Discours de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur les difficultés des professionnels de la pêche à cause de la hausse du prix du pétrole, le surendettement excessif de certains d'entre eux et les solutions envisagées, Paris le 29 juin 2004.

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Circonstance : Assemblée générale du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins à Paris le 29 juin 2004

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Pierre-Georges DACHICOURT,
Mesdames, Messieurs,
C'est toujours avec le même plaisir que je réponds à votre invitation à participer à vos travaux et à exprimer devant vous la politique des pêches que j'entends promouvoir tant à Bruxelles que sur notre littoral.
Certes, la conjoncture de ces dernières semaines n'est guère favorable à votre profession. J'ai eu l'occasion, le 18 juin dernier, lors d'une rencontre avec une délégation de votre comité, de mesurer pleinement, au-delà de difficultés que je qualifierais de conjoncturelles, un malaise plus global et clairement plus structurel.
Je suis convaincu, comme vous, que votre profession a aujourd'hui moins besoin de discours que d'action, c'est-à-dire d'un mouvement vigoureux et déterminé de modernisation et d'adaptation aux réalités économiques, sociales mais aussi halieutiques que vous avez déjà bien entamé.
En effet, et vous le savez plus que quiconque, vous qui affrontez quotidiennement la dureté de la mer, vous devez aussi faire face à un environnement en complète mutation, qu'il s'agisse de la disponibilité des ressources halieutiques, de la demande des consommateurs ou de la maîtrise des charges d'exploitation des navires.
Sous la pression d'une demande mondiale assez soutenue de la part de certains pays en développement, comme la Chine, et surtout en raison de l'instabilité politique qui règne au Proche et au Moyen Orient, le prix du baril de pétrole a nettement augmenté depuis six mois. L'évolution de cette tendance reste incertaine et personne ne sait, aujourd'hui, quel sera le prix de ce baril à la fin de l'année.
Certes vous êtes l'une des seules, sinon la seule profession, à bénéficier d'un gazole totalement détaxé, tant de la TIPP que de la TVA. Cette situation est à la fois un avantage et un inconvénient. C'est un avantage puisque vous bénéficiez du gazole le moins cher que l'on puisse trouver en Europe, aux frais d'approche près. Mais c'est également un inconvénient puisque vous subissez, sans mécanisme amortisseur, toute variation du prix du baril de pétrole.
Lors de notre dernière rencontre, j'ai bien compris aussi que l'une de vos principales préoccupations tenait autant à la situation très dégradée du prix de certaines espèces de poisson qu'à la cherté du carburant.
En vous écoutant de nouveau aujourd'hui, je prends toute la mesure des problèmes structurels qui entravent un développement économique plus satisfaisant de vos métiers et qui peuvent expliquer en partie les difficultés rencontrées actuellement.
Ces problèmes structurels sont à mon sens les suivants :
- tout d'abord, les modalités actuelles d'accès à la ressource sont à la fois à l'origine d'un renchérissement du coût des navires et de difficultés pour une gestion rigoureuse et équitable des quotas.
-·par ailleurs, les organisations de producteurs ne disposent pas des moyens et des pouvoirs suffisants pour gérer au mieux les captures de leurs adhérents et pour optimiser la commercialisation des productions.
-·enfin, la fragilité financière d'un certain nombre d'armements, due à un endettement excessif au regard de leur chiffre d'affaires, conduit à rendre critique pour la survie même de l'entreprise la moindre difficulté conjoncturelle.
Ces problèmes structurels doivent être traités avec détermination. J'entends ainsi que tout soit mis en uvre, tant à votre niveau qu'à celui de mon administration, pour que des réponses pertinentes soient apportées aussi rapidement que possible.
A cet égard, vous me permettrez de privilégier l'efficacité économique et la pérennité de l'activité de votre profession par rapport à une absence d'action, voire un immobilisme, qui conduirait inévitablement à une déstabilisation en profondeur du secteur.
Les temps changent ! Ce qui était acceptable et efficace il y a quinze ou vingt ans, n'est plus à la mesure des défis que vous devez relever compte tenu de l'environnement qui est désormais le vôtre.
Je n'aurai pas la prétention de vous livrer, clé en main, des propositions concrètes de réforme. Je souhaite seulement illustrer les difficultés structurelles qui m'apparaissent les plus criantes et vous inviter, sans tarder, à la réflexion et à l'action.
