Conférence de presse de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, et déclaration devant la communauté française sur les relations franco-marocaines et le "partenariat d'exception" privilégié entre la France et le Maroc, la question du Sahara occidental, et la situation en Irak et en Côte d'Ivoire, Rabat le 31 mai 2004.

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Circonstance : Voyage officiel de Michel Barnier au Maroc les 30 et 31 mai 2004 : installation du Conseil d'orientation et de pilotage du partenariat franco-marocain le 31 à Rabat

Texte intégral

(Conférence de presse de Michel Barnier, à Rabat le 31 mai 2004) :
Mes premiers mots seront pour dire combien j'ai été profondément touché par l'amitié, la fraternité de l'accueil que j'ai reçu hier et aujourd'hui au Maroc, à l'occasion de cette première visite officielle comme ministre des Affaires étrangères de la France. J'ai voulu faire cette visite ici, il s'agit de ma première visite au Maroc bien sûr, mais aussi au Maghreb et dans le monde arabe, et je crois qu'il était naturel qu'elle ait lieu ici. J'ai été, tout au long de ces deux journées, très touché par, encore une fois, la qualité de l'accueil que j'ai reçu et, en même temps, très honoré ce matin par l'écoute et la qualité du dialogue que j'ai eu avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui m'a reçu à Agadir. Je viens de rencontrer le Premier ministre. J'ai eu de longs entretiens avec M. Benaïssa et M. Fassi Fihri hier et aujourd'hui, avec beaucoup de ministres aussi qui ont bien voulu venir à notre rencontre. Tout au long de ces journées, j'ai eu l'occasion de dire à Sa Majesté, aux membres du gouvernement, combien le président de la République Jacques Chirac, le Premier ministre M. Raffarin, qui a rencontré il y a quelques jours votre Premier ministre et qui va le retrouver au mois de juillet à Paris, et l'ensemble du gouvernement français, sont attachés à ce partenariat d'exception entre la France et le Maroc.
Ce partenariat est ancré dans l'histoire, dans la géographie, dans nos cultures, dans l'économie, dans la politique et, franchement, j'ai pu mesurer aujourd'hui que ces mots "partenariat d'exception" étaient bien davantage que des mots, qu'ils recouvraient une réalité humaine, citoyenne, politique. Quand on a cette chance réciproque et mutuelle, il faut la préserver. Il faut faire vivre ce partenariat aujourd'hui et ceci pour demain. C'est l'objet de cette nouvelle méthode que nous avons mise en oeuvre avec ce comité de pilotage, pour mieux cibler nos actions, nos priorités à partir des choix du gouvernement marocain et donc, pour donner plus d'efficacité à l'argent, aux aides ou aux crédits européens ou français qui viennent accompagner le développement du Maroc.
Ce partenariat, Mesdames et Messieurs, il est, il a été, il restera celui des bons et des mauvais moments, comme est la vie lorsqu'on est ensemble. On l'est dans les mauvais moments, notamment ceux qu'a pu connaître le Maroc dans les mois ou les années passés. Je pense aux attentats de Casablanca, à la catastrophe du tremblement de terre d'Al Hoceima. La France a été immédiatement solidaire et concernée, présente. Elle l'est dans la lutte contre le terrorisme, aux côtés de tous les pays de cette rive Sud. Elle l'est aussi dans la prévention, au-delà de la réparation, s'agissant de catastrophes naturelles. C'est d'ailleurs un sujet auquel je suis personnellement sensible puisque j'ai été ministre de l'Environnement. Ces questions de prévention contre les risques naturels ont donc toujours été une partie de mon engagement personnel et politique. Donc, nous sommes ensemble dans l'urgence, dans les circonstances graves et difficiles que nous pouvons vivre les uns ou les autres. Et puis, nous sommes ensemble dans le cadre de ce partenariat pour accompagner le progrès, le développement de ce grand pays qu'est le Maroc, et notamment pour accompagner ce formidable mouvement de réformes démocratiques, de modernisation engagé sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et par le gouvernement.
