Conférence de presse finale de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur le Proche Orient, l'action extérieure de l'Union européenne, les blocages de la négociation engagée dans le cadre de la conférence intergouvernementale sur les institutions européennes, Evian le 3 septembre 2000.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne à Evian les 2 et 3 septembre 2000

Texte intégral

Mesdames et Messieurs bonjour,
Merci de nous avoir attendu ici, nous espérons que vous avez passé un séjour agréable à Evian. Je sais que c'est toujours des moments d'attente parfois longs, et nous avions tout fait pour que cette attente, inévitable, ait lieu dans un contexte agréable, et je crois et je l'espère en tout cas que c'était le cas. Nous venons de tenir ce gymnich, vous êtes tous ici des spécialistes vous connaissez bien la nature de ces exercices et vous savez que les gymnichs permettent quelque chose qu'en réalité, et malheureusement, on ne peut faire dans aucune des réunions européennes ni dans les Conseils européens qui ont des emplois du temps extrêmement précis et organisés, surchargés, ni dans les Conseils Affaires générales, c'est-à-dire parler, tranquillement, calmement, sérieusement de sujets de fond, ce qui n'empêche pas de traiter des sujets d'actualité immédiate quand vraiment ils sont là. Mais ce n'est pas l'esprit de ces gymnich dont il faut défendre vigoureusement le caractère informel, ce qui veut dire pas de déclaration officielle, pas de communiqué, et justement dégager les entretiens de la pression qui peut exister dans les autres réunions. C'est dans cet esprit que nous avons abordé les quatre grands sujets que vous connaissez : le Proche-Orient, l'efficacité de l'action extérieure de l'UE, l'avenir de l'Europe, les Balkans.
Nous avons évoqué le dossier du Proche-Orient au déjeuner du 2 septembre. Nous avons confronté nos analyses. Nous n'étions plus tout à fait dans le contexte auquel nous pensions quand nous avions choisi ce sujet, puisque les Palestiniens s'interrogent eux-mêmes non pas sur leur droit à la proclamation unilatérale d'un Etat palestinien - droit qui leur a été reconnu par la Déclaration de Berlin que personne ne songe à remettre en cause, donc ce droit est acquis -, mais ils s'interrogent sur l'opportunité, sur les conditions sur le moment. C'est une interrogation sage. Et les Quinze sont évidemment très favorables, ardemment favorables à ce que les contacts bilatéraux, trilatéraux, multiples, qui ont lieu en ce moment puissent aboutir à la reprise d'une vraie négociation à partir des acquis de Camp David qui a marqué une vraie percée historique et qu'à partir de là puisse se conclure cet accord de paix que nous souhaitons tous tellement et auquel les Européens ont tous travaillé à leur façon depuis presque une vingtaine d'années - les Européens ont joué un très grand rôle dans l'évolution des mentalités -. Il s'agit maintenant de conclure la paix et après il s'agira de la construire. Dans la construction de la paix, l'Europe occupera évidemment pour des raisons de proximité, de géographie, d'économie, une place essentielle.
Dans la conclusion de la paix la responsabilité historique revient aux Israéliens et aux Palestiniens par un travail d'ingéniosité pour trouver les formules destinées à régler la question des réfugiés, pour réussir à répartir et à combiner les souverainetés au mieux à Jérusalem et dans les lieux saints. Tous ceux qui peuvent avoir des idées comportant une valeur ajoutée peuvent être utiles à ce processus. Mais il ne faut pas confondre ceux qui aident et ceux qui, au bout du compte, décident devant leur peuple et devant l'Histoire. Nous voulons tout faire, nous tous les Quinze, pour que cette décision historique puisse être prise dans pas trop longtemps car c'est un moment décisif mais c'est un moment court, ce moment possible pour la paix.