En contradiction, sinon avec la lettre, du moins avec l'esprit de la loi de 1997, le secteur des pêches maritimes en France est confronté à un système de patrimonialisation de l'accès à la ressource.
En effet, lorsque l'on vend un navire, on ne vend pas seulement une coque et un moteur mais on vend également, sinon principalement, le droit de pêcher matérialisé par des antériorités historiques de capture qui permettront de déterminer le niveau de quotas attaché à ce bateau.
Ce système de patrimonialisation, qui ne dit pas son nom, est source de très grands problèmes. Tout d'abord, il renchérit de façon excessive et souvent insupportable le coût du capital investi et obère de façon dramatique l'équilibre du compte de résultats du navire.
On en arrive à cette situation quelque peu aberrante où un navire d'occasion de dix ou quinze ans peut coûter plus cher qu'un navire neuf équivalent.
En achetant un navire trop cher, l'entreprise supporte un niveau d'endettement et donc de charges financières incompatibles avec la rentabilité normale de son exploitation.
Actuellement, le prix d'un navire d'occasion est constitué, en moyenne, pour plus de 50 %, de la valeur des droits à quotas de pêche qui y sont attachés. Cette " marchandisation " des quotas n'est guère satisfaisante, vous en conviendrez, et tout immobilisme en cette matière serait coupable.
Dans ces conditions, je suis déterminé, à partir des propositions que vous me ferez, à apporter une réponse efficace et pérenne à cette dérive qui grève aujourd'hui la rentabilité d'un grand nombre d'entreprises de pêche.
Prévenir le risque de la répétition d'évolutions de ce type passe aussi par de nouvelles modalités de gestion des quotas par les organisations de producteurs. Ces nouvelles règles devront privilégier l'organisation économique collective en donnant un cadre stable aux producteurs ainsi regroupés.
Une telle démarche doit permettre de clarifier le rôle des organisations de producteurs vis-à-vis de leurs adhérents tout en leur donnant les moyens d'agir.
Cette réflexion doit se faire sans aucune prévention a priori, bien au contraire, vis-à-vis de certains concepts, d'ailleurs très utilisés en agriculture, je pense tout particulièrement aux références individuelles administrées. Toutes les voies doivent être explorées.
Soyez assurés que rien ne vous sera imposé et que toute solution ne pourra être décidée qu'avec vous. Mon seul souci est de concilier le respect des quotas de pêche et le plus haut niveau de rentabilité des navires. Nous sommes dans un domaine qui relève de la compétence nationale et nous devons en tirer avantage. Au-delà des modalités de gestion des droits à produire, il convient de mieux adapter l'offre à la demande, c'est-à-dire d'optimiser la valorisation et la commercialisation de vos produits.
Cette mission est celle des organisations de producteurs. Je dirais même c'est leur vocation sinon leur raison d'être.
Aujourd'hui la situation n'est pas satisfaisante. L'adhésion à une organisation de producteurs n'est pas toujours perçue comme un avantage pour un patron-pêcheur -les derniers évènements accentuent ce phénomène- et ceci n'est pas normal. En effet, il est indispensable d'encourager les entreprises de pêche à se regrouper et à s'organiser.
Pour ce faire, et au-delà des incitations financières qui existent, comme le recours aux financements communautaires, il convient d'apporter la plus extrême rigueur sur le contrôle du respect des quotas de pêche des navires inorganisés. En d'autres termes, si la vigilance et le contrôle doivent être renforcés de façon générale, ils doivent l'être de façon équitable en ne donnant pas l'impression que ceux qui ont fait le choix de l'organisation sont davantage surveillés voir ciblés.
Faire adhérer les navires aux organisations de producteurs n'est qu'une partie de la solution aux problèmes qu'elles rencontrent. J'ai déjà dit que j'étais disposé, par le biais de mesures réglementaires, voire législatives, à renforcer leurs pouvoirs de gestion.
Pour autant, je suis convaincu que de profondes adaptations dans leur mode de régulation du marché sont nécessaires. Pour ne citer qu'un exemple, je dirais que soutenir des prix, sur un marché ouvert aux échanges comme celui de l'Union européenne, à des niveaux substantiellement supérieurs à ceux de ses concurrents, n'est pas une solution durable. En tout état de cause, l'Etat, par ses financements, ne peut contribuer à conforter de tels choix.
