des comptes et de la gestion des collectivités territoriales ?
2. l'utilité de ce contrôle, ou comment rendre ce contrôle, qui porte sur des gestions achevées, utile pour le présent et l'avenir ?
1. La légitimité d'un contrôle, par une juridiction d'Etat, des comptes et de la gestion des collectivités territoriales
La question de la légitimité du contrôle par une juridiction d'Etat des comptes des collectivités mérite en effet d'être posée.
Vingt ans après les lois de 1982, on pourrait considérer que les collectivités sont pleinement majeures, avec l'expérience de l'autonomie, d'autant que la nouvelle loi de décentralisation, en même temps qu'elle accroît les transferts de compétence à leur profit, affirme le caractère décentralisé de la République.
A cette question, je répondrais en deux temps. Tout d'abord, personne ne conteste l'exigence d'un contrôle externe, pour tout organisme privé ou public.
Ensuite que ce contrôle externe soit confié à une juridiction d'Etat lui apporte de solides garanties de qualité et d'indépendance que renforcent les règles de procédures, les principes de collégialité, du contradictoire ou l'obligation d'appuyer toute affirmation sur l'examen rigoureux des pièces comptables.
J'ajoute que l'Etat, à travers la représentation nationale, est chargé de lever l'impôt et qu'il reste dans son rôle, tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités locales, en organisant et en assurant, à travers les juridictions financières, le contrôle de la bonne utilisation de la partie des impôts affectés aux collectivités territoriales.
La nécessaire clarification de la nature de ces ressources fiscales, enjeu de la réussite de la décentralisation, renforce évidemment la légitimité du contrôle des comptes des collectivités par les chambres régionales.
2. De l'utilité du contrôle pour le présent et l'avenir
Mais que ce contrôle soit légitime ne suffit pas. Pour être réellement compris et accepté, il doit être simple, utile et efficace.
A mon sens, cette utilité s'apprécie au regard de deux critères :
a- sa contribution à une meilleure adhésion des citoyens à la démocratie locale et donc au prélèvement de l'impôt ;
b- sa contribution à l'amélioration de la performance de la gestion locale.
a - Vers une meilleure adhésion des citoyens
La qualité du contrôle que la modernisation des procédures peut encore améliorer paraît solidement établie, grâce à la compétence professionnelle des magistrats financiers, à leur expérience, leur capacité d'expertise, leur esprit d'indépendance et leur rigueur morale. J'y ajouterai le principe de confiance, qui doit selon moi, régir les rapports entre collectivités et juridictions.
Au moment où le gouvernement engage de nouveaux transferts de compétences, je n'hésite pas à affirmer que la confiance des pouvoirs publics dans la qualité du contrôle était l'une des conditions pour engager cette seconde vague de décentralisation, et accroître significativement les ressources gérées au niveau local.
A l'évidence, ce qui est vrai des pouvoirs publics, l'est aussi, des citoyens, et le contrôle exercé sur les collectivités permet de lever bien des réticences, voire des suspicions, qui pèsent, parfois, sur les gestionnaires locaux.
b- Vers l'amélioration de la performance de la gestion locale.
Cette contribution des chambres régionales au meilleur fonctionnement de la démocratie locale sera d'autant plus précieuse qu'elle favorisera les performances de la gestion locale, notamment par le contrôle a posteriori.
Je crois que les exécutifs locaux ont tout à gagner d'un regard extérieur porté sur leur gestion, l'organisation de leurs services, la fiabilité des prévisions budgétaires et financières, de même que sur l'existence ou non, et sur la qualité du contrôle interne.
Je suis convaincu que le contrôle externe des juridictions est complémentaire du contrôle interne au sein de la collectivité.
Comme vous le savez, la direction de la comptabilité publique développe ce qu'elle appelle le " contrôle partenarial " entre le comptable public et les services auprès desquels il est placé.
Je suis convaincu qu'un rapprochement analogue peut s'instaurer entre les travaux des juridictions financières et ceux des services internes aux collectivités - et je l'appelle de mes voeux.
Au-delà de cette question des contrôles, je vous invite à être des forces de propositions en matière de simplification de textes et de procédures pour une plus grande efficacité et rapidité de l'action publique locale.
A propos de la perspective ouverte par la loi organique du 1er août 2001
Je voudrais enfin replacer l'ensemble de vos débats et de mes propos dans la perspective de la loi organique du 1er août 2001.
Le levier qu'elle offre pour réformer l'Etat, l'incitation à une gestion performante et à une culture de l'évaluation des politiques publiques, peuvent être utilement et progressivement transposés aux collectivités.
En même temps que la loi organique refonde l'ensemble de la chaîne de la dépense, en s'interrogeant sur la pertinence du contrôle a priori et en renforçant la légitimité du contrôle a posteriori, elle introduit, vous le savez, la notion de certification des comptes publics.
A partir de 2006, la Cour des comptes sera appelée à certifier les comptes annuels de l'Etat. Je vous invite à réfléchir dès maintenant à ce que pourrait être, dans un avenir que je crois assez proche, une certification des comptes des collectivités. Dès maintenant, en tout cas, j'engage les juridictions financières régionales à poursuivre dans cette voie.
Il est important qu'une juridiction indépendante puisse garantir que les comptes reflètent bien la réalité des opérations, qu'ils sont sincères et portent sur la totalité des engagements pris.
En conclusion de mon propos, Monsieur le président, je suis heureux de saluer à travers vous les juridictions financières régionales de notre pays et de constater les bonnes relations avec les collectivités territoriales, représentées aujourd'hui, à Lyon, au plus haut niveau.
Je me réjouis de ce climat de confiance, de respect des responsabilités de chacun.
Loin d'être un frein pour les élus et les collectivités, les Chambres et leurs magistrats doivent devenir des acteurs de la modernisation et de la simplification dont notre pays a tant besoin.
J'ai confiance dans leurs talents, leur force de conviction, leur ténacité.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 19 juin 2003)