J'ai pu dire à Sa Majesté et aux ministres que j'ai rencontrés, que dans ce mouvement de réformes, de modernisation, le Maroc peut être un exemple. Il peut s'appuyer sur la coopération avec la France, une coopération rénovée. Le Maroc peut s'appuyer et il s'appuiera, j'y veillerai, sur le dialogue euroméditerranéen. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, j'ai consacré les cinq dernières années de ma vie publique à la construction européenne, directement, comme l'un des vingt commissaires européens. J'avais en charge une politique qui concernait les pays de l'Union : la politique de la solidarité régionale, de la cohésion économique sociale et territoriale, qui mobilise le deuxième budget de l'Union européenne. Et cette politique est peut-être utile, son expérience peut être utilisée notamment à l'extérieur, notamment au moment où nous préparons cette action de voisinage, où la Commission, sous l'impulsion de Chris Patten, propose pour les pays de la rive Sud et du Sud-Est de l'Europe ce voisinage dans le cadre duquel le Maroc doit avoir une place prioritaire et particulière. Là encore, nous y veillerons. Pour réussir cette modernisation et cette réforme à l'intérieur du Maroc il y a ces outils, ces cadres : la coopération franco-marocaine et puis le dialogue euroméditerranéen.
Avant de répondre à quelques-unes de vos questions puis de rejoindre la communauté française, je voudrais également dire que, naturellement, et avec Sa Majesté le Roi, et avec le Premier ministre, et avec les ministres, le ministre des Affaires étrangères, le ministre délégué aux Affaires étrangères, nous avons évoqué les grands sujets qui nous préoccupent de la même manière : les grandes crises actuelles, les tragédies qui concernent toutes nos régions. Je pense naturellement à la tragédie irakienne, dont il faut sortir maintenant par un processus politique, et puis naturellement la crise israélo-palestinienne qui est à la source de beaucoup d'instabilité et de préoccupation et dans laquelle, vous le savez, vingt-cinq pays de l'Union européenne sont solidaires pour considérer que la seule issue est de mettre en oeuvre patiemment, étape par étape, la Feuille de route sur laquelle nous nous étions mis d'accord, avec les Nations unies, avec les Américains, avec les Russes et sur laquelle il y avait un accord de l'État d'Israël et de l'Autorité palestinienne. La seule méthode possible, c'est la concertation. On ne fera pas la paix seulement entre Israéliens et Américains. On la fera aussi avec les Palestiniens, qu'il faut écouter et qu'il faut respecter. Nous avons évoqué ces grandes crises et les issues politiques sur lesquelles nous travaillons, notamment dans le cadre des Nations unies. Nous avons également évoqué l'enjeu du Maghreb et de son intégration, et notamment la situation au Sahara.
Voilà, je suis prêt maintenant à répondre à quelques-unes de vos questions.
Q - Vous avez appelé à un dialogue entre le Maroc et l'Algérie pour trouver une issue au problème du Sahara.
R - D'abord il faut aller vers l'intégration du Maghreb, pour la sécurité, la stabilité, le progrès de cette région. Les raisons d'être ensemble sont bien plus importantes au fond, dans le moyen et le long terme, que les raisons d'être divisés. Comment sortira-t-on de la situation actuelle ? D'abord, rien ne sera imposé à aucune des parties. C'est un point sur lequel je suis extrêmement clair. Deuxièmement, pour sortir de la situation actuelle, il faut un dialogue, et notamment un dialogue qui appartient à ces deux pays souverains, le Maroc et l'Algérie, qui sont tous les deux des pays amis de la France. Et pour mener ce dialogue, l'Algérie et le Maroc n'ont pas besoin de tuteur, ni de tutelle ni de médiateur, ni de la France ni de personne d'autre. Ce dialogue leur appartient. Il y a un autre dialogue qu'il faut conduire, Marocains et Algériens ensemble, c'est le dialogue avec M. Baker, dans le cadre des Nations unies. Voilà ce que je peux dire et confirmer à la suite de mes premières déclarations.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce qu'il y a actuellement des concertations entre les États-Unis et la France sur la question du Sahara et jusqu'à quel point y a-t-il une vision commune sur la solution politique à cette question ?