Nous avons consacré une longue séance hier après-midi à traiter de l'amélioration de l'efficacité de l'action extérieure de l'Union européenne et pas uniquement de la rubrique quatre avec une approche plus large, et comme je l'ai dit hier soir brièvement à quelques-uns uns d'entre vous on dit tout le temps qu'il faut améliorer l'efficacité des institutions, on dit également et c'est vrai qu'il n'y a pas que les réformes institutionnelles, les réformes des traités, les réformes juridiques. Il y a aussi tout ce qui relève de la pratique, de la gestion, de la bonne gestion, et bien c'est ce que nous avons fait. Nous avons pris le temps de nous arrêter, de soulever le capot du moteur et de plonger dans le moteur et dans les mécanismes. Alors je sais que ce n'est pas un sujet qui peut faire un titre, mais tous ceux d'entre vous qui suivent les travaux de l'Europe et qui déplorent réunion après réunion, qu'on dise toujours la même chose, qu'on tourne en rond, qu'on arrive pas à améliorer l'efficacité, devraient se réjouir du fait que les quinze ministres et les commissaires aient consacré une après-midi entière à ce sujet : comment améliorer le mécanisme de décision dans tout ce qui relève de l'action extérieure, comment améliorer la gestion des décisions prises, c'est aussi simple que ça. Cela se décompose dans toute une série de conclusions pratiques que nous avons dégagées ensemble et qui devront être concrétisées à un très prochain COREPER pour être prêtes au prochain Conseil Affaires générales puis au suivant, car la tâche est lourde. Il y aura donc des suites tangibles que vous pourrez observer avant d'en constater la mise en oeuvre.
Tout cela n'aurait pas pu être fait s'il n'y avait pas un plein d'accord entre la Commission et le commissaire Patten mais aussi le représentant et les ministres. Les ministres veulent pouvoir jouer leur rôle au sein du Conseil Affaires générales dont le nom dit bien ce que cela veut dire pour fixer des orientations pour pouvoir en débattre, ils ont besoin des informations claires, explicites sur ce qui se passe et sur les conséquences de ce que l'on décide. Et tout ça se fait en convergence avec les efforts du Commissaire Patten qui était le premier en arrivant dans ce poste à dire les choses ne tournent pas rond, il faut reprendre cette gestion. Donc, nous nous sommes engagés dans un effort de clarification qui suppose que l'on dise bien quel est le rôle de chacun. S'il n'y avait pas eu cet objectif commun et ce désir de travailler ensemble mieux, on n'aurait pas pu faire ce travail utile. Ce matin, nous avons eu un échange sur l'avenir de l'Europe, évidemment, chacun le sait, je l'ai dit, je le répète ici, la priorité absolue c'est de réussir à Nice, car si nous n'étions pas capables à quinze de trouver à Nice sur les quatre sujets à l'ordre du jour une vraie bonne solution, toutes les spéculations sur la suite, toutes les réflexions sur la suite, serait un peu dans le vide en réalité, donc c'est l'échéance clé. Nous le savons tous. Mais cela n'a pas grand intérêt pour les ministres de refaire le tour de table pour réexprimer les mêmes positions connues. Justement, nous commençons à déplorer que chacun répète mécaniquement sa position, et nous disons que le temps est venu de rentrer dans la vraie négociation, mais pour cela nous avons un calendrier, nous avons un programme, nous avons des CAG, nous avons des conclaves, nous avons des dîners de travail, nous avons un calendrier intensif pour arracher cette décision dont nous avons besoin, ce n'est donc pas la peine de refaire ça aujourd'hui.
