Texte intégral
Messieurs les Ministres, chers Jean-François MATTEI et Renaud DUTREIL,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Vous me permettrez, avant tout, de saluer Philippe GUERIN. Jean-François MATTEI, Renaud DUTREIL et moi-même l'avons choisi d'un commun accord pour assurer la présidence du CNA, et je voudrais le remercier sincèrement pour ses mots chaleureux et l'assurer, dans ses nouvelles fonctions, de toute ma confiance. Je ne doute pas que le Conseil tirera grand bénéfice de son expérience, que je sais riche, et de sa grande disponibilité.
Je voudrais également saluer les membres qui ont rejoint ce nouveau Conseil National de l'Alimentation.
A tous ceux qui se sont associés à l'élaboration des 21 avis adoptés par le CNA au cours de la dernière mandature, et d'abord à Christian BABUSIAUX, qui sous sa présidence a su donner à ce Conseil et un dynamisme et un professionnalisme reconnus, je voudrais enfin dire à quel point j'ai apprécié la qualité des travaux qu'ils ont conduits.
Après avoir participé à la session de rentrée du Conseil National de l'Alimentation, le 19 septembre 2002, c'est avec plaisir que je viens aujourd'hui, avec Jean-François MATTEI et Renaud DUTREIL, installer un CNA renouvelé.
Je souhaite que le Conseil reprenne aussi vite que possible le cours de ses activités, parce que - l'expérience l'a prouvé - vos réflexions et vos recommandations sont précieuses pour éclairer les pouvoirs publics dans ce domaine de la politique de l'alimentation.
Le 19 septembre, je vous avais dit mon souhait que votre Conseil porte plus particulièrement son attention au contrat de confiance unissant les agriculteurs aux consommateurs, et plus largement aux citoyens, un contrat que les crises sanitaires qui se sont succédées au cours des dernières années avaient ébranlé. J'avais alors dégagé quelques axes qui me semblaient de nature à rétablir cette confiance : renforcer le dialogue entre tous les acteurs de la chaîne alimentaire ; mettre en uvre le principe de précaution de façon cohérente et proportionnée ; enfin, promouvoir la qualité et la diversité de nos produits agricoles et alimentaires. Je suis profondément convaincu que chacun d'entre eux demeure d'actualité.
Ce matin, je voudrais revenir avec vous sur le rôle institutionnel que les pouvoirs publics souhaitent confier à votre Conseil, mettre en perspective son activité ces trois dernières années, tenter de dissiper certaines critiques et évoquer avec vous quelques sujets de fond sur lesquels je souhaiterais recueillir l'avis de votre Conseil.
Préciser le rôle du CNA
Mais, avant tout, je voudrais revenir sur le contexte dans lequel s'inscrivent vos travaux et vous préciser mes attentes en tant que Ministre chargé de l'Alimentation.
Le contexte, notamment institutionnel, dans lequel intervient le Conseil National de l'Alimentation a bien changé depuis la parution du décret du 27 novembre 1985 qui en porta création.
Le secteur de l'alimentation a traversé, ces dernières années, plusieurs crises sanitaires qui ont donné lieu à une forte médiatisation. Pour y répondre, les pouvoirs publics ont entrepris de regrouper l'expertise scientifique au sein d'agences et d'instituts indépendants, car la connaissance des facteurs de risque, leur hiérarchisation et la mobilisation de toutes les compétences disponibles, sont essentielles pour éclairer le plus précisément possible la décision des responsables politiques en charge de sa gestion.
Cela étant, de nombreuses organisations membres du CNA sont favorables - je le sais - à ce qu'il ne soit pas conféré à l'expertise sanitaire, même si son importance est majeure, la qualité d'une expertise exclusive. Depuis quelques années, le Codex alimentarius a, d'ailleurs, consacré la nécessité de prendre en compte ces " autres facteurs légitimes " pour fonder la décision publique. Il est ainsi indispensable que d'autres sciences, d'autres disciplines et d'autres savoirs puissent réintroduire ce que l'évaluation scientifique n'a pas vocation à prendre en considération. Je pense aux savoirs professionnels partagés au sein du Conseil, aux connaissances des réalités de l'univers professionnel, de la production à la distribution, en passant par la transformation. Je pense également aux comportements concrets des consommateurs. En outre, des disciplines telles que la sociologie, l'économie, la philosophie ou le droit peuvent, par leur démarche scientifique, concourir, avec la même pertinence, à l'appréciation globale et de ses conséquences et de ses enjeux.
J'ai bien noté que le Conseil avait veillé, ces dernières années, à fonder ses avis et ses recommandations sur une analyse socio-économique approfondie. Je crois souhaitable que l'élaboration des rapports sur lesquels vous fondez vos avis puisse être considérée comme un acte d'expertise. Cette orientation que vous avez embrassée nous a conduit à solliciter des personnalités qualifiées d'horizons souvent très divers.
Votre démarche qui consiste à émettre des préconisations en ayant réfléchi à leur impact, à leur faisabilité et à leur perception, me semble être la bonne pour éclairer avec le plus de pertinence le Gouvernement, mais aussi les acteurs de la chaîne alimentaire et l'opinion publique. Sans doute n'est-il pas utile que le CNA se trouve systématiquement saisi avant toute décision. Mais dans ce domaine de l'alimentation, par essence sensible, les Français attendent un schéma de décision clair et permettant d'apprécier le poids relatif de chacun des arguments participant à la décision.
Dans mon esprit, le CNA - et c'est là son rôle - doit apporter cet éclairage préalable aux décisions les plus importantes. Pour l'aider à encore mieux le remplir, je veillerai à ce que votre Conseil puisse chaque fois être saisi le plus en amont de la prise de décision.
