Déclaration de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la politique gouvernementale en faveur du développement des entreprises menée notamment dans le cadre du projet de loi pour l'initiative économique ou du plan Innovation et dont les trois grands axes sont : favoriser la création d'entreprise, soutenir l'innovation, consolider les outils existants, Paris le 17 juin 2003.

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Circonstance : Rencontre des chefs d'entreprise de l'association Croissance Plus à Paris le 17 juin 2003

Texte intégral

C'est pour moi un grand plaisir de me trouver aujourd'hui parmi vous, les chefs d'entreprise de l'association Croissance Plus. Votre association, encore jeune, est très dynamique. Elle s'est d'ores et déjà imposée comme une force de proposition de premier ordre dans l'élaboration des politiques en faveur des entreprises. Le projet de loi pour l'Initiative Economique de Renaud Dutreil ou le Plan Innovation porté par Nicole Fontaine se sont largement inspirés de vos propositions et ont donné lieu à une étroite collaboration entre ce ministère et votre association pour la définition précise de nos mesures : une concertation responsable est toujours fructueuse entre praticiens de l'économie et pouvoirs publics. Je saisis donc cette occasion pour vous remercier chaleureusement de vos contributions. La densité des propositions nouvelles que vient de nous présenter Christian POYAU en votre nom à tous va nous être très précieuse dans la préparation d'autres initiatives.
Vous le savez, mais je le répète encore une fois, la politique économique du gouvernement est toute entière orientée vers la libération de l'énergie de nos entreprises, avec le souci de redonner aux Français le goût d'entreprendre, de faciliter la création et l'innovation et de bousculer contraintes et blocages administratifs.
Dans cette politique, les PME-PMI innovantes tiennent une place essentielle, pour plusieurs raisons très simples :
dans une économie mondiale de plus en plus intégrée, où la connaissance et les capitaux circulent sans entraves, les principaux avantages concurrentiels dont disposent les pays développés sont l'innovation et la qualité ;
Or, les PME innovantes sont à l'origine d'une part importante de la production de nouveaux biens et services, qui stimule la demande en répondant à des besoins latents, et, plus souvent encore, en suscitant, de nouveaux besoins. Quant aux innovations de procédés, elles permettent d'alimenter la nécessaire course à la productivité qui caractérise le système économique actuel.
L'innovation est donc déterminante en terme de croissance et d'emplois. La moitié environ de la croissance observée ces dernières années dans les pays développés provient de l'innovation. Chaque année, 10 000 entreprises innovantes se créent en France, générant plus de 200 000 emplois qualifiés.
Beaucoup des grands groupes de demain se cachent dans les petites entreprises d'aujourd'hui. D'ores et déjà, les secteurs émergents que sont les TIC, les nouveaux matériaux et les biotechnologies, emploient plus de 1,3 millions et ces secteurs innovants sont d'autant plus importants que les gains de productivité qu'ils génèrent, irriguent toute notre économie et l'aident à progresser.
Je sais que je m'adresse aujourd'hui à un public qui souscrit largement à ce constat, qui le vit au jour le jour, à travers les difficultés mais aussi les satisfactions qu'apportent la création et le développement de leurs entreprises. Vos entreprises constituent l'exemple à généraliser en France. Pour l'avenir de votre association mais surtout pour celui de notre pays, je ne peux donc que souhaiter, Monsieur le Président, que les rangs de votre association s'étoffent rapidement dans les années à venir.
Dans le contexte de conjoncture morose que nous connaissons, je suis conscient des difficultés économiques ou financières, auxquelles doivent faire face vos entreprises, surtout dans les premières années de leur existence. C'est pourquoi, il est impératif de mettre rapidement en oeuvre les mesures nouvelles leur permettant de mieux amortir les effets de la crise économique et de l'éclatement de la bulle financière.
Ces mesures, nous avons d'ores et déjà commencé à les prendre, notamment au travers du projet de loi Dutreil pour l'Initiative Economique et de notre Plan Innovation. Je vous indiquerai par ailleurs comment nous consolidons les dispositifs existants pour nous assurer que l'accompagnement de l'Etat est continu tout au long du cycle de vie des entreprises de croissance.
La combinaison de ces mesures répond à l'essentiel des préoccupations que vous avez exprimées dans votre " Livre Blanc ". Même si beaucoup reste à faire : soyez assurés que nous persévérons dans cette voie, car elle est positive pour la France. Mais revenons brièvement sur les mesures que le gouvernement a déjà prises.
I - Favoriser la création d'entreprises
Notre objectif primordial est de créer des conditions plus favorables à l'esprit d'entreprise et à l'investissement en France.
L'Assemblée nationale vient d'adopter en deuxième lecture le projet de loi pour l'Initiative Economique. Il s'agit de mesures très concrètes et très pragmatiques pour favoriser la création et la transmission d'entreprises. Les lourdeurs administratives sont allégées et l'accès à des financements est facilité.
