Déclaration de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, sur la situation de la Corse, l'avenir de la République et la construction européenne, Grasse le 2 septembre 2000.

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Circonstance : Université d'été du Mouvement des citoyens, à Grasse (Alpes-Maritimes), les 2 et 3 septembre 2000

Texte intégral

La rentrée politique est dominée cette année par la question corse.
Certes d'autres questions, d'autres sujets requièrent toute notre attention.
Le référendum de septembre, réforme constitutionnelle qui n'a de sens que par rapport à l'anticipation qui permettra l'avènement d'un régime présidentiel équilibré par le renforcement des pouvoirs et prérogatives du Parlement avec notamment la suppression de la dissolution.
Ainsi le 24 septembre nous ferons notre devoir. Nous voterons oui.
Il y a la flambée du prix du baril de pétrole. Ce n'est pas une petite question puisque nous sommes en présence d'un nouveau choc pétrolier dont les conséquences pourraient être lourdes pour la France, son économie, sa croissance, la lutte contre le chômage. Ce qui vaut pour la France vaut pour beaucoup d'autres pays en Europe et ailleurs.
Mais disons-le clairement, depuis 10 ans, la France ne pèse plus comme par le passé là où il le faudrait, c'est la conséquence directe de la guerre du Golfe. Le proche et moyen orient est américain. Ce sont les Américains qui ont la clef du pétrole et ils agissent en fonction de leurs seuls intérêts.
Nous pourrions parler de la réforme fiscale nécessaire, des discussions sur l'UNEDIC qui doivent reprendre et aboutir - par parenthèse plutôt qu'un mauvais accord, mieux vaudrait travailler à la création d'un grand service public de l'emploi et de la formation professionnelle tel que nous l'avons proposé il y a quelque temps-
Mais revenons à la Corse !
L'histoire de cette île se confond depuis plus de deux siècles avec celle de la France à laquelle elle a donné tant de serviteurs, illustres ou anonymes, et sans lesquels notre patrie ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui
Les élections l'ont démontré les unes après les autres : les chimères indépendantistes et les actions terroristes sont le fait d'une minorité peu nombreuse et divisée. Certains étant des éléments actifs de l'action politico-mafieuse, d'autres venant de l'extrême droite, d'autres encore croyant peut-être servir la Corse.
Et pourtant, les gouvernements successifs ont été impuissants à mettre cette poignée d'activistes hors d'état de nuire. Faisant alterner et parfois pratiquant simultanément les discours répressifs et les négociations en sous-main avec les terroristes, ces gouvernements ont essuyé échecs après échecs.
Dès leur arrivée Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement rompirent avec ces pratiques et eurent une ligne de conduite claire : appliquer, agir selon nos règles et nos lois dans tous les domaines. La Corse faisait progressivement retour dans la République.
C'est après les 2 attentats violents du 25 novembre 1999 contre la DDE et l'URSAFF que le Premier Ministre, sans concertation, annonce à l'Assemblée Nationale qu'il veut discuter avec tous les élus de Corse. Habile habillage.
L'abandon du renoncement à la violence et à l'action clandestine préalable à toute discussion est consommé. En fait Matignon engage une négociation avec les nationalistes avec le concours de José Rossi qui joue les bons offices et joue perso. Les nationalistes et les poseurs de bombes sont d'un coup représentés autour du tapis vert.
Cette méthode conduit à un résultat. Un texte est adopté par l'Assemblée corse - qui répétons le n'a aucune qualité et compétence pour le faire - et le gouvernement sur la base du texte du 20 juillet retient les propositions maximalistes des nationalistes. L'opinion est maintenant dans l'expectative. Les attentats et les meurtres se poursuivent.
Les menaces fleurissent !
C'est dans les moments comme celui-ci qu'il faut avoir le courage de dire non.
L'accord d'un grand nombre d'élus corses n'a pu se réaliser sous des pressions diverses et multiples que parce que chaque tendance interprétait à sa manière un texte propice aux malentendus.
Revenons au texte. Il est digne de la cacophonie à laquelle il donne lieu. A force de vouloir concilier ce qui était inconciliable, on a franchi les bornes du simple bon sens et foulé aux pieds les principes républicains parmi les plus essentiels.
Qu'apporte le texte du 20 juillet sur l'organisation administrative de la Corse ?
Certains voulaient revenir sur la division de l'île en deux départements.