Porter un jugement des travaux des trois dernières années
Comme je l'ai déjà indiqué, j'ai été sensible aux travaux du CNA dans ses différentes dimensions :
- l'activité du Conseil, tout d'abord,
J'ai entendu certaines organisations manifester le désir d'un rythme peut-être un peu moins soutenu. Les 20 avis rendus par le Conseil résultaient de 18 saisines ministérielles, et il me semble aujourd'hui nécessaire que le Gouvernement formule quelques priorités claires quant à son action. Je suis, en outre, favorable à ce que vous vous saisissiez des questions qui vous semblent mériter examen, et je vous fais confiance pour faire le meilleur usage de cette faculté d'autosaisine
- la valorisation du travail, ensuite,
Si la qualité et l'utilité des travaux du CNA sont unanimement reconnues, ceux-ci demeurent hélas trop souvent confidentiels. Je pense, comme certains d'entre vous l'ont suggéré, qu'il est nécessaire de mieux répartir l'énergie consacrée à la réalisation et celle consacrée à la valorisation de vos travaux. Et c'est dans cet esprit que je vous invite, Monsieur le Président, à définir avec les Directions Générales qui participent activement au fonctionnement du CNA, de nouvelles modalités de diffusion de vos avis. Le Ministère que je dirige vous y aidera.
- le suivi des avis, enfin
Je sais que beaucoup de vos membres s'interrogent fréquemment sur l'utilité réelle pour leurs organisations de leur implication dans une réelle instance de concertation. Comme je vous l'avais proposé en septembre 2002, les administrateurs actualiseront fréquemment un tableau d'indicateurs d'activité. Le secrétariat du CNA bénéficiera du soutien de nos services pour élaborer ce tableau, dont vous avez déjà adopté le principe et la structure.
Définir des axes de travail
Avant d'aborder quelques questions plus spécifiques, je voudrais préciser avec vous les principes qui doivent fonder vos réflexions : la cohérence des interventions publiques, l'efficacité des actions de l'Etat, éventuellement ses forces et ses faiblesses, enfin, l'articulation et l'équilibre qui doit être trouvé entre les approches purement réglementaires et les actions volontaires.
En ce qui concerne les travaux en cours, j'attache la plus grande importance à ce que vous puissiez conclure la réflexion sur l'utilisation des intrants agricoles pour laquelle je vous ai donné mandat en septembre 2002. Je sais, par ailleurs, que vous allez rendre prochainement un avis attendu sur le développement des signes d'identification de la qualité et de l'origine des produits agricoles et alimentaires.
Je ne vous cache pas une certaine impatience à lire vos recommandations tant cette question me semble cruciale pour notre pays dont la notoriété internationale tient pour beaucoup - nous le savons tous - à ses produits alimentaires et à ses traditions culinaires.
En prolongement de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), nous devons trouver une meilleure assise communautaire à la politique de valorisation de la qualité et de l'origine, de façon à ce que nos produits soient non seulement mieux reconnus, mais également mieux protégés des détournements d'image et des pratiques de concurrence déloyale. Seule une position communautaire robuste permettra de définir, au niveau international, un cadre de régulation du commerce des produits agricoles et alimentaires de qualité, conforme à nos attentes.
Sans anticiper sur vos conclusions, mais, à la lumière des échanges que j'ai déjà eus avec les acteurs de plusieurs filières, une évolution du dispositif national me semble souhaitable. Rendre les signes d'identification de la qualité et de l'origine plus accessibles aux opérateurs économiques, améliorer la lisibilité du dispositif et mieux prendre en compte les attentes des consommateurs, et notamment celles qui se font jour, sont les principaux objectifs que nous devons poursuivre. Je suis convaincu que votre avis nous y aidera.
Communiquer sur l'alimentation
Claude FISCHLER a montré que l'aliment n'est pas un bien de consommation comme les autres, et Claude LEVI-STRAUSS nous a appris qu' " un aliment doit être bon non seulement à manger mais aussi bon à penser ". Car nous consommons non seulement de la nourriture, mais également les symboles qui lui sont attachés.
C'est à cette lumière que nous pouvons mieux comprendre pourquoi les méthodes de communication retenues jusqu'alors pour annoncer la mise en oeuvre des mesures sanitaires se sont avérées assez systématiquement anxiogènes. Elles ont conduit les consommateurs à s'enfermer dans une obsession quasiment tyrannique du risque zéro, alors que l'alimentation est un domaine où les risques sont considérés comme bien maîtrisés et que la qualité des aliments proposés aux consommateurs n'a cessé de s'améliorer au cours des dernières décennies.
Nous devons, au contraire, rétablir une relation plus détendue entre les consommateurs et leur alimentation. Les consommateurs n'ont pas perdu leur bon sens et sont, fort heureusement, très attachés au libre choix. Mais ils savent aussi que ce choix se raisonne et qu'il peut être plus ou moins judicieux en fonction de l'activité professionnelle, de l'âge et de certaines circonstances de la vie comme la grossesse ou le vieillissement. Enfin, les consommateurs apprécient toutes les dimensions de l'acte alimentaire, tels que le plaisir, la convivialité, l'identité culturelle, ou l'insertion sociale.
Ces dernières années, les institutions, les prescripteurs d'opinion, se sont essentiellement attachés à des préoccupations d'ordre sanitaire, et cette attention, quoique nécessaire, nous a éloigné des autres dimensions de l'alimentation.
Il me semble impératif que la communication des acteurs institutionnels, des opérateurs économiques, et des prescripteurs d'opinion prenne mieux en compte ces réalités et les tendances qui se dessinent aujourd'hui. Je pense notamment à la sensibilité croissante de nos concitoyens à leur nutrition, au bénéfice d'une alimentation saine et diversifiée et à la présentation des modèles alimentaires traditionnels, qui ont fait la réputation de notre gastronomie.
Il me semble utile, à cet égard, que vous analysiez l'évolution des modes de communication utilisés dans le domaine alimentaire, durant la dernière décennie, et que vous étudiez les voies d'une meilleure adéquation des messages à notre époque et à nos modes de vie.
Articuler la politique alimentaire avec les autres politiques publiques
Vous savez tous que la conduite de la politique de l'alimentation est un domaine partagé, la présence de trois ministres à l'occasion de l'installation de ce nouveau CNA l'illustre bien.