Et sans rien changer à la priorité de Nice, nous avons pensé qu'il n'était pas possible que les ministres des Affaires étrangères soient ensembles pour une réunion aussi importante qu'un gymnich sans aborder ce débat sur l'avenir de l'Europe qui s'est développé dans les conditions que vous savez au printemps, parce que ce débat n'est pas la propriété des Français et des Allemands. Il est clair que tous les pays membres, sans parler d'autres qui ont déjà des idées eux-mêmes sur ce débat, mais en tout cas tous les pays membres doivent y participer de plein pied. Or ce débat ne relève pas que de la responsabilité des ministres des Affaires étrangères naturellement, ni même de la responsabilité des chefs d'Etat et de gouvernement, c'est un immense débat démocratique qui concerne tout le monde, mais c'est aussi la responsabilité des ministres qui animent le Conseil Affaires générales. Donc, nous avons eu des discussions, ce qui n'est pas la même chose qu'un tour de table. Personne n'était venu à ce gymnich pour venir lire des papiers préparés à l'avance. C'était de vraies discussions, de vraies réponses. Nous avons donc amené les uns et les autres à expliquer comment dans chaque pays l'opinion réagit à ce débat sur : faut-il ou non plus de fédéralisme, faut-il espérer dans un progrès de l'ensemble de l'Union ou penser que d'une façon ou d'une autre, un jour une avant garde quelque soit son nom devrait être dégagée ou s'imposera d'elle-même. Est-ce que la charte doit un jour entrer dans un processus qui portrait le nom de constitution et qu'est-ce que cela veut dire. Toutes ces questions ont été abordées. Et donc maintenant, c'est un débat où tous les pays sont parties prenantes. Et nous avons terminé ce gymnich par un déjeuner sur les Balkans. Nous avons fait le point de la situation notamment en Serbie, mais j'y reviendrais sans doute, puisque j'imagine qu'il y aura des questions sur ce point. Voilà, avant de clore ce petit préambule, je voudrais également dire que les quatorze ministres et la Commission ont exprimé leur pleine solidarité avec nos amis espagnols, avec la démocratie espagnole dans sa lutte contre le terrorisme.
Q - Monsieur Védrine je voudrais savoir si vous pensez qu'après ce débat ce matin sur le futur de l'Europe que Nice pourra déclarer le processus d'une nouvelle CIG ?
R - C'est beaucoup trop tôt pour le dire car tous nos efforts sont tendus vers le fait d'avoir l'accord à Nice, et l'accord n'est pas là encore. En réalité, depuis l'ouverture de la CIG sous présidence portugaise et pendant le début de la présidence française nous avons les uns et les autres rappeler nos positions sans arrêt, on ne cesse de les rappeler. Elles sont très bien connues maintenant de tout le monde, et c'est maintenant qu'il faut commencer la négociation, il faut voir quelles sont les marges de manuvre, donc c'est trop pour dire ce qui se passera après. Dans l'hypothèse où on arrive à un bon accord à Nice, d'ailleurs s'il y a un accord c'est que c'est un bon accord, puisque la présidence française a dit à plusieurs reprises et par plusieurs bouches que nous n'accepterions pas un accord au rabais uniquement pour avoir le plaisir d'avoir une conclusion. Donc s'il y a un bon accord à Nice, nous réfléchirons ensemble à la suite. Là il y a une grande variété de points de vue sur ce qu'il faut faire après, toute de suite, pas tout de suite, un peu plus tard et sur les modalités, c'est trop tôt pour trancher ce point. Donc en fait dans le débat de ce matin, nous n'avons pas eu un débat opérationnel et méthodologique sur les conclusions de Nice ni sur la suite. Nous avons surtout essayé d'éviter un malentendu qui pourrait se greffer, se développer dans certains pays parce que les mêmes mots n'ont pas du tout le même sens, et donc lorsque l'on emploie des mots comme fédération ou confédération ou constitution, intégration etc. ce n'est pas perçu de la même façon dans les différents pays. Donc on a fait une sorte de travail collectif pour que chaque ministre explique aux autres la façon dont son opinion publique ressent les choses, pourquoi elle est favorable instinctivement à telle chose, défavorable instinctivement à telle autre.
Q - C'est une question qui n'est pas liée à cette rencontre informelle décontractée, mais est-ce qu'il y a eu des apartés avec votre homologue finlandais et allemand concernant le calendrier de la libération des otages occidentaux ?
R - Malheureusement, le calendrier n'est pas fixé par nous. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, depuis le début de cette triste affaire d'otages, la concertation n'a jamais cessé. Elle a lieu tous les jours, où que l'on soit, au moins une fois par jour. Où que nous soyons physiquement. Et nous sommes toujours aussi mobilisés dans cette affaire, et nous le serons jusqu'à ce que tout le monde soit libre.
Q - Je comprends bien que l'élargissement n'était pas le sujet de cette réunion, mais je voudrais quand même avoir votre réaction concernant les déclarations de M. Verheugen, selon lequel un référendum sur l'élargissement pourrait être utile, et même nécessaire.