Pour vos entreprises, les dispositions les plus importantes sont les suivantes :
La création d'entreprise sera un acte plus simple et plus rapide : l'inscription au registre du commerce pourra se faire en un jour par la mise en place d'un récépissé de création d'entreprise. L'inscription en ligne sera possible et il n'y aura plus de capital minimal pour les SARL ;
Le projet d'ordonnance de simplifications administratives permettra de diminuer la paperasse administrative et les procédures et mettra en place un collecteur unique pour les charges sociales. Ceci correspond, je crois, à une demande forte des chefs d'entreprises.
Grâce à un statut de " pluri-activité ", le salarié pourra travailler à temps partiel tout en oeuvrant à son projet de création d'entreprise. Ceci rejoint une de vos propositions pour encourager l'essaimage à partir des entreprises.
Les entreprises bénéficieront, par ailleurs, d'un accès plus aisé aux financements grâce à deux mesures : la suppression du taux de l'usure, qui dynamisera le crédit aux entreprises de croissance. Et la mise en place des " Fonds d'Investissement de Proximité " dans les régions : ces fonds comportent une obligation d'investir dans les entreprises de moins de 5 ans. Ils compléteront ainsi les FCPI et FCPR existants.
Enfin, comme vous le savez, nous avons obtenu des aménagements très ciblés de l'ISF, pour débloquer certaines situations particulièrement dissuasives à la création d'entreprises en France. Mais je suis conscient qu'il y a encore à faire dans ce domaine.
Vous pouvez le voir : la création d'entreprise est au coeur de notre politique économique. Ces mesures ne sont qu'un premier pas. Elles seront poursuivies.
Au-delà de la création, il nous faut davantage favoriser l'innovation dans les entreprises et aider leur croissance.
II - Soutenir l'innovation
Un autre pilier de notre politique économique consiste donc à soutenir l'innovation, notamment dans les entreprises de croissance. Notre plan vise à renforcer tous les maillons de la chaîne de l'innovation : d'abord l'aide au démarrage des entreprises avec la mise en place d'un statut pour les " business angels " trop peu nombreux en France et qui s'inspire largement de vos propositions. Puis, l'aide au développement durant les premières années avec le statut fiscal de " Jeune entreprise innovante ". Enfin, le soutien à tous les projets à travers une simplification de notre système d'aides publiques et une politique délibérée de rapprochement entre la recherche et l'industrie.
Un texte législatif sera présenté au Parlement à l'automne prochain avec une application dès le 1er janvier 2004.
Je reviens sur les mesures " phares " de ce plan.
Un mot d'abord sur la future " Société Unipersonnelle d'Investissement Providentiel " ou statut des " business angels "
Cette mesure, que vous avez portée, est très importante pour nous. En effet, les " Investisseurs Providentiels " amènent certes des ressources financières mais aussi, et peut-être surtout, de la disponibilité, des compétences et de l'expérience aux jeunes créateurs d'entreprises... donc une aide particulièrement cruciale !
Le dispositif juridique et fiscal spécifique que nous mettons en place permettra aux " business angels " de gérer activement leurs investissements comme dans le monde anglo-saxon avec des avantages fiscaux dès lors que le capital sera investi dans les entreprises de moins de 5 ans. Comme vous l'avez souhaité, il s'appliquera à toutes les entreprises, qu'elles effectuent ou pas des dépenses de Recherche Développement : c'est donc une mesure de soutien aux entreprises jeunes.
A la lumière de la consultation que nous avons menée, nous avons allégé au maximum les contraintes : plus particulièrement, il n'y aura pas de " ratio prudentiel " , qui obligerait la participation à ne pas dépasser 25% de la situation nette comptable. Aucune durée minimale d'investissement ne sera imposée. De plus, les avantages fiscaux seront très significatifs :
La " SUIP " sera exonérée d'impôt sur les sociétés pendant 10 ans après sa création ;
L'actionnaire sera exonéré d'impôt sur le revenu généré par les distributions de la SUIP, c'est-à-dire les dividendes mais aussi les plus-values.
J'insiste sur le fait que l'exonération sur les plus-values n'est pas plafonnée : c'est donc une incitation fiscale très forte.
Un mot maintenant sur les " Jeunes Entreprises Innovantes "
Une des clés du succès des entreprises de croissance vient de la poursuite continue de leur effort d'innovation et de développement. Le gouvernement encourage cet effort en allégeant leurs charges et en récompensant leurs actionnaires par des avantages fiscaux pendant une durée de 8 ans, dès lors que ces entreprises réaliseront d'importantes dépenses de R D (à hauteur de 15% de leurs charges totales).