R - Il y a naturellement des discussions dans le cadre des Nations unies. Lorsque la résolution aux Nations unies a été adoptée à l'unanimité, prolongeant les initiatives engagées par le passé, du moins pour quelques mois, il y a eu des discussions entre les membres du Conseil de sécurité, dont nous faisons partie. Dans le cadre des Nations unies, il y a ce dialogue, et puis il y a le dialogue auquel j'ai appelé, entre Marocains et Algériens, et avec M. Baker dans le cadre des Nations unies. Pour le reste, je vous ai dit comment nous voyons les choses et je pense que j'ai été assez clair sur la responsabilité qui est d'abord celle de ces deux pays souverains, amis de la France, que sont le Maroc et l'Algérie.
Q - Prochainement le Maroc va signer un accord de libre-échange avec les États-Unis. Jusqu'à présent, la France est le premier partenaire européen ou même étranger du Maroc. Est-ce que cela ne va pas influencer ces rapports privilégiés entre le Maroc et la France ?
R - Écoutez, franchement, le Maroc est un pays souverain. Il veut se développer, et il se développe. Le Premier ministre, que je viens de rencontrer, a cité des chiffres de croissance très impressionnants et très positifs, en 2003, en 2004, dans tous les domaines de l'économie marocaine, qu'il s'agisse de l'industrie, du commerce ou de l'agriculture. Donc, je trouve que pour développer ses échanges, il faut nécessairement, comme le monde d'aujourd'hui le commande, ouvrir son économie, et le Royaume est résolument engagé dans ce processus d'ouverture économique et commerciale. Je trouve légitime qu'il souhaite multiplier les opportunités d'échanges et d'investissements, notamment avec un très grand pays comme les États-Unis. Vous l'avez rappelé dans votre question, la France est historiquement et jusqu'à aujourd'hui - je ne pense pas me tromper - le principal partenaire commercial du Maroc. J'ai les chiffres sous les yeux : 65 % des échanges du Maroc se réalisent avec l'Union européenne, pour laquelle le Maroc est une sorte de pont naturel, avec une vraie proximité. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs il y a un accord d'association entre l'Union européenne et le Maroc.
Précisément, j'ai eu l'occasion, lorsque j'étais ministre des Affaires européennes de la France, il y a une dizaine d'années, de travailler avec le président Chirac aux côtés du Maroc à cet accord d'association qui a une dimension politique, culturelle, économique et humaine. L'objectif des accords d'association avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée, c'est de parvenir, vous le savez, à l'horizon 2010, à une zone de libre-échange euro-méditerranéenne, objectif qui n'est pas contradictoire avec la libéralisation des échanges avec d'autres puissances ou d'autres partenaires. Je n'inclus pas la perspective de cet accord avec les États-Unis dans une sorte de concurrence. Nous ne sommes pas dans cet état d'esprit. Mais je veux simplement rappeler que naturellement, parce que c'est la vérité des chiffres aujourd'hui de l'économie marocaine, 65 % des échanges se font avec l'Union européenne, et cela justifie aussi cet accord d'association que nous devons poursuivre, consolider dans les années qui viennent, et même élargir à travers cette zone de libre-échange euro-méditerranéenne.
Q - On a l'impression qu'il y a une sorte de fatalité dans le mode de désignation de l'exécutif irakien, le choix du président irakien. Est-ce que vous pensez que les Nations unies doivent avoir un poids plus important ?
