Texte intégral
Q- J. Chirac a tenu hier une conférence de presse, ce qu'il n'avait pas fait depuis six ans. Comment l'avez-vous trouvé dans cet exercice ?
R- "Il parle peu J. Chirac ! C'est même une exception dans la vie politique française depuis la Vème République, qu'un président de la République soit aussi peu loquace, et aussi peu présent ! Et en plus, permettez-moi de le dire, quand il parle, il ne dit rien ! Ce qui quand même pose un problème.
R - Pas simplement par rapport aux moments que nous traversons : l'élargissement de l'Europe, qui appelait une vision de la construction européenne, un volontarisme à la veille d'une négociation sur la future Constitution. On ne connaît toujours pas le mandat qui va être confié aux négociateurs français dans quelques jours, pour améliorer encore cette Constitution. Il est resté plus que vague sur la ratification de cette future Constitution. Et enfin, sur la Turquie, il s'est montré en contradiction avec sa famille politique.
- Donc ce qui m'a frappé, au-delà d'une forme, qu'il paraissait avoir - et je m'en félicite pour sa santé -, mais je pense qu'il a révélé l'ampleur du vide au sommet de l'Etat."
Q- Sur la ratification de la Constitution, voie parlementaire ou référendum, le chef de l'Etat ne s'est évidemment pas prononcé hier ; il a dit que ce serait prématuré. Qu'après tout qu'un chef de l'Etat veuille garder le plus longtemps possible les mains libres, cela paraît normal, non ?
R - "Ce qui serait prématuré, ce serait de dire tout de suite oui ou non à une Constitution qui n'est pas encore écrite, puisqu'elle ne sera semble-t-il achevée qu'au sommet européen de la mi-juin, et peut-être encore après s'il y a des difficultés.
- Donc on peut parfaitement comprendre que le président de la République, à ce stade, ne s'engage pas sur l'approbation de la Constitution.
- Mais sur la modalité de ratification, référendum ou congrès parlementaire : là, il n'y a pas de débat sur le contenu, c'est simplement une volonté ou pas, de consulter le peuple. Et je crois qu'il aurait pu dès à présent dire quelle était sa décision. Elle ne dépendait pas du texte, elle dépendait d'abord d'une conception, et de l'Europe, et des institutions."
Q- Et vous, votre souhait est qu'il y ait un référendum ? Quels que soient
les risques ?
R - "Oui. Au-delà des sensibilités, pour tous les responsables politiques, si le texte a cette importance-là, une Constitution pour l'Europe, cela mérite une consultation des Français."
Q- Mais le chef de l'Etat n'a pas rejeté cette hypothèse hier. Nous sommes d'accord...
R - "Il ne l'a pas rejetée. Si je puis dire : il n'a rien dit !"
Q- "Ma conviction", a-t-il dit en revanche, "c'est que la Turquie a une vocation européenne". Alors là, c'est clair.
R - "Oui et c'est la position de la France depuis 1999. Et je ne vais pas la récuser, puisque c'était dans un Conseil européen où étaient présents, et L. Jospin, et J. Chirac. Et moi j'ai de la cohérence et de la suite dans les idées..."
R - "J. Chirac aussi, mais visiblement pas sa famille politique. Puisque si j'ai bien compris, ces derniers jours il y a une entrée en campagne de l'UMP pour les élections européennes, sur le thème : "Non à la Turquie" !
- Il ne s'agit pas de dire non ou oui, là, pour le coup. Il s'agit de fixer des conditions. Et ce qu'a dit J. Chirac, c'est ce que j'avais dit aussi précédemment : c'est que ces conditions ne sont pas réunies."
Q- Donc J. Chirac ne s'est pas aligné sur l'UMP, voilà...
R - "Non, il s'est aligné sur la position de la France. Je ne m'en plains pas. Mais il faudrait quand même, quand on est président de la République, chef d'une majorité présidentielle, être, au moins pour des élections qui viennent - et il a appelé les électeurs, et moi aussi, à venir nombreux voter - être en phase avec sa famille politique !"
Q- Vous aviez réclamé au Gouvernement un peu de cohérence sur le plan budgétaire, et hier J. Chirac a conditionné la poursuite de la baisse des impôts à la croissance. En gros il a dit qu'on les fera, si on peut. Là, de ce point de vue, vous êtes satisfait ?
