Déclaration de M. Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement, sur les orientations de la politique du logement et le rôle de l'ANAH dans l'amélioration de l'habitat, Paris le 4 mai 2004.

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Circonstance : Clôture des 5èmes entretiens de l'amélioration de l'habitat organisés par l'ANAH à Paris le 4 mai 2004

Texte intégral

Je tiens d'abord à dire combien je suis admiratif devant le nombre important des participants - plus de 500 - à ces 5èmes Entretiens de l'Amélioration de l'Habitat organisés par l'ANAH.
La variété de vos métiers, la diversité de vos talents, la gamme étendue de vos interventions professionnelles illustrent, s'il en était encore besoin, la place essentielle que doit occuper la réhabilitation de l'habitat ancien dans toute politique du logement ambitieuse.
Cette conviction que les enjeux les plus forts s'attachent à promouvoir l'amélioration du parc ancien de logements, et bien entendu du parc privé, je l'ai assurément.
J'ai d'ailleurs consacré l'un de mes tout premiers déplacements "sur le terrain" au thème de la reconquête des centre-villes historiques pour permettre aux familles de revenir s'y installer, problématique dans laquelle s'inscrit puissamment l'ANAH.
C'était à Bordeaux, exemple parmi les plus emblématiques de réintervention "active" sur les centre-villes anciens, avec l'appui des outils opérationnels et des aides de l'ANAH.
Bien entendu, à l'heure où notre Europe s'élargit de 15 à 25 membres, je me réjouis de l'ouverture européenne bienvenue qui préside à ces 5èmes Entretiens de l'Amélioration de l'Habitat, baptisés "L'habitat des villes en Europe".
Je me félicite donc de la présence aujourd'hui de Madame Lesley HINDS, maire d'Edimbourg et des représentants des maires de 3 autres grandes villes européennes, Amsterdam, Birmingham et Helsinki, venus nous faire part de leur expérience en matière de diversification de l'offre de logements et d'encouragement à la mixité urbaine.
Et je n'oublie pas de saluer également, pour notre pays, la participation à vos travaux de François REBSAMEN, maire de Dijon et de Jean-Pierre ALDUY, sénateur - maire de Perpignan.
Comme premier vice-président de la communauté urbaine de Lille, j'ai inventé il y a 10 ans le concept de renouvellement urbain et je suis évidemment très impliqué dans vos réflexions d'aujourd'hui.
Je ne peux qu'encourager cette meilleure connaissance des exemples étrangers, puisque tous les pays européens se posent des questions analogues aux nôtres, en y apportant des réponses parfois innovantes et originales, qu'il me semble intéressant de confronter à nos propres expériences.
Au-delà de la présente journée, je crois utile de constituer, autour de l'ANAH, un réseau permanent d'échanges, avec vos confrères européens, acteurs et opérateurs, oeuvrant dans le domaine de la réhabilitation.
Diversifier l'offre de logements et favoriser la mixité urbaine, tels sont les thèmes centraux des Entretiens de l'ANAH aujourd'hui. Ce n'est pas un hasard si ce sont également les vecteurs principaux du plan de cohésion sociale que nous allons présenter.
La priorité de la cohésion sociale
La priorité absolue qui doit guider l'action du Gouvernement dans les mois à venir, sous l'autorité du Premier ministre Jean-Pierre RAFFARIN, est celle de la cohésion sociale et de l'emploi.
C'est tout le sens qu'il faut donner à l'émergence, au sein du nouveau Gouvernement, d'un pôle fort voué à la cohésion sociale, avec 5 Ministres délégués et Secrétaires d'Etat, rassemblés autour de Jean-Louis BORLOO.
Nous avons, dans ce pôle, la volonté de travailler très étroitement en équipe, afin d'être à même d'actionner tous les leviers indispensables pour faire reculer les situations inacceptables de pauvreté et de précarité dans lesquelles s'enferment trop de nos compatriotes depuis trop longtemps.
Agir pour la cohésion sociale, c'est se mobiliser en faveur de l'accès de tous à un emploi, notamment pour les jeunes, et l'accès de tous à un logement décent.