R - Je ne crois sûrement pas à la fatalité, mais davantage au volontarisme, comme c'est la marque de l'action politique. Naturellement, nous suivons, heure par heure, la situation à Bagdad et j'ai eu l'occasion de m'entretenir les heures passées avec beaucoup de mes collègues, ministres des Affaires étrangères, notamment représentant les pays qui sont membres du Conseil de sécurité. J'ai eu l'occasion également de m'entretenir longuement de cette situation par téléphone avec M. Brahimi, qui se trouve actuellement à Bagdad. Nous avons pris acte de la désignation de M. Iyad Allaoui comme Premier ministre du gouvernement intérimaire. Nous attendons, je l'ai dit à M. Brahimi, les conclusions de sa mission et les annonces auxquelles il doit procéder dans les heures et les jours qui viennent.
Il est pour nous essentiel que le peuple irakien puisse se reconnaître dans ses futurs dirigeants, qui vont maintenant gérer un pays pleinement souverain. C'est ce qui leur a été promis, et c'est ce qu'il faut faire : gérer un pays qui doit être pleinement souverain avec cette première mission, difficile mais nécessaire, d'organiser au début de l'année prochaine des élections libres et démocratiques. Je voudrais revenir sur le projet de résolution des Nations unies auquel nous travaillons à partir d'un premier projet proposé par les États-Unis et le Royaume Uni. S'agissant de ce projet de résolution, il ne faut pas précipiter les choses, parce que je pense que le nouvel exécutif souverain à Bagdad devra être, doit être sérieusement associé aux discussions sur le contenu de ce texte. Pour que cette résolution soit crédible et opérationnelle, il faut que le nouvel exécutif souverain à Bagdad soit associé et consulté sur ce projet de résolution.
Q - Vous avez dit tout à l'heure qu'entre le Maroc et l'Algérie il faut un dialogue souverain. Diplomatiquement parlant, qu'est-ce que vous voulez dire ?
R - Sur le Sahara, je vous ai dit l'importance que nous devons tous attacher à cette intégration du Maghreb, et la perspective nécessaire que l'on sorte de la situation actuelle. J'ai dit la responsabilité de ces deux pays souverains qui doivent trouver le moment et le chemin de ce dialogue entre eux. Encore une fois, ils n'ont pas besoin, ni le Maroc ni l'Algérie, de tuteur, de tutelle, de mentor ni de médiateur pour trouver le moment et le chemin de ce dialogue. J'observe que le ministre des Affaires étrangères du Royaume est allé à Alger et que des contacts ont lieu entre les gouvernements, et je trouve cela très important et très positif. Je pense que la sortie de cette situation passe d'abord par ce dialogue mutuel, réciproque entre ces deux pays.
Q - Y a-t-il une alternative à la situation en Côte d'Ivoire, où le Maroc a envoyé des soldats ?
R - Nous sommes très préoccupés de la situation en Côte d'Ivoire et, là encore, la seule issue à cette crise est naturellement une issue politique, à laquelle beaucoup de pays, pas seulement la France, ont travaillé. Le chemin, la feuille de route, je reprends ce mot, de cette sortie, de cette issue politique, a été tracé. C'est l'accord de Marcoussis. Et encore une fois, je ne vois pas d'autre intérêt que le respect par toutes les parties, dans leur responsabilité, de leur signature au bas de cet accord de Marcoussis, et la mise en oeuvre, étape par étape, de part et d'autre, des engagements pris pour préparer les élections. Là encore, c'est toujours le même chemin qui passe par des élections, et c'est toujours le même cadre, celui des Nations unies. Pour moi, cette feuille de route, qui est sur la table, qui a d'ailleurs commencé à être mise en oeuvre, doit être respectée.
Q - On sait que dans le cadre de la coopération maroco-française les projets de développement du Rif ont été toujours délaissés. Est-ce qu'on peut espérer un changement de politique dans cette région du Nord, et notamment des centres culturels français, comme il y en a dans le reste du Maroc ?
