Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur la littérature des Caraïbes, Saint-Malo le 28 mai 2004.

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Circonstance : Inauguration du 15ème festival Etonnants Voyageurs, à Saint-Malo le 28 mai 2004

Texte intégral

Monsieur le Député-Maire,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour l'inauguration de cette quinzième édition du Festival Etonnants Voyageurs consacré aux littératures des Caraïbes. Il s'agissait, cette année, de mieux faire connaître à nos concitoyens la contribution immense de cette région du monde au patrimoine littéraire universel, dans toute la diversité de ses langues. Aimé Césaire, Léon Gontran Damas, René Depestre, Maryse Condé, Franketienne ou encore Edouard Glissant ou Joseph Zobel sont aujourd'hui reconnus dans le monde entier. Il était urgent en métropole de rendre, enfin, un hommage mérité à une part irremplaçable de la littérature d'expression française.
L'éclat et la qualité des auteurs de la Caraïbe sont le signe d'une indéniable créativité. Aujourd'hui encore, la jeune génération d'écrivains de Martinique, de Guadeloupe ou de Guyane, à l'image de celle des pères fondateurs, bouscule, subvertit et enrichit la langue et les lettres françaises. Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Gisèle Pineau, Daniel Maximin, Roland Brival, ou encore Daniel Picouly. Tous écrivains d'outre-mer composant notre culture nationale
J'ai bien sûr une pensée toute particulière pour Haïti, dont nous commémorons cette année le bicentenaire de la révolution. Au delà des difficultés actuelles, la richesse de sa littérature et le talent de ses écrivains sont les meilleurs témoins de la culture et de l'esprit de ce pays. Pendant ces quelques jours, la littérature haïtienne sera, pour un grand nombre de Français, une révélation.
La production culturelle de la France d'outre-mer est, vous le savez, abondante. Elle est le témoignage d'identités et de cultures singulières, héritières d'une longue histoire, d'échanges et de métissage. Elle dévoile, aujourd'hui plus que jamais, des penseurs, des romanciers, des poètes, des cinéastes dont l'originalité et la créativité sont estimées aujourd'hui dans le monde. Ses uvres reçoivent les distinctions les plus illustres, ses penseurs et ses écrivains sont présents dans les meilleures universités, souvent américaines. Cette production, hélas, ne trouve malheureusement pas toujours sa juste place en métropole.
C'est pourquoi la promotion du livre et des auteurs d'outre-mer reste pour moi une préoccupation majeure. La manifestation d'aujourd'hui est une réponse, parmi d'autres, à ce défi. Aussi ai-je voulu que le ministère de l'outre-mer soit, cette année, aux côtés du Festival Etonnants Voyageurs.
Le ministère de l'outre-mer, et c'est aussi son rôle, a engagé, outre-mer, une politique de soutien à la culture, en collaboration avec le ministère de la culture et de la communication. En premier lieu, à l'endroit de la création littéraire par un dispositif d'appui à l'édition, " La librairie de l'outre-mer ", voulu par le ministère et mis en place avec le Centre national du livre. Il permet d'accorder des aides à l'édition d'ouvrages littéraires, de pièces de théâtre, de livres destinés à la jeunesse, et aussi de revues. Il permet également de soutenir la traduction des ouvrages ultramarins dans les différentes langues étrangères, la réédition d'ouvrages épuisés, la préparation d'uvres multimédias ou encore l'acquisition de fonds destinés aux libraires et aux bibliothèques.
En aval de la création littéraire, le ministère de l'outre-mer favorise également la diffusion et la publicité des uvres tant en métropole qu'en outre-mer. C'est ainsi que nous nous associons aux événements et aux manifestations culturelles d'envergure nationale en apportant un éclairage ultramarin : permettez-moi de vous citer par exemple le salon du livre de l'outre-mer, chaque automne, dans les locaux du ministère, lors de l'opération Lire en fête, ou la mise à disposition d'un espace outre-mer aux éditeurs ultramarins lors du Salon du livre de Paris. Ce sont tous ces rendez-vous nationaux qu'il convient de peindre aux couleurs de l'outre-mer.
La visibilité des cultures et des identités ultramarines en France métropolitaine passe aussi par l'image. Le cinéma et la télévision doivent refléter la richesse et la diversité de toutes les cultures qui forment notre communauté nationale. Ils ne le font pas assez.
La télévision publique doit à cet égard jouer tout son rôle. C'est aussi pour favoriser la multiplication des images et des visages ultramarins sur les écrans nationaux, que nous avons souhaité réformer RFO et l'intégrer à France Télévision
Notre pays et la Caraïbe partagent une longue histoire commune faite d'ombres et de lumières. La Guadeloupe et la Martinique, la Guyane, Haïti aussi, nous imposent, à nous Français de l'hexagone, un regard neuf sur le passé et nous invitent aussi à en assumer la part sombre. Comment ne pas évoquer les figures de Toussaint Louverture et de Louis Delgrès morts pour la liberté? Pour faire écho à ces combats qui permirent l'abolition de l'esclavage, au milieu du XIXème siècle, la France cherche à conduire, aujourd'hui, l'indispensable travail de mémoire.
C'est le sens de la naissance du comité pour la mémoire de l'esclavage, prévu par la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, que j'ai installé en avril dernier. Ce comité, présidé par Maryse Condé, a pour mission entre autres, et c'est à mes yeux essentiel, de faire des propositions pour adapter les programmes scolaires et pour permettre un meilleur enseignement aux nouvelles générations de ce que furent la traite et l'esclavage.
Miroir et commun réceptacle d'une Histoire souvent tumultueuse et dérangeante, la littérature de la Caraïbe est également le lieu où se pense la diversité du monde, car le multiculturalisme et le métissage sont à l'uvre dans cette région depuis fort longtemps. La République française est forte de la pluralité des expressions culturelles de ses populations. Pourtant cette évidence se heurte, parfois, chez certains, à des réticences et à des craintes infondées. Là aussi la Caraïbe est, pour nous, métropolitains, source d'enseignement et de leçon. Elle est elle-même diversité, elle est en soi ce Tout Monde cher à Edouard Glissant.
C'est pourquoi, en ces temps incertains, je me réjouis du choix politique du Festival " Etonnants Voyageurs " de mettre, cette année, les littératures caribéennes à l'honneur. Je suis sûre que ce moment sera plus que jamais l'occasion d'échanges et de dialogues porteurs de sens entre la métropole et l'outre-mer, entre la France et la Caraïbe.
Je vous souhaite à tous un bon festival.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 2 juin 2004)