Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. La réponse de la bergère au berger : F. Roussely, qui préside EDF, a demandé hier au Gouvernement de changer rapidement le statut d'EDF. Quelle est la réponse de votre Gouvernement ?
- "Je dois dire que le constat de F. Roussely ne me surprend pas. Je peux dire que nous partageons ce constat. Il est vrai qu'en effet, dans le contexte d'ouverture à la concurrence, puisqu'en juillet 2004, toutes les entreprises pourront choisir librement leur fournisseur d'électricité, il est bien évidemment tout à fait indispensable qu'EDF et GDF soient en mesure de résister à leurs concurrents. Ceci étant, la décision n'est pas encore prise. Actuellement, nous y réfléchissons, nous étudions tous les paramètres. Elle sera prise le moment venu."
Je voudrais rappeler que le Premier ministre, M. Raffarin, promettait de relancer la marche en avant vers le nouveau statut d'EDF avant la fin de l'année. Nous y sommes...
- "Nous y sommes, oui. Encore une fois, c'est une question très importante, qui nous retient beaucoup. Ce qui est important, c'est que les auditeurs comprennent les raisons pour lesquelles la question se pose. Elle se pose dans l'intérêt des usagers, elle se pose dans l'intérêt des salariés, dont d'ailleurs je tiens à préciser que le statut personnel ne changera pas - il s'agit du statut de l'entreprise et non pas des personnels. Je vais vous donner quelques exemples concrets : si EDF ne peut pas nouer des partenariats parce qu'elle manque de fonds propres, si elle est obligée de s'endetter, comme d'ailleurs cela avait été le cas pour France Télécom, vous vous en souvenez, au point de menacer son avenir, eh bien, face à des concurrents plus souples, ce sont les concurrents qui remporteront les marchés. Si GDF ne peut pas vendre de l'électricité, en raison du principe de spécialité, GDF sera là aussi affaibli face à ses concurrents."
Vous êtes en train de nous expliquer qu'il faut prendre une décision rapidement ? M. Roussely dit que le statu quo à EDF, c'est la mort. Vous êtes d'accord qu'il ne faut pas laisser mourir l'entreprise à petit feu ?
- "Je suis tout à fait d'accord qu'il ne faut pas laisser mourir l'entreprise. Ce n'est pas notre intention. La décision sera prise le moment venu."
La décision sera-t-elle bouclée avant la vague d'élections qui commence en mars ?
- "Les élections n'ont pas à interférer dans les décisions que notre Gouvernement prend. Il ne s'agit pas de choix idéologiques. Il s'agit, encore une fois, de la réussite de nos plus belles entreprises publiques."
Ce n'est pas un choix idéologique. Mais le problème, c'est le choix ? C'est d'avoir la capacité de décider quand il faut décider ?
- "Le problème, c'est la réussite de nos entreprises au plan européen."
Dans le livre qu'il publie chez Fayard sur EDF, l'économiste J.-P. Fitoussi estime qu'EDF peut devenir "l'entreprise du troisième type", associant capital public et capital privé, dans un contexte de concurrence. Il dit qu'il n'y a pas d'alternative à l'ouverture mesurée du capital. Etes-vous d'accord, là aussi ?
- "Je suis d'accord. Nous avons d'ailleurs toujours précisé - le président de la République l'avait dit il y a deux ans - que l'ouverture du capital d'EDF se ferait minoritairement. Et c'est une précision très importante à rappeler."
Mais on ne peut aller, le 1er juillet, vers l'ouverture et la libéralisation du marché sans avoir fait la réforme, c'est clair ?
- "C'est une analyse que nous faisons. Nous avions demandé aux opérateurs d'étudier la question. M. Roussely nous a fait part de ses conclusions..."
Et quand cela se produira, le prix de l'électricité baissera-t-il pour le consommateur ?
- "L'ouverture à la concurrence produit en général une baisse. C'est bénéfique pour le consommateur, bien évidemment."
EDF veut vendre du gaz. GDF veut vendre de l'électricité. On dirait du Woody Allen : c'est à la fois incohérent et rigolo ! Ne peut-on pas imaginer une seule entreprise, un géant français dans ce domaine ?
- "Ce que je peux vous dire, c'est qu'EDF-GDF Services restera fusionné, comme c'est le cas actuellement, pour le plus grand intérêt des clients."
Mais on n'ira pas plus loin ?
- "Voilà."
Le président Bush a supprimé les surtaxes sur l'acier. Il y avait des pressions de tous les côtés, y compris à l'intérieur du pays. Sans doute l'Europe y gagne-t-elle. Pour l'industrie française, c'est bon ?
- "C'est une bonne nouvelle, bien évidemment. Et c'est une bonne nouvelle aussi dans la mesure où cela montre l'utilité de l'OMC."