Comme vous l'avez vous-même souligné dans un avis récent, le droit de l'alimentation est réparti entre trois Codes : le Code rural, le Code de la consommation et le Code de la santé publique. Plusieurs administrations veillent à sa mise en oeuvre, parmi lesquelles la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) et la Direction des Politiques Economique et Internationale (DPEI), pour le compte du Ministère dont j'ai la responsabilité.
L'éclatement des compétences n'est pas la moindre des critiques que les usagers peuvent nous adresser, et l'écueil d'une approche trop sectorielle est réel. Qu'il s'agisse de la politique agricole, de la politique de la consommation ou de la politique de la santé publique, chacune a naturellement son autonomie.
Je crois pourtant indispensable, si nous voulons concevoir et mettre en oeuvre une véritable politique de l'alimentation, de limiter les approches fragmentaires et les effets de cloisonnement. Nous devons également développer des synergies dans l'action du Gouvernement et des prolongements entre les politiques publiques, pour bien prendre en compte les attentes des consommateurs. C'est, d'ailleurs, dans cet état d'esprit que j'ai installé, en septembre 2002, le Conseil de Prospective Européenne et Internationale pour l'Agriculture et l'Alimentation. Ses travaux sont complémentaires de ceux que vous conduisez. Le rapport que m'a remis en mai dernier son président, Thierry de MONTBRIAL, s'est ainsi prononcé sur les adaptions devant être apportées à la PAC, de façon à répondre aux exigences nouvelles de la société européenne et aux nécessités de la régulation du commerce international, tout en assurant le développement durable de l'agriculture, un secteur à bien des égards fondateurs de l'identité française.
C'est, d'ailleurs, l'esprit des dispositions du compromis trouvé en juin à l'occasion du Conseil de Luxembourg, subordonnant l'octroi des aides directes au respect de certains critères dans les domaines de l'environnement, du bien-être animal et de la sécurité des aliments.
Pour jeter les bases d'une politique de l'alimentation rénovée, le CNA, de sa part sa composition transversale et les sensibilités qui peuvent s'y exprimer, me semble être le lieu privilégié d'une réflexion de fond sur ce sujet.
Mettre en oeuvre la responsabilité des opérateurs
La plupart des organisations membres du CNA savent que le règlement du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux de la législation alimentaire constitue un acte fondamental de la refonte de la législation communautaire en ce domaine. Ce texte précise plusieurs notions essentielles, qu'il s'agisse du champ des responsabilités des opérateurs économiques ou du principe de précaution. Il donne également un cadre juridique à la traçabilité.
L'obligation pour nos entreprises agroalimentaires et de distribution de respecter les dispositions de ce règlement au plus tard le 1er janvier 2005 constitue pour elles un défi. Nous devons, dans ces conditions, envisager les aspects juridiques, techniques, financiers, sociaux d'une bonne préparation de ces échéances. Vos réflexions en ce domaine pourraient, d'ailleurs, déborder le seul champ de la sécurité des aliments.
Assurer ou mutualiser les risques sanitaires de la chaîne alimentaire
Les organisations professionnelles ont appelé mon attention sur le fait que les producteurs supportent le coût, en cas de retrait de produits ou d'interruption d'activité motivés par des raisons sanitaires ou phytosanitaires. Seules certaines mesures de lutte contre les maladies animales réglementées font l'objet d'une indemnisation par l'Etat lorsque des cheptels doivent être totalement ou partiellement éliminés. Or, les assureurs sont réticents à couvrir de tels risques, sinon au prix de primes prohibitives. La mutualisation ne constitue, d'ailleurs, pas nécessairement une solution plus simple.
Pour faire suite à cette demande très ancienne, le CNA pourrait réfléchir à une évolution des dispositifs, afin de traiter plus équitablement les opérateurs concernés et mieux maîtriser les conséquences économiques liées à des dommages sanitaires ou phytosanitaires, tant dans les domaines animal que végétal.
Conclusion
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Comme je vous l'ai indiqué en septembre dernier, j'ai à coeur de mettre en oeuvre une politique de l'alimentation cohérente et qui concilie les exigences de sécurité, de qualité et de diversité.
Je sais qu'une politique de l'alimentation profitable à la collectivité doit se garder de considérer le fait alimentaire sous un angle strictement sanitaire, mais donner du relief à nos savoir-faire et à nos traditions culinaires, à notre inventivité et à nos capacités d'innovation. Je ne vois, d'ailleurs, que des avantages, sur les plans économique, culturel et nutritionnel, à défendre notre modèle alimentaire partout où il est mis en cause.
Monsieur le Président, je mesure bien l'extrême difficulté de votre tâche tant l'alimentation occupe une place importante dans la vie et l'identité de chacun, une place qui dépend aussi de notre propre représentation des aliments en fonction de notre milieu et de notre culture. C'est, d'ailleurs, parce que la charge symbolique de l'alimentation est importante et les sujets souvent passionnels, que celle-ci ne peut être considérée comme " un bien de consommation comme les autres ", mais qu'elle doit faire l'objet d'un traitement spécifique, au sein d'une instance, qui prenne également en compte ses dimensions sociale et culturelle. S'il n'est ni possible, ni même souhaitable de s'immiscer dans les choix individuels, il est, en revanche, indispensable que nous répondions aux préoccupations et aux attentes de nos concitoyens, qu'elles concernent la sécurité sanitaire, la qualité organoleptique des aliments, le respect de l'environnement, le commerce équitable, le bien-être animal ou encore l'incidence de l'alimentation sur la santé. Je vous invite donc à n'écarter aucun sujet, aucun débat même s'il s'annonce difficile. Aucune mesure, aucune règle n'est, à l'inverse, gravée dans le marbre pour l'éternité.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous souhaite pour les trois années à venir des débats, riches et passionnants. Je vous souhaite aussi de trouver les meilleurs consensus pour aider le Gouvernement à conduire sa politique dans ce domaine, a bien des égards, essentiel de l'alimentation.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 26 septembre 2003)
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que je viens aujourd'hui installer avec Jean-François MATTEI et Hervé Gaymard un Conseil National de l'Alimentation renouvelé.
