Texte intégral
C'est un instant de vérité qui nous réunit aujourd'hui, vous les élus de la nation dans votre pluralité politique et le Gouvernement par la voix de Jean-Pierre CHEVENEMENT et la mienne.
Cet instant de vérité, je le crois historique dans la conquête de l'égalité politique entre les femmes et les hommes que le Premier ministre souhaite, comme, je le pense, une large majorité de votre assemblée.
Certains regrettent que nous soyons obligés en France d'utiliser la contrainte législative pour faire bouger les choses ; mais c'est ainsi. Chacun a conscience que l'application de la parité par nos partis politiques est un moyen efficace d'avancer rapidement vers des assemblées plus conformes à ce qu'est la société.
Car il s'agit bien d'agir pour plus de justice et de démocratie.
On l'a dit et redit. Les femmes sont anormalement absentes des lieux de décision et de la vie politique. 7,6 % d'entre elles seulement sont maires de leur commune. Que les lois soient votées par 90 % d'hommes n'est plus accepté globalement par l'opinion. Les femmes et les hommes de notre pays ne se reconnaissent pas assez dans notre société politique qu'ils souhaitent voir modernisée, rénovée, rajeunie, féminisée.
Ce projet de loi sur la parité vient en débat devant l'Assemblée Nationale après avoir été porté durant la décennie 1990/2000 par d'autres forces dans notre société et notamment par des associations et des personnalités féminines et féministes.
Il en a été de même pour d'autres sujets de société dans cette marche vers l'égalité et vous me permettrez de rappeler le 25ème anniversaire de la loi Veil de Janvier 1975.
" Au pouvoir citoyennes " ont écrit certaines en 1992. La même année un sommet européen discutait du sujet " Femmes au pouvoir ". Un manifeste de 577 signatures est publié en France en 1993 réclamant une loi organique.
Le 18 mai 1998 la Charte de Rome lance un appel pour le renouveau de la politique et de la société. La Conférence de Paris, en Avril 1999, intitulée " Hommes et femmes au pouvoir " réunissait les ministres concernés des 15 pays de l'Union européenne. Ce jour là Lionel JOSPIN a fait adopter une déclaration commune et a présenté un plan d'actions pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
La même volonté s'est exprimée tout au long du débat sur la révision constitutionnelle mené avec conviction par Élisabeth GUIGOU l'an dernier.
Une dynamique s'est créée au sein de la société française : 80 % de nos concitoyens se déclarent favorables à la parité !
Jean-Pierre CHEVENEMENT vous a présenté le contenu de la loi. Permettez-moi d'insister brièvement sur trois points de cette réforme :
Le Premier ministre a fait le choix de la parité, c'est-à-dire celui d'une véritable égalité citoyenne. Cette approche correspond à la philosophie qui a prévalu lors de la révision constitutionnelle : les femmes ne sont pas une catégorie, elles constituent la moitié de l'humanité ; elles doivent pouvoir exercer justement et pleinement leurs droits politique et civique.
Certains amendements que vous avez votés en commission des lois, initiés parfois par la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité, renforcent cet objectif et demandent la parité tout au long de la liste par tranche de six noms pour les municipales et les régionales, c'est-à-dire pour les scrutins proportionnels à deux tours, et une alternance hommes-femmes pour les européennes et les sénatoriales concernées. Vous me permettrez de considérer avec sympathie ces amendements. Je note avec intérêt que l'Observatoire de la parité a fait des propositions allant dans le même sens.
D'autre part le Gouvernement a souhaité que ce projet de loi soit applicable dès les prochaines échéances électorales : 2001 pour les élections municipales et les élections sénatoriales dans les départements concernés par le scrutin proportionnel ; 2002 pour les élections législatives ; 2004 pour les élections régionales et européennes.
Enfin concernant les élections législatives, il n'était pas facile de trouver des dispositions qui permettent de traduire l'objectif de parité pour une élection uninominale. Le levier que le Gouvernement vous propose est celui de la sanction financière.
