Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, sur les stratégies de développement de la cohésion économique et sociale entre les régions européennes, Bruxelles le 10 mai 2004.

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Circonstance : Troisième Forum européen sur la cohésion économique et sociale à Bruxelles, le 10 mai 2004

Texte intégral

Je tiens d'abord à remercier la Commission d'avoir organisé cette discussion très ouverte à la suite de la publication de son 3ème rapport sur la cohésion économique et sociale. Nous avons tous relevé la grande qualité de ce rapport dont la France partage le diagnostic. La France souscrit aussi à la stratégie proposée qui s'articule autour de trois objectifs :
D'abord, un objectif de convergence qui confirme l'acquis communautaire de la politique de solidarité, particulièrement adaptée aux nouveaux États membres.
Ensuite, un objectif de soutien à l'emploi et à la compétitivité des régions, s'adressant à l'ensemble des territoires européens, dont la croissance doit contribuer à la croissance globale de l'Union.
Enfin, un objectif de coopération entre ces territoires, qui consolide le processus d'intégration.
Les grandes tendances de l'équilibre financier entre ces 3 objectifs paraissent adaptées aux enjeux et aux défis que nous devons relever. Elles concourront à la cohésion territoriale, dont la France soutient l'inclusion au sein du Traité dans une Union qui prend une nouvelle dimension. C'est pourquoi elles reçoivent notre plein appui.
Le premier objectif est un objectif de convergence.
L'équilibre entre les bénéficiaires de cet objectif doit clairement traduire la priorité accordée aux nouveaux États membres, priorité dont l'importance a été soulignée à diverses reprises par la France. Mais, s'agissant du "phasing out" pour les régions touchées par l'effet statistique, nous devrons trouver des solutions qui prennent en compte le souci d'équité et la maîtrise du budget.
Par ailleurs, certains territoires sont totalement spécifiques de par leur éloignement ou leur morphologie. La France approuve d'une part la prise en compte des Régions Ultra Périphérique, d'autre part la meilleure prise en compte des difficultés des espaces à handicaps structurels et notamment les îles, les régions de montagne, les zones de faibles densités et, en particulier les régions nordiques, qui constituent un enjeu significatif pour la cohésion mais ceci ne doit pas conduire à la réapparition d'un zonage rigide.
Le deuxième objectif est un objectif de soutien à l'emploi et à la compétitivité régionale.
La France est attachée à une intervention pour soutenir l'emploi et le développement régional dans les régions hors objectif dit de "convergence". Celle-ci doit gagner encore en visibilité et en efficacité.
Elle doit mobiliser les acteurs du développement sur les objectifs européens de compétitivité. Elle doit consolider à la fois la cohésion et la croissance en faveur des citoyens et des territoires. Que serait cette Europe qui ne stimulerait plus les échanges, le développement, et les équilibres entre ses territoires, territoires soumis par ailleurs à tant de tension provoquée par la mondialisation, et parfois, il faut bien l'admettre, par la construction de marché intérieur. Il nous revient désormais de traduire concrètement cette nouvelle dimension commune qu'est la cohésion territoriale, en trouvant le juste milieu entre pragmatisme et ambition.
Nous appuyons donc la proposition de la Commission pour concentrer les moyens du futur objectif 2 sur l'emploi et sur la compétitivité régionale, ciblée, pour celle-ci, sur des projets significatifs et sur 3 thèmes :
D'abord, la recherche, l'innovation, l'économie de la connaissance, les nouvelles technologies de l'Information et de la Communication. Nous soutenons notamment l'idée de développer des pôles de compétitivité industriels par un meilleur couplage entre industrie, recherche et formation et de conduire une véritable stratégie industrielle européenne.
Ensuite, l'accessibilité des territoires aux infrastructures et aux services.
Enfin, l'environnement et prévention des risques.
La politique de cohésion manifestera ainsi le soutien de l'Union, en complément des politiques nationales, au développement durable de tous les territoires européens.
L'objectif emploi, la compétitivité régionale et le futur objectif 2 ne doivent pas être les variables d'ajustement du budget communautaire.
Nous souhaitons que la mise en oeuvre des actions autour de ces trois thèmes soit empreinte de souplesse pour s'adapter aux différents enjeux et nous insistons également sur la nécessaire clarification de certains domaines qui feraient l'objet de cet objectif.
Enfin, troisième objectif : la coopération territoriale :
La construction européenne concerne tous les niveaux d'organisation et toutes les régions d'Europe, au travers des coopérations qu'elles mettent en oeuvre et qui sont un appui à la compétitivité de l'Union dans son ensemble. La France est attachée aux 3 formes de coopération que constituent la coopération transfrontalière, la coopération transnationale y compris avec les voisins de l'Union et la coopération en réseau, entre régions en particulier et entre les villes.