R - "C'est quand même une vision un peu courte de la politique économique : on fera si on peut ! Mais là aussi, où est le volontarisme ? Où est l'ambition ? Et il y a l'avalanche de contradictions au sommet de l'Etat. C'est le vide et en même temps la contradiction. Contradiction où il affirme la priorité à la cohésion sociale, et en même, temps le ministre d'Etat, ministre du Budget, rogne les crédits du ministère qui a justement en charge la cohésion sociale, pour le logement, pour l'emploi et pour la solidarité.
R - Il nous dit : "Je veux continuer les baisses d'impôts". Baisses d'impôts pour qui ? On le sait : pour les plus favorisés. Et en même temps : "Je n'en aurai sans doute pas les moyens" !
- Ce qu'il faudrait aujourd'hui, c'est qu'il nous dise comment il veut, à la fois relancer la croissance, créer les emplois et assurer le redressement des finances publiques. Nous ne le savons pas davantage !"
Q- Il n'y a pas que J. Chirac qui a parlé hier. N. Sarkozy aussi. Il est revenu sur ses propos. Il vous avait accusé, ou il avait accusé le gouvernement Jospin, mercredi, d'avoir été passif face à la montée de l'antisémitisme en France. Et hier, N. Sarkozy a dit : "Mes propos étaient pensés, équilibrés et justes". On est loin des excuses que vous réclamez ?
R - "Oui, c'est encore plus grave s'il a pensé ses propos, et si ce n'était pas simplement un dérapage verbal. Parce que s'il les a pensés, cela voudrait dire qu'il a la conviction que pendant cinq ans, de 1997 à 2002, sous l'autorité de J. Chirac, président de la République, il n'y a pas eu tous les moyens mis pour lutter contre le racisme et pour l'antisémitisme. Et qu'il y a eu comme une faiblesse au sommet de l'Etat."
Q- Une passivité, une incompréhension peut-être ? Cela n'a pas existé ?
R - "Il n'a pas dit "incompréhension". Il a dit qu'il n'y aurait pas eu les moyens, la lutte contre l'antisémitisme. Ce qui est grave comme accusation ! Et il a même utilisé une association juive américaine, pour mettre en cause le gouvernement précédent, ce qui n'est quand même pas digne non plus !
- Donc je crois - et il ne peut pas y avoir de polémique là-dessus - qu'il y a eu une continuité dans la lutte contre l'antisémitisme, mais peut-être n'y a-t-il pas eu toujours, assez, et encore aujourd'hui, de vigilance à l'égard des phénomènes qui produisent le racisme, et surtout l'antisémitisme.
- Et donc je crois que, de ce point de vue, on doit appeler au rassemblement de tous les Républicains pour lutter contre ce type de fléau. Ce que n'a pas fait N. Sarkozy. Ce que je lui reproche aussi, c'est de diviser finalement les Français sur cette question qui devrait les rassembler. Et donc, s'il les a pensés, c'est encore plus grave !
R - Et pourquoi a-t-il prononcé ces propos ? C'est parce qu'il eut être celui qui, dans ce vide au sommet de l'Etat, conduit la droite au redressement contre la gauche... Et c'est pour cela qu'il rentre dans la provocation, dans la polémique et dans le coup bas. Et moi, ce n'est pas ma conception de la vie politique, le coup bas, et l'attaque finalement au-dessous de la ceinture.
- Et je pense que pour N. Sarkozy, qui a vocation semble-t-il à être d'abord ministre d'Etat, avant toute chose, il devrait être d'abord respectueux de la République !"
Q- Et vous avez l'impression qu'hier, J. Chirac en disant qu'il ne fallait pas polémiquer sur ce sujet, était un peu en distance par rapport à N. Sarkozy et à ses propos ?
R - "Oui, je le pense. Et finalement, N. Sarkozy s'était livré à une double provocation : et à l'égard du gouvernement précédent de L. Jospin, et à l'égard de J. Chirac."
Q- F. Hollande, qui n'a pas été en désaccord avec tout sur la conférence de presse de J. Chirac hier, était l'invité de RTL ce matin...
R- "Non, il ne s'agit pas d'être en désaccord, il s'agit surtout d'être exigeant à l'égard de ceux qui nous gouvernent !"