Tout d'abord, je tiens à féliciter tous les membres de ce Conseil qui sera présidé par Philippe Guérin. Après le Professeur Christian CABROL, éminent cardiologue, et Christian BABUSIAUX, spécialiste de la consommation, Philippe GUERIN, ingénieur général du génie rural, des eaux et forêts, et ancien directeur général de l'alimentation va faire bénéficier le Conseil de son expérience très riche et de sa disponibilité, puisqu'il cessera prochainement ses fonctions au Conseil général du génie Rural, des eaux et forêts.
Je suis heureux d'être parmi vous pour l'installation de ce nouveau Conseil National de l'Alimentation.
Tout d'abord, je tiens à féliciter tous les membres du nouveau Conseil National de l'Alimentation qui va engager ses travaux, sans tarder. Vous commencez, en effet, dès aujourd'hui, je crois, l'examen des propositions d'un groupe de travail du CNA qui doivent donner lieu à un avis sur lequel votre instance doit s'accorder.
Vous allez ainsi rentrer très vite dans le coeur de vos missions : être une force de propositions pour le Gouvernement sur des questions de politique alimentaire expertisées dans vos groupes de travail.
La politique de l'alimentation comporte de multiples enjeux :
- économiques : le secteur agroalimentaire est un des piliers de l'économie française,
- de santé en termes de sécurité sanitaire et de nutrition,
- et, bien sûr, de consommation. Les consommateurs veulent des produits sûrs. La sécurité sanitaire est, pour eux, une préoccupation majeure. Ils veulent également des produits de qualité et, de plus en plus, des produits qui aient du goût, des produits " naturels ", " authentiques ", du terroir.
Vos travaux sont attendus avec intérêt d'autant que cette fonction de débat, de relais des demandes, des préoccupations de la société civile sur les questions qui ont trait à la politique de l'alimentation, vous l'assurez avec d'autres instances.
Il existe en effet trois organismes intervenant en matière alimentaire et leur rôle me paraît parfaitement complémentaire.
l'AFSSA assure une fonction scientifique axée sur la sécurité
Le Conseil National de la Consommation (CNC) que j'ai l'honneur de présider, assure une fonction d'interface. Il constitue pour sa part un lieu d'élaboration de consensus négociés entre professionnels et consommateurs et donc de discussion de textes dans le domaine agroalimentaire. Sur des dispositifs réglementaires sensibles et complexes tels que ceux sur l'étiquetage et la traçabilité de la viande bovine, la consultation des professionnels et des consommateurs, dans la formation paritaire qui est celle du CNC, s'avère être un élément important de leur élaboration, de leur compréhension et donc de leur fonctionnement ultérieur.
le CNA.,quant à lui assure une fonction de stratégie concernant les grands enjeux de la politique alimentaire. C'est là qu'on vous attend avec une approche en terme de filières et de satisfaction des besoins alimentaires de l'homme. Vous réunissez tous les acteurs de la chaîne alimentaire, producteurs, transformateurs, artisans, professionnels de la restauration, distributeurs, consommateurs ce qui vous permet d'engager les réflexions dans la transparence la plus large. Un avis comme celui sur " l'information relative aux modes d'élevage pour les filières bovine et avicole ", en est l'illustration.
La complémentarité de ces deux instances est indispensable pour prendre des décisions qui engagent, à travers l'alimentation, le quotidien et surtout le bien-être de chacun de nous.
Vos travaux seront denses, je le sais. Outre les chantiers en cours dont, au premier chef celui sur les signes de qualité que j'ai évoqué, il me semble que le CNA pourrait inclure dans son programme quelques thèmes de travail importants pour la protection et l'information des consommateurs.
En premier lieu, il me semble que, dans le cadre de la complémentarité des instances d'expertise socio-économiques et scientifique, une réflexion pourrait s'engager pour déterminer comment le CNA pourrait relayer les avis de l'AFSSA et apporter une approche complémentaire et nécessaire aux avis de cette Agence par une analyse bénéfice/risque.
Des études sur l'analyse bénéfice/risque de l'utilisation de telles technologies nouvelles me semblent nécessaires pour aider à la prise de décisions. C'est le cas pour l'utilisation des micro-organismes dans l'industrie alimentaire.
Traditionnellement utilisés dans l'industrie alimentaire, pour leurs propriétés technologiques (industrie laitière, charcuterie, panification etc.), les micro-organismes sont désormais fréquemment incorporés en raison de leurs propriétés nutritionnelles (du fait, notamment, de leur action sur l'appareil digestif). Or les techniques mises en oeuvre et les précautions prises pour s'assurer de leur innocuité ne sont pas toujours bien connues. Une réflexion pourrait donc être menée sur ce dossier.
De la même façon, le CNA pourrait opérer une approche bénéfice/risque relative à l'incorporation croissante d'additifs dans les aliments.
Par ailleurs, le CNA pourrait mener une réflexion sur les allergènes alimentaires présents dans les aliments non préemballés et par conséquent non étiquetés.
Des décès récents liés à la consommation de denrées contenant de l'arachide, des macarons aux amandes, du pain aux céréales ont été déclarés par le réseau français d'allergosurveillance.
Sur des questions de société, une réflexion approfondie s'impose sur l'obésité et l'alimentation.
L'augmentation de l'obésité en particulier chez l'enfant, constitue une préoccupation constante des autorités sanitaires, en France et dans les pays occidentaux, depuis quelques années. La construction du comportement alimentaire de l'enfant est un vrai sujet de préoccupation et, à cet égard, le Conseil pourrait notamment examiner l'impact de la publicité et des allégations nutritionnelles. Au-delà, il me semble qu'il serait utile d'engager une réflexion générale sur le lien entre alimentation et obésité. Cette réflexion pourrait d'ailleurs être nourrie par les données recueillies dans le cadre du groupe de travail "politique nutritionnelle" qui devrait rendre ses recommandations en fin d'année.
Ce sont là quelques pistes.
