Texte intégral
Si l'on en croit les chiffres du Programme alimentaire mondial, 38 millions d'Africains sont menacés cette année de famine en raison des crises alimentaires qui frappent actuellement leur continent. Il n'y a pourtant aucune fatalité. Des solutions existent et nos deux pays sont déterminés à joindre et intensifier leurs efforts pour les mettre en oeuvre.
La lutte contre les crises alimentaires repose bien évidemment sur l'aide d'urgence et la prévention. Nous devons cependant voir plus loin en contribuant à assurer la sécurité alimentaire durable de l'Afrique. L'aide alimentaire est l'instrument le plus utilisé pour venir en aide aux populations menacées de famine. Mais il faut être conscient des effets pervers qu'elle peut entraîner. Le risque existe en effet de voir cette aide déstabiliser l'agriculture des régions qui en bénéficient. L'aide alimentaire, en effet, ne doit pas encourager un pays à remplacer ses cultures traditionnelles par des denrées qu'il ne peut produire, faute de sols et de conditions climatiques appropriés. Souvenons-nous des pays sahéliens qui ont reçu par le passé du blé en abondance : en prenant par la suite l'habitude d'en importer, ils n'ont fait qu'accroître leur dépendance alimentaire. L'aide ne doit pas non plus créer une forme de concurrence avec des productions vivrières locales comme ce fut le cas en Guinée. Une fois la crise passée, les riziculteurs guinéens ont eu les plus grandes difficultés à vendre leur production compte tenu des excédents de riz qui ont été subitement mis sur le marché.
A la lumière de ces expériences, la France et l'Allemagne préfèrent apporter une aide financière destinée à acheter des denrées sur place plutôt que de recourir à des dons en nature. Au lieu de livrer des tonnes de blé ou de maïs, comme le font, par exemple, les Etats-Unis, nous mobilisons prioritairement les ressources disponibles à l'intérieur du pays ou de la région concernée.
Cette approche répond à un souci d'efficacité mais aussi d'éthique. Elle conduit nos deux pays à dénoncer l'utilisation de l'aide alimentaire comme un instrument d'écoulement d'excédents agricoles ou de conquête de nouveaux marchés par les pays développés. De même, la fourniture de produits alimentaires, en particulier de céréales, pour faire face à des situations de famine, ne doit pas être l'occasion de livrer des produits génétiquement modifiés lorsque les pays bénéficiaires ne le souhaitent pas. Le débat sur les OGM, où les considérations et les enjeux économiques sont étroitement mêlés, ne doit pas interférer avec la réponse aux situations d'urgence alimentaire.
Pour prévenir une crise alimentaire à temps, les mécanismes de prévention et d'alerte sont indispensables. Les coopérations française et allemande apportent là aussi une assistance technique. Nous contribuons avec nos partenaires africains à mettre en place des instruments de prévision et d'échange d'informations sur les données climatiques et les récoltes. De même que nous aidons les gouvernements à mettre en place des stocks alimentaires au niveau national et à encourager des organismes de régulation au niveau régional.
Au Mali, depuis plus de 15 ans, un dispositif de préalerte et de régulation du marché des céréales fonctionne de façon exemplaire. Cette année encore, il a permis de pallier rapidement les effets du manque de pluies dont a souffert la région. Au niveau régional, le Comité interEtats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) ainsi qu'un centre régional chargé du suivi agro-hydro-météorologique (Agrhymet) ont été mis en place avec le soutien de nos deux pays.
Des crises ont pu être ainsi détectées suffisamment tôt pour être jugulées, comme au Tchad l'année dernière. A l'avenir notre ambition est d'aider les autres régions du continent africain, notamment l'Afrique australe, à se doter de telles structures.
A long terme ces mesures ne peuvent cependant suffire. Il faut s'attaquer aux causes mêmes des pénuries alimentaires et des famines. Cela passe par la mise en oeuvre de politiques de développement rural. La France et l'Allemagne sont engagées dans ce combat. L'Union européenne aussi : la sécurité alimentaire est l'un des six pôles d'intervention de sa politique de coopération.
