Texte intégral
Messieurs les Ministres
Messieurs les Gouverneurs,
Mesdames, Messieurs
Les négociations entre l'Union européenne et les pays ACP sur le futur de la Convention de Lomé se sont ouvertes hier à Bruxelles. Certains d'entre nous ont d'ailleurs assisté à la cérémonie d'ouverture de ces négociations.
J'ai écouté avec attention le discours de Mme Miller, ministre de La Barbade, qui assure actuellement la présidence du groupe ACP. Je l'ai trouvé à la fois précis sur ses propositions et engagé sur le ton. J'y réagirai dans un instant.
Pour sa part, comme vous l'avez constaté, si l'Union européenne se veut fidèle à son engagement en faveur du groupe de 71 pays auxquels vous appartenez, elle propose aux ACP un partenariat profondément renouvelé autour des ambitions de lutte contre la pauvreté et de promotion de leur intégration dans l'économie mondiale.
C'est avec ce double objectif que l'Union a défini le mandat de ses négociateurs. La France y a pris une large part et exercé un rôle moteur vis-à-vis de ses partenaires européens.
A mes yeux, la stratégie qui vous a été exposée brièvement hier est une bonne base de négociation. Permettez-moi de revenir sur quelques aspects :
1. Les propositions européennes répondent aux besoins d'adaptation de notre partenariat aux grands enjeux du développement durable.
Elles expriment :
- en premier lieu une volonté de renforcer la dimension politique du partenariat.
Cela devrait signifier un dialogue plus étroit sur un champ élargi de thèmes d'intérêt commun (Droits de l'Homme, principes démocratiques, Etat de droit, bonne gestion des affaires publiques) dont le lien avec le développement nous semble évident dès lors qu'on veut l'inscrire dans un souci d'adhésion des populations ou que l'on prête une attention particulière à ses implications sociales. Il n'y a là aucun diktat, comme on aurait pu le laisser entendre hier, mais au contraire la volonté d'agir ensemble pour atteindre des objectifs partagés.
Bien entendu, les politiques de développement et les nouveaux sujets tels que la prévention et le règlement des conflits sont également inclus dans le dialogue politique. Par souci d'efficacité, il est prévu de substituer des modalités plus souples que celles offertes par les instances paritaires existantes et plus adaptées à la nature globale, régionale, sous-régionale ou nationale des problèmes à traiter.
- Nos propositions portent en deuxième lieu sur la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté. Cette approche a guidé la définition d'une stratégie comportant trois axes d'appui et trois principes directeurs. Les axes d'appui concernent les facteurs de croissance (essor du secteur privé, de la compétitivité et de l'emploi), le soutien aux politiques sociales et enfin la promotion de l'intégration et de la coopération régionales. Les trois principes directeurs intéressent l'appui aux réformes (avec le souci de renforcer les capacités des pays ACP), l'égalité entre les hommes et les femmes et enfin la gestion durable des ressources naturelles. Pour chacun des pays ACP, cette grille servira à déterminer un nombre limité de priorités.
- En troisième lieu, nos propositions portent sur une simplification de l'aide.
Vos populations comme nos opinions publiques exigent que les interventions de l'Union soient efficaces. C'est dans cet objectif que la répartition figée du FED par instruments pourrait être revue et deux enveloppes créées, l'une consacrée aux aides non remboursables, gérée par la Commission, et l'autre destinée à favoriser le développement des entreprises privées, placée sous le contrôle de la Banque européenne d'investissement. La programmation et l'évaluation régulière de l'état d'avancement des programmes seraient placées au centre du processus d'allocation des ressources accordées par l'Union à chacun des ACP, en fonction de ses besoins et avec une attention particulière accordée aux plus pauvres. Conformément à l'esprit de partenariat, les critères d'évaluation résulteront d'une réflexion mutuelle.
- Le quatrième axe enfin, et non le moindre, concerne l'évolution du régime commercial.
L'Union propose de conclure des accords de libre-échange avec des sous-membres ACP. Cette formule permettrait de donner une impulsion à l'intégration régionale et de stimuler l'intérêt des investisseurs pour vos pays encore trop à l'écart des flux générés par le secteur privé.
Dans le contexte mondial de l'abaissement des barrières douanières, ce nouveau partenariat économique offrirait, j'en suis convaincu, de meilleures perspectives d'insertion de vos pays dans l'économie mondiale que le système actuel des préférences non réciproques.
2. Si elle vous propose ces évolutions, l'Union n'en souhaite pas moins préserver les grands principes de la Convention.
La France souhaitait que l'Union européenne renouvelle son engagement en faveur du développement des ACP. Le mandat est conforme à cet objectif.
Le cadre des relations UE-ACP a ainsi été confirmé et un consensus s'est dégagé en faveur d'un accord conclu pour une longue durée.
Par ailleurs, l'importance d'une approche intégrée, que l'on retrouve dans le lien entre la dimension politique de la Convention, son volet aide au développement et son régime commercial, a été pleinement réaffirmée.
