Discours de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la mission des structures militaires intérimaires de l'Union européenne créées par le Conseil européen d'Helsinki, leurs activités et leur fonctionnement, Sintra (Portugal) le 28 février 2000.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres de la Défense de l'Union européenne à Sintra (Portugal) le 28 février 2000

Texte intégral

Mes chers collègues,
Je remercie notre collègue portugais de nous réunir aujourd'hui pour évoquer entre Ministres de la défense la mise en uvre des aspects militaires des objectifs fixés à Helsinki et maintenir ainsi la dynamique lancée depuis Cologne. Je salue également la présence du Secrétaire général haut représentant qui a su dès les premiers jours de sa mission s'inscrire dans notre rythme.
J'approuve la déclaration faite par notre collègue André Flahaut : le gouvernement français partage pleinement l'approche vigilante qu'il a exposée au sujet des conditions de formation du gouvernement autrichien.
Je voudrais également revenir sur ce qui a été dit au sujet de notre contribution, comme Ministres de la défense, au processus de décision de l'Union. Notre rôle doit être d'assurer une développement réaliste de nos capacités de décision et d'action. Tant que nous ne nous réunirons pas formellement, nous devons aller aussi loin que possible dans la préparation concrète des CAG et des Conseils européens. Je m'y emploierai durant la période des présidence de la France.
L'UE disposera dans deux jours d'un Comité politique et de sécurité intérimaire, d'un organe militaire composé des représentants des chefs d'état-major, et d'experts militaires placés auprès du Secrétaire Général / Haut Représentant. Nous avions presque tous insisté le 15 novembre sur la nécessité d'une mise en place simultanée des organe politiques et militaires pour garder sa cohérence au dispositif et sur la nécessité de faire vite : nous avons obtenu satisfaction jusqu'à présent et je suis sur que nous poursuivrons sur notre voie consensuelle et pragmatique.
Une phase intérimaire s'ouvre désormais. Elle doit être brève : notre objectif doit être de doter l'Union d'un dispositif politico-militaire pour répondre sans tarder aux attentes que nous avons suscitées à Cologne et à Helsinki et pour éviter de nous trouver en situation de carence en cas de crise.
Maintenant que la mise en place de ces structures est une réalité, il me paraît essentiel que nous puissions nous prononcer entre Ministres de la défense sur leurs missions, sur les relations entre les deux branches du volet militaire intérimaire et sur leur composition.
Nous avons diffusé une contribution française qui évoque ces différents points. Je vous remercie de vos remarques à ce sujet.
Il est nécessaire que les structures militaires intérimaires puissent commencer à travailler rapidement. Pour cela, la Présidence de l'UE devrait assurer la conduite des travaux de l'organe militaire intérimaire. Elle pourrait également contribuer à assurer son secrétariat en liaison avec le secrétariat général du Conseil.
Pour ce qui concerne les missions de cet organe militaire intérimaire, nous considérons qu'outre la préparation et la mise en place des organes permanents, sa tâche essentielle devrait être l'élaboration, la mise en uvre et le contrôle de l'objectif global de capacité. Dans notre esprit en effet, la responsabilité dans ce domaine demeurerait aux Etats-membres pendant la période intérimaire, par l'intermédiaire de l'organe militaire assisté par des groupes de travail, réunissant sous sa responsabilité, des experts des ministères de la Défense.
Pour assurer la cohérence des structures militaires intérimaires mises en place dans le cadre de l'Union et préparer efficacement l'avenir, nous souhaitons confier à l'organe militaire intérimaire une mission de direction militaire (military guidance) sur les experts militaires établis au sein du secrétariat du Conseil.
Nous entendons par direction militaire une relation de travail étroite, dans laquelle l'organe militaire intérimaire fournit aux experts des orientations de travail et un cadrage militaire de nature technique. Il valide également les conclusions de leurs travaux. Cette relation n'affecte en rien l'autorité hiérarchique du Secrétaire général / Haut-Représentant sur l'ensemble de son équipe.
En effet, il est de bon sens pour qui connaît la chose militaire que pour être efficaces les experts doivent être orientés dans leurs travaux, sur un plan technique.
De plus, il nous paraît essentiel que le noyau d'état-major puisse bénéficier de l'impulsion des Etats-membres dans le cadre du comité militaire.