J'ai tenu à inscrire une pénalité, donc un " malus " et non un " bonus " comme il me l'a été souvent demandé. Quand on brûle un feu rouge, on est sanctionné ; quand on le respecte on n'est pas récompensé. Personne ne peut accepter, me semble-t-il, une " prime à la femme ", ce ne serait pas digne !
Le premier grand enjeu concerne la rénovation de notre démocratie. Une arrivée plus massive des femmes dans la vie politique et publique, conjuguée à la limitation du cumul des mandats, élargira l'accès de nos concitoyens, hommes et femmes, aux mandats et fonctions électives et nous amènera à nouveau à débattre du statut de l'élu.
Cet ensemble de mesures dynamisera notre système politique et représentatif et devra répondre aussi à une autre gestion du temps. Du nord au sud de l'Europe, l'exigence des femmes engagées dans la vie publique est la même : mieux organiser les rythmes de la vie politique, les horaires des réunions, leur durée. Pour le plus grand bien de tous.
L'arrivée des femmes en politique permettra l'émergence de sujets trop peu visibles aujourd'hui, ou un meilleur traitement de certains, non pas parce que nos différences biologiques auraient forcément des effets sur nos pratiques politiques, mais parce que les hommes et les femmes n'ont pas culturellement, et depuis tant de siècles, le même vécu, les mêmes expériences, les mêmes parcours personnels et professionnels.
Les femmes nous le savons sont plus menacées que les hommes par la précarité. Elles sont encore massivement victimes de discriminations en matière de salaires, d'accès à la formation ou d'évolution de carrière, alors qu'elles aspirent à l'égalité professionnelle et que nous savons que la participation des femmes à l'activité économique est un puissant facteur d'amélioration de nos performances.
Ces sujets ont été trop faiblement pris en compte dans nos politiques publiques jusqu'à présent, malgré la loi d'Yvette ROUDY en 1983.
Je pense pouvoir affirmer que la présence de 11 femmes au Gouvernement, celle de Martine AUBRY en charge de dossiers majeurs comme l'emploi et la solidarité, le nombre significatif de femmes dans certains groupes de l'Assemblée et la création de la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité ne sont pas étrangers à l'inscription de la proposition de loi qui sera discutée le 7 mars dans cette assemblée sur les questions d'égalité professionnelle.
D'autres sujets comme l'articulation nécessaire entre notre vie professionnelle et notre vie personnelle et familiale qui préoccupe beaucoup de jeunes femmes et de couples pénètreront je l'espère plus fortement encore la sphère politique. Un premier constat des accords conclus dans les entreprises sur la réduction du temps de travail montre que les femmes ont pesé dans les négociations pour y introduire la question de la gestion des temps de vie. Certains sociologues disent déjà que la vie personnelle a fait une " intrusion " inattendue dans les négociations sur l'organisation du travail et du temps de travail.
La question des gardes d'enfants, de l'accueil de la petite enfance, de la gestion des temps sociaux est cruciale. Nous devrons la traiter. L'accès équilibré des hommes et des femmes au pouvoir doit démontrer à chacun et à chacune que le sens de cette modernisation de notre vie politique conduit à l'amélioration de notre vie quotidienne.
Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaiterais redire en conclusion que la parité est un moyen d'atteindre l'égalité et qu'il est en effet utile d'en faire régulièrement une évaluation.
Je ne sais si je peux déjà reprendre l'affirmation optimiste d'un journaliste qui déclarait : " La loi salique est morte qui refusait la dévolution du pouvoir aux femmes depuis tant de siècles ".
L'histoire jugera avec un peu de recul la hiérarchie des acquis dans cette marche du 20ème siècle vers l'égalité : l'égal accès à l'éducation et à la formation, le droit de vote, la maîtrise de sa maternité, le partage du pouvoir politique.
Dernier pays à ce jour de l'Union européenne sur ce sujet avec la Grèce, nous devenons soudain moteur à quelques mois de la rencontre mondiale de New-York, 5 ans après Pékin. Je serais heureuse de dire que notre pays, à une grande majorité, a décidé de franchir un pas décisif pour atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'exercice des responsabilités politiques.