En revanche, j'ai demandé à l'OFIMER et à la direction des pêches de vous proposer, le plus rapidement possible, des formules contractuelles qui vous permettent de mieux gérer la ressource et la commercialisation des productions par des actions structurantes, conformes aux règles européennes en contrepartie de financements publics.
En effet, l'intervention financière publique ne doit pas viser seulement à soulager la crise, elle doit d'abord empêcher qu'elle survienne.
C'est en anticipant ces évolutions aujourd'hui incontournables que nous réussirons collectivement à assurer l'avenir de votre activité économique.
Ces considérations sont pour moi essentielles. Je compte sur vous pour que vous vous les appropriiez et que vous sachiez y apporter les solutions les plus pertinentes.
Résoudre les problèmes structurels et préparer l'avenir est certes indispensable mais pas suffisant. Il convient également de faire face aux problèmes du moment, surtout quand ils sont aigus.
J'ai lancé, lors de votre dernière assemblée générale, un vaste plan de modernisation de notre flotte de pêche à la suite des résultats positifs que nous avions obtenus en décembre 2002 lors de la réforme de la PCP.
Conformément au calendrier que je vous avais précisé lors de la réunion du CSO d'octobre 2003, je vous annonce l'ouverture d'une seconde enveloppe d'environ 35 000 kW et 9 000 GT afin de concrétiser un grand nombre de projets de renouvellement de navires déposés par les armateurs depuis le début de l'année.
Cette nouvelle enveloppe intègre des capacités publiques qui ont pu être mobilisées grâce aux sorties naturelles observées dans notre fichier " flotte ". Ces capacités publiques représentent le maximum de nos disponibilités. Elles permettront de renouveler plus de 150 nouveaux navires et la construction nette d'une dizaine d'unités.
Au total, et pour les années 2003 et 2004 ce plan de modernisation aura donc permis la construction de plus de 250 navires de pêche et la modernisation d'environ 100 unités existantes.
Tous ces projets pourront bénéficier, bien entendu, d'aides publiques. A cet égard, je rappelle que réglementairement la liquidation des subventions devra intervenir avant le 31 décembre 2006. Toutefois, afin de répondre à des cas particuliers, comme l'a souligné M. Hemeury, je solliciterai prochainement la Commission de l'Union européenne pour obtenir la possibilité de payer les aides jusqu'à la fin de l'année 2008.
Plus généralement, et s'agissant des longs délais de liquidation des aides publiques que certains d'entre vous m'ont signalés, je peux vous apporter les éléments d'information suivants :
Tout d'abord, la Commission européenne devrait verser à la France une nouvelle enveloppe de crédits IFOP d'ici la fin du mois de juin. Les paiements des aides communautaires pourront donc être effectués dès le mois de juillet.
S'agissant des crédits de l'Etat, les arbitrages sur l'exécution du budget 2004 ont été rendus et ces crédits pourront donc être mobilisés très rapidement.
En outre, j'ai demandé aux services déconcentrés d'apporter la plus grande diligence au traitement de ces dossiers et de veiller à raccourcir au maximum les délais de paiement.
Par ailleurs et avant la fin de l'année, dans la mesure où il resterait à la fois quelques capacités publiques et des disponibilités financières, un très petit nombre de derniers dossiers pourrait éventuellement être accepté.
En revanche, s'agissant de projets de renouvellement à l'identique pour les navires de moins de 100 GT, ou respectant la règle du coefficient de 1,35 pour les navires de 100 à 400 GT, les armateurs peuvent continuer à déposer des demandes jusqu'à l'automne. Le seul facteur limitant sera budgétaire, tant au niveau national que communautaire.
Ainsi, et malgré un contexte budgétaire national extrêmement difficile, le gouvernement aura tenu pleinement ses engagements en faveur de la modernisation de sa flotte de pêche.
Parallèlement au plan de " modernisation ", j'ai tenu à conduire à son terme le plan " sécurité ". En effet, les accidents, qui endeuillent trop souvent votre profession, nous rappellent toute l'importance d'une politique visant à renforcer la sécurité des hommes et des navires. Cette politique passe, bien sûr, par la formation des équipages mais également par la disposition d'équipements adaptés.