R - L'élargissement n'était pas spécifiquement à l'ordre du jour parce que, dans un gymnich, il n'y a aucune obligation de traiter tous les sujets, comme je le disais au début. On choisit parmi les sujets possibles des sujets dont on n'a pas encore fait le tour. Sur l'élargissement, le problème n'est pas là. La ligne stratégique de l'Union européenne est fixée. Elle a été fixée par plusieurs conseils européens, la dernière fois au Conseil européen de décembre. C'est très clair, et pour le reste, c'est une question de travail. Il faut que les négociations avancent. Et là aussi, il ne suffit pas de confronter de façon un peu mécanique les chapitres où il y a des problèmes et les chapitres où il n'y a pas de problèmes, il faut entrer dans la négociation pour avancer. Donc, nous n'avions rien à ajouter de plus par rapport à tout cela dans une réunion de ce type. Quant à la déclaration du commissaire Verheugen à laquelle vous faites allusion, je crois que M. Fischer a réagi dans des termes qui me paraissent excellents : d'abord, il a rappelé que l'organisation d'un référendum n'était pas prévue par la constitution en Allemagne, d'autre part, il a rappelé que le gouvernement allemand n'est pas favorable à cette initiative, et donc il a exprimé sa surprise, qui était une surprise partagée par les uns et les autres, en attendant d'en savoir plus sur les conditions dans lesquelles M. Verheugen avait fait cette déclaration.
Q - Deux questions. Une sur la CIG : il est manifeste que maintenant tout est bloqué et cela fait maintenant huit mois que je vous entends nous dire que cela va se débloquer. d'après vous, cela va se débloquer quand ? Va-t-il falloir attendre le sommet de Nice, parce que cela commence à être un peu inquiétant, les positions n'ayant absolument pas évolué, ou très peu, mis à part celle de l'Espagne. Avez-vous un calendrier qui va permettre d'accélérer tout cela ou bien allez-vous attendre Nice et déclencher la crise ? D'autre part, sur le futur de l'Europe, j'aimerais que vous me donniez plus d'éléments sur le fond du débat, parce que les échos que nous avons pu en avoir laissent entendre que les propositions de M. Fischer n'ont pas recueilli un enthousiasme unanime, dirais-je. En tout cas un enthousiasme inférieur au vôtre, manifestement.
R - Je voudrais vous permettre de recentrer vos analyses. Sur le blocage de la CIG, il est vrai que, malheureusement, jusqu'ici les différents pays campent sur leurs positions, mais cela ne fait pas huit mois que j'annonce le déblocage. D'abord cela ne fait pas huit mois que nous sommes à la présidence et, ce que je dis depuis le début de la présidence, c'est que, en quelque sorte, nous allons prendre le taureau par les cornes. Nous allons faire tout ce qui dépend de nous pour que cela bouge. Qu'avons nous fait ? Nous avons augmenté le nombre des réunions dans lesquelles nous allons interpeller nos partenaires, soit M. Moscovici, soit moi-même, selon la répartition des réunions, pour dire : on ne peut plus répéter des positions que l'on a déjà exprimées dix fois. Il faut bouger. Vous êtes en désaccord sur tel point. Vous, tel pays, vous n'aimez pas la coopération renforcée, mais on a répondu avec tel argument alors, est-ce que cela vous fait changer de position ? Vous, vous dites que la repondération vous pose problème, mais à quelle condition pourriez-vous bouger ? C'est la négociation. Nous allons tout faire pour secouer ce système et pour que les choses bougent. Et j'espère bien que, d'ici à Biarritz, les choses auront bougé. Si malheureusement à Biarritz, il nous fallait constater que chacun reste immobile, il nous faudrait peut-être employer des moyens encore plus vigoureux. Mais il me semble toutefois que, même les pays qui ne veulent pas bouger parce qu'ils attendent le moment propice, ou le dernier quart d'heure, sont très conscients des conséquences extraordinairement négatives qu'aurait un échec à Nice, après déjà un échec en 1996-1997. Donc chaque pays défend ses positions nationales mais est quand même animé d'une conscience de ce qu'est l'intérêt européen. Il y a une combinaison des deux, et il faut faire augmenter le deuxième élément au détriment du premier. Voilà ce que nous allons faire.