(source http://www.social.gouv.fr, le 3 février 2000)
Cet instant de vérité, je le crois historique dans la conquête de l'égalité politique entre les femmes et les hommes que le Premier ministre souhaite, comme, je le pense, une large majorité de votre assemblée.
Certains regrettent que nous soyons obligés en France d'utiliser la contrainte législative pour faire bouger les choses ; mais c'est ainsi. Chacun a conscience que l'application de la parité par nos partis politiques est un moyen efficace d'avancer rapidement vers des assemblées plus conformes à ce qu'est la société.
Car il s'agit bien d'agir pour plus de justice et de démocratie.
On l'a dit et redit. Les femmes sont anormalement absentes des lieux de décision et de la vie politique. 7,6 % d'entre elles seulement sont maires de leur commune. Que les lois soient votées par 90 % d'hommes n'est plus accepté globalement par l'opinion. Les femmes et les hommes de notre pays ne se reconnaissent pas assez dans notre société politique qu'ils souhaitent voir modernisée, rénovée, rajeunie, féminisée.
Ce projet de loi sur la parité vient en débat devant l'Assemblée Nationale après avoir été porté durant la décennie 1990/2000 par d'autres forces dans notre société et notamment par des associations et des personnalités féminines et féministes.
Il en a été de même pour d'autres sujets de société dans cette marche vers l'égalité et vous me permettrez de rappeler le 25ème anniversaire de la loi Veil de Janvier 1975.
" Au pouvoir citoyennes " ont écrit certaines en 1992. La même année un sommet européen discutait du sujet " Femmes au pouvoir ". Un manifeste de 577 signatures est publié en France en 1993 réclamant une loi organique.
Le 18 mai 1998 la Charte de Rome lance un appel pour le renouveau de la politique et de la société. La Conférence de Paris, en Avril 1999, intitulée " Hommes et femmes au pouvoir " réunissait les ministres concernés des 15 pays de l'Union européenne. Ce jour là Lionel JOSPIN a fait adopter une déclaration commune et a présenté un plan d'actions pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
La même volonté s'est exprimée tout au long du débat sur la révision constitutionnelle mené avec conviction par Élisabeth GUIGOU l'an dernier.
Une dynamique s'est créée au sein de la société française : 80 % de nos concitoyens se déclarent favorables à la parité !
Jean-Pierre CHEVENEMENT vous a présenté le contenu de la loi. Permettez-moi d'insister brièvement sur trois points de cette réforme :
Le Premier ministre a fait le choix de la parité, c'est-à-dire celui d'une véritable égalité citoyenne. Cette approche correspond à la philosophie qui a prévalu lors de la révision constitutionnelle : les femmes ne sont pas une catégorie, elles constituent la moitié de l'humanité ; elles doivent pouvoir exercer justement et pleinement leurs droits politique et civique.
Certains amendements que vous avez votés en commission des lois, initiés parfois par la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité, renforcent cet objectif et demandent la parité tout au long de la liste par tranche de six noms pour les municipales et les régionales, c'est-à-dire pour les scrutins proportionnels à deux tours, et une alternance hommes-femmes pour les européennes et les sénatoriales concernées. Vous me permettrez de considérer avec sympathie ces amendements. Je note avec intérêt que l'Observatoire de la parité a fait des propositions allant dans le même sens.
D'autre part le Gouvernement a souhaité que ce projet de loi soit applicable dès les prochaines échéances électorales : 2001 pour les élections municipales et les élections sénatoriales dans les départements concernés par le scrutin proportionnel ; 2002 pour les élections législatives ; 2004 pour les élections régionales et européennes.
Enfin concernant les élections législatives, il n'était pas facile de trouver des dispositions qui permettent de traduire l'objectif de parité pour une élection uninominale. Le levier que le Gouvernement vous propose est celui de la sanction financière.
J'ai tenu à inscrire une pénalité, donc un " malus " et non un " bonus " comme il me l'a été souvent demandé. Quand on brûle un feu rouge, on est sanctionné ; quand on le respecte on n'est pas récompensé. Personne ne peut accepter, me semble-t-il, une " prime à la femme ", ce ne serait pas digne !
