Interview de M. Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, dans "La Tribune" du 21 mai 2003, sur les propositions françaises et celles du livre vert de la Commission européenne concernant l'avenir des services publics dans le cadre de l'Union européenne.

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Média : La Tribune

Texte intégral

Q - Quel est votre sentiment à propos du livre vert de la Commission sur les services publics ?
R - Ce sujet a toujours été d'actualité pour la France depuis des années. Il devient aujourd'hui, enfin, un sujet d'actualité pour l'ensemble de l'Union européenne. La France a toujours plaidé pour que ce qui relève des services publics dits concurrentiels, intitulés dans les textes européens "services d'intérêt économique général", soit traité à part. Il y va du modèle social européen. Ce livre vert de la Commission est le premier sur le sujet depuis le début de la construction européenne. Il pose clairement la question de la nécessité ou non d'adopter une directive-cadre dans ce domaine, que nous appelons de nos vux.
Q - La Commission a déjà publié des communications sur les services publics. Le débat, sensible en France, n'est pas nouveau au niveau européen
R - Ce livre vert va beaucoup plus loin que les communications précédentes de la Commission. Il pose la plupart des questions essentielles. La régulation sectorielle est-elle suffisante ou faut-il une directive-cadre ? Les règles actuelles empêchent-elles ou non de promouvoir des services de qualité en restreignant par exemple leur financement par l'Etat ? Faut-il créer des agences de régulation ? Ou encore comment améliorer l'évaluation de ces services ? Nous pensons que la compétitivité et la libéralisation ne sont pas antinomiques du service rendu aux usagers - ce qui n'est pas tout à fait la même chose que les consommateurs.
Q - Doit-on légiférer au niveau européen ?
R - L'Europe ne s'intéresse pas au mode de gestion des services publics. Elle considère qu'au nom de la subsidiarité cela relève des Etats, les opérateurs pouvant être publics ou privés. De même que nous, Français, avons toujours admis que la qualification d'un service public est indépendante du mode de gestion. Mais l'Union doit promouvoir les services publics. Nous voudrions concilier avec un système de régulation et d'encadrement juridique propre, la compétitivité, l'émulation et les principes d'égalité.
Q - Peut-on aller dans le traité au-delà des principes ?
R - Nous souhaitons que la notion de service d'intérêt économique général, que le rôle de ces services soit un objectif de l'Union. Et que soit énoncé dans le traité le principe d'un cadre juridique qui soit respectueux du droit de la concurrence avec ses spécificités. Nous considérons que le principe d'égalité d'accès est consubstantiel à la notion de service public. Il exige d'aménager le marché, de le réguler autrement, avec le respect des qualités intrinsèques à toute prestation de services.
Q - Certains estiment que la santé ou les services culturels sont aussi des services marchands ?
R - Effectivement, il y a débat là-dessus à l'Organisation mondiale du commerce. Nous nous y sommes opposés. Ce ne sont pas des services comme les autres.
Q - Pensez-vous rallier la majorité des Etats membres sur ces positions françaises ?
R - Au lendemain du Sommet franco-britannique du Touquet, il y a eu une contribution tripartite signée Schroeder, Blair, Chirac, sur la compétitivité dans laquelle on inclut les services d'intérêt économique général. Il n'y a pas que la France qui se préoccupe de ses services publics !.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mai 2003)