Texte intégral
En introduction,
Permettez-moi très simplement de revenir sur une évidence : avec la création du Secrétariat d'Etat et son intitulé, la décentralisation s'inscrit, pour la première fois, politiquement dans notre ministère.
De l'acception historique du terme " décentralisation ", aux lois qui la légitiment, en passant par la dynamique de la déconcentration, nous traversons quelques cinquante années d'histoire pour déboucher sur un constat majeur : l'extraordinaire élargissement du champ culturel - tant territorial que disciplinaire - qui caractérise notre Pays aujourd'hui.
C'est sur ce fond que j'introduis le point de notre ordre du jour. " Echanges et débats sur les objectifs et les moyens de la décentralisation dans le domaine culturel ".
Les objectifs et les moyens de la décentralisation mobilisent le gouvernement en même temps qu'ils vous mettent à contribution, vous les élus, dans le cadre de vos mandats, parce qu'ils sont un enjeu politique majeur et une des clés de la citoyenneté, parce qu'ils sont dans les territoires une issue probable aux grandes stratégies du développement durable.
Quels sont ces objectifs ?
Essentiellement : Consolider dans la durée les services et les lieux pour lesquels les collectivités territoriales sont mieux placées que l'Etat pour assumer leur adéquation avec les enjeux de territoire. Affirmer des responsabilités culturelles et des engagements d'avenir. Et enfin favoriser les repositionnements du Ministère de la culture.
Dans le domaine culturel, qui nous réunit, objectifs et moyens participent aussi au débat lancé par le gouvernement sur l'approfondissement de la décentralisation. Je dirais que la décentralisation culturelle présente une double qualité : elle nous oblige à travailler tous ensemble et sur des sujets pratiques et quotidiens. La décentralisation n'est pas contraignante : ni régalienne, ni obligatoire, la compétence publique dans le domaine culturel est, en définitive, une nécessité appelée par le principe du droit à la culture comme droit social et républicain, et celui de l'égalité d'accès.
Autrement dit, la décentralisation dans le domaine culturel ne peut vraiment se traduire que dans l'appréhension sensible et fine des besoins de développement des populations en termes d'égalité d'accès, de pratiques, de développement du fait culturel et donc dans la détermination des conditions de la qualité de vie.
Mes réunions de travail et mes visites en région ont renforcé ma conviction que la dimension culturelle traverse très profondément les sujets les plus lourds en termes de services de proximité offerts à des populations.
Le domaine culturel se trouve donc au cur de stratégies sociales dont les collectivités territoriales sont les terrains premiers d'émergence. C'est aussi pourquoi il ne serait pas raisonnable de mobiliser les capacités de temps et de réflexion des représentants des puissances publiques comme s'il n'y avait pas eu d'histoire de la décentralisation culturelle. En cela, toute démarche nouvelle exige de " passer au crible " les 20 ans qui se sont écoulés depuis les premières lois de décentralisation. Le visage de ce qu'il m'est arrivé d'appeler le " pays culturel réel " s'est ainsi modelé, bien sûr à partir des interventions dont l'Etat fût l'initiateur, mais également par l'implication - multiple et diverse - des collectivités territoriales. Ce fut l'époque de l'égalité d'accès à la culture par une offre relativement abondante doublée d'une volonté de " démocratisation ".
Aujourd'hui, force est de constater que les publics sont des populations, inscrites dans des conditions socio-économiques très concrètes, vivant sur des territoires dont les édiles sont en quelque sorte en première ligne devant leurs attentes.
Plus que dans le volontarisme incantatoire de la démocratisation, la décentralisation culturelle ne se décrète pas mais s'assume avant tout dans la démocratie tangible des territoires, dans une observation des pratiques et une écoute scrupuleuse des attentes.
C'est pourquoi, je propose à notre Conseil de bien vouloir suivre une démarche d'expérimentation concertée de la décentralisation culturelle, qu'avec l'accord et l'appui de Catherine Tasca, je conduirai au cours des quelques 18 mois qui viennent.
Cette démarche repose sur un double constat :
Réaliste d'abord : l'approche d'échéances électorales significatives pour notre pays ne permet pas, raisonnablement, de mettre en chantier un ensemble de texte législatifs et réglementaires permettant de traiter en un seul tenant cette deuxième phase de la décentralisation, singulièrement dans le champ culturel. Ceci cependant ne préjuge pas de notre capacité à proposer au Gouvernement le dépôt soit d'un projet de loi ou d'une proposition d'initiative parlementaire sur l'Etablissement Public Culturel Local dont la création devrait s'imposer. Cet outil demeure en effet indispensable pour consolider dans la durée les services et les lieux pour lesquels les collectivités territoriales et l'Etat ont depuis longtemps engagé des politiques de coopération. Il devrait nous permettre, de par sa nature juridique, de trouver enfin les garanties d'autonomie administrative et financière qui libèrent l'initiative et modernisent notre partenariat. Sur ce point, nous travaillons à un examen approfondi des conditions de sa mise en uvre.