La préférence du gouvernement allait à un département corse unique, ayant même assemblée et même exécutif que la collectivité territoriale corse, formule conforme à la Constitution. Mais après avoir rappelé cette préférence, voici que le texte de l'accord annonce que le gouvernement accepte de se placer dans une autre perspective, contraire à la Constitution, celle de la disparition pure et simple de l'échelon départemental.
Cela revient à créer une assemblée sui generis faisant de la Corse un T.O.M. (Territoire d'Outre Mer).
Un T.O.M. en métropole. C'est une première !
Et pourquoi donc ? Parce que les Présidents de groupe de l'Assemblée corse ont marqué une préférence pour cette formule ! Voilà des présidents de groupe dont les désirs s'imposent au gouvernement comme des ordres d'une force supérieure à celle de la Constitution de la République !
Il est vrai qu'une constitution peut se réviser. La nôtre ne l'a été que trop et trop souvent. Mais les commentaires les plus autorisés, dont ceux du Premier Ministre lui-même reconnaissent " qu'il n'y a pas aujourd'hui de consensus politique pour mener une telle révision constitutionnelle ".
Voici un gouvernement qui reconnaît qu'une perspective est contraire aussi bien à la constitution elle-même qu'au sentiment des autorités ayant actuellement le pouvoir de la réviser et qui accepte néanmoins d'inscrire son action dans cette perspective.
A elle seule, cette absurdité suffirait à rendre le texte inacceptable. Mais poursuivons notre lecture. Il y a pire.
On nous dit un peu plus loin que les spécificités de la Corse peuvent justifier des adaptations des normes réglementaires ou même de certaines dispositions législatives. On ajoute que le statut actuel de la Corse prévoit déjà en son article 26 que l'assemblée de Corse peut présenter des propositions en ce sens, mais que ce mécanisme n'a pas fonctionné.
Voilà donc une assemblée à laquelle on veut donner le pouvoir de décider alors qu'elle n'a pas été capable de proposer.
Par quel étrange sortilège qui n'a pas pu le moins pourra-t-il réussir le plus ? La question de l'adaptation des normes juridiques aux spécificités de la Corse est une question sérieuse qui méritait un autre traitement.
Mais au-delà de sa probable inefficacité pratique, la solution retenue est d'une fiabilité juridique douteuse et surtout, met en péril les principes fondamentaux de la République.
L'un de ces principes est que la souveraineté nationale appartient au peuple français, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum et qu'aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice (Constitution de 1958 article 3).
Or, c'est bien une telle usurpation que l'on nous prépare, dès lors que des élus de la seule Corse pourraient décider seuls d'appliquer dans ce territoire d'autres lois que celles de la Nation. Les arguties juridiques dont s'accompagne le texte gouvernemental ne peuvent dissimuler cette réalité essentielle.
On ne nous fera pas dire que l'unité de la République doit être forcément l'uniformité, ni que les lois et règlements doivent ignorer les spécificités de la Corse. Que l'Alsace et la Moselle soient soumises à des lois particulières n'empêche pas ces départements d'appartenir pleinement à la République. Mais ces adaptations sont de la seule responsabilité de la représentation nationale.
Il faut le dire avec force. Nous n'accepterons pas qu'avec la Corse on commence à émietter la République.
Un troisième aspect essentiel de la politique menée à l'égard de la Corse doit être vivement dénoncé : Il se rapporte aux questions relatives à l'ordre public.
Le Premier Ministre a insisté à plusieurs reprises sur le fait que le dialogue n'aurait pu sans doute s'établir si le Gouvernement avait posé en préalable la cessation de tout recours à la violence. Il signale également que le processus qu'il a ouvert ne pourra aboutir que si la violence s'éteint progressivement. Ce point est décisif. Malheureusement, les faits s'écartent dés à présent de cette logique. J'en donnerai deux exemples.
D'abord, l'enseignement de la langue corse : le Parlement doit être invité à adopter le principe d'une insertion de cet enseignement dans les horaires scolaires normaux des écoles maternelles et primaires, " sauf volonté contraire des parents ".
Dans les conditions qui règnent actuellement en Corse, tout donne à craindre que les parents récalcitrants ne soient exposés à des pressions si ce n'est à des actes de violence. Dans le contexte actuel, elle a toutes les chances d'aboutir à un appauvrissement forcé des élèves souhaitant acquérir des connaissances linguistiques offrant une meilleure ouverture sur le monde moderne que ne peut le faire la langue corse.
Elle doit donc être énergiquement combattue.