Il ne s'agit pas de rendre chaque pays autosuffisant sur le plan alimentaire mais plutôt de favoriser la croissance de la production dans les régions où les récoltes sont insuffisantes. Une meilleure organisation des échanges à l'échelon régional s'impose également. C'est dans ce but que s'élabore au sein de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) la politique agricole de l'Union (PAU), avec l'appui des coopérations allemande et française, et en coordination étroite avec la Commission européenne.
De nombreux pays africains pourront y arriver en encourageant la création d'organisations paysannes. Ce sont elles qui peuvent offrir les services dont la profession a besoin (conseil, approvisionnement en intrants, commercialisation de produits agricoles, accès au crédit). C'est en se fédérant de cette manière qu'en Guinée, les producteurs d'oignons et de pommes de terre de la région du Fouta Djalon, ont pu rationaliser leurs méthodes de culture, augmenter leur volume de production et améliorer leur niveau de vie. Pour se développer l'agriculture africaine a besoin d'un environnement sûr : des lois et des règles de fonctionnement stables et impartiales mais également des surfaces cultivées exploitables sur une longue durée.
Notre politique s'appuie dans ce domaine sur une étroite coopération avec la recherche. Pour tirer parti des ressources naturelles sans nuire à l'environnement, les nouvelles méthodes de production faisant appel aux biotechnologies offrent des solutions efficaces. Depuis quelques années nos deux pays encouragent ainsi l'introduction de méthodes dites agroécologiques, notamment au Tchad et à Madagascar. Elles permettent de préserver la fertilité des sols et de pérenniser les systèmes de production (semis sous couvert végétal, association élevage agriculture, etc.)
L'Afrique doit pouvoir se nourrir et se protéger des catastrophes. Encore faut-il soutenir les Africains autant que possible dans leurs efforts, dans un esprit de partenariat en respectant leurs souhaits et dans le souci d'accroître leurs moyens. C'est de cette façon qu'ils pourront prévenir les crises alimentaires suffisamment tôt. Notre engagement commun fera notre force.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2003)
La lutte contre les crises alimentaires repose bien évidemment sur l'aide d'urgence et la prévention. Nous devons cependant voir plus loin en contribuant à assurer la sécurité alimentaire durable de l'Afrique. L'aide alimentaire est l'instrument le plus utilisé pour venir en aide aux populations menacées de famine. Mais il faut être conscient des effets pervers qu'elle peut entraîner. Le risque existe en effet de voir cette aide déstabiliser l'agriculture des régions qui en bénéficient. L'aide alimentaire, en effet, ne doit pas encourager un pays à remplacer ses cultures traditionnelles par des denrées qu'il ne peut produire, faute de sols et de conditions climatiques appropriés. Souvenons-nous des pays sahéliens qui ont reçu par le passé du blé en abondance : en prenant par la suite l'habitude d'en importer, ils n'ont fait qu'accroître leur dépendance alimentaire. L'aide ne doit pas non plus créer une forme de concurrence avec des productions vivrières locales comme ce fut le cas en Guinée. Une fois la crise passée, les riziculteurs guinéens ont eu les plus grandes difficultés à vendre leur production compte tenu des excédents de riz qui ont été subitement mis sur le marché.
A la lumière de ces expériences, la France et l'Allemagne préfèrent apporter une aide financière destinée à acheter des denrées sur place plutôt que de recourir à des dons en nature. Au lieu de livrer des tonnes de blé ou de maïs, comme le font, par exemple, les Etats-Unis, nous mobilisons prioritairement les ressources disponibles à l'intérieur du pays ou de la région concernée.
