Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur l'inégalité de l'information des consommateurs selon leur catégorie socio-économique et sur la sécurité des produits, Paris, le 7 septembre 2000.

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Circonstance : Colloque "Inégalités socio-économiques et exposition aux risques" à Paris, le 7 septembre 2000

Texte intégral

Vous abordez, à l'occasion de ce colloque qui se tient à l'initiative conjointe de la Commission de la sécurité des consommateurs en France et de l'Association européenne de sécurité des consommateurs ECOSA, un thème particulièrement important et, pourtant, encore peu défriché.
Votre rencontre sera en premier lieu l'occasion de dresser un bilan, à la fois global et précis, des connaissances liées à l'influence des inégalités socio-économiques sur l'exposition des consommateurs aux risques, dans le domaine de la sécurité des produits.
Pour ce faire, vous avez réuni des spécialistes, des médecins, des décideurs venant des Etats membres de l'Union européenne. Vous bénéficierez aussi d'une illustration de l'expérience américaine sur les programmes spécifiques en direction des groupes fragiles, grâce à la présence de Mme Anne BROWN, Présidente de la Commission américaine de la sécurité des consommateurs.
Je suis convaincue que, grâce à l'ensemble de ces expériences et de ces regards que vous allez approfondir au cours de ces deux journées, votre colloque aboutira certes à mettre en relief les difficultés méthodologiques liées à l'appréciation des incidences de l'inégalité socio-économique pour la sécurité des consommateurs, mais aussi à dégager des pistes de réflexion en matière de prévention, ou encore à engager la perspective d'une collaboration européenne dans le domaine de la recherche et des actions de prévention en direction des groupes fragiles.
Pour ouvrir vos travaux, je voudrais vous livrer quelques observations que je tire de mon expérience, depuis plus de trois ans, en tant que ministre en charge de la consommation au sein du Gouvernement français.
Le premier élément est que tous les consommateurs ont droit à la sécurité. Ce droit est inscrit dans notre législation nationale, qui l'a traduit en posant dans le code de la consommation que les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et de ne pas porter atteinte à la santé des personnes.
Dans le même sens, le droit européen a établi par une directive sur la sécurité générale des produits, sur laquelle un travail d'approfondissement est aujourd'hui mené à Bruxelles par le Conseil de l'Union européenne, ainsi qu'à Strasbourg par le Parlement européen, que les producteurs sont tenus de ne mettre sur le marché que des produits sûrs.
L'obligation générale de sécurité implique que le consommateur, quel que soit son statut socio-économique, bénéficie de la même exigence de sécurité. Le domaine des produits alimentaires, à l'occasion des alertes et crises que nous avons traversé en France et en Europe, m'a ainsi amenée à réaffirmer à plusieurs reprises que la concurrence entre les opérateurs doit se faire sur la qualité spécifique de leurs produits, et non pas sur un niveau de sécurité.
Le deuxième élément que je souhaite mentionner dans le panorama de votre réflexion est que les questions de sécurité des consommateurs exigent toujours du discernement, ce que j'illustrerai de trois remarques :
* La première pour rappeler que pour tout ce qui touche au vivant dans les produits de consommation, je pense encore au secteur alimentaire, le risque zéro n'existe pas ;
* La deuxième pour mentionner que, dans le traitement de ces questions, il est à chaque fois nécessaire d'appréhender non seulement les risque liés à la conception du produit, mais aussi d'évaluer et prendre en compte les facteurs liés à son utilisation;
*La troisième pour souligner l'impact du lien entre la conception d'un produit, élément réel et objectif de la sécurité, et le niveau d'information effectif de l'utilisateur, ce qui marque bien le lien entre sécurité, information et éducation du consommateur.
Le dernier élément que je souhaite mentionner à l'ouverture de ces travaux découle des deux observations qui précèdent : tout à la fois la sécurité doit être la même pour tous, et aussi il faut aborder ces questions de sécurité avec discernement ; c'est dire que votre réflexion sur les inégalités socio-économiques et l'exposition aux risques est pleinement justifiée et même pleinement nécessaire. En France, le Gouvernement oeuvre à ce que la croissance soit solidaire, c'est-à-dire profite pleinement à tous et à chacun. Encore faut-il, selon l'approche que vous allez développer durant ces deux jours, dresser un état des lieux lucide, regrouper et analyser les connaissances qui nous permettent d'évaluer de manière plus précise, dans les faits, selon quels mécanismes et avec quelle acuité les inégalités socio-économiques influent sur l'exposition aux risques en matière de sécurité des consommateurs.
Je compte sur Mme VEDRINE, initiatrice de cette manifestation, pour m'indiquer ce que sera le résultat de vos travaux et de vos échanges.
Ce colloque, j'en suis sûre, contribuera largement à confronter les expériences, à souligner l'importance de la prévention et les enjeux d'une solidarité européenne. La présence aujourd'hui dans l'assistance de représentants de nombreux pays est à mes yeux révélatrice du caractère mobilisateur du thème de l'inégalité face aux risques.

(source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 11 septembre 2000)