C'est pourquoi le plan " sécurité " comporte deux volets essentiels :
·- le cofinancement de l'acquisition de vêtements à flottabilité intégrée, pour l'ensemble des marins-pêcheurs,
·- le cofinancement à hauteur de 75 % de l'achat de radeaux de sauvetage pour les navires de moins de 12 m.
Le premier volet de ce plan est aujourd'hui quasiment achevé et les décisions d'agrément, concernant les radeaux de sauvetage, ont été prises et permettent aux armateurs de pouvoir désormais s'équiper.
Dans le cadre des mesures conjoncturelles de soutien à votre activité, je rappellerai les décisions arrêtées lors de notre rencontre du 18 juin.
Tout d'abord, le Crédit Maritime sera autorisé à octroyer un prêt bonifié de 3 M euros afin d'acquérir, sur le marché des produits dérivés, une option permettant de vous garantir contre une hausse excessive du prix du gazole. Ce prêt bonifié induit un coût budgétaire pour l'Etat de 1,65 M euros.
En second lieu, et afin de soulager les armements les plus touchés par la conjonction d'un prix du gazole élevé et d'une baisse des prix de vente du poisson, des reports de cotisations patronales dues à l'ENIM pourront être accordés au cas par cas. Ces éventuels reports se feront à partir de l'examen d'éléments objectifs liés au compte d'exploitation des armements. En toute hypothèse, cette mesure, par nature temporaire, ne pourra excéder une durée de six mois.
Enfin, le gouvernement examine les possibilités d'abonder les crédits alloués aux Caisses chômage intempéries.
Ces mesures témoignent du souci du gouvernement de faire jouer la solidarité nationale chaque fois que des situations de difficultés financières avérées, tant pour les équipages que pour les armements, se font jour, même si nous privilégions, bien entendu, les mesures structurelles propres à les prévenir.
En tout état de cause, je vous rappelle que nos marges de manoeuvre, pour ce type d'intervention ponctuelle, restent limitées à la fois par les règles communautaires en matière d'aides d'Etat mais également par un contexte budgétaire national peu favorable.
S'agissant de la question de la redevance d'équipement des ports de pêche, dont certains d'entre vous demandent la suppression, je ferai les commentaires suivants :
·- tout d'abord, l'Etat ne peut prendre la responsabilité d'une telle décision dans la mesure où la majorité des ports de pêche relève de la compétence des départements.
·- en second lieu, une exonération de cette redevance devrait être analysée au regard du droit européen en matière d'aide d'Etat.
·- enfin, et cette considération n'est probablement pas la moindre, une suppression du paiement de la REPP, pour les seuls pêcheurs, générerait une inégalité de traitement difficilement justifiable entre les différents usagers.
La politique des pêches s'élabore également dans le cadre communautaire.
Plusieurs dossiers importants sont, ou seront prochainement, à l'ordre du jour des réunions du Conseil des Ministres.
Je pense tout d'abord à la proposition de la Commission relative aux " mesures techniques " en méditerranée. Ce projet représente un enjeu majeur pour l'avenir des pêches méditerranéennes.
Je peux vous assurer de ma détermination à défendre la diversité et la richesse des pêches méditerranéennes françaises et à faire valoir les nombreuses actions de gestion durable de la ressource mises en uvre, souvent depuis très longtemps, par la profession elle-même.
Je serai également très attentif à ce que la Commission continue à associer l'ensemble des professionnels concernés au travail de réflexion en cours sur les différents volets de sa proposition.
S'agissant des stocks de l'Atlantique, et compte tenu des textes en préparation, je crois utile et même indispensable votre mobilisation comme force de proposition en matière de gestion de la ressource.
Très prochainement, la Commission proposera des plans de reconstitution pour la sole dans le Golfe de Gascogne et en Manche-Ouest ainsi que pour le cabillaud en Mer Celtique.
Ces dossiers sont essentiels pour l'avenir des pêches françaises.
Tout d'abord, et c'est pour moi un préalable, il convient que les bases scientifiques de ces plans soient bien établies.
A cet égard, je souhaite que, dans l'esprit qui a présidé à la signature de la Charte commune entre administration, professionnels et scientifiques, la concertation continue à se renforcer entre le CNPMEM et l'IFREMER.