Constat pratique ensuite : les lois de décentralisation de 1983 (musées, archives, enseignements artistiques) et l'engagement considérable des collectivités territoriales ou de leurs regroupements, singulièrement épaulés par les lois Voynet et Chevènement, ont d'ores et déjà modifié l'organisation du rapport de l'ensemble des puissances publiques à la culture.
C'est un bilan auquel il convient de procéder, une observation partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales à laquelle il convient de se livrer.
De ce double constat, j'estime nécessaire - nous en discuterons bien sûr - une approche méthodique et pragmatique qui poserait les jalons d'une démarche solide et durable vers plus de décentralisation et " mieux " d'Etat.
Pour ce faire, je vous propose donc une démarche d'expérimentation sélective et circonscrite.
Elle implique les différents ordres de collectivités territoriales et regroupements de coopération et les différents domaines culturels dont conjointement nous aurons dessiné le " périmètre ".
Elle suppose une nouvelle approche de l'Etat-culture : il ne s'agit pas de balayer d'un revers de manche l'ensemble des procédures et autres labels existants (bien que nous gagnerions à faire le bilan en terme de complexité, redondance éventuelle et efficacité) mais d'afficher clairement et sans réserve une capacité de l'Etat à contractualiser la préfiguration des figures nouvelles de la décentralisation et du partenariat.
Avant de vous soumettre cette démarche, je me suis livré à de nombreuses consultations à l'occasion de mes voyages en région, tant avec des élus qu'avec les directeurs régionaux des affaires culturelles, et je crois pouvoir dire qu'elle s'inscrit réellement dans une attente des élus et des services de l'Etat en région. Il me semble que nous sommes en quelques sortes " mûrs " pour assumer les conséquences de gestion, de procédures et d'engagements qu'induiront (nécessairement) ces préfigurations.
A cette fin et sur le premier exercice complet de 2001, nous proposons le principe d'un fonds d'expérimentation concertée de la décentralisation, destiné à " primer " les démarches de clarification des responsabilités et des objectifs des politiques culturelles territoriales. Elles pourraient concerner en priorité l'éducation artistique et le champ patrimonial.
En effet, j'ai été frappé par l'importance des tensions autour des enseignements artistiques et par l'enjeu de la patrimonialisation du cadre de vie.
J'ajouterai aussi que m'est apparue l'importance que vous attachiez au foisonnement des pratiques artistiques " décalées ", à leurs lieux d'émergence et à leurs modalités non codifiées d'expression.
Je ne conçois pas un tel engagement (avec ce qu'il peut avoir de démonstratif et d'irréversible) sans l'association étroite et critique des élus territoriaux, sans le soutien d'outils d'observation raisonnée et partagée qui, de chaque expérience, pourrait faire une force de proposition.
J'ai ainsi le projet, avec votre appui, de mettre en place des groupes d'évaluation de ces expérimentations regroupant élus, services de collectivités territoriales et de l'Etat et, j'insiste, des universitaires dont j'ai pu constater qu'ils s'engageaient très activement sur les conditions juridiques et fiscales de la décentralisation et de la coopération avec l'Etat (je pense notamment au récent colloque de l'AJDA sur Décentralisation et Service Public de la Culture en mai dernier). J'ai proposé, en accord avec Catherine Tasca, à René Rizzardo (au titre de directeur de l'Observatoire des politiques culturelles de Grenoble) d'animer un groupe de suivi à cet effet.
Ainsi, ce que j'attends de ces expérimentations et de ces observations, c'est que nous puissions nous en saisir ensemble, selon un échéancier qu'il nous incombera de définir , afin d'en valider les hypothèses comme les résultats et de nous permettre ainsi de faire au Premier Ministre une série de propositions concrètes d'amélioration, d'amendements voire de création d'outils de la politique culturelle et non pas seulement de gestion de celle-ci, politique dont les élus sont les initiateurs et les responsables, et l'Etat le garant.
En conclusion, ce nouveau chantier de la décentralisation, est l'occasion de repenser en commun, cette responsabilité publique partagée qui s'est affirmée au fil des ans en matière culturelle et artistique.
Il en va de la nature du service public pour la culture, de la légitimité de nos interventions.
Il en va également de notre capacité à appréhender l'évolution des modes de vie, des pratiques culturelles et de la production artistique.