Un second exemple de la faiblesse du processus conduit en Corse en termes d'ordre public est la question de l'amnistie. Le texte gouvernemental n'en dit mot, mais chacun y pense et en parle, et beaucoup en parlent comme si, en fin de processus, une loi d'amnistie était inévitable. Le Premier Ministre assure qu'en aucun cas il n'y aura d'amnistie pour les assassins du Préfet Erignac. Mais, au même moment, ou presque, des responsables des mouvements clandestins assurent au "Monde" qu'ils "ne laisseront personne au bord du chemin". Quoiqu'il en soit, le flou entretenu sur la question de l'amnistie ne peut que favoriser la poursuite des actions violentes, puisque les auteurs des derniers attentats contre les bâtiments publics, comme les assassins de Jean-Michel Rossi et de J.C. Fratacci peuvent espérer être amnistiés le moment venu. En fin de compte, la politique gouvernementale pour la Corse apparaît comme un exercice d'équilibrisme voué à l'échec et comme une menace grave pour la République. Et Jacques Chirac ? Que fait, que dit le Président de la République ? Il est aux abonnés absents !
Aux termes de l'article 5 de la Constitution "Il est le garant de l'unité du territoire". Son devoir devrait être de fixer les limites du projet gouvernemental.
Il préfère voir venir et surtout voir la gauche s'enferrer. Agissant ainsi, il ne remplit pas les devoirs de sa charge. C'est le règne de l'opportunisme.
Nous sommes tous solidaires avec notre président Jean-Pierre Chevènement qui a refusé d'exécuter cette politique. Nous la combattrons avec détermination et sans répit. A ce moment, je voudrais dire à Jean-Pierre Chevènement, à l'ami d'abord, que ses qualités humaines sont grandes. Jean-Pierre ta générosité, ta bonté, ton écoute, ta fidélité ne se démentent jamais. Je suis fier d'être ton ami, nous sommes fiers et heureux d'être tes amis. Au président du MdC, au ministre, au citoyen, je veux rendre hommage et dire notre reconnaissance pour le travail accompli. Le MdC existe et vit par et pour des idées, un projet, une ambition pour la France.
Le ministre peut être satisfait. Pour l'essentiel, sa mission est remplie avec succès. Une politique de l'immigration humaine, réaliste est en place. L'immigré n'est plus le bouc émissaire. La même évolution se dessine heureusement au niveau européen, grâce aux orientations que tu as défendues au conseil des ministres européens police - justice en juillet dernier à Marseille. La loi sur l'intercommunalité est en place et connaît un succès, un développement sans précèdent. C'est une grande réforme qui marquera notre pays et fera date.
La création d'une police de proximité, formidable mutation, permet de répondre efficacement sur le terrain au jour le jour à la grande préoccupation des français : l'insécurité. Et les premiers résultats sont là. La délinquance recule fortement notamment la délinquance de voie publique. Enfin, à gauche, comme à droite, chez nos concitoyens, Jean-Pierre Chevènement est estimé du plus grand nombre. Sincérité, conviction, désintéressement, homme de caractère, homme d'état sont les expressions, les qualificatifs utilisés régulièrement pour décrire Jean-Pierre Chevènement. Oui, tu as l'estime et la considération des Français. Il est regrettable que Lionel Jospin n'ait pas mesuré l'intérêt qu'il avait à te garder.
Jean-Pierre Chevènement n'est plus au Gouvernement.
Cela ne veut pas dire que nous quittons la majorité de la gauche plurielle, puisque nous sommes d'accord avec d'autres de ses orientations.
Cela veut dire que c'est une page qui se tourne pour en écrire de nouvelles. Nous sommes dans la majorité et je voudrais rappeler à tous que l'appartenance à la majorité se vérifie chaque année au moment du vote du budget de la Nation et du vote du budget de financement de la sécurité sociale. Ceux qui approuvent sont dans la majorité, ceux qui votent contre sont dans l'opposition. C'est simple.
Cela veut dire simplement que nous revendiquons par rapport à la politique gouvernementale "le bénéfice d'inventaire". Lionel Jospin l'a lui-même en son temps revendiqué à l'égard de l'héritage mitterrandien. Il se trouvera des commentateurs, au service de la pensée unique, pour assurer que le MdC se ringardise et s'isole sur des positions jacobines et souverainistes dépassées. Nous savons bien que la réalité est toute autre. L'opinion publique nationale comprend et partage majoritairement nos critiques à l'égard de la politique du gouvernement en Corse. Au sein du PS et du Gouvernement lui-même, l'unanimité est loin de régner, même si les discussions sont discrètes.