Il me reste à vous souhaiter, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, d'excellents travaux, des débats riches de vos diversités et qui conduisent à des recommandations que nous attendons déjà avec intérêt.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 21 octobre 2003)
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Vous me permettrez, avant tout, de saluer Philippe GUERIN. Jean-François MATTEI, Renaud DUTREIL et moi-même l'avons choisi d'un commun accord pour assurer la présidence du CNA, et je voudrais le remercier sincèrement pour ses mots chaleureux et l'assurer, dans ses nouvelles fonctions, de toute ma confiance. Je ne doute pas que le Conseil tirera grand bénéfice de son expérience, que je sais riche, et de sa grande disponibilité.
Je voudrais également saluer les membres qui ont rejoint ce nouveau Conseil National de l'Alimentation.
A tous ceux qui se sont associés à l'élaboration des 21 avis adoptés par le CNA au cours de la dernière mandature, et d'abord à Christian BABUSIAUX, qui sous sa présidence a su donner à ce Conseil et un dynamisme et un professionnalisme reconnus, je voudrais enfin dire à quel point j'ai apprécié la qualité des travaux qu'ils ont conduits.
Après avoir participé à la session de rentrée du Conseil National de l'Alimentation, le 19 septembre 2002, c'est avec plaisir que je viens aujourd'hui, avec Jean-François MATTEI et Renaud DUTREIL, installer un CNA renouvelé.
Je souhaite que le Conseil reprenne aussi vite que possible le cours de ses activités, parce que - l'expérience l'a prouvé - vos réflexions et vos recommandations sont précieuses pour éclairer les pouvoirs publics dans ce domaine de la politique de l'alimentation.
Le 19 septembre, je vous avais dit mon souhait que votre Conseil porte plus particulièrement son attention au contrat de confiance unissant les agriculteurs aux consommateurs, et plus largement aux citoyens, un contrat que les crises sanitaires qui se sont succédées au cours des dernières années avaient ébranlé. J'avais alors dégagé quelques axes qui me semblaient de nature à rétablir cette confiance : renforcer le dialogue entre tous les acteurs de la chaîne alimentaire ; mettre en uvre le principe de précaution de façon cohérente et proportionnée ; enfin, promouvoir la qualité et la diversité de nos produits agricoles et alimentaires. Je suis profondément convaincu que chacun d'entre eux demeure d'actualité.
Ce matin, je voudrais revenir avec vous sur le rôle institutionnel que les pouvoirs publics souhaitent confier à votre Conseil, mettre en perspective son activité ces trois dernières années, tenter de dissiper certaines critiques et évoquer avec vous quelques sujets de fond sur lesquels je souhaiterais recueillir l'avis de votre Conseil.
Préciser le rôle du CNA
Mais, avant tout, je voudrais revenir sur le contexte dans lequel s'inscrivent vos travaux et vous préciser mes attentes en tant que Ministre chargé de l'Alimentation.
Le contexte, notamment institutionnel, dans lequel intervient le Conseil National de l'Alimentation a bien changé depuis la parution du décret du 27 novembre 1985 qui en porta création.
Le secteur de l'alimentation a traversé, ces dernières années, plusieurs crises sanitaires qui ont donné lieu à une forte médiatisation. Pour y répondre, les pouvoirs publics ont entrepris de regrouper l'expertise scientifique au sein d'agences et d'instituts indépendants, car la connaissance des facteurs de risque, leur hiérarchisation et la mobilisation de toutes les compétences disponibles, sont essentielles pour éclairer le plus précisément possible la décision des responsables politiques en charge de sa gestion.
Cela étant, de nombreuses organisations membres du CNA sont favorables - je le sais - à ce qu'il ne soit pas conféré à l'expertise sanitaire, même si son importance est majeure, la qualité d'une expertise exclusive. Depuis quelques années, le Codex alimentarius a, d'ailleurs, consacré la nécessité de prendre en compte ces " autres facteurs légitimes " pour fonder la décision publique. Il est ainsi indispensable que d'autres sciences, d'autres disciplines et d'autres savoirs puissent réintroduire ce que l'évaluation scientifique n'a pas vocation à prendre en considération. Je pense aux savoirs professionnels partagés au sein du Conseil, aux connaissances des réalités de l'univers professionnel, de la production à la distribution, en passant par la transformation. Je pense également aux comportements concrets des consommateurs. En outre, des disciplines telles que la sociologie, l'économie, la philosophie ou le droit peuvent, par leur démarche scientifique, concourir, avec la même pertinence, à l'appréciation globale et de ses conséquences et de ses enjeux.
J'ai bien noté que le Conseil avait veillé, ces dernières années, à fonder ses avis et ses recommandations sur une analyse socio-économique approfondie. Je crois souhaitable que l'élaboration des rapports sur lesquels vous fondez vos avis puisse être considérée comme un acte d'expertise. Cette orientation que vous avez embrassée nous a conduit à solliciter des personnalités qualifiées d'horizons souvent très divers.
Votre démarche qui consiste à émettre des préconisations en ayant réfléchi à leur impact, à leur faisabilité et à leur perception, me semble être la bonne pour éclairer avec le plus de pertinence le Gouvernement, mais aussi les acteurs de la chaîne alimentaire et l'opinion publique. Sans doute n'est-il pas utile que le CNA se trouve systématiquement saisi avant toute décision. Mais dans ce domaine de l'alimentation, par essence sensible, les Français attendent un schéma de décision clair et permettant d'apprécier le poids relatif de chacun des arguments participant à la décision.
Dans mon esprit, le CNA - et c'est là son rôle - doit apporter cet éclairage préalable aux décisions les plus importantes. Pour l'aider à encore mieux le remplir, je veillerai à ce que votre Conseil puisse chaque fois être saisi le plus en amont de la prise de décision.