Telles sont, en définitives les problématiques stimulantes que nous nous devons d'aborder.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 18 juillet 2000)
Permettez-moi très simplement de revenir sur une évidence : avec la création du Secrétariat d'Etat et son intitulé, la décentralisation s'inscrit, pour la première fois, politiquement dans notre ministère.
De l'acception historique du terme " décentralisation ", aux lois qui la légitiment, en passant par la dynamique de la déconcentration, nous traversons quelques cinquante années d'histoire pour déboucher sur un constat majeur : l'extraordinaire élargissement du champ culturel - tant territorial que disciplinaire - qui caractérise notre Pays aujourd'hui.
C'est sur ce fond que j'introduis le point de notre ordre du jour. " Echanges et débats sur les objectifs et les moyens de la décentralisation dans le domaine culturel ".
Les objectifs et les moyens de la décentralisation mobilisent le gouvernement en même temps qu'ils vous mettent à contribution, vous les élus, dans le cadre de vos mandats, parce qu'ils sont un enjeu politique majeur et une des clés de la citoyenneté, parce qu'ils sont dans les territoires une issue probable aux grandes stratégies du développement durable.
Quels sont ces objectifs ?
Essentiellement : Consolider dans la durée les services et les lieux pour lesquels les collectivités territoriales sont mieux placées que l'Etat pour assumer leur adéquation avec les enjeux de territoire. Affirmer des responsabilités culturelles et des engagements d'avenir. Et enfin favoriser les repositionnements du Ministère de la culture.
Dans le domaine culturel, qui nous réunit, objectifs et moyens participent aussi au débat lancé par le gouvernement sur l'approfondissement de la décentralisation. Je dirais que la décentralisation culturelle présente une double qualité : elle nous oblige à travailler tous ensemble et sur des sujets pratiques et quotidiens. La décentralisation n'est pas contraignante : ni régalienne, ni obligatoire, la compétence publique dans le domaine culturel est, en définitive, une nécessité appelée par le principe du droit à la culture comme droit social et républicain, et celui de l'égalité d'accès.
Autrement dit, la décentralisation dans le domaine culturel ne peut vraiment se traduire que dans l'appréhension sensible et fine des besoins de développement des populations en termes d'égalité d'accès, de pratiques, de développement du fait culturel et donc dans la détermination des conditions de la qualité de vie.
Mes réunions de travail et mes visites en région ont renforcé ma conviction que la dimension culturelle traverse très profondément les sujets les plus lourds en termes de services de proximité offerts à des populations.
Le domaine culturel se trouve donc au cur de stratégies sociales dont les collectivités territoriales sont les terrains premiers d'émergence. C'est aussi pourquoi il ne serait pas raisonnable de mobiliser les capacités de temps et de réflexion des représentants des puissances publiques comme s'il n'y avait pas eu d'histoire de la décentralisation culturelle. En cela, toute démarche nouvelle exige de " passer au crible " les 20 ans qui se sont écoulés depuis les premières lois de décentralisation. Le visage de ce qu'il m'est arrivé d'appeler le " pays culturel réel " s'est ainsi modelé, bien sûr à partir des interventions dont l'Etat fût l'initiateur, mais également par l'implication - multiple et diverse - des collectivités territoriales. Ce fut l'époque de l'égalité d'accès à la culture par une offre relativement abondante doublée d'une volonté de " démocratisation ".
Aujourd'hui, force est de constater que les publics sont des populations, inscrites dans des conditions socio-économiques très concrètes, vivant sur des territoires dont les édiles sont en quelque sorte en première ligne devant leurs attentes.
Plus que dans le volontarisme incantatoire de la démocratisation, la décentralisation culturelle ne se décrète pas mais s'assume avant tout dans la démocratie tangible des territoires, dans une observation des pratiques et une écoute scrupuleuse des attentes.
C'est pourquoi, je propose à notre Conseil de bien vouloir suivre une démarche d'expérimentation concertée de la décentralisation culturelle, qu'avec l'accord et l'appui de Catherine Tasca, je conduirai au cours des quelques 18 mois qui viennent.
Cette démarche repose sur un double constat :
Réaliste d'abord : l'approche d'échéances électorales significatives pour notre pays ne permet pas, raisonnablement, de mettre en chantier un ensemble de texte législatifs et réglementaires permettant de traiter en un seul tenant cette deuxième phase de la décentralisation, singulièrement dans le champ culturel. Ceci cependant ne préjuge pas de notre capacité à proposer au Gouvernement le dépôt soit d'un projet de loi ou d'une proposition d'initiative parlementaire sur l'Etablissement Public Culturel Local dont la création devrait s'imposer. Cet outil demeure en effet indispensable pour consolider dans la durée les services et les lieux pour lesquels les collectivités territoriales et l'Etat ont depuis longtemps engagé des politiques de coopération. Il devrait nous permettre, de par sa nature juridique, de trouver enfin les garanties d'autonomie administrative et financière qui libèrent l'initiative et modernisent notre partenariat. Sur ce point, nous travaillons à un examen approfondi des conditions de sa mise en uvre.