(Source : premier-ministre, Service d'informationdu gouvernement, le 3 mai 2004)
R- "Il parle peu J. Chirac ! C'est même une exception dans la vie politique française depuis la Vème République, qu'un président de la République soit aussi peu loquace, et aussi peu présent ! Et en plus, permettez-moi de le dire, quand il parle, il ne dit rien ! Ce qui quand même pose un problème.
R - Pas simplement par rapport aux moments que nous traversons : l'élargissement de l'Europe, qui appelait une vision de la construction européenne, un volontarisme à la veille d'une négociation sur la future Constitution. On ne connaît toujours pas le mandat qui va être confié aux négociateurs français dans quelques jours, pour améliorer encore cette Constitution. Il est resté plus que vague sur la ratification de cette future Constitution. Et enfin, sur la Turquie, il s'est montré en contradiction avec sa famille politique.
- Donc ce qui m'a frappé, au-delà d'une forme, qu'il paraissait avoir - et je m'en félicite pour sa santé -, mais je pense qu'il a révélé l'ampleur du vide au sommet de l'Etat."
Q- Sur la ratification de la Constitution, voie parlementaire ou référendum, le chef de l'Etat ne s'est évidemment pas prononcé hier ; il a dit que ce serait prématuré. Qu'après tout qu'un chef de l'Etat veuille garder le plus longtemps possible les mains libres, cela paraît normal, non ?
R - "Ce qui serait prématuré, ce serait de dire tout de suite oui ou non à une Constitution qui n'est pas encore écrite, puisqu'elle ne sera semble-t-il achevée qu'au sommet européen de la mi-juin, et peut-être encore après s'il y a des difficultés.
- Donc on peut parfaitement comprendre que le président de la République, à ce stade, ne s'engage pas sur l'approbation de la Constitution.
- Mais sur la modalité de ratification, référendum ou congrès parlementaire : là, il n'y a pas de débat sur le contenu, c'est simplement une volonté ou pas, de consulter le peuple. Et je crois qu'il aurait pu dès à présent dire quelle était sa décision. Elle ne dépendait pas du texte, elle dépendait d'abord d'une conception, et de l'Europe, et des institutions."
Q- Et vous, votre souhait est qu'il y ait un référendum ? Quels que soient
les risques ?
R - "Oui. Au-delà des sensibilités, pour tous les responsables politiques, si le texte a cette importance-là, une Constitution pour l'Europe, cela mérite une consultation des Français."
Q- Mais le chef de l'Etat n'a pas rejeté cette hypothèse hier. Nous sommes d'accord...
R - "Il ne l'a pas rejetée. Si je puis dire : il n'a rien dit !"
Q- "Ma conviction", a-t-il dit en revanche, "c'est que la Turquie a une vocation européenne". Alors là, c'est clair.
R - "Oui et c'est la position de la France depuis 1999. Et je ne vais pas la récuser, puisque c'était dans un Conseil européen où étaient présents, et L. Jospin, et J. Chirac. Et moi j'ai de la cohérence et de la suite dans les idées..."
R - "J. Chirac aussi, mais visiblement pas sa famille politique. Puisque si j'ai bien compris, ces derniers jours il y a une entrée en campagne de l'UMP pour les élections européennes, sur le thème : "Non à la Turquie" !
- Il ne s'agit pas de dire non ou oui, là, pour le coup. Il s'agit de fixer des conditions. Et ce qu'a dit J. Chirac, c'est ce que j'avais dit aussi précédemment : c'est que ces conditions ne sont pas réunies."
Q- Donc J. Chirac ne s'est pas aligné sur l'UMP, voilà...
R - "Non, il s'est aligné sur la position de la France. Je ne m'en plains pas. Mais il faudrait quand même, quand on est président de la République, chef d'une majorité présidentielle, être, au moins pour des élections qui viennent - et il a appelé les électeurs, et moi aussi, à venir nombreux voter - être en phase avec sa famille politique !"
Q- Vous aviez réclamé au Gouvernement un peu de cohérence sur le plan budgétaire, et hier J. Chirac a conditionné la poursuite de la baisse des impôts à la croissance. En gros il a dit qu'on les fera, si on peut. Là, de ce point de vue, vous êtes satisfait ?