R - Le Premier ministre m'a beaucoup parlé de cet engagement au développement par de grands investissements dans le Nord du Maroc. C'est un des sujets de notre conversation tout à l'heure et notamment les grandes infrastructures de transport portuaire, routier, ferroviaire, de développement touristique qui sont actuellement soutenues par le gouvernement marocain. Cette coopération s'appuie d'abord sur les priorités qui sont choisies par le gouvernement marocain. Ce n'est pas nous, depuis Paris ou depuis Bruxelles, qui allons dire "voilà ce qu'il faut faire pour développer telle ou telle région". Nous sommes dans un partenariat. Moi, j'attache beaucoup d'importance à ce mot de partenariat, qui veut dire autre chose que ce qui s'est passé autrefois, et autre chose, peut-être, que ce que veulent faire d'autres puissances. Le partenariat, c'est le respect mutuel et, s'agissant du Maroc, c'est travailler à partir des priorités actuelles du gouvernement et de Sa Majesté pour la modernisation et la réforme du pays. Donc, s'agissant du Nord, j'ai compris que c'était une priorité et naturellement nous allons appuyer cette priorité. Et je verrai, ne m'en veuillez pas de ne pas entrer dans les détails qui sont importants, comment accompagner ce développement, notamment sur le plan culturel dans le cadre du réseau culturel et éducatif français ou francophone, qui est déjà important au Maroc.
Q - On a assisté à la mise en place de nouvelles structures de coopération franco-marocaines. Sur le plan concret du contenu, quelles sont les idées fortes qui vont conduire cette nouvelle étape du partenariat, par rapport à la coopération traditionnelle ?
Sur la question du Sahara marocain, la France a toujours été solidaire. Et là, nous entendons une nouvelle position qui rejoint celle des États-Unis, qui avaient demandé justement à ce qu'il y ait un dialogue entre l'Algérie et le Maroc en dehors des Nations unies pour trouver une solution. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un recul de cette position française ?
R - La position de la France n'a pas changé sur le fond et donc je n'y reviens pas. Je n'ai pas eu le sentiment, en dialoguant avec les plus hautes autorités du Royaume aujourd'hui et du gouvernement, que cette idée d'un dialogue entre ces deux pays étonnait. Il me semble avoir dit et confirmé quelque chose de naturel et d'avoir aussi rappelé l'importance du cadre des Nations unies.
Sur le partenariat, j'ai prononcé ce matin une allocution au ministère des Affaires étrangères qui fixe notre état d'esprit. J'ai été très heureux, qu'après si longtemps, on l'évalue et on le rénove en effet, pour le relancer et pour donner davantage d'efficacité à l'usage des fonds de coopération, qui sont quand même des fonds importants. S'agissant de l'aide publique au développement, le Maroc mobilise la première part, en tant que pays, de ces fonds français, et ce n'est pas loin de 200 millions d'euros selon les années. Mon souci, puisqu'il s'agit d'argent public, c'est de lui donner la plus grande efficacité pour améliorer la vie quotidienne, le développement, la formation, l'éducation, selon ce que souhaite le gouvernement marocain ici.
Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit ce matin, si vous le voulez bien. Reportez-vous au texte de mon intervention. Mais j'ai remarqué que, désormais, c'était une démarche globale d'évaluation et transversale, plutôt que des actions juxtaposées. J'ai observé aussi, c'est le deuxième point, une meilleure sélection des priorités. Comme on ne peut pas tout faire de la même manière, on choisit des priorités, et j'ai observé que c'était l'éducation, la ville, la formation, le développement durable. Dernier point que je voudrais noter. J'ai été accompagné de deux parlementaires français, Mme Brisepierre, qui est sénateur et présidente du groupe d'amitié Maroc-France au Sénat, et M. Poniatowski, qui est vice-président du groupe Maroc-France de l'Assemblée nationale, qui peuvent témoigner de l'importance de la coopération décentralisée. J'attache beaucoup d'importance, en ce qui me concerne, au-delà de ce que les gouvernements peuvent faire, de ce que l'Union peut faire avec le Maroc, avec le Maghreb, plus près encore des citoyens, plus près des réalités et de manière plus continue, à ce que des collectivités territoriales de France et du Maroc peuvent faire ensemble. Et j'ai été très impressionné et très heureux, comme ancien président de collectivité territoriale - j'ai présidé la Savoie pendant 17 ans et je suis très attaché à l'outil que constitue la coopération décentralisée -, j'ai été très heureux de voir la vivacité que je vais encourager, le dynamisme de cette coopération décentralisée entre les collectivités territoriales du Maroc et celles de la France.