P. Lamy, la Commission de Bruxelles ont donc bien agi en faisant toutes les pressions, au nom de tous les gouvernements ?
- "Absolument et cela montre que lorsque l'Europe est unie, elle peut remporter des succès."
Le 16 décembre, la Commission de Bruxelles va décider probablement, sur proposition de M. Monti, de demander à EDF de rembourser 888 millions d'euros à l'Etat, parce qu'il y a eu des avantages fiscaux, etc. Est-ce que c'est bon pour les caisses de messieurs Mer et Lambert ?
- "Je vous remercie de préciser, en effet, que dans l'hypothèse où ces sommes seraient justifiées, ce qui n'est pas le cas, puisque nous contestons la position de Bruxelles. Mais il est important, en effet, de préciser que ce n'est pas de l'argent que Bruxelles réclame à la France, c'est de l'argent qu'EDF devrait verser à l'Etat français."
Vous devez être contente que monsieur Monti aide l'Etat français à récupérer ces sommes !
- "Non, je ne suis pas contente du tout ! Encore une fois, nous contestons cette décision qui affaiblirait incontestablement EDF dans le contexte dont nous venons de parler."
Executive Life est traité à Matignon et à Bercy. Pourquoi avoir pris le risque du procès ?
- "Nous avons négocié, depuis de longs mois, comme vous le savez. Des négociations intenses ont eu lieu entre le parquet fédéral de Californie et les parties françaises. Malheureusement, ces négociations n'ont pas permis à ce stade de réunir les conditions d'un accord garantissant définitivement les intérêts financiers de l'Etat. Nous souhaitons la poursuite des discussions et nous souhaitons que cette poursuite des discussions permettent un règlement définitif de cette affaire."
Puisque c'est une affaire d'Etat, il faut que ce soit réglé d'Etat à Etat ?
- "Tout à fait. C'est encore une fois des discussions - c'est une situation difficile - que nous poursuivons et j'ai bon espoir que nous puissions aboutir à quelque chose de raisonnable."
F. Roussely est près à commander l'EPR, c'est-à-dire le réacteur nucléaire de nouvelle génération. Est-ce que c'est oui, est-ce que vous l'encouragez, est-ce que vous y êtes favorable, comme lui - au moment où la Chine va se lancer dans le nucléaire - à une relance du nucléaire ?
- "J'ai soumis à la concertation tout récemment un livre blanc. Un avant-projet de loi d'orientation énergétique de la France, qui en effet, propose la construction du réacteur EPR. Je voudrais préciser que l'EPR est un projet industriel, à finalité très concrète de production d'électricité, qui devrait nous permettre de renouveler notre parc nucléaire arrivant en fin de vie, à l'échéance de 2020. C'est à ne pas confondre avec le fameux projet ITER - je me réjouis infiniment que nous ayons pu emporter au moins, dans la première manche, la candidature -, qui lui est un grand programme de recherche mais à très long terme. Cela veut dire que si le résultat était concluant, l'exploitation industrielle ne serait pas envisageable avant la fin du siècle."
Donc EPR et ITER ne sont pas contradictoires ?
- "C'est cela, absolument. Je dirais même qu'ils sont complémentaires, d'une certaine manière."
Le Premier ministre, J.-P. Raffarin, passe sous la barre des 30 % ; est-ce que cela vous choque ? C'est injuste ? Qu'est-ce qui cloche ?
- "Je serais tentée de dire que l'impopularité est le prix momentané du courage. Et J.-P. Raffarin n'en manque pas. Du temps du général de Gaulle, on disait que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille et aujourd'hui, elle ne se fait pas dans les sondages. Je crois qu'on ne mesure pas assez la situation désastreuse que nous avons trouvée en arrivant. J'ai parfois l'impression d'appartenir à une équipe de démineurs, qui trouverait presque tous les jours, des bombes à retardement : des entreprises publiques endettées jusqu'à l'os - 68 milliards d'euros pour France Télécom - une loi des 35 heures, dont madame Aubry elle-même a reconnu qu'elle avait été appliquée dans les hôpitaux, une France isolée sur le plan européen..."
Jusqu'à quand, pour justifier que cela descend, vous allez attaquer les prédécesseurs ? A un moment, cela doit s'arrêter.
- "Non, il ne s'agit pas d'attaquer les prédécesseurs, il s'agit simplement de dire que nous déminons et nous semons. Nous semons pour l'avenir et je suis convaincue que les Français le comprendront, lorsque le temps de la récolte arrivera. Il viendra, j'en suis sûre."
Moins de 30 % : croyez-vous que ce chiffre devienne dangereux comme le glas, pour certains ministres ?