Quant à l'échange - vous savez qu'il est difficile de résumer un échange parce que, justement, chacun parle en confiance parce qu'il sait qu'il n'y a pas de communiqué à la sortie -, s'il fallait définir la conversation de ce matin dans un communiqué, cela supposerait encore plusieurs heures de négociations mot par mot, parce que chacun ne voudrait pas s'engager à plus que ce que son pays ne peut accepter à un moment donné. Donc, c'est intellectuellement difficile, et je vous engage à être prudent, même si vous avez recueilli des fragments d'indications dans un sens ou dans l'autre. Il y a une sorte d'éventail en fait, mais un éventail qui à mon sens ne s'est pas élargi dans cette réunion parce que, quand Joschka Fischer rappelle ses propositions, il insiste aussi sur le fait qu'on l'a mal compris, que ce n'est pas l'équivalent des Etats-Unis, que ce n'est pas le New-Hampshire et le Massachussets, mais que c'est tout à fait autre chose, que les Etats-nations resteront fondamentaux quoi qu'il arrive et que la construction sera originale. Même les plus allants sont sensibles et conscients des objections posées par les autres, et même les plus prudents, les plus circonspects, les plus "subsidiaristes", sont également conscients qu'il y a un mouvement, un frémissement, quelque chose, une attente des opinions européennes. Il m'a semblé dans le débat de ce matin que les points de vue ne se durcissaient pas, au contraire, que nous nous comprenions mieux, que les choses étaient intellectuellement plus fluides, peut-être grâce au climat d'Evian, je ne sais pas, et que cela pouvait préparer des mouvements, des synthèses peut-être.
Q - Monsieur Védrine, je sais que la question des sanctions contre le gouvernement autrichien n'a pas été formulée à Evian, mais pourriez-vous confirmer ce qu'a dit Mme Ferrero-Waldner, qui est que, de façon prévisible, le rapport des sages sera remis au président Chirac et à vous-même dans une semaine. Et, dans ce cas-là, quelles seront les prochaines actions de la présidence ? Jugez-vous crédible l'hypothèse qui circule depuis ce matin ici à Evian selon laquelle les Quatorze pourraient choisir à partir de Biarritz entre deux attitudes nationales, ou même de coopération renforcée, c'est-à-dire que cela serait la fin des attitudes collectives ?
R - Malheureusement, je ne peux pas répondre à votre question, à l'exception du premier point : il est vrai que l'on nous annonce ce rapport pour dans huit ou dix jours. Au-delà, je ne peux pas répondre parce que cela dépend du contenu, et ce contenu, je ne le connais pas. Tout le reste dépend du contenu du rapport, donc la logique, c'est que nous recevions le rapport, que nous le lisions et, à partir du contenu du rapport, que nous nous concertions les uns et les autres. Nous verrons alors ce que nous faisons. Mais je ne peux pas entrer dans un jeu d'hypothèses. Je n'en ai pas le mandat en tant que présidence des Quinze, et ce sujet n'a pas été traité ici. Il faut donc rester patients et logiques et attendre le contenu du rapport pour voir quel sera notre réaction politique et quelles seront les suites. Pour le moment, les hypothèses restent ouvertes.
Q - A propos de la Serbie, vous avez essayé les listes noires, vous avez essayé les listes blanches. Que peut-on encore faire à trois semaines des élections ?
R - En ce qui concerne la visite du ministre grec, ce n'est pas une initiative à proprement parler, c'est un projet de voyage du ministre grec qui a gardé des contacts intenses, notamment avec l'opposition et qui peut se révéler très opportun, très utile. Sur la question serbe, nous avons en avons parlé nous avons travaillé à ce sujet et je crois pouvoir résumer le sentiment collectif des quinze en vous disant que les Serbes vont avoir à faire le 24 septembre un choix très important, c'est leur responsabilité avant tout. Nous n'avons jamais oublié que les Serbes sont des Européens, c'est dire toute l'importance que ce choix a à nos yeux et je voudrais ajouter que la victoire de la démocratie en Serbie entraînerait évidemment une révision radicale de la politique de l'Union européenne envers la Serbie dans toutes ses composantes, voilà ce qui me paraît définir aujourd'hui le sentiment collectif des quinze. C'est le sentiment, je répète, du collectif des quinze, de la Commission et du Haut représentant.