Merci à tous de votre attention et à bientôt.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2004)
(Déclaration de Michel Barnier devant la communauté française, à Rabat le 31 mai 2004) :
Je suis très heureux de vous retrouver et de conclure cette longue série d'entretiens et de contacts, ici, dans cette belle résidence. En effet, Monsieur l'Ambassadeur, parce que ce soir, et je vous remercie aussi pour cela, est le lundi de Pentecôte, je suis très sensible à votre présence, et je souhaite remercier Frédéric Grasset et toute son équipe pour son accueil ici et pour la qualité du travail de cette équipe pour la préparation de ma première visite officielle au Maroc, mais aussi au Maghreb et dans le monde arabe, et je voulais, naturellement, que cette visite soit pour le Maroc.
Je voudrais tous et toutes, vous saluer, dans la diversité de vos responsabilités, de vos engagements professionnels, administratifs, diplomatiques, consulaires mais aussi de vos responsabilités militaires, spirituelles ou associatives. Je salue en particulier vos délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger qui sont ici et avec lesquels je parlerai peut être tout à l'heure un peu plus en détail de vos préoccupations quotidiennes. Je suis heureux que, dans la très grande diversité de ses engagements et de ses responsabilités, la communauté française soit ici représentée.
Cette visite, Mesdames et Messieurs, était pour moi l'occasion de redire à Sa Majesté le Roi et au gouvernement, le message fraternel, amical et affectueux du président de la République qui, vous le savez, est très attaché à ce pays et aux hommes et aux femmes qui y vivent, parmi lesquels vous vous trouvez.
Cette visite a été aussi l'occasion pour moi de réaffirmer ce que nous avons appelé le partenariat d'exception privilégié de la France, de notre pays, avec le Maroc, ce pays où vous vivez, où vous travaillez et que vous aimez. C'était, notamment dans le cadre de ce partenariat, l'occasion de mettre en oeuvre un certain nombre de décisions ou d'orientations. Lorsque le chef de l'Etat est venu pour sa visite au mois d'octobre, lorsque le Premier ministre marocain rencontre Jean-Pierre Raffarin, et ils vont se retrouver bientôt en juillet, il faut que les décisions prises ou les orientations fixées soient suivies concrètement. C'était l'objet de ce comité de pilotage auquel un certain nombre d'entres vous a travaillé, sujet par sujet, groupe par groupe, pour donner un contenu précis, concret, plus ciblé sans doute, à cette coopération qui, je l'ai observé, s'inscrit dans le cadre d'une relation très ancienne entre la France et le Maroc et qui se trouve néanmoins malgré l'ampleur des sommes engagées, - près de 200 millions d'euros par an -, en deçà de nos ambitions politiques. A l'intérieur de cette coopération, j'attache et j'attacherai beaucoup d'importance à ce qu'on appelle la coopération décentralisée, qui est en effet plus concrète, plus suivie, entre les collectivités territoriales de la France et celles du Maroc. Je le dis en présence de deux parlementaires, amis du Maroc, qui sont mes amis et qui ont bien voulu m'accompagner, Mme la Sénatrice Paulette Brisepierre et Axel Poniatowski, qui est vice-président du groupe d'amitié France-Maroc à l'Assemblée nationale. Ils suivent l'ensemble des sujets de la coopération et, en particulier, je les en remercie publiquement devant vous, très activement cette coopération décentralisée.