En vérité cette politique ne trouve guère ses partisans que parmi ceux, des libéraux, des écologistes ou des socialistes qui ont fait le choix de la dissolution de la République : A l'intérieur, dans le communautarisme et dans un fédéralisme rampant et à l'extérieur dans les processus supranationaux ou transnationaux de la mondialisation ultra-libérale. La République que nous défendons n'appartient pas au passé. Elle est la jeunesse et l'avenir de notre pays. Elle est la liberté. Elle est aussi l'égalité, la fraternité, la justice sociale ; elle est cet idéal qui n'est jamais complètement réalisé, cet enjeu d'une lutte jamais achevée et jamais complètement victorieuse. Car il n'est pas de République si elle n'est sociale, de même qu'il n'est pas, qu'il ne peut y avoir dans le monde d'aujourd'hui de justice sociale sans République, c'est-à-dire sans un pouvoir fort et démocratique.
Après trois années de gouvernement de la gauche plurielle, la situation économique s'est spectaculairement améliorée ; le chômage a régressé, mais la fracture sociale est toujours là ! Au Gouvernement de s'atteler à cette situation sociale lourde et dramatique, le temps presse.
Et, que dire des inégalités bien plus dramatiques encore qui se creusent au niveau international ? Une prise de conscience s'opère rapidement au niveau des opinions publiques, comme on l'a vu à Seattle. Peu à peu des responsables syndicaux, politiques, redécouvrent la nécessité du politique, la nécessité d'interventions publiques fortes pour assurer à la société les équilibres que les seules forces du marché sont impuissantes à établir : une hirondelle ne fait pas le printemps, mais on a vu apparaître en ce sens quelques signes intéressants à la dernière conférence du G7.
Devant ce léger frémissement, il est franchement regrettable que la décision du Ministre de l'Economie et des Finances de commander un rapport sur la taxe Tobin se révèle être un tour de passe-passe en expédiant dés sa livraison le rapport aux oubliettes.
Non, la taxation des transactions financières n'est pas seulement une idée séduisante. Elle est applicable. Aussi, le débat, la mobilisation, le combat, doivent se poursuivre pour arracher l'instauration d'un prélèvement sur les mouvements de capitaux pour lutter contre la spéculation et agir pour la création d'un fonds commun en faveur des pays les plus pauvres.
Pour avancer, il est impératif qu'un grand pays commence. En appeler à la Présidence actuelle de l'Union, c'est se tromper. Rien ne bougera. Avant, il faut lancer une dynamique. Si la France ne l'adopte pas, personne d'autre ne commencera. Aussi, lors du débat de la loi de Finances, les Députés du MdC, membres du groupe ATTAC de l'Assemblée nationale déposeront un amendement allant dans ce sens avec nos partenaires verts, communistes, socialistes qui le voudraient.
L'Europe elle-même, a longtemps été l'instrument par lequel notre République était dépouillée de ses pouvoirs et livrée au jeu des forces régissant la mondialisation ultra-libérale.
La Constitution européenne est la dernière preuve en date de la dégénérescence idéologique de ceux qui osent encore se réclamer du Général de Gaulle.
Les européistes, avancent masqués. Au lieu d'un traité international, ils proposent benoîtement une constitution européenne, et déjà une charte espérant que les citoyens ne percevront pas la différence. Pourtant, elle est essentielle. Dans la hiérarchie des normes juridiques, un traité international est inférieur à la constitution de la République. Une constitution européenne lui serait supérieure. Le peuple français perdrait ainsi sa souveraineté. Sous couvert de régler un problème technique, la France et avec elle la République, seraient englouties dans une improbable Europe des Régions.
Car comme l'a précisé notamment J. CHIRAC, cette constitution européenne devrait étendre son emprise jusqu'à la définition des pouvoirs des régions.
Quelles que soient les précautions oratoires prises, la France deviendrait la Louisiane des Etats-Unis d'Europe, la modalité continentale de la mondialisation libérale. Avec pour finalité, empêcher la politique d'agir au nom du dogme libéral de la libre concurrence universelle et de l'absolue domination des marchés.
Dans cette course à l'effacement de la France, presque toute la droite concourt. Chacun propose son projet de constitution européenne. Chacun veut se faire photographier aux côtés de Dany Cohn-Bendit, prophète du libéralisme libertaire. Ce fût d'abord Alain Madelin ; c'était beau, les deux adversaires de mai 68, se tendaient la main au-dessus de leurs tranchées imaginaires. Puis, il y eût François BAYROU, le premier communiant, tout frétillant de s'encanailler avec le diable " RE-VO-LU-TION-NAI-RE ". Enfin, vint Alain JUPPE, le premier de la classe, se retrouvait avec le chahuteur du fond de la classe.