Cette approche répond à un souci d'efficacité mais aussi d'éthique. Elle conduit nos deux pays à dénoncer l'utilisation de l'aide alimentaire comme un instrument d'écoulement d'excédents agricoles ou de conquête de nouveaux marchés par les pays développés. De même, la fourniture de produits alimentaires, en particulier de céréales, pour faire face à des situations de famine, ne doit pas être l'occasion de livrer des produits génétiquement modifiés lorsque les pays bénéficiaires ne le souhaitent pas. Le débat sur les OGM, où les considérations et les enjeux économiques sont étroitement mêlés, ne doit pas interférer avec la réponse aux situations d'urgence alimentaire.
Pour prévenir une crise alimentaire à temps, les mécanismes de prévention et d'alerte sont indispensables. Les coopérations française et allemande apportent là aussi une assistance technique. Nous contribuons avec nos partenaires africains à mettre en place des instruments de prévision et d'échange d'informations sur les données climatiques et les récoltes. De même que nous aidons les gouvernements à mettre en place des stocks alimentaires au niveau national et à encourager des organismes de régulation au niveau régional.
Au Mali, depuis plus de 15 ans, un dispositif de préalerte et de régulation du marché des céréales fonctionne de façon exemplaire. Cette année encore, il a permis de pallier rapidement les effets du manque de pluies dont a souffert la région. Au niveau régional, le Comité interEtats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) ainsi qu'un centre régional chargé du suivi agro-hydro-météorologique (Agrhymet) ont été mis en place avec le soutien de nos deux pays.
Des crises ont pu être ainsi détectées suffisamment tôt pour être jugulées, comme au Tchad l'année dernière. A l'avenir notre ambition est d'aider les autres régions du continent africain, notamment l'Afrique australe, à se doter de telles structures.
A long terme ces mesures ne peuvent cependant suffire. Il faut s'attaquer aux causes mêmes des pénuries alimentaires et des famines. Cela passe par la mise en oeuvre de politiques de développement rural. La France et l'Allemagne sont engagées dans ce combat. L'Union européenne aussi : la sécurité alimentaire est l'un des six pôles d'intervention de sa politique de coopération.
Il ne s'agit pas de rendre chaque pays autosuffisant sur le plan alimentaire mais plutôt de favoriser la croissance de la production dans les régions où les récoltes sont insuffisantes. Une meilleure organisation des échanges à l'échelon régional s'impose également. C'est dans ce but que s'élabore au sein de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) la politique agricole de l'Union (PAU), avec l'appui des coopérations allemande et française, et en coordination étroite avec la Commission européenne.
De nombreux pays africains pourront y arriver en encourageant la création d'organisations paysannes. Ce sont elles qui peuvent offrir les services dont la profession a besoin (conseil, approvisionnement en intrants, commercialisation de produits agricoles, accès au crédit). C'est en se fédérant de cette manière qu'en Guinée, les producteurs d'oignons et de pommes de terre de la région du Fouta Djalon, ont pu rationaliser leurs méthodes de culture, augmenter leur volume de production et améliorer leur niveau de vie. Pour se développer l'agriculture africaine a besoin d'un environnement sûr : des lois et des règles de fonctionnement stables et impartiales mais également des surfaces cultivées exploitables sur une longue durée.
Notre politique s'appuie dans ce domaine sur une étroite coopération avec la recherche. Pour tirer parti des ressources naturelles sans nuire à l'environnement, les nouvelles méthodes de production faisant appel aux biotechnologies offrent des solutions efficaces. Depuis quelques années nos deux pays encouragent ainsi l'introduction de méthodes dites agroécologiques, notamment au Tchad et à Madagascar. Elles permettent de préserver la fertilité des sols et de pérenniser les systèmes de production (semis sous couvert végétal, association élevage agriculture, etc.)
L'Afrique doit pouvoir se nourrir et se protéger des catastrophes. Encore faut-il soutenir les Africains autant que possible dans leurs efforts, dans un esprit de partenariat en respectant leurs souhaits et dans le souci d'accroître leurs moyens. C'est de cette façon qu'ils pourront prévenir les crises alimentaires suffisamment tôt. Notre engagement commun fera notre force.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2003)