Ce partenariat, Mesdames et Messieurs, que vous vivez ou que vous faites vivre les uns ou les autres, c'est naturellement la solidarité entre le Maroc et la France. Cette solidarité vaut à mes yeux dans les bons et dans les moins bons moments, ou dans les mauvais moments, ou dans les moments où on a besoin, entre amis, d'être solidaires et ensemble. J'ai utilisé à une ou deux reprises le mot de fraternité. C'est cette fraternité que nous avons démontrée lorsqu'à Casablanca, le Maroc a été touché au coeur par le terrorisme, et que nous avons exprimée immédiatement à Al Hoceïma, au lendemain du tremblement de terre, comme nous le faisons ailleurs : j'étais à Haïti, avant-hier, dans les mêmes circonstances, après les inondations tragiques qui ont provoqué plus de mille morts et disparus. La France était aussi présente, fraternelle et solidaire après les inondations de Mohammédia. Donc, notre solidarité s'exprime au-delà des mots, dans l'urgence et dans les moments graves.
Ce partenariat est aussi un échange. Et comment en serait-il autrement entre deux pays qui ont autant de proximité humaine : 800.000 Marocains en France, 30.000 Français au Maroc. Il est normal que cet échange et ce partage aient lieu. Et puis, puisque je parle de partage, ce partenariat est aussi du progrès partagé.
Le Roi a engagé une réforme démocratique, une modernisation de ce pays. Il m'a parlé avec beaucoup de détermination, et j'ai été assez impressionné d'un ensemble de grands travaux qui sont planifiés : travaux routiers, ferroviaires, portuaires, touristiques. Il a exprimé aussi le souhait que les entreprises françaises continuent d'être très présentes et très actives dans ce développement. J'ai indiqué à Sa Majesté et au gouvernement que, pour cette modernisation, pour cette réforme du Maroc, le pays pouvait s'appuyer à la fois sur la coopération franco-marocaine et sur cet espace euroméditerranéen. Ce que nous avons fait ce matin pour le dialogue franco-marocain, est aussi vrai pour le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée. Les deux doivent être rénovés, vivre avec leur temps, ils doivent être réamorcés. L'autre jour, nous étions en Irlande avec les ministres des Affaires étrangères des vingt-cinq pays de l'Union et de toute la rive Sud de la Méditerranée, et là aussi, presque dix ans après Barcelone, il est nécessaire d'évaluer et de constater parfois un essoufflement. Donc, nous avons des raisons de relancer ce partenariat, pour le faire vivre avec son temps.
Et je crois d'autant plus indispensable de relancer ce partenariat que l'Europe aujourd'hui a retrouvé les dimensions de son histoire. Nous avons accueilli le 1er mai dix pays de plus dans l'Union, aujourd'hui cette Union compte 450 millions de citoyens et de consommateurs. C'est une chance, y compris pour les pays de l'autre rive de la Méditerranée. Mais, il faut faire attention que le centre de gravité politique de l'Union se déplaçant, j'allais dire presque naturellement, à l'Est, le dialogue avec le Sud soit, en même temps, consolidé.
C'est la responsabilité du gouvernement français, mais aussi du gouvernement espagnol, portugais ou italien, de tous ceux qui ont une proximité culturelle, historique, géographique avec le Sud et qui connaissent les pays de l'autre rive, même si j'ai encouragé les dirigeants de ce pays à faire l'effort d'aller dire qui ils sont et ce qu'ils sont aux pays d'Europe centrale, orientale ou baltique.
En tous les cas, je pense, et je ne suis pas le premier à le dire, que le Maroc a une vocation historique, géographique, politique à être une sorte de pont entre le Maghreb et l'Union européenne.