Au-delà de ce travail d'expertise scientifique, je serai très attentif, dans ces futures négociations, à ce que les règles qui seront arrêtées respectent le principe de progressivité et prennent pleinement en compte la préservation de la rentabilité économique de nos navires.
Toutefois, pour assurer l'avenir de nos flottilles dans ces enceintes communautaires avec 25 Etats membres, nous devons renforcer notre capacité à proposer et à contre proposer. L'opposition systématique serait inefficace et contre productive sauf bien évidemment quand il s'agit de questions de principe.
Je compte donc sur vous pour nourrir et étayer la position française.
Enfin, je veillerai à ce que ces futurs règlements n'induisent pas une surcharge de travail administratif tant pour vous que pour l'administration.
A cet égard, je fais actuellement étudier par mes services des formules simplifiées et automatisées qui vous permettront de remplir plus aisément vos obligations en matière de décompte des jours de mer dans le cadre du plan de reconstitution du cabillaud.
Je suis, de toutes les façons, convaincu de l'absolue nécessité de simplifier la mise en uvre des réglementations communautaires existantes en matière de pêche et je me réjouis de la priorité affichée en ce sens par la future présidence néerlandaise.
La gestion commune des ressources n'a de sens que si l'ensemble des partenaires, c'est-à-dire l'ensemble des pêcheurs européens, sont soumis aux mêmes règles et aux mêmes contrôles.
Aussi, je considère comme essentielle la démarche actuelle visant, au travers de la création d'une Agence communautaire du contrôle des pêches, à harmoniser et à communautariser les politiques dans ce domaine.
Ne pas respecter un quota de pêche, ce n'est pas seulement prendre le risque de mettre en péril la pérennité biologique d'un stock halieutique, mais c'est également perturber le marché communautaire, fausser la concurrence et faire baisser les prix payés aux producteurs.
Alerté par vos soins sur de possibles fraudes dans ce domaine, j'ai fait diligenter, depuis le début de l'année, des contrôles renforcés notamment sur les importations en provenance d'autres pays de l'Union européenne.
Des contrôles de camions transportant notamment des espèces profondes ont ainsi été réalisés à Boulogne et à Lorient. Ces contrôles routiers ne sont pas exclusifs naturellement des contrôles en mer qui nous ont permis de verbaliser un certain nombre de navires européens pêchant dans nos eaux sans quota ou avec des engins interdits. De même il apparaît nécessaire que l'origine des lots soit clairement précisée lors de la mise sur le marché des produits d'importation.
Mais pour être exigeant avec les autres, il convient d'être le plus irréprochable possible avec soi-même.
C'est pourquoi j'ai initié un renforcement du contrôle des pêche dans notre pays par une meilleure coordination de l'action des différentes administrations concernées.
Cette volonté d'assurer un strict respect des règles communautaires vise bien sûr à éviter des procédures contentieuses fort coûteuses tant pour notre crédibilité que pour le budget de l'Etat, et vous connaissez celles qui nous menacent. Une politique de contrôle c'est aussi de veiller à une application équitable des disciplines communes.
Dans ce contexte, je ne suis pas disposé à tolérer que certains pêcheurs s'exonèrent de certaines de leurs obligations et tout particulièrement en matière de déclarations statistiques quelles que soient les façades maritimes et zones de pêches, alors que la très grande majorité de leurs collègues s'acquitte tout à fait normalement de ces mêmes obligations.
Le contrôle des pêches n'est pas quelque chose de négatif c'est, au contraire, je le répète, l'assurance, pour tous, que l'équité est appliquée et respectée dans notre pays et dans l'Union européenne.
Notre politique des pêches doit également prendre en compte les spécificités de certaines régions. A cet égard, il est pour moi évident et nécessaire que nous apportions des réponses adaptées aux problèmes posés par le développement de la pêche dans les départements d'Outre-Mer.
Une telle politique passe d'abord par une démarche collective des professionnels en encourageant les actions visant à améliorer leur structuration.
Les assises de la pêche et de l'aquaculture dans les DOM qui se sont tenues à La Réunion les 3 et 4 juillet 2003 et qui ont débouché sur la création d'un " Comité de liaison des DOM " au sein du CNPMEM doivent être saluées car elles ont contribué à renforcer cette structuration professionnelle.