Cette volonté de préserver les grands principes qui font la force de la Convention se retrouve également dans le maintien de la diversité des interventions de la communauté dans les pays ACP.
La coopération culturelle, que certains jugeaient inutile, a été maintenue. Le financement sur le FED de l'aide d'urgence, en plus des ressources disponibles sur le budget communautaire, a pu être préservé.
La compensation des pertes de recette à l'exportation des produits de base, a été reconduite selon des modalités nouvelles mais respectueuses de la dépendance de certains ACP aux aléas affectant les secteurs agricoles et miniers. Il y aura donc un successeur au Stabex et au Sysmin. La France est satisfaite du résultat.
3 - Enfin, l'Union a fait le choix d'une évolution progressive et accompagnée de la Convention, notamment dans son volet commercial.
Je voudrais mettre en évidence à ce titre plusieurs points essentiels et répondre aussi aux interrogations que j'ai pu entendre hier dans le discours de la présidente du groupe ACP :
. Premièrement, nombreux étaient ceux qui souhaitaient une mise en conformité rapide du partenariat UE-ACP avec les règles de l'OMC. Nous avons contribué à faire prévaloir l'idée d'une transition d'une durée de 5 ans au moins et d'une démarche par étapes, tenant compte de la fragilité de certaines de vos économies et prévoyant des mesures d'accompagnement.
Je souhaiterais aller plus loin. L'objectif de réciprocité commerciale à terme, tel qu'il est proposé par le mandat, ne constitue pas pour l'Union européenne, encore moins pour la France, une fin en soi. Il ne représente que le reflet d'une stratégie visant à prendre en compte les réalités de la mondialisation, à promouvoir votre intégration dans l'économie mondiale et l'implication plus grande du secteur privé dans votre développement, par le biais des investissements. Bien entendu, les effets de l'introduction progressive de la réciprocité doivent être pris en compte. Ils doivent être positifs sans créer des déséquilibres. C'est pourquoi cette ouverture vers l'extérieur devra se faire en tenant compte de l'existence de secteurs d'activité particulièrement sensibles. La France y veillera.
. Deuxièmement, des interrogations existaient sur les protocoles produits. Ils ont été maintenus à ce stade, dans la perspective d'un examen ultérieur à la lumière de la mise en place des zones de libre-échange UE-ACP.
. Enfin, nous l'avons vu, avec la libéralisation des échanges, la promotion de l'intégration régionale est placée au coeur du futur partenariat, nous la croyons plus particulièrement prometteuse pour les pays de la zone franc.
Je souligne ici qu'il ne s'agit pas pour l'Union européenne de porter atteinte à l'intégrité du groupe que vous formez, ni à opposer les uns contre les autres. Nous savons trop bien que cette solidarité qui vous unit et dont a témoigné l'organisation du Sommet de Libreville, en novembre 1997, peut vous permettre de peser dans les négociations internationales, comme celles conduites dans le cadre de l'OMC, et cela est encore plus vrai si l'Union européenne se joint à vous. Et pourtant vous êtes vous-même les acteurs de regroupements régionaux et vous avez constaté que, pas seulement en Europe, mais aussi en Amérique et en Asie les pays se regroupent au niveau sous-régional pour être mieux à même de faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Notre devoir est d'encourager vos efforts. L'aide européenne a plus que tout autre vocation à y contribuer.
Je conclurais sur le déroulement des négociations elles-mêmes. La France et les pays africains de la zone franc devront y être très présents. Cela me semble d'autant plus important après les échanges de discours d'hier.
Le succès de ces négociations, un dialogue ouvert et constructif, des débats permettant de faire émerger une convergence solide sur des objectifs communs aux ACP et à l'Union européenne ne pourront que faciliter le deuxième volet des négociations entre Européens sur le plan financier. La France estime que la prochaine enveloppe du FED devra atteindre au minimum le niveau de l'enveloppe actuelle. Ils nous faudra, de notre côté, et le bon déroulement des discussions y contribuera, dans les prochains mois, convaincre nos partenaires européens.
En ce qui concerne vos pays, il me semble qu'ils auront un rôle déterminant à jouer dans la négociation qui vient de s'ouvrir à Bruxelles. En Afrique sub-saharienne, vos Etats ont valeur de symbole. Ils ont pris de l'avance en matière d'assainissement économique et se sont engagés en pionnier dans un dialogue politique soutenu et une intégration régionale porteuse de développement.
Ces avancées, rendues possibles par votre détermination, doivent bénéficier au plus grand nombre. Messieurs les Ministres, Messieurs les Gouverneurs, Mesdames et Messieurs, les pays de la zone franc ont la légitimité pour jouer aujourd'hui, au sein des ACP, un rôle moteur dans les négociations qui viennent de s'ouvrir pour un nouveau partenariat adapté aux défis du prochain millénaire. Je ne doute pas que vous l'exercerez.
Nous sommes, pour notre part, bien entendu à votre écoute au cours de cette négociation, car c'est bien chacun de notre coté au sein du groupe ACP et de l'Union européenne que nous pourrons faire entendre la voix de la zone franc et de ses intérêts.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)