Porter un jugement des travaux des trois dernières années
Comme je l'ai déjà indiqué, j'ai été sensible aux travaux du CNA dans ses différentes dimensions :
- l'activité du Conseil, tout d'abord,
J'ai entendu certaines organisations manifester le désir d'un rythme peut-être un peu moins soutenu. Les 20 avis rendus par le Conseil résultaient de 18 saisines ministérielles, et il me semble aujourd'hui nécessaire que le Gouvernement formule quelques priorités claires quant à son action. Je suis, en outre, favorable à ce que vous vous saisissiez des questions qui vous semblent mériter examen, et je vous fais confiance pour faire le meilleur usage de cette faculté d'autosaisine
- la valorisation du travail, ensuite,
Si la qualité et l'utilité des travaux du CNA sont unanimement reconnues, ceux-ci demeurent hélas trop souvent confidentiels. Je pense, comme certains d'entre vous l'ont suggéré, qu'il est nécessaire de mieux répartir l'énergie consacrée à la réalisation et celle consacrée à la valorisation de vos travaux. Et c'est dans cet esprit que je vous invite, Monsieur le Président, à définir avec les Directions Générales qui participent activement au fonctionnement du CNA, de nouvelles modalités de diffusion de vos avis. Le Ministère que je dirige vous y aidera.
- le suivi des avis, enfin
Je sais que beaucoup de vos membres s'interrogent fréquemment sur l'utilité réelle pour leurs organisations de leur implication dans une réelle instance de concertation. Comme je vous l'avais proposé en septembre 2002, les administrateurs actualiseront fréquemment un tableau d'indicateurs d'activité. Le secrétariat du CNA bénéficiera du soutien de nos services pour élaborer ce tableau, dont vous avez déjà adopté le principe et la structure.
Définir des axes de travail
Avant d'aborder quelques questions plus spécifiques, je voudrais préciser avec vous les principes qui doivent fonder vos réflexions : la cohérence des interventions publiques, l'efficacité des actions de l'Etat, éventuellement ses forces et ses faiblesses, enfin, l'articulation et l'équilibre qui doit être trouvé entre les approches purement réglementaires et les actions volontaires.
En ce qui concerne les travaux en cours, j'attache la plus grande importance à ce que vous puissiez conclure la réflexion sur l'utilisation des intrants agricoles pour laquelle je vous ai donné mandat en septembre 2002. Je sais, par ailleurs, que vous allez rendre prochainement un avis attendu sur le développement des signes d'identification de la qualité et de l'origine des produits agricoles et alimentaires.
Je ne vous cache pas une certaine impatience à lire vos recommandations tant cette question me semble cruciale pour notre pays dont la notoriété internationale tient pour beaucoup - nous le savons tous - à ses produits alimentaires et à ses traditions culinaires.
En prolongement de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), nous devons trouver une meilleure assise communautaire à la politique de valorisation de la qualité et de l'origine, de façon à ce que nos produits soient non seulement mieux reconnus, mais également mieux protégés des détournements d'image et des pratiques de concurrence déloyale. Seule une position communautaire robuste permettra de définir, au niveau international, un cadre de régulation du commerce des produits agricoles et alimentaires de qualité, conforme à nos attentes.
Sans anticiper sur vos conclusions, mais, à la lumière des échanges que j'ai déjà eus avec les acteurs de plusieurs filières, une évolution du dispositif national me semble souhaitable. Rendre les signes d'identification de la qualité et de l'origine plus accessibles aux opérateurs économiques, améliorer la lisibilité du dispositif et mieux prendre en compte les attentes des consommateurs, et notamment celles qui se font jour, sont les principaux objectifs que nous devons poursuivre. Je suis convaincu que votre avis nous y aidera.
Communiquer sur l'alimentation
Claude FISCHLER a montré que l'aliment n'est pas un bien de consommation comme les autres, et Claude LEVI-STRAUSS nous a appris qu' " un aliment doit être bon non seulement à manger mais aussi bon à penser ". Car nous consommons non seulement de la nourriture, mais également les symboles qui lui sont attachés.
C'est à cette lumière que nous pouvons mieux comprendre pourquoi les méthodes de communication retenues jusqu'alors pour annoncer la mise en oeuvre des mesures sanitaires se sont avérées assez systématiquement anxiogènes. Elles ont conduit les consommateurs à s'enfermer dans une obsession quasiment tyrannique du risque zéro, alors que l'alimentation est un domaine où les risques sont considérés comme bien maîtrisés et que la qualité des aliments proposés aux consommateurs n'a cessé de s'améliorer au cours des dernières décennies.
Nous devons, au contraire, rétablir une relation plus détendue entre les consommateurs et leur alimentation. Les consommateurs n'ont pas perdu leur bon sens et sont, fort heureusement, très attachés au libre choix. Mais ils savent aussi que ce choix se raisonne et qu'il peut être plus ou moins judicieux en fonction de l'activité professionnelle, de l'âge et de certaines circonstances de la vie comme la grossesse ou le vieillissement. Enfin, les consommateurs apprécient toutes les dimensions de l'acte alimentaire, tels que le plaisir, la convivialité, l'identité culturelle, ou l'insertion sociale.
Ces dernières années, les institutions, les prescripteurs d'opinion, se sont essentiellement attachés à des préoccupations d'ordre sanitaire, et cette attention, quoique nécessaire, nous a éloigné des autres dimensions de l'alimentation.
Il me semble impératif que la communication des acteurs institutionnels, des opérateurs économiques, et des prescripteurs d'opinion prenne mieux en compte ces réalités et les tendances qui se dessinent aujourd'hui. Je pense notamment à la sensibilité croissante de nos concitoyens à leur nutrition, au bénéfice d'une alimentation saine et diversifiée et à la présentation des modèles alimentaires traditionnels, qui ont fait la réputation de notre gastronomie.
Il me semble utile, à cet égard, que vous analysiez l'évolution des modes de communication utilisés dans le domaine alimentaire, durant la dernière décennie, et que vous étudiez les voies d'une meilleure adéquation des messages à notre époque et à nos modes de vie.
Articuler la politique alimentaire avec les autres politiques publiques
Vous savez tous que la conduite de la politique de l'alimentation est un domaine partagé, la présence de trois ministres à l'occasion de l'installation de ce nouveau CNA l'illustre bien.