Daniel Cohn-Bendit apparaît comme le futur fédérateur de la droite française. On comprend son éclipse lors de l'université des Verts, et il y a quatre jours, sa ré-apparition au colloque du MEDEF.
Pourtant, si on fait une analyse objective et plus fine, on voit que l'Europe n'a plus aujourd'hui qu'un profil. Chacun sent bien que plus l'Europe s'élargit et plus ses institutions sont complexes et inefficaces. Chacun sait bien qu'il n'existe pas d'opinion publique européenne, mais des opinions publiques nationales et que face aux grands enjeux, c'est toujours dans le cadre des nations que sont prises les positions et les décisions essentielles.
L'utopie européiste n'est plus aujourd'hui la redoutable concurrente qu'elle était voici dix ans pour l'idéal républicain.
Aujourd'hui, face au magma libéral libertaire, social libéral, libéral, le MdC a pour tâche d'organiser un pôle républicain au sein de la gauche qui en a bien besoin.
Il s'agit de tracer des perspectives, d'offrir un projet, d'avancer vers la République sociale.
Souvenez-vous, il y a huit ans à Belfort lorsque J.P. Chevènement a lancé le Mouvement des Citoyens, les commentateurs de la bien-pensance ont ironisé sur le terme de citoyen. Citoyen était à les entendre, archaïque, dépassé, vieillot.
Puis les mêmes s'aperçurent que " citoyen " parlait aux français. Alors, on les vit éclore partout à tort et à travers, surtout à tort d'ailleurs. Le citoyen se mit à fleurir en adjectif. Tout devint donc tout à coup citoyen. On vit même apparaître cette chose extravagante : l'entreprise citoyenne. Si j'ai bien compris, serait citoyenne l'entreprise qui respecterait la loi, quelle dévalorisation du citoyen. De cette mode, le citoyen risque d'en sortir lésé, banalisé, vidé de son sens.
Nous ne réclamons aucun monopole sur la République, aucune exclusivité républicaine. Tout au plus, nous revendiquons une certaine antériorité, une incontestable continuité. Mais, surtout, il faut aujourd'hui rappeler quelques notions de base. La République n'est pas une religion révélée. La République ne procède pas d'une métaphysique. La République n'a pas de Pères fondateurs. La République ne prétend être ni immaculée, ni infaillible. La République est humaine, seulement humaine, totalement humaine, avec les faiblesses de toutes les affaires humaines. La République peut se tromper, la République peut fauter mais, la République peut se corriger, se corriger par elle-même, par l'application de ses propres mécanismes. La République est un principe qui court à travers l'histoire.
Elle suppose un esprit civique, implique l'existence d'une vertu partagée par les citoyens. Enfin, si la République accepte les différences dues au talent et à l'utilité commune, elle ne saurait s'accommoder de véritables inégalités entre les citoyens. La République conséquente ne peut être que sociale.
Nous nous adressons à tous les Français au moment où le Gaullisme dégénère et le communisme se meurt. Le libéralisme et le libéralisme-libertaire semblent triompher. Alors il faut se battre. Il faut se battre en s'appuyant sur les Français car les Français aiment la France. Car les Français demandent toujours plus de République. Le pseudo clivage : Girondins, Jacobins est nul ! Pour notre part, nous sommes des républicains conséquents, des républicains avancés.
Oui, la République est aujourd'hui une idée neuve et féconde.
Et il nous faut aujourd'hui défendre à propos de la Corse l'idée de République, menacée par l'institution d'un ersatz de pouvoir législatif local et par les concessions faites aux groupes armés.
C'est l'intérêt de la Corse et des corses, qui ne doivent pas être abandonnés à un pouvoir régional autonome, dont on voit trop par quelle détestable trinité indissociable il serait dominé : celle des poseurs de bombes, des mafieux et des petits politiciens opportunistes, prêts à toutes les compromissions dont le Président actuel de l'assemblée de Corse est l'archétype.
Défendre l'idée de République est aussi de l'intérêt de toutes les régions françaises, où l'exemple corse pourrait faire tache d'huile. Avec la violence légitimée par les résultats obtenus, comment éviter les surenchères et peut-être les imitations ?
Notre " non " à ce qui se fait aujourd'hui en Corse est bien un " oui " à la Justice et à l'avenir.
Vive la République ! Vive la France!
(Source http://www.mdc-France.org, le 31 janvier 2001)