Le Président de la République vient justement de le rappeler aux Préfets mercredi dernier, en insistant sur le droit de chacun à un logement digne.
Le logement sera donc l'un des volets majeurs, avec l'emploi, du plan d'urgence en faveur de la cohésion sociale auquel nous travaillons sous la houlette de Jean-Louis BORLOO, avec le souci de "concrétiser le droit au logement".
Ce plan d'urgence sera présenté au Parlement dans la 2ème quinzaine de juin prochain.
Mais la politique du logement est bien sûr un tout qui, au-delà de ce plan d'urgence, devra s'attaquer à l'ensemble des ses composantes, accession à la propriété comme logement locatif social, parc HLM comme parc privé, pour mettre un terme à la situation de crise du logement dans laquelle nous nous enlisons.
Ce sera précisément l'objectif de la grande loi " Habitat pour tous " que j'ai l'intention de présenter au Parlement avant la fin de l'année 2004, à l'issue d'une large concertation avec tous les partenaires de la politique du logement.
Les orientations de la politique du logement
La crise du logement se manifeste dans la plupart des grandes agglomérations.
Le déséquilibre entre l'offre et la demande pousse à la hausse le prix des logements, et partant celui du foncier.
Les niveaux atteints deviennent inaccessibles au plus grand nombre de nos concitoyens, qui se voient interdire désormais toute avancée dans leur "parcours résidentiel".
Les classes moyennes sont touchées, mais ce sont les plus faibles qui subissent le plus douloureusement les conséquences de cette absence générale de mobilité résidentielle.
L'augmentation de l'offre de logements est donc indispensable pour détendre le marché.
Il s'agit d'accroître le rythme de construction sur plusieurs années afin de rattraper le retard accumulé ces dernières années du fait d'une production insuffisante.
Mon prédécesseur, Gilles de ROBIEN, a commencé à redresser cette situation : près de 400 000 permis de construire ont été délivrés ces 12 derniers mois et plus de 320 000 nouveaux logements ont été mis en chantier.
Nous devons poursuivre sur cette voie en soutenant la croissance de tous les secteurs de la construction.
Mais l'effort majeur doit d'abord être accompli dans le parc locatif à vocation sociale, que cet effort soit mis en oeuvre par les bailleurs sociaux HLM, le monde associatif ou le secteur privé.
L'ambition, comme l'a souligné le Président de la République, est d'accélérer la construction de logements sociaux sur tout le territoire.
Il nous faut 80 000 logements locatifs sociaux chaque année, dès 2004, et accroître nettement ce rythme au cours des 5 prochaines années.
L'accession à la propriété doit aussi rester un axe majeur de la politique du logement, facteur d'ascension sociale et de mobilité résidentielle qui contribue à rendre davantage de logements disponibles dans le parc locatif social.
Le droit au logement représente une autre direction de travail.
Pour que ce droit devienne effectif, nous devons réfléchir aux moyens de mieux sécuriser les bailleurs face aux risques locatifs, trouver les solutions pour permettre à tous les locataires de bonne foi d'honorer leur quittance de loyer.
Un groupe de travail du CNH est justement chargé actuellement d'approfondir le sujet de la garantie des risques locatifs, j'attends son prochain rapport avec un intérêt non dissimulé.
Nécessité aussi s'impose à nous de continuer la politique d'amélioration des quartiers en difficulté.
D'abord la politique de rénovation urbaine avec l'Agence nationale de rénovation urbaine, qui bénéficie déjà d'une programmation pluriannuelle de crédits.
Ensuite la lutte contre l'habitat indigne, pour laquelle les outils et les moyens actuels devront être renforcés.
Enfin, troisième axe de travail, la décentralisation des aides au logement, en cours, devra être approfondie, en regardant de près comment elle peut favoriser la mise en oeuvre des orientations précédentes, en particulier l'effort de production de logements sociaux et la promotion du droit au logement.
La méthode de travail
J'ai engagé une large concertation avec l'ensemble des partenaires du monde du logement, dont beaucoup sont certainement présents aujourd'hui à ces 5èmes Entretiens de l'Amélioration de l'Habitat.
