Interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, à Europe 1 le 17 octobre 2003, sur la place des relations franco-allemandes dans la construction de l'Europe et la perspective d'un référendum sur la future Constitution européenne.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Noëlle Lenoir bonsoir, merci d'être avec nous. Au fond, comment s'est passée cette prise de parole franco-allemande ? En tout cas, c'est Jacques qui a parlé pour Gerhard.
R - Ce qui vient de se passer aujourd'hui est très important. C'est tout à fait dans la ligne de ce qui existe, notamment depuis un an et demi. Nous avons, avec nos partenaires allemands, des relations quasi quotidiennes de travail, mais aussi de confiance et d'amitié. Cela montre bien que "le courant passe" et que nous sommes en mesure d'exprimer les positions des uns et des autres
Q - C'est une opportunité ou cela pourrait se reproduire ? Serait-ce une nouvelle forme de travail ?
R - Cette forme de travail s'inscrit dans un contexte marqué par une série de déclarations communes entre la France et l'Allemagne. Vous avez constaté que nous avons réuni - il s'agissait d'un fait exceptionnel - un Conseil des ministres franco-allemand. Il y a eu une déclaration commune qui a d'ailleurs été prise en compte ensuite par nos partenaires. Il y a donc des habitudes de travail et d'expression en commun. Par ma part, je vois à peu près toutes les semaines, voire davantage, mon collègue allemand.
Q - On comprend l'entente franco-allemande, mais cela ne comporte-t-il pas le risque d'énerver ceux qui, sur la Constitution européenne, en "ont marre" du leadership franco-allemand ?
R - Il ne s'agit pas d'un leadership. Il s'agit d'une modalité de la coopération franco-allemande qui a toujours été celle de la construction européenne. Sans le couple franco-allemand, il n'y aurait pas eu l'euro. Sans la réconciliation franco-allemande, il n'y aurait pas eu l'Europe. Nous sommes à un stade où l'Europe s'élargit - nous allons passer de 15 membres à 25, très prochainement en mai 2004. Il faut donc se mettre en mesure de débloquer les dossiers.
Q - Oui mais les Italiens, les Espagnols, les Polonais, enfin un certain nombre de pays considèrent que, sans renier l'aspect fondateur de ce couple, ce couple est trop dominant. Aznar ou Berlusconi l'ont exprimé à plusieurs reprises.
R - Il ne s'agit pas d'un couple dominant. Il s'agit d'un moteur. Nous entendons faire des propositions qui sont susceptibles d'être reprises par d'autres. Pour l'événement que vous avez signalé, je reprends ce qu'a dit mon collègue britannique ce matin sur une autre radio. J'ai moi-même eu l'occasion de lui demander de s'exprimer en mon nom au Conseil de l'Europe il y a à peu près un an, parce que je ne pouvais pas m'y rendre étant souffrante. Au niveau européen, nous nous faisons suffisamment confiance pour que, parfois, en certaines occasions, nous demandions aux autres d'exprimer nos positions.
Q - Dans les principales conclusions, il y a la Conférence intergouvernementale, la Constitution, la relance de l'économie, la politique industrielle, le Moyen-Orient, l'Irak, l'Iran et même des félicitations adressées à Jean-Paul II à l'occasion du 25ème anniversaire de son pontificat. Mais revenons à l'Europe parce que c'est un sujet fondamental en France. Jean-Pierre Raffarin est plutôt pour un référendum sur la Constitution, il l'a dit. Jacques Chirac, on ne sait pas exactement. Qu'est-ce que vous pensez de cette affaire qui risque de diviser les Français. On se souvient qu'en 1992, pour Maastricht, tout cela est passé de très très près.
R - Je n'ai pas à m'exprimer, le président de la République a répondu ce matin lors de sa conférence de presse. Il a bien indiqué qu'il en déciderait en vertu de ses pouvoirs constitutionnels.
Q - Quand ?
R - Le moment venu.
Q - C'est quand le moment venu ?
R - Ce sera quand il y aura lieu de soumettre un texte - qui n'a pas encore été arrêté - à ratification.
Q - Trouvez-vous ce référendum éventuellement dangereux ?
R - Ne me poussez pas à donner des indications que je ne possède pas. Le sujet le plus urgent pour l'Europe, c'est celui de la croissance. Nous avons vécu sur un certain modèle de croissance appuyé sur un modèle social. Nous sommes confrontés actuellement à un vieillissement démographique et à une conjoncture internationale qui nous obligent - avec le ralentissement de la croissance et la montée en puissance de pays comme la Chine et l'Inde - à réviser notre modèle de croissance. C'est de cela, essentiellement, dont il a été question ce matin. C'est ce dont je parlerai à l'Assemblée nationale lundi après-midi à l'occasion de la présentation que je ferai du premier budget de l'Europe élargie, le projet de budget pour 2004.
Q - Merci Noëlle Lenoir d'avoir été en direct avec nous.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 octobre 2003)