Comme vous l'avez vous-même souligné dans un avis récent, le droit de l'alimentation est réparti entre trois Codes : le Code rural, le Code de la consommation et le Code de la santé publique. Plusieurs administrations veillent à sa mise en oeuvre, parmi lesquelles la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) et la Direction des Politiques Economique et Internationale (DPEI), pour le compte du Ministère dont j'ai la responsabilité.
L'éclatement des compétences n'est pas la moindre des critiques que les usagers peuvent nous adresser, et l'écueil d'une approche trop sectorielle est réel. Qu'il s'agisse de la politique agricole, de la politique de la consommation ou de la politique de la santé publique, chacune a naturellement son autonomie.
Je crois pourtant indispensable, si nous voulons concevoir et mettre en oeuvre une véritable politique de l'alimentation, de limiter les approches fragmentaires et les effets de cloisonnement. Nous devons également développer des synergies dans l'action du Gouvernement et des prolongements entre les politiques publiques, pour bien prendre en compte les attentes des consommateurs. C'est, d'ailleurs, dans cet état d'esprit que j'ai installé, en septembre 2002, le Conseil de Prospective Européenne et Internationale pour l'Agriculture et l'Alimentation. Ses travaux sont complémentaires de ceux que vous conduisez. Le rapport que m'a remis en mai dernier son président, Thierry de MONTBRIAL, s'est ainsi prononcé sur les adaptions devant être apportées à la PAC, de façon à répondre aux exigences nouvelles de la société européenne et aux nécessités de la régulation du commerce international, tout en assurant le développement durable de l'agriculture, un secteur à bien des égards fondateurs de l'identité française.
C'est, d'ailleurs, l'esprit des dispositions du compromis trouvé en juin à l'occasion du Conseil de Luxembourg, subordonnant l'octroi des aides directes au respect de certains critères dans les domaines de l'environnement, du bien-être animal et de la sécurité des aliments.
Pour jeter les bases d'une politique de l'alimentation rénovée, le CNA, de sa part sa composition transversale et les sensibilités qui peuvent s'y exprimer, me semble être le lieu privilégié d'une réflexion de fond sur ce sujet.
Mettre en oeuvre la responsabilité des opérateurs
La plupart des organisations membres du CNA savent que le règlement du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux de la législation alimentaire constitue un acte fondamental de la refonte de la législation communautaire en ce domaine. Ce texte précise plusieurs notions essentielles, qu'il s'agisse du champ des responsabilités des opérateurs économiques ou du principe de précaution. Il donne également un cadre juridique à la traçabilité.
L'obligation pour nos entreprises agroalimentaires et de distribution de respecter les dispositions de ce règlement au plus tard le 1er janvier 2005 constitue pour elles un défi. Nous devons, dans ces conditions, envisager les aspects juridiques, techniques, financiers, sociaux d'une bonne préparation de ces échéances. Vos réflexions en ce domaine pourraient, d'ailleurs, déborder le seul champ de la sécurité des aliments.
Assurer ou mutualiser les risques sanitaires de la chaîne alimentaire
Les organisations professionnelles ont appelé mon attention sur le fait que les producteurs supportent le coût, en cas de retrait de produits ou d'interruption d'activité motivés par des raisons sanitaires ou phytosanitaires. Seules certaines mesures de lutte contre les maladies animales réglementées font l'objet d'une indemnisation par l'Etat lorsque des cheptels doivent être totalement ou partiellement éliminés. Or, les assureurs sont réticents à couvrir de tels risques, sinon au prix de primes prohibitives. La mutualisation ne constitue, d'ailleurs, pas nécessairement une solution plus simple.
Pour faire suite à cette demande très ancienne, le CNA pourrait réfléchir à une évolution des dispositifs, afin de traiter plus équitablement les opérateurs concernés et mieux maîtriser les conséquences économiques liées à des dommages sanitaires ou phytosanitaires, tant dans les domaines animal que végétal.
Conclusion
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Comme je vous l'ai indiqué en septembre dernier, j'ai à coeur de mettre en oeuvre une politique de l'alimentation cohérente et qui concilie les exigences de sécurité, de qualité et de diversité.
Je sais qu'une politique de l'alimentation profitable à la collectivité doit se garder de considérer le fait alimentaire sous un angle strictement sanitaire, mais donner du relief à nos savoir-faire et à nos traditions culinaires, à notre inventivité et à nos capacités d'innovation. Je ne vois, d'ailleurs, que des avantages, sur les plans économique, culturel et nutritionnel, à défendre notre modèle alimentaire partout où il est mis en cause.
Monsieur le Président, je mesure bien l'extrême difficulté de votre tâche tant l'alimentation occupe une place importante dans la vie et l'identité de chacun, une place qui dépend aussi de notre propre représentation des aliments en fonction de notre milieu et de notre culture. C'est, d'ailleurs, parce que la charge symbolique de l'alimentation est importante et les sujets souvent passionnels, que celle-ci ne peut être considérée comme " un bien de consommation comme les autres ", mais qu'elle doit faire l'objet d'un traitement spécifique, au sein d'une instance, qui prenne également en compte ses dimensions sociale et culturelle. S'il n'est ni possible, ni même souhaitable de s'immiscer dans les choix individuels, il est, en revanche, indispensable que nous répondions aux préoccupations et aux attentes de nos concitoyens, qu'elles concernent la sécurité sanitaire, la qualité organoleptique des aliments, le respect de l'environnement, le commerce équitable, le bien-être animal ou encore l'incidence de l'alimentation sur la santé. Je vous invite donc à n'écarter aucun sujet, aucun débat même s'il s'annonce difficile. Aucune mesure, aucune règle n'est, à l'inverse, gravée dans le marbre pour l'éternité.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous souhaite pour les trois années à venir des débats, riches et passionnants. Je vous souhaite aussi de trouver les meilleurs consensus pour aider le Gouvernement à conduire sa politique dans ce domaine, a bien des égards, essentiel de l'alimentation.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 26 septembre 2003)
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que je viens aujourd'hui installer avec Jean-François MATTEI et Hervé Gaymard un Conseil National de l'Alimentation renouvelé.