R - "C'est quand même une vision un peu courte de la politique économique : on fera si on peut ! Mais là aussi, où est le volontarisme ? Où est l'ambition ? Et il y a l'avalanche de contradictions au sommet de l'Etat. C'est le vide et en même temps la contradiction. Contradiction où il affirme la priorité à la cohésion sociale, et en même, temps le ministre d'Etat, ministre du Budget, rogne les crédits du ministère qui a justement en charge la cohésion sociale, pour le logement, pour l'emploi et pour la solidarité.
R - Il nous dit : "Je veux continuer les baisses d'impôts". Baisses d'impôts pour qui ? On le sait : pour les plus favorisés. Et en même temps : "Je n'en aurai sans doute pas les moyens" !
- Ce qu'il faudrait aujourd'hui, c'est qu'il nous dise comment il veut, à la fois relancer la croissance, créer les emplois et assurer le redressement des finances publiques. Nous ne le savons pas davantage !"
Q- Il n'y a pas que J. Chirac qui a parlé hier. N. Sarkozy aussi. Il est revenu sur ses propos. Il vous avait accusé, ou il avait accusé le gouvernement Jospin, mercredi, d'avoir été passif face à la montée de l'antisémitisme en France. Et hier, N. Sarkozy a dit : "Mes propos étaient pensés, équilibrés et justes". On est loin des excuses que vous réclamez ?
R - "Oui, c'est encore plus grave s'il a pensé ses propos, et si ce n'était pas simplement un dérapage verbal. Parce que s'il les a pensés, cela voudrait dire qu'il a la conviction que pendant cinq ans, de 1997 à 2002, sous l'autorité de J. Chirac, président de la République, il n'y a pas eu tous les moyens mis pour lutter contre le racisme et pour l'antisémitisme. Et qu'il y a eu comme une faiblesse au sommet de l'Etat."
Q- Une passivité, une incompréhension peut-être ? Cela n'a pas existé ?
R - "Il n'a pas dit "incompréhension". Il a dit qu'il n'y aurait pas eu les moyens, la lutte contre l'antisémitisme. Ce qui est grave comme accusation ! Et il a même utilisé une association juive américaine, pour mettre en cause le gouvernement précédent, ce qui n'est quand même pas digne non plus !
- Donc je crois - et il ne peut pas y avoir de polémique là-dessus - qu'il y a eu une continuité dans la lutte contre l'antisémitisme, mais peut-être n'y a-t-il pas eu toujours, assez, et encore aujourd'hui, de vigilance à l'égard des phénomènes qui produisent le racisme, et surtout l'antisémitisme.
- Et donc je crois que, de ce point de vue, on doit appeler au rassemblement de tous les Républicains pour lutter contre ce type de fléau. Ce que n'a pas fait N. Sarkozy. Ce que je lui reproche aussi, c'est de diviser finalement les Français sur cette question qui devrait les rassembler. Et donc, s'il les a pensés, c'est encore plus grave !
R - Et pourquoi a-t-il prononcé ces propos ? C'est parce qu'il eut être celui qui, dans ce vide au sommet de l'Etat, conduit la droite au redressement contre la gauche... Et c'est pour cela qu'il rentre dans la provocation, dans la polémique et dans le coup bas. Et moi, ce n'est pas ma conception de la vie politique, le coup bas, et l'attaque finalement au-dessous de la ceinture.
- Et je pense que pour N. Sarkozy, qui a vocation semble-t-il à être d'abord ministre d'Etat, avant toute chose, il devrait être d'abord respectueux de la République !"
Q- Et vous avez l'impression qu'hier, J. Chirac en disant qu'il ne fallait pas polémiquer sur ce sujet, était un peu en distance par rapport à N. Sarkozy et à ses propos ?
R - "Oui, je le pense. Et finalement, N. Sarkozy s'était livré à une double provocation : et à l'égard du gouvernement précédent de L. Jospin, et à l'égard de J. Chirac."
Q- F. Hollande, qui n'a pas été en désaccord avec tout sur la conférence de presse de J. Chirac hier, était l'invité de RTL ce matin...
R- "Non, il ne s'agit pas d'être en désaccord, il s'agit surtout d'être exigeant à l'égard de ceux qui nous gouvernent !"
(Source : premier-ministre, Service d'informationdu gouvernement, le 3 mai 2004)