Sur ce dernier point, la France souhaite que la coopération inter-régionale, actuellement dans le 3e volet d'Interreg, soit maintenue dans cet objectif au même titre que la coopération transnationale et la coopération transfrontalière.
Nous estimons que la Commission doit continuer à piloter ce dispositif au lieu d'en déléguer la responsabilité au sein de chaque État membre comme le 3e rapport le suggère. La Commission est la plus à même d'en promouvoir l'excellence et de favoriser l'échange de bonnes pratiques.
La politique de cohésion doit faciliter et renforcer les initiatives en faveur des réseaux d'échange et de bonnes pratiques, des acteurs publics et privés (sur les modèles d'Urbact, d'Interact ...) et les promouvoir dans chacun des 25 États membres. Compte tenu des difficultés administratives rencontrées, nous souscrivons à la proposition d'un nouvel instrument juridique pour les conduire.
L'adoption par le Conseil d'une stratégie pour la politique de cohésion, véritable volet régional de la stratégie de développement durable de l'Union, serait une avancée considérable. La mise à l'agenda du Conseil de cette politique, sur la base de stratégies de développement présentées par chaque État membre et de rapports de la Commission, doit être l'occasion d'une meilleure coordination des politiques communautaires entre elles qu'il s'agisse par exemple de la politique de la concurrence, de celles des transports ou de la recherche, ainsi qu'entre l'action de la Commission et celle des États membres.
La France approuve la constitution d'un fonds d'ajustement et de croissance afin de réagir aux chocs liés aux grandes négociations commerciales; l'impact des restructurations nées de ces chocs économiques et commerciaux peut être considérable pour tous les territoires de l'Union.
La France appuie également le maintien d'une réserve de performance au plan communautaire qui doit devenir une vraie réserve de compétitivité territoriale pour tous les pays et régions de l'Union, et non seulement ceux de la convergence comme le laisse entendre le projet de la Commission. Il sera toutefois indispensable de s'assurer par avance de la pertinence des critères qui pourraient fonder sa répartition.
Je souhaite souligner la nécessité de relier la politique de cohésion économique et sociale aux objectifs de Lisbonne, plus particulièrement en matière de croissance économique, et de rechercher une meilleure articulation avec les politiques sectorielles.
Par exemple la politique des réseaux trans-européens de transports qui vient de connaître des évolutions notables avec le rapport VAN MIERT et l'adoption d'importants textes législatifs dans le contexte de l'initiative de croissance.
L'accessibilité et donc les infrastructures de transport constituent l'un des premiers facteurs de la convergence et de la compétitivité des régions et de l'Europe et sont en outre de nature à améliorer le potentiel de croissance de l'Europe.
Je crois que l'on pourrait davantage rechercher une vision d'ensemble et une amélioration de la coordination des divers soutiens communautaires.
Avant de conclure, je voudrais insister sur les aides aux entreprises à finalité régionale : ces aides doivent, bien entendu, pouvoir être allouées avec des intensités d'aide plus élevées dans les régions en retard de développement dans l'Europe élargie, mais il faut aussi qu'elles puissent concerner toutes les entreprises, quelles que soient leur taille, leur secteur, leur localisation, sur un principe d'équité.
La Commission doit proposer une politique industrielle volontariste et ne pas seulement se contenter d'une analyse basée sur les écarts de richesse entre les États. Cela est indispensable si l'Union, dans sa globalité, veut peser dans la compétition mondiale.
Une stratégie de lutte contre les délocalisations est indispensable. Sur ce point, la Commission ne fait aucune proposition pour garantir que les transferts d'entreprises d'un pays à l'autre ne seront pas encouragés, alors même que les conclusions de la présidence italienne à Rome, lors de la réunion informelle des ministres du 20 octobre 2003, soulignait cette absolue nécessité.
En clair, il ne faut pas que la politique de cohésion défasse la cohésion.
Pour conclure, un dernier mot sur la maîtrise du budget communautaire.
Comme le souligne la lettre que la France a signée avec cinq autres pays le 1er décembre dernier, nous sommes attachés à une négociation globale sur les perspectives financières permettant de garantir la maîtrise de l'ensemble du budget communautaire. Il paraît donc prématuré de mettre aujourd'hui en discussion la part des fonds structurels dans le budget de l'Union. Cet aspect essentiel devra être éclairé par les choix effectués pour l'enveloppe totale du budget communautaire et les options retenues sur le contenu de la politique de cohésion.
Face aux risques de déséquilibres environnementaux, de fracture sociale et territoriale, issus tant de la mondialisation que du vieillissement de la population, l'Europe élargie doit prendre l'initiative d'une action politique forte, fondée sur une vision partagée de l'avenir de ses territoires, mise en uvre au travers de l'ensemble de ses politiques, au 1er rang desquelles la politique de cohésion. Plus d'impulsion stratégique au plan communautaire, plus de subsidiarité dans la mise en uvre : ces principes proposés par le 3e rapport nous semblent excellents.
(Source http://www.datar.gouv.fr, le 25 mai 2004)