Une " jeune entreprise innovante " bénéficiera donc :
d'une part, d'une exonération totale de charges sociales patronales pendant 8 ans sur les personnels qui participent à des projets de R D au sein de l'entreprise. Il s'agira d'un nouveau " régime d'aide d'Etat ", compatible avec l'encadrement communautaire, que nous avons notifié à la Commission européenne ;
d'autre part, elle sera exonérée de taxes locales et d'impôt sur les sociétés, sous le seuil " de minimis " de la Commission européenne, c'est-à-dire dans la limite de 100.000 ;
enfin, tous ses actionnaires seront exonérés d'impôt sur les plus-values, sous certaines conditions.
Le Plan Innovation contient bien d'autres mesures que je ne détaille pas. Cette première étape sera complétée par une nouvelle série d'initiatives, notamment en faveur du Crédit Impôt Recherche. Nous y travaillons activement et vos propositions dans ce domaine seront bien évidemment les bienvenues.
Mais nous ne voulons pas uniquement créer de nouveaux dispositifs : nous avons aussi à coeur de consolider les outils existants en faveur des entreprises de croissance.
III - La consolidation des outils existants
Des mesures importantes en faveur des entreprises innovantes ont déjà été prises entre 1995 et 1997 sous le gouvernement d'Alain Juppé, à l'initiative notamment de François d'Aubert, alors ministre en charge de la Recherche. Aujourd'hui, il nous faut en assurer la pérennité.
Premier exemple : la professionnalisation des Incubateurs
Compte tenu de l'importance de la recherche publique en France, il faut en valoriser les fruits, notamment à travers la création d'entreprise. Le gouvernement compte donc maintenir le dispositif des incubateurs publics, dont la mission est précisément d'offrir une " transition " entre les projets de recherche et des projets d'entreprises. Après avoir travaillé dans une logique parfois quantitative, ces incubateurs doivent désormais concentrer leurs efforts sur les projets ayant un véritable potentiel de croissance.
Deuxième exemple : le soutien public au financement des projets
Afin qu'ils soient plus facilement portés sur le marché. Il s'agit des aides du concours " création d'entreprises " et de l'action de l'ANVAR qui consacre plus du tiers de ses interventions (environ 65 M) aux entreprises de moins de 3 ans.
Troisième exemple : le soutien au financement des jeunes entreprises.
Il faut développer un marché privé du Capital-Risque, qui puisse intervenir dès l'amorçage et jusqu'au développement. J'ai donc demandé à la Caisse des Dépôts et Consignations de poursuivre son Programme d'Intérêt Général en faveur des PME et de l'Innovation dans les trois prochaines années à hauteur de 150 M par an. Elle mènera une action plus transparente, plus perceptible, pour les entreprises avec une orientation plus forte vers les entreprises de croissance. La première traduction concrète est le renforcement du " pré-amorçage " sur les pôles technologiques d'excellence à hauteur de 10M et un abondement complémentaire des fonds d'amorçage existants à hauteur de 20 M, pour accompagner les entreprises dans lesquelles ils ont déjà investi.
Dernier exemple : le financement de la croissance de moyen terme
La vie d'une entreprise ne s'arrête pas après ses premières années. Son accompagnement doit donc parfois se prolonger au-delà.
L'action de l'Etat passe alors essentiellement par des actions indirectes laissant aux acteurs privés l'entière liberté de leurs décisions d'investissement. Le mécanisme des Fonds Commun de Placement Innovation (FCPI) a drainé depuis 1997 plus de 400 M par an vers les entreprises à fort potentiel. Pour respecter leurs obligations d'investissement, ces FCPI devront encore investir plus de 80 M d'ici à la fin de l'année. Compte tenu de l'importance de la collecte des FCPI et de leur liquidité abondante, il n'est pas nécessaire d'accroître actuellement l'avantage fiscal dont ils bénéficient, ni d'assouplir davantage leurs conditions d'investissement.
Quant aux contrats d'assurance vie investis en unités de compte (les contrats dits " DSK "), ils drainent environ 50 M/an au profit des entreprises non-cotées. Ce produit a néanmoins montré ses limites, en raison de la réticence des gestionnaires à investir dans des produits risqués. L'idée d'élargir la gamme de ces produits d'épargne semble donc à ce stade peu opportune. En revanche, votre association devrait s'efforcer de démontrer aux gestionnaires l'intérêt qu'ils auraient à investir davantage dans les entreprises de croissance. Mes services, notamment le Trésor, sont à votre disposition pour vous accompagner dans cette démarche.
Comme vous pouvez le constater, le gouvernement a placé les " entrepreneurs innovants " au coeur de sa politique économique. Cette attention particulière se justifie par votre rôle essentiel pour l'avenir de notre économie. Je compte sur votre dynamisme et sur votre engagement pour que nos efforts communs permettent à notre pays d'en cueillir rapidement les fruits.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 juin 2003)