Q - Monsieur le Ministre, Mme Ferrero-Waldner a indiqué ce matin qu'elle vous a parlé de question de la centrale nucléaire en République Tchèque, elle a demandé le soutien de l'Union européenne face au refus de l'Autriche de voir cette centrale devenir opérationnelle. Est-ce que cette affaire peut à votre avis devenir une affaire européenne ?
R - Je ne peux pas vous le dire parce que Mme Ferrero-Waldner m'a donné une lettre ce matin à ce sujet. Je ne l'ai pas encore examinée et je n'ai pas regardé en particulier si cela correspondait à un problème réel et si cela relevait d'une compétence de l'Union européenne, donc c'est trop tôt. Je peux simplement vous confirmer que, en tant que président en exercice, j'ai été saisi du sujet, mais je ne peux pas vous dire encore la suite, mais vous le serez vite.
Q - Sur l'après-Nice, est-ce que des pays tels que la France, l'Italie, l'Allemagne ont confirmé leur intention d'aller de l'avant dans le contexte européen, dans le contexte communautaire ou même au delà du contexte communautaire si Nice ne permettait pas un tel développement, comme l'a dit le président allemand, français et italien ?
R - Il n'y a aucun engagement de ce type parce que la priorité de tous c'est de réussir Nice. Nous ne sommes pas du tout dans la même situation selon que nous avons réussi Nice ou que nous allons constater un échec, la situation n'est pas du tout la même. Il est évident que l'avenir de l'Europe ne se présentera pas de la même façon dans les deux cas. Et aujourd'hui nous voulons nous placer dans l'hypothèse de la réussite à Nice, mais il faut tout faire pour cela. Mais je répète que ce que nous avons fait ce matin, c'est d'avoir cette discussion pour éviter que ne s'installe des malentendus, des incompréhensions. Chaque fois qu'une initiative est lancée par un dirigeant européen, chaque fois que l'on emploie l'un de ces mots clés, un des mots sensibles, plusieurs pays sont inquiets, ne comprennent pas, sont hostiles, ne le disent pas vraiment. Cela peut installer une sorte d'impossibilité de se comprendre. Donc, la séance de ce matin visait à empêcher cela. Je vous ai dit tout à l'heure que le débat allait plutôt vers une meilleure compréhension des uns par les autres par rapport à cela. Tout le monde a une préférence, la préférence c'est que l'Union européenne à quinze arrive à de très bons accords à Nice, et qu'ils donnent un coup de fouet formidable à la construction européenne, que les négociations sur l'élargissement progressent tout en étant constamment sérieuse et que nous arrivions à tenir nos objectifs d'être prêts à accueillir de nouveaux membres en 2003 et tous les pays qui seront prêts au fur et à mesure, et que pendant ce temps là le nouveau traité de Nice permette à l'Union européenne de fonctionner mieux, permette de se développer, y compris dans la dimension coopération renforcée. Tout le monde préfère cela. Voilà l'hypothèse sur laquelle nous travaillons, mais si cela ne marche pas, évidemment les uns et les autres réfléchissent aux initiatives qu'il faudrait prendre en cas de blocage parce qu'on pourrait pas tolérer que l'Union européenne soit arrêtée ; donc il faut faire attention à ne pas oublier cette hypothèse qui est centrale et qui est la préférence de tous, que les choses se passent bien.
Q - Monsieur le Ministre, s'agissant du renforcement de l'efficacité extérieure de l'Union européenne, quand on lit le document de M. Solana et quand on relit le document de M. Patten, ça revient en fait à mieux coordonner au niveau central, au niveau politique l'action extérieure de l'Union européenne. Est-ce que les gouvernements européens, est-ce que le gouvernement français notamment sont favorables pour renforcement cette coordination politique qui serait exercée par exemple par M. PESC ou en tout cas au niveau de la Commission européenne?