Le premier grand enjeu concerne la rénovation de notre démocratie. Une arrivée plus massive des femmes dans la vie politique et publique, conjuguée à la limitation du cumul des mandats, élargira l'accès de nos concitoyens, hommes et femmes, aux mandats et fonctions électives et nous amènera à nouveau à débattre du statut de l'élu.
Cet ensemble de mesures dynamisera notre système politique et représentatif et devra répondre aussi à une autre gestion du temps. Du nord au sud de l'Europe, l'exigence des femmes engagées dans la vie publique est la même : mieux organiser les rythmes de la vie politique, les horaires des réunions, leur durée. Pour le plus grand bien de tous.
L'arrivée des femmes en politique permettra l'émergence de sujets trop peu visibles aujourd'hui, ou un meilleur traitement de certains, non pas parce que nos différences biologiques auraient forcément des effets sur nos pratiques politiques, mais parce que les hommes et les femmes n'ont pas culturellement, et depuis tant de siècles, le même vécu, les mêmes expériences, les mêmes parcours personnels et professionnels.
Les femmes nous le savons sont plus menacées que les hommes par la précarité. Elles sont encore massivement victimes de discriminations en matière de salaires, d'accès à la formation ou d'évolution de carrière, alors qu'elles aspirent à l'égalité professionnelle et que nous savons que la participation des femmes à l'activité économique est un puissant facteur d'amélioration de nos performances.
Ces sujets ont été trop faiblement pris en compte dans nos politiques publiques jusqu'à présent, malgré la loi d'Yvette ROUDY en 1983.
Je pense pouvoir affirmer que la présence de 11 femmes au Gouvernement, celle de Martine AUBRY en charge de dossiers majeurs comme l'emploi et la solidarité, le nombre significatif de femmes dans certains groupes de l'Assemblée et la création de la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité ne sont pas étrangers à l'inscription de la proposition de loi qui sera discutée le 7 mars dans cette assemblée sur les questions d'égalité professionnelle.
D'autres sujets comme l'articulation nécessaire entre notre vie professionnelle et notre vie personnelle et familiale qui préoccupe beaucoup de jeunes femmes et de couples pénètreront je l'espère plus fortement encore la sphère politique. Un premier constat des accords conclus dans les entreprises sur la réduction du temps de travail montre que les femmes ont pesé dans les négociations pour y introduire la question de la gestion des temps de vie. Certains sociologues disent déjà que la vie personnelle a fait une " intrusion " inattendue dans les négociations sur l'organisation du travail et du temps de travail.
La question des gardes d'enfants, de l'accueil de la petite enfance, de la gestion des temps sociaux est cruciale. Nous devrons la traiter. L'accès équilibré des hommes et des femmes au pouvoir doit démontrer à chacun et à chacune que le sens de cette modernisation de notre vie politique conduit à l'amélioration de notre vie quotidienne.
Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaiterais redire en conclusion que la parité est un moyen d'atteindre l'égalité et qu'il est en effet utile d'en faire régulièrement une évaluation.
Je ne sais si je peux déjà reprendre l'affirmation optimiste d'un journaliste qui déclarait : " La loi salique est morte qui refusait la dévolution du pouvoir aux femmes depuis tant de siècles ".
L'histoire jugera avec un peu de recul la hiérarchie des acquis dans cette marche du 20ème siècle vers l'égalité : l'égal accès à l'éducation et à la formation, le droit de vote, la maîtrise de sa maternité, le partage du pouvoir politique.
Dernier pays à ce jour de l'Union européenne sur ce sujet avec la Grèce, nous devenons soudain moteur à quelques mois de la rencontre mondiale de New-York, 5 ans après Pékin. Je serais heureuse de dire que notre pays, à une grande majorité, a décidé de franchir un pas décisif pour atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'exercice des responsabilités politiques.
(source http://www.social.gouv.fr, le 3 février 2000)