Cette relation nous semble enfin de nature à encourager la confiance placée par les Etats-membres dans le dispositif en cours de développement dans l'UE, et ainsi que sa crédibilité.
L'objectif affiché par la "toolbox" est un Etat major européen de 60 à 90 officiers. Nous devrons commencer prudemment, mais nous pensons utile que les experts militaires formant le noyau du futur EME soient suffisamment nombreux pour déployer toutes les compétences nécessaires à la mise en place en moins d'un an d'un état-major stratégique.
Ces experts doivent se consacrer à leur tâche, déjà très lourde, de préparation de la montée en puissance de l'EME.
Ils n'assureraient aucune mission opérationnelle de gestion de crise. Ils n'auront pas non plus le temps de contribuer aux travaux sur les capacités.
Pour nous, les experts et l'organe militaire intérimaire auront la charge de préparer la mise en place des structures militaires permanentes sur la base du document " boîte à outils ". Aussi souhaitons-nous que ce document puisse être agréé par tous lors du CAG élargi aux Ministres de la défense le 20 mars prochain, puis au Conseil européen de Lisbonne les 23 et 24 mars. Je remercie la présidence portugaise de ses efforts dans ce sens.
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La mise en place des structures intérimaires permettra également de lancer les travaux sur le développement des objectifs de capacités, sous la responsabilité de l'organe militaire intérimaire, afin de respecter les délais (2003) que nous nous sommes fixés à Helsinki.
Nous approuvons pleinement le document britannique sur le headline goal diffusé par la Présidence. Sur la base des principes exposés dans ce document, une étude doit être menée sous la conduite de l'organe militaire intérimaire, par un Groupe d'experts venant des capitales, travaillant sur la base des scénarios illustratifs de l'UEO.
Nous pourrions nous fixer, comme le suggère la présidence, l'objectif d'achever les travaux préliminaires à l'automne de façon à pouvoir tenir l'équivalent d'une " réunion de génération de forces " avant la fin de cette année.
Pour nous, l'objectif de 50 à 60 000 militaires représente le maximum des forces terrestres déployées et comprend l'ensemble des unités de combat d'appui et de soutien.
Il nous faudra développer les capacités maritimes et aériennes.
C'est dans cette perspective que nous vous proposons, avec nos partenaires Néerlandais, une initiative sur le volet naval du headline goal, et sur la mobilité maritime. Il s'agit notamment dans ce dernier domaine de réfléchir ensemble à l'établissement d'une cellule de coordination des moyens militaires et civils de transport stratégique maritime.
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La mise en uvre des objectifs d'Helsinki pour 2003 ne sera pas sans coûts. L'acquisition de moyens de projection, la multinationalisation des structures de commandement, le respect de normes d'activités, d'entraînement à la hauteur de nos projets sont autant de facteurs pesant sur les choix en matière de dépenses budgétaires de défense.
Une croissance économique durable devrait permettre de porter en douceur l'effort de défense calculé par rapport au PIB mais poursuite de la réduction des déficits continuera de peser sur nos marges de manuvre. En tout état de cause un volume minimum de dépenses en valeur absolue sera nécessaire. C'est aussi sur ce point que sera jugée la crédibilité de notre démarche par nos opinions publiques.
Le voyage que je viens d'effectuer aux Etats-Unis et au Canada m'a permis de mesurer que nos Alliés nord-américains eux aussi sont désormais moins préoccupés par les grands principes que par notre capacité à mettre réellement nos projets en uvre.
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Pour conclure, je voudrais souligner combien le chemin parcouru depuis notre première réunion informelle à Vienne est important et décisif. Ce que nous avons accompli est désormais irréversible, même si la tâche qui nous attend est lourde.
Au cours du deuxième semestre de cette année, la présidence française accordera naturellement à nos projets en matière défense une priorité toute particulière. Nous inscrirons nos efforts dans la continuité de ce que nous avons entrepris à quinze depuis plus d'un an maintenant. Le Conseil européen donnera à Feira à la présidence française un mandat que nous souhaitons aussi ambitieux que possible. Nous poursuivrons, soyez en assurés, dans le respect des principes qui ont fait notre succès jusqu'à présent : pragmatisme, échange intense et construction commune./.

(Seul le prononcé fait foi)
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 2 mars 2000)