Constat pratique ensuite : les lois de décentralisation de 1983 (musées, archives, enseignements artistiques) et l'engagement considérable des collectivités territoriales ou de leurs regroupements, singulièrement épaulés par les lois Voynet et Chevènement, ont d'ores et déjà modifié l'organisation du rapport de l'ensemble des puissances publiques à la culture.
C'est un bilan auquel il convient de procéder, une observation partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales à laquelle il convient de se livrer.
De ce double constat, j'estime nécessaire - nous en discuterons bien sûr - une approche méthodique et pragmatique qui poserait les jalons d'une démarche solide et durable vers plus de décentralisation et " mieux " d'Etat.
Pour ce faire, je vous propose donc une démarche d'expérimentation sélective et circonscrite.
Elle implique les différents ordres de collectivités territoriales et regroupements de coopération et les différents domaines culturels dont conjointement nous aurons dessiné le " périmètre ".
Elle suppose une nouvelle approche de l'Etat-culture : il ne s'agit pas de balayer d'un revers de manche l'ensemble des procédures et autres labels existants (bien que nous gagnerions à faire le bilan en terme de complexité, redondance éventuelle et efficacité) mais d'afficher clairement et sans réserve une capacité de l'Etat à contractualiser la préfiguration des figures nouvelles de la décentralisation et du partenariat.
Avant de vous soumettre cette démarche, je me suis livré à de nombreuses consultations à l'occasion de mes voyages en région, tant avec des élus qu'avec les directeurs régionaux des affaires culturelles, et je crois pouvoir dire qu'elle s'inscrit réellement dans une attente des élus et des services de l'Etat en région. Il me semble que nous sommes en quelques sortes " mûrs " pour assumer les conséquences de gestion, de procédures et d'engagements qu'induiront (nécessairement) ces préfigurations.
A cette fin et sur le premier exercice complet de 2001, nous proposons le principe d'un fonds d'expérimentation concertée de la décentralisation, destiné à " primer " les démarches de clarification des responsabilités et des objectifs des politiques culturelles territoriales. Elles pourraient concerner en priorité l'éducation artistique et le champ patrimonial.
En effet, j'ai été frappé par l'importance des tensions autour des enseignements artistiques et par l'enjeu de la patrimonialisation du cadre de vie.
J'ajouterai aussi que m'est apparue l'importance que vous attachiez au foisonnement des pratiques artistiques " décalées ", à leurs lieux d'émergence et à leurs modalités non codifiées d'expression.
Je ne conçois pas un tel engagement (avec ce qu'il peut avoir de démonstratif et d'irréversible) sans l'association étroite et critique des élus territoriaux, sans le soutien d'outils d'observation raisonnée et partagée qui, de chaque expérience, pourrait faire une force de proposition.
J'ai ainsi le projet, avec votre appui, de mettre en place des groupes d'évaluation de ces expérimentations regroupant élus, services de collectivités territoriales et de l'Etat et, j'insiste, des universitaires dont j'ai pu constater qu'ils s'engageaient très activement sur les conditions juridiques et fiscales de la décentralisation et de la coopération avec l'Etat (je pense notamment au récent colloque de l'AJDA sur Décentralisation et Service Public de la Culture en mai dernier). J'ai proposé, en accord avec Catherine Tasca, à René Rizzardo (au titre de directeur de l'Observatoire des politiques culturelles de Grenoble) d'animer un groupe de suivi à cet effet.
Ainsi, ce que j'attends de ces expérimentations et de ces observations, c'est que nous puissions nous en saisir ensemble, selon un échéancier qu'il nous incombera de définir , afin d'en valider les hypothèses comme les résultats et de nous permettre ainsi de faire au Premier Ministre une série de propositions concrètes d'amélioration, d'amendements voire de création d'outils de la politique culturelle et non pas seulement de gestion de celle-ci, politique dont les élus sont les initiateurs et les responsables, et l'Etat le garant.
En conclusion, ce nouveau chantier de la décentralisation, est l'occasion de repenser en commun, cette responsabilité publique partagée qui s'est affirmée au fil des ans en matière culturelle et artistique.
Il en va de la nature du service public pour la culture, de la légitimité de nos interventions.
Il en va également de notre capacité à appréhender l'évolution des modes de vie, des pratiques culturelles et de la production artistique.
Telles sont, en définitives les problématiques stimulantes que nous nous devons d'aborder.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 18 juillet 2000)