Prendre en compte la spécificité des DOM c'est également répondre au handicap lié à l'éloignement de l'Europe continentale. La renégociation du programme POSEIDOM sur la période 2003-2006 a parfois été ardue mais elle a permis d'aboutir à un dispositif qui préserve de façon satisfaisante la compensation des surcoûts liés à l'exportation de vos produits vers la métropole.
De la même façon un régime dérogatoire pour nos départements d'Outre-Mer a pu être obtenu en matière de modernisation de la flotte de pêche.
En effet, les constructions de navires neufs pourront être aidées jusqu'au 31 décembre 2005, soit une année de plus qu'en métropole.
Enfin, et même si le débat n'est pas clos avec la Commission, je souhaite que les mesures nécessaires soient trouvées afin de réserver en tout ou partie l'accès des zones de pêche des DOM aux pêcheurs locaux.
Si le secteur des pêches maritimes connaît une conjoncture difficile, l'aquaculture doit également faire face ces derniers temps à des problèmes délicats.
Je pense tout particulièrement aux conséquences liées au classement sanitaire de la lagune de Thau. Après avoir repoussé sa décision de près d'un an, le Préfet de l'Hérault a annoncé la semaine dernière le classement sanitaire de l'étang de Thau en B. Cette décision, qui est une obligation réglementaire, ne pouvait plus être différée, s'agissant de la santé des consommateurs.
Toutes les solutions alternatives ont été sérieusement étudiées mais aucune ne pouvait empêcher un classement en B.
Il convient de relativiser cette décision. En effet, de nombreuses zones de production conchylicole en France sont dans la situation désormais de l'étang de Thau sans préjudice pour l'activité économique des professionnels concernés.
Il convient donc d'accélérer l'effort d'équipement en bassin de purification, en lien avec les services de l'Etat compétents au niveau local.
A mon sens, la pérennité de l'activité conchylicole sur la lagune est assurée et je suis convaincu que la mobilisation de tous les partenaires au sein du " contrat qualité " permettra une amélioration du milieu qui pourra aboutir, à terme, à un nouveau classement en A.
S'agissant du secteur piscicole, mon ministère est particulièrement attentif à l'évolution du projet de loi sur l'eau afin que celui-ci permette une meilleure reconnaissance de l'aquaculture en tant qu'activité économique à part entière.
De nombreuses demandes d'amendement, visant à conforter nos piscicultures, ont déjà été formulées auprès du ministère de l'écologie et du développement durable.
La pêche française et communautaire doit être attentive aux négociations commerciales multilatérales.
En effet, si l'échec de la Conférence ministérielle de Cancun a quelque peu repoussé les échéances, il n'en reste pas moins que de nombreux pays souhaitent obtenir une baisse, sinon un démantèlement total des droits de douane qui protègent, très partiellement, le marché communautaire des produits de la mer.
Il convient donc de rester vigilant afin de préserver les filières les plus sensibles pour notre industrie, je pense particulièrement aux produits thoniers et à la préservation de nos liens privilégiés avec les Etats ACP.
Dans le même ordre d'idée, la France est très active au sein de l'Union européenne afin que les négociations avec le MERCOSUR débouchent sur un accord plus équilibré que celui qui se dessine actuellement.
Plus généralement, et au-delà du maintien de droits de douane plus ou moins protecteurs, je suis persuadé que vos produits seront demandés par les consommateurs, au détriment des produits importés, si vous savez valoriser les atouts qui sont les vôtres, c'est-à-dire la qualité et la traçabilité.
Avant de conclure mon intervention, je souhaite répondre aux questions que vous m'avez posées et que je n'ai pas encore évoquées.
Voilà, je pense avoir répondu de la façon la plus exhaustive possible à l'ensemble des intervenants.
Les pêches maritimes et l'aquaculture françaises sont confrontées à un environnement en forte évolution et à des défis qu'il leur faut surmonter. Les problèmes d'aujourd'hui ne sont ni plus durs ni plus faciles à résoudre, ils sont seulement le reflet des changements économiques et financiers de nos sociétés et à l'image des attentes de nos concitoyens.
Comme toujours, appuyé par mon administration, vous savez que vous pouvez compter sur moi comme je sais que je peux compter sur vous pour trouver des solutions et pérenniser vos métiers.
C'est bien là l'essentiel.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 30 juin 2004)