- "Les fonctions ministérielles, par définition, sont éphémères. Mais fort heureusement, la vie ne se résume pas aux fonctions ministérielles."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement , le 5 décembre 2003)
- "Je dois dire que le constat de F. Roussely ne me surprend pas. Je peux dire que nous partageons ce constat. Il est vrai qu'en effet, dans le contexte d'ouverture à la concurrence, puisqu'en juillet 2004, toutes les entreprises pourront choisir librement leur fournisseur d'électricité, il est bien évidemment tout à fait indispensable qu'EDF et GDF soient en mesure de résister à leurs concurrents. Ceci étant, la décision n'est pas encore prise. Actuellement, nous y réfléchissons, nous étudions tous les paramètres. Elle sera prise le moment venu."
Je voudrais rappeler que le Premier ministre, M. Raffarin, promettait de relancer la marche en avant vers le nouveau statut d'EDF avant la fin de l'année. Nous y sommes...
- "Nous y sommes, oui. Encore une fois, c'est une question très importante, qui nous retient beaucoup. Ce qui est important, c'est que les auditeurs comprennent les raisons pour lesquelles la question se pose. Elle se pose dans l'intérêt des usagers, elle se pose dans l'intérêt des salariés, dont d'ailleurs je tiens à préciser que le statut personnel ne changera pas - il s'agit du statut de l'entreprise et non pas des personnels. Je vais vous donner quelques exemples concrets : si EDF ne peut pas nouer des partenariats parce qu'elle manque de fonds propres, si elle est obligée de s'endetter, comme d'ailleurs cela avait été le cas pour France Télécom, vous vous en souvenez, au point de menacer son avenir, eh bien, face à des concurrents plus souples, ce sont les concurrents qui remporteront les marchés. Si GDF ne peut pas vendre de l'électricité, en raison du principe de spécialité, GDF sera là aussi affaibli face à ses concurrents."
Vous êtes en train de nous expliquer qu'il faut prendre une décision rapidement ? M. Roussely dit que le statu quo à EDF, c'est la mort. Vous êtes d'accord qu'il ne faut pas laisser mourir l'entreprise à petit feu ?
- "Je suis tout à fait d'accord qu'il ne faut pas laisser mourir l'entreprise. Ce n'est pas notre intention. La décision sera prise le moment venu."
La décision sera-t-elle bouclée avant la vague d'élections qui commence en mars ?
- "Les élections n'ont pas à interférer dans les décisions que notre Gouvernement prend. Il ne s'agit pas de choix idéologiques. Il s'agit, encore une fois, de la réussite de nos plus belles entreprises publiques."
Ce n'est pas un choix idéologique. Mais le problème, c'est le choix ? C'est d'avoir la capacité de décider quand il faut décider ?
- "Le problème, c'est la réussite de nos entreprises au plan européen."
Dans le livre qu'il publie chez Fayard sur EDF, l'économiste J.-P. Fitoussi estime qu'EDF peut devenir "l'entreprise du troisième type", associant capital public et capital privé, dans un contexte de concurrence. Il dit qu'il n'y a pas d'alternative à l'ouverture mesurée du capital. Etes-vous d'accord, là aussi ?
- "Je suis d'accord. Nous avons d'ailleurs toujours précisé - le président de la République l'avait dit il y a deux ans - que l'ouverture du capital d'EDF se ferait minoritairement. Et c'est une précision très importante à rappeler."
Mais on ne peut aller, le 1er juillet, vers l'ouverture et la libéralisation du marché sans avoir fait la réforme, c'est clair ?
- "C'est une analyse que nous faisons. Nous avions demandé aux opérateurs d'étudier la question. M. Roussely nous a fait part de ses conclusions..."
Et quand cela se produira, le prix de l'électricité baissera-t-il pour le consommateur ?
- "L'ouverture à la concurrence produit en général une baisse. C'est bénéfique pour le consommateur, bien évidemment."
EDF veut vendre du gaz. GDF veut vendre de l'électricité. On dirait du Woody Allen : c'est à la fois incohérent et rigolo ! Ne peut-on pas imaginer une seule entreprise, un géant français dans ce domaine ?
- "Ce que je peux vous dire, c'est qu'EDF-GDF Services restera fusionné, comme c'est le cas actuellement, pour le plus grand intérêt des clients."
Mais on n'ira pas plus loin ?
- "Voilà."
Le président Bush a supprimé les surtaxes sur l'acier. Il y avait des pressions de tous les côtés, y compris à l'intérieur du pays. Sans doute l'Europe y gagne-t-elle. Pour l'industrie française, c'est bon ?
- "C'est une bonne nouvelle, bien évidemment. Et c'est une bonne nouvelle aussi dans la mesure où cela montre l'utilité de l'OMC."
P. Lamy, la Commission de Bruxelles ont donc bien agi en faisant toutes les pressions, au nom de tous les gouvernements ?