Tout d'abord, je tiens à féliciter tous les membres de ce Conseil qui sera présidé par Philippe Guérin. Après le Professeur Christian CABROL, éminent cardiologue, et Christian BABUSIAUX, spécialiste de la consommation, Philippe GUERIN, ingénieur général du génie rural, des eaux et forêts, et ancien directeur général de l'alimentation va faire bénéficier le Conseil de son expérience très riche et de sa disponibilité, puisqu'il cessera prochainement ses fonctions au Conseil général du génie Rural, des eaux et forêts.
Je suis heureux d'être parmi vous pour l'installation de ce nouveau Conseil National de l'Alimentation.
Tout d'abord, je tiens à féliciter tous les membres du nouveau Conseil National de l'Alimentation qui va engager ses travaux, sans tarder. Vous commencez, en effet, dès aujourd'hui, je crois, l'examen des propositions d'un groupe de travail du CNA qui doivent donner lieu à un avis sur lequel votre instance doit s'accorder.
Vous allez ainsi rentrer très vite dans le coeur de vos missions : être une force de propositions pour le Gouvernement sur des questions de politique alimentaire expertisées dans vos groupes de travail.
La politique de l'alimentation comporte de multiples enjeux :
- économiques : le secteur agroalimentaire est un des piliers de l'économie française,
- de santé en termes de sécurité sanitaire et de nutrition,
- et, bien sûr, de consommation. Les consommateurs veulent des produits sûrs. La sécurité sanitaire est, pour eux, une préoccupation majeure. Ils veulent également des produits de qualité et, de plus en plus, des produits qui aient du goût, des produits " naturels ", " authentiques ", du terroir.
Vos travaux sont attendus avec intérêt d'autant que cette fonction de débat, de relais des demandes, des préoccupations de la société civile sur les questions qui ont trait à la politique de l'alimentation, vous l'assurez avec d'autres instances.
Il existe en effet trois organismes intervenant en matière alimentaire et leur rôle me paraît parfaitement complémentaire.
l'AFSSA assure une fonction scientifique axée sur la sécurité
Le Conseil National de la Consommation (CNC) que j'ai l'honneur de présider, assure une fonction d'interface. Il constitue pour sa part un lieu d'élaboration de consensus négociés entre professionnels et consommateurs et donc de discussion de textes dans le domaine agroalimentaire. Sur des dispositifs réglementaires sensibles et complexes tels que ceux sur l'étiquetage et la traçabilité de la viande bovine, la consultation des professionnels et des consommateurs, dans la formation paritaire qui est celle du CNC, s'avère être un élément important de leur élaboration, de leur compréhension et donc de leur fonctionnement ultérieur.
le CNA.,quant à lui assure une fonction de stratégie concernant les grands enjeux de la politique alimentaire. C'est là qu'on vous attend avec une approche en terme de filières et de satisfaction des besoins alimentaires de l'homme. Vous réunissez tous les acteurs de la chaîne alimentaire, producteurs, transformateurs, artisans, professionnels de la restauration, distributeurs, consommateurs ce qui vous permet d'engager les réflexions dans la transparence la plus large. Un avis comme celui sur " l'information relative aux modes d'élevage pour les filières bovine et avicole ", en est l'illustration.
La complémentarité de ces deux instances est indispensable pour prendre des décisions qui engagent, à travers l'alimentation, le quotidien et surtout le bien-être de chacun de nous.
Vos travaux seront denses, je le sais. Outre les chantiers en cours dont, au premier chef celui sur les signes de qualité que j'ai évoqué, il me semble que le CNA pourrait inclure dans son programme quelques thèmes de travail importants pour la protection et l'information des consommateurs.
En premier lieu, il me semble que, dans le cadre de la complémentarité des instances d'expertise socio-économiques et scientifique, une réflexion pourrait s'engager pour déterminer comment le CNA pourrait relayer les avis de l'AFSSA et apporter une approche complémentaire et nécessaire aux avis de cette Agence par une analyse bénéfice/risque.
Des études sur l'analyse bénéfice/risque de l'utilisation de telles technologies nouvelles me semblent nécessaires pour aider à la prise de décisions. C'est le cas pour l'utilisation des micro-organismes dans l'industrie alimentaire.
Traditionnellement utilisés dans l'industrie alimentaire, pour leurs propriétés technologiques (industrie laitière, charcuterie, panification etc.), les micro-organismes sont désormais fréquemment incorporés en raison de leurs propriétés nutritionnelles (du fait, notamment, de leur action sur l'appareil digestif). Or les techniques mises en oeuvre et les précautions prises pour s'assurer de leur innocuité ne sont pas toujours bien connues. Une réflexion pourrait donc être menée sur ce dossier.
De la même façon, le CNA pourrait opérer une approche bénéfice/risque relative à l'incorporation croissante d'additifs dans les aliments.
Par ailleurs, le CNA pourrait mener une réflexion sur les allergènes alimentaires présents dans les aliments non préemballés et par conséquent non étiquetés.
Des décès récents liés à la consommation de denrées contenant de l'arachide, des macarons aux amandes, du pain aux céréales ont été déclarés par le réseau français d'allergosurveillance.
Sur des questions de société, une réflexion approfondie s'impose sur l'obésité et l'alimentation.
L'augmentation de l'obésité en particulier chez l'enfant, constitue une préoccupation constante des autorités sanitaires, en France et dans les pays occidentaux, depuis quelques années. La construction du comportement alimentaire de l'enfant est un vrai sujet de préoccupation et, à cet égard, le Conseil pourrait notamment examiner l'impact de la publicité et des allégations nutritionnelles. Au-delà, il me semble qu'il serait utile d'engager une réflexion générale sur le lien entre alimentation et obésité. Cette réflexion pourrait d'ailleurs être nourrie par les données recueillies dans le cadre du groupe de travail "politique nutritionnelle" qui devrait rendre ses recommandations en fin d'année.
Ce sont là quelques pistes.
Il me reste à vous souhaiter, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, d'excellents travaux, des débats riches de vos diversités et qui conduisent à des recommandations que nous attendons déjà avec intérêt.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 21 octobre 2003)