R - Il y a plusieurs choses dans les documents. J'ai dit tout à l'heure améliorer l'efficacité, c'est améliorer la décision et améliorer la gestion. Dans améliorer la décision il y a évidemment non seulement la rationaliser mais faire en sorte que chacun joue son rôle et que la coordination s'exerce à l'intérieur du système européen de décision. Cela ne veut pas dire que le système européen prétend décider tout à la place des Etats-Nations qui mènent leur propre politique.
La coordination, c'est d'abord à l'intérieur du Conseil affaires générales, c'est d'abord au sein de la Commission, c'est entre la Commission et le Conseil affaires générales, il y a là une marge de progrès à faire qui est énorme où chacun doit jouer son rôle et se coordonner mieux. Si on veut que les ministres n'interviennent pas de façon désordonnée dans le détail mais en revanche donnent des orientations stratégiques claires qui permettent à la Commission de travailler mieux, il faut que les ministres à un moment donné aient toutes les informations voulues, aujourd'hui ils ne les ont pas parce que le système ne les produit pas et que nous-mêmes nous n'avons pas de vision consolidée de l'ensemble de ce que nous faisons. Donc, cela c'est l'action à l'intérieur du système de décision européen. Il y a un autre sujet mais qui est connexe, qui est de savoir comment mieux coordonner cette politique européenne d'intervention extérieure avec les politiques nationales. Cela peut venir en plus et nous n'y sommes pas du tout hostiles mais le cur du sujet c'est que la mécanique européenne proprement dite marche mieux. Ensuite il y a la coordination dans les Etats-membres, alors ici il faut à la fois coordonner mais sans refaire dans chaque Etat-membre l'équivalent du débat qui aurait lieu à Bruxelles.
Q - (Le Figaro) Monsieur le Ministre, je voudrais avoir votre opinion sur une autre partie de l'interview du commissaire Werheugen, quand il dit que les exercices de vision comme celui de Fischer, c'est le seul qu'il cite nommément mais il parle bien des exercices au pluriel de ce genre, feront exploser toute la baraque et sont parfaitement inutiles.
R- Avez-vous posé la question à M. Fischer. Que vous a-t-il dit ? D'abord, je ne peux pas vous répondre parce que je ne connais pas le reste de l'interview, moi on ne m'a cité que la phrase sur le référendum donc le reste, je n'en sais rien. J'ai deux réactions, c'est que dans un, dans des débats comme celui-ci sur l'avenir, c'est normal que chacun ait sa liberté de parole et de pensée. Deuxièmement, je ne pense pas que les exercices de réflexion sur l'avenir et les visions prospectives soient inutiles, au contraire. Je pense qu'ils sont toujours utiles, toujours stimulants à condition qu'on ne mélange pas les choses, c'est-à-dire à condition qu'on oublie pas la chronologie, le calendrier, les responsabilités que nous avons. Donc si Joschka a bien en tête que la priorité c'est Nice et que tout ça encore une fois c'est un peu en l'air si on n'est même pas capable de réussir Nice, si on a cette approche disons cohérente et logique, je crois qu'il ne peut qu'être profitable d'avoir une sorte d'effort de prospection et je peux vous dire que les participants de ce matin étaient très intéressés. Très intéressés soit parce qu'ils voulaient précisément avoir des éclaircissements sur tel point de telle position française, allemande, italienne, soit parce qu'ils avaient besoin de faire comprendre que leur silence ou leur réserve ne signifiaient pas ce qu'on avait cru mais autre chose. Il y a eu beaucoup d'interventions importantes pendant la première moitié de l'année 2000, l'été est venu et nous n'avions pas eu cette discussion. Donc, si on a bien clarifier les règles du jeu, les exercices de prospectives sont toujours féconds.
Voilà. Bien, nous allons conclure, je vous souhaite à tous un bon retour.
(source http://www0.diplomatie.gouv.fr, le 06/09/2000)