Texte intégral
C'est pour moi un grand plaisir et un grand privilège de vous recevoir ici au Quai d'Orsay.
C'est un moment historique que cette rencontre à Paris des présidents des Assemblées nationales des pays adhérents. Le Gouvernement français rend hommage au président Debré qui a eu l'heureuse idée de vous convier.
Qui aurait imaginé, voici à peine quinze ans, que les personnages les plus emblématiques de la démocratie pluraliste - les présidents des Assemblées - puissent ainsi représenter des pays dont la plupart ont été contraints de rejeter ce système pendant un demi-siècle ?
Qui aurait imaginé que les présidents des Assemblées nationales de ces pays soient ainsi amenés à se réunir à proximité d'un des lieux les plus illustres de l'histoire européenne récente : à savoir le salon de l'Horloge ?
Car, Mesdames et Messieurs les Présidents, c'est dans ce salon que vous venez de traverser que Robert Schuman, le 9 mai 1950, a prononcé son discours fondateur. C'est dans ce salon qu'il a appelé au "rassemblement des nations européennes" au service de la paix, et qu'il a souligné l'engagement de la France dans la construction d'une Europe unie.
Jusqu'ici, l'Europe n'a pu être véritablement unie, dès lors que cette Union des nations d'Europe s'arrêtait au pied du mur de Berlin. Désormais, il n'y a plus cette frontière de la honte entre nous, et enfin, vous nous rejoignez.
Permettez-moi, en cet instant, de vous adresser trois messages :
Le premier a trait au rôle de la démocratie pluraliste, comme expression de la valeur fondamentale qu'est l'Etat de droit. Sans cette démocratie, appuyée sur des élections libres, ouvertes et transparentes, l'Europe ne serait pas un modèle dans le monde. C'est parce que les peuples veulent la liberté et la prospérité qu'elle engendre qu'ils sont si nombreux à frapper à la porte de l'Europe. Les résultats des référendums que vous avez organisés sur l'adhésion le démontrent amplement. Ces résultats sont porteurs d'espérance et nous vous accueillons donc avec joie et avec enthousiasme. Sachez aussi que nous, Français, continuerons à vous accompagner dans la voie des efforts surhumains que vous consentez pour vous adapter aux standards européens.
Le deuxième message est relatif à la place que les Parlements nationaux ont prise ces dernières années dans la construction européenne. Car leur rôle est clé pour permettre de consolider et de démocratiser l'Europe. Jusqu'à il y a peu d'années, les Parlements nationaux étaient surtout sollicités pour la ratification des traités européens. Puis, des mécanismes ont été mis en place pour les consulter sur les négociations européennes en cours, sur les directives et règlements, voire sur les politiques de l'Union. Mais aujourd'hui, une nouvelle ère s'annonce. Les parlements nationaux deviennent partie intégrante du dispositif institutionnel communautaire. Le rôle des parlementaires nationaux a déjà été déterminant à la Convention. Mais vous allez voir maintenant vos compétences accrues dans le cadre du Traité constitutionnel à venir, comme "déclencheur" du mécanisme d'alerte prévu pour le contrôle de subsidiarité.
Mais mon troisième message est que cela ne suffit pas. Votre vocation n'est pas seulement, en effet, d'empêcher certaines extensions inconsidérées des compétences de l'Union européenne. Elle est surtout de faire vivre l'Europe sur le terrain, dans les esprits et dans les coeurs de vos concitoyens. Par la proximité qu'ils ont avec les hommes et les femmes de leurs pays, les députés sont les meilleurs interlocuteurs pour leur expliquer l'Europe et les faire adhérer à l'entreprise la plus exaltante de ce début de siècle : bâtir un espace de paix, de solidarité, de tolérance et de démocratie. Dans cet espace, nos peuples sont unis tout en restant, chacun, attaché à sa propre histoire et à son identité nationale.
Ce que nous disons à ces peuples, unis dans leur diversité, c'est que la démocratie pluraliste que vous incarnez est le meilleur antidote à l'autoritarisme, que vous avez connu, d'un pouvoir non efficacement contrôlé. "La pire des Chambres vaut mieux encore que la meilleure des antichambres" a déclaré Cavour. Voulant dire par là que des procédures parlementaires - fussent-elles imparfaites - en ce qu'elles supposent le droit à la critique, sont toujours préférables à la flatterie.
C'est parce que les jeunes ont, en ce sens, les yeux ouverts sur le monde et la liberté d'expression facile que j'ai demandé à un groupe d'étudiants venant de vos différents pays et réunis par l'association "Le Pont Neuf", d'intervenir dans notre débat. Un débat qui sera hélas trop bref, mais qui pour moi - comme je l'ai dit d'entrée de jeu - est un moment véritablement historique./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2003)