Naturellement, Mesdames et Messieurs, les mots sont importants mais, pour moi, ils ne suffisent pas. Voilà pourquoi je veux saluer maintenant, et avant de conclure, ce que vous faites concrètement les uns et les autres. Et voilà pourquoi, aussi, je veillerai, malgré les contraintes budgétaires que je suis obligé de respecter, à ce à quoi vous tenez, c'est-à-dire aux réseaux diplomatique, culturel, éducatif, à nos établissements, instituts, écoles, lycées. Mais naturellement, la carte et la nature de nos implantations doivent parfois être adaptées. Cette carte s'enrichit d'établissements nouveaux, par exemple à El Jadida ou à Essaouira. En 2005, l'Institut culturel de Rabat sera installé dans des locaux adaptés. Son annexe de Kénitra pourra retrouver son autonomie, comme alliance française, tout comme l'antenne à Fès de l'Institut de Fès-Meknès.
Je sais, Mesdames et Messieurs, que le personnel de ces instituts s'inquiète. Notre ambassade lui a indiqué que le réaménagement se ferait avec lui, et j'attache, ici comme à Paris, une importance personnelle à la qualité du dialogue social, dans le souci de garantir l'emploi des professionnels qui travaillent dans les deux instituts concernés. Je puis assurer ces personnels que la concertation et le dialogue se poursuivront avant toute décision.
Je vous dis cela aussi parce que pendant cinq ans - même si c'était un peu plus près et je ne peux que vous faire sourire - moi aussi j'ai été un Français de l'étranger. Parce que j'ai vécu pendant cinq ans comme résident à Bruxelles. Les cinq dernières années, mes enfants étaient scolarisés au lycée français. Donc, je peux dire, même si c'est plus près ou même si ce sont des problèmes différents, l'attention personnelle que je porterai aux difficultés quotidiennes que vos représentants, vos délégués au CSFE voudront bien me transmettre.
Il y a aussi notre mission diplomatique et consulaire, l'une des plus importantes, Monsieur l'Ambassadeur, à travers le monde. Les services de l'ambassade, chancellerie et service de coopération seront regroupés, vous le savez, sur un seul site à Rabat, d'ici trois ou quatre ans. Il en ira de même de notre consulat général à Rabat, et c'est pour moi l'occasion de rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, dans ce cadre, se mettent à votre service pour, notamment dans le domaine de l'aide et de la protection sociales, aider ceux d'entres vous qui en ont le plus besoin. Je connais le dynamisme des consulats. J'ai eu l'occasion tout à l'heure de saluer les consuls généraux qui sont ici, mais aussi tous ceux qui, par le bénévolat, et ils sont très nombreux, et par le moyen des associations, font preuve d'autant de discrétion que de dévouement et que je veux remercier.
Vous me permettrez, en conclusion, de rendre hommage - puisque je parlais de partenariat et que j'ai été interpellé aujourd'hui sur les enjeux économiques, notamment à l'instant par le Premier ministre - aux entreprises du secteur privé - 400 entreprises françaises au moins sont implantées ici - et, à l'intérieur de ces entreprises, mais pas seulement, aux doubles-nationaux qui favorisent cet enracinement mutuel et réciproque entre la France et le Maroc.
Je vous remercie également et c'est un point particulier, de votre compréhension - et je sais que ce n'est pas toujours facile - des mesures de sécurité que nous sommes obligés d'imposer, à travers notre réseau, nos implantations consulaires ou culturelles, non seulement pour prévenir des risques naturels mais aussi des risques qui ne sont plus malheureusement seulement naturels par les temps qui courent, comme nous l'avons vu encore à Casablanca, ici chez vous, ou au coeur de la démocratie européenne à Madrid il y a quelques semaines. Là encore s'agissant de prévention, je veux remercier les bénévoles et en particulier les chefs d'îlots qui font un formidable travail pour assurer ce plan de prévention.
Je me permettrai enfin de vous transmettre très personnellement - puisqu'il m'a demandé de le faire - le salut amical et fraternel du président de la République avec qui je me trouvais au Mexique hier. Avec le Premier ministre, M. Raffarin, ils m'ont chargé tous les deux de ce message amical à l'ensemble de la communauté française et francophone que vous êtes ici symboliquement et que vous représentez.
Merci à vous tous.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juin 2004)