Je rencontre chacun d'entre eux individuellement, et aussi collectivement au sein du Conseil national de l'habitat, comme le 28 avril dernier où nous avons pu longuement débattre des enjeux de la politique du logement et des priorités à afficher.
Le consensus le plus vaste s'est d'ores et déjà dégagé pour relever l'urgence d'un fort accroissement de la production de logements sociaux.
Je redis ici le calendrier que nous suivrons : un plan d'urgence de cohésion sociale, avec son volet logement, que nous présenterons donc avant fin juin; une grande loi Habitat pour tous, qui sera donc soumise au Parlement avant fin 2004; et entre ces 2 échéances, la tenue d'Assises nationales du logement, fin juin ou début juillet, de manière à organiser un débat national avant les décisions à prendre sur le budget 2005 et à insérer les dispositions législatives nécessaires dans la future loi Habitat pour tous.
Point fondamental à mes yeux, le CNH sera le pilote de ces Assises du logement, dans la définition de leur contenu.
Le rôle de l'ANAH
J'attends de l'ANAH qu'elle déploie prioritairement ses interventions en phase avec l'esprit du prochain plan de cohésion sociale.
Je sais qu'elle en a d'ailleurs l'ambition et la volonté.
La loi solidarité et renouvellement urbain a profondément modifié la logique d'intervention de l'ANAH en passant d'une logique de guichet à une logique de projet.
Il va de soi que ces politiques volontaristes publiques, en particulier pour la rénovation urbaine, sont très complémentaires des interventions de l'ANAH dans les centre-villes pour les rendre à nouveau attractifs pour toutes les familles
L'ANAH devra ainsi intensifier son action en faveur de la production de logements locatifs privés à loyers maîtrisés.
Je prends acte avec satisfaction de l'engagement du Président PELLETIER de doubler à court terme, de 20 000 logements en 2004 à 40 000 logements donc, le nombre de logements à loyers maîtrisés mis sur le marché grâce à l'implication de l'ANAH, l'association des propriétaires de logements existants et la mobilisation du parc de logements privés vacants.
J'attends au plus vite vos propositions précises permettant de concrétiser cet engagement, car plus vous me convaincrez de sa faisabilité, plus je serai conforté pour défendre avec succès le maintien des moyens financiers de l'ANAH en ces temps difficiles de recherche d'économies budgétaires.
L'ANAH devra aussi se consacrer pleinement à l'éradication de l'habitat indigne qui sera l'un des volets du plan de cohésion sociale, car la préservation de la santé et de la sécurité des habitants, à commencer par nos compatriotes les plus modestes, participe à l'évidence de l'effort national de cohésion sociale.
Nous devons tous ensemble nous mobiliser pour éliminer une fois pour toutes ces traces honteuses et faire disparaître les scories d'un passé qui a maintenant trop duré.
Sachez que vous trouverez toujours avec moi un défenseur acharné de l'ANAH, dès lors que celle-ci continuera à assumer pleinement ses engagements en faveur de l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens et de la promotion du droit au logement.
Je suis convaincu depuis longtemps, alors qu'il est si difficile aujourd'hui de construire dans les agglomérations où s'envole le prix du foncier, qu'il faut absolument encourager la rénovation du parc ancien pour augmenter la durée de vie des logements et détendre les tensions du marché immobilier.
Cette politique au service du développement durable, belle cause à laquelle l'ANAH est très fortement attachée, correspond d'abord à une exigence sociale, celle d'offrir à tous le droit au confort à prix abordable.
A cette exigence sociale, les organismes d'HLM - et les SEM - ne peuvent seuls répondre.
C'est pourquoi le parc privé doit compléter, aujourd'hui plus que jamais, l'action des bailleurs sociaux pour proposer à nos compatriotes des logements à loyers maîtrisés.
Pour remplir dans le parc privé tous les objectifs que je viens d'énumérer, l'ANAH restera longtemps un instrument irremplaçable, que beaucoup de nos amis européens sans doute nous envient et que je m'emploierai donc fermement à conforter.
(Source http://www.logement-equipement.gouv.fr, le 6 mai 2004)