- "Absolument et cela montre que lorsque l'Europe est unie, elle peut remporter des succès."
Le 16 décembre, la Commission de Bruxelles va décider probablement, sur proposition de M. Monti, de demander à EDF de rembourser 888 millions d'euros à l'Etat, parce qu'il y a eu des avantages fiscaux, etc. Est-ce que c'est bon pour les caisses de messieurs Mer et Lambert ?
- "Je vous remercie de préciser, en effet, que dans l'hypothèse où ces sommes seraient justifiées, ce qui n'est pas le cas, puisque nous contestons la position de Bruxelles. Mais il est important, en effet, de préciser que ce n'est pas de l'argent que Bruxelles réclame à la France, c'est de l'argent qu'EDF devrait verser à l'Etat français."
Vous devez être contente que monsieur Monti aide l'Etat français à récupérer ces sommes !
- "Non, je ne suis pas contente du tout ! Encore une fois, nous contestons cette décision qui affaiblirait incontestablement EDF dans le contexte dont nous venons de parler."
Executive Life est traité à Matignon et à Bercy. Pourquoi avoir pris le risque du procès ?
- "Nous avons négocié, depuis de longs mois, comme vous le savez. Des négociations intenses ont eu lieu entre le parquet fédéral de Californie et les parties françaises. Malheureusement, ces négociations n'ont pas permis à ce stade de réunir les conditions d'un accord garantissant définitivement les intérêts financiers de l'Etat. Nous souhaitons la poursuite des discussions et nous souhaitons que cette poursuite des discussions permettent un règlement définitif de cette affaire."
Puisque c'est une affaire d'Etat, il faut que ce soit réglé d'Etat à Etat ?
- "Tout à fait. C'est encore une fois des discussions - c'est une situation difficile - que nous poursuivons et j'ai bon espoir que nous puissions aboutir à quelque chose de raisonnable."
F. Roussely est près à commander l'EPR, c'est-à-dire le réacteur nucléaire de nouvelle génération. Est-ce que c'est oui, est-ce que vous l'encouragez, est-ce que vous y êtes favorable, comme lui - au moment où la Chine va se lancer dans le nucléaire - à une relance du nucléaire ?
- "J'ai soumis à la concertation tout récemment un livre blanc. Un avant-projet de loi d'orientation énergétique de la France, qui en effet, propose la construction du réacteur EPR. Je voudrais préciser que l'EPR est un projet industriel, à finalité très concrète de production d'électricité, qui devrait nous permettre de renouveler notre parc nucléaire arrivant en fin de vie, à l'échéance de 2020. C'est à ne pas confondre avec le fameux projet ITER - je me réjouis infiniment que nous ayons pu emporter au moins, dans la première manche, la candidature -, qui lui est un grand programme de recherche mais à très long terme. Cela veut dire que si le résultat était concluant, l'exploitation industrielle ne serait pas envisageable avant la fin du siècle."
Donc EPR et ITER ne sont pas contradictoires ?
- "C'est cela, absolument. Je dirais même qu'ils sont complémentaires, d'une certaine manière."
Le Premier ministre, J.-P. Raffarin, passe sous la barre des 30 % ; est-ce que cela vous choque ? C'est injuste ? Qu'est-ce qui cloche ?
- "Je serais tentée de dire que l'impopularité est le prix momentané du courage. Et J.-P. Raffarin n'en manque pas. Du temps du général de Gaulle, on disait que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille et aujourd'hui, elle ne se fait pas dans les sondages. Je crois qu'on ne mesure pas assez la situation désastreuse que nous avons trouvée en arrivant. J'ai parfois l'impression d'appartenir à une équipe de démineurs, qui trouverait presque tous les jours, des bombes à retardement : des entreprises publiques endettées jusqu'à l'os - 68 milliards d'euros pour France Télécom - une loi des 35 heures, dont madame Aubry elle-même a reconnu qu'elle avait été appliquée dans les hôpitaux, une France isolée sur le plan européen..."
Jusqu'à quand, pour justifier que cela descend, vous allez attaquer les prédécesseurs ? A un moment, cela doit s'arrêter.
- "Non, il ne s'agit pas d'attaquer les prédécesseurs, il s'agit simplement de dire que nous déminons et nous semons. Nous semons pour l'avenir et je suis convaincue que les Français le comprendront, lorsque le temps de la récolte arrivera. Il viendra, j'en suis sûre."
Moins de 30 % : croyez-vous que ce chiffre devienne dangereux comme le glas, pour certains ministres ?
- "Les fonctions ministérielles, par définition, sont éphémères. Mais fort heureusement, la vie ne se résume pas aux fonctions ministérielles."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement , le 5 décembre 2003)