Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, Paris le 26 octobre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation du PLFSS 2005 dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
Mesdames et messieurs les rapporteurs
Mesdames et Messieurs les députés,
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 intervient dans un contexte particulier puisqu'il vient à la suite de trois grandes réformes sociales mises en uvre par le gouvernement.
Il y a un peu plus de deux mois, était promulgué la loi du 9 août 2004 relative à l'assurance maladie.
En juin, vous avez voté, la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Enfin, la loi réformant notre système des retraites est entré en application au cours de cette année à la suite de la publication de nombreux décrets.
Ces réformes fondamentales pour notre pays nous ont conduit à vous proposer un texte plutôt court et resserré Car aujourd'hui la priorité est bien la mise en uvre effective de l'ensemble de ces réformes.
1. Ces trois grandes réformes sociales et leur mise en uvre rapide traduisent la détermination du Gouvernement à sauvegarder la sécurité sociale
Mesdames et messieurs, Il y a deux ans, cette sécurité sociale à laquelle vous êtes tous ici, profondément attachés, était fragilisée et s'enfonçait dans une crise financière et institutionnelle majeure. Chacun s'attachait à décrire les réformes comme nécessaires mais impossibles à mettre en uvre.
En deux ans, nous avons assumé nos responsabilités et rassuré les Français sur l'avenir de notre sécurité sociale.
Nous avons sauvegardé notre retraite par répartition et construit les bases d'un système plus juste et plus solidaire.
Nous avons rénové la politique familiale pour l'adapter aux besoins de notre société. Je pense que Marie José Roig vous en parlera.
Nous avons aussi refondé la politique de santé publique en donnant toute sa place à la prévention. La création des GRSP va permettre au niveau régional de rassembler les énergies pour atteindre les objectifs de santé public. Nous poursuivons également avec le plan hôpital 2007 une modernisation en profondeur de l'hôpital : un plan d'investissement exceptionnel s'accompagne d'une modernisation de la gestion interne des établissements.
Nous avons, enfin, engagé une réforme structurelle de l'assurance maladie pour garantir sa pérennité.
Ces réformes vont permettre de consolider notre modèle de protection sociale en renforçant les droits des assurés.
L'effort engagé pour la mise en uvre de l'ensemble de ces réformes est considérable. Il s'agit de les traduire en changements effectifs pour nos concitoyens.
Xavier Bertrand aura l'occasion de le souligner tout à l'heure puisque c'est tout particulièrement vrai pour l'assurance maladie.
2. Grâce à la réforme de l'assurance maladie, 2005 amorce un redressement sensible de la situation des comptes sociaux.
Le déficit de la sécurité sociale devrait atteindre plus de 14 milliards d'euros en 2004. C'est évidemment considérable.
Ce déficit est d'abord dû à l'atonie des recettes.
En 2004, la sécurité sociale ne bénéficiera encore que faiblement du redémarrage de la croissance du début de cette année. La masse salariale ne devrait progresser que de 2,6%.
Nous sommes en progrès par rapport à 2003 où cette croissance n'était que de 1,7%. Cela reste néanmoins très insuffisant pour faire face au dynamisme des dépenses.
En 2004, ce dynamisme des dépenses est d'abord celui de l'assurance maladie. Il conduit à un déficit supérieur à 13 milliards qui constitue le point le plus bas jamais atteint par cette branche.
C'est bien cette tendance forte des dépenses qu'il nous faut absolument freiner, car elle ne correspond probablement pas à la réalité des besoins de santé de la population, comme le note de nombreux observateurs, la Cour de comptes par exemple. C'est l'objectif de la réforme de l'assurance maladie.
La réorganisation de l'offre de soins, la mise en place d'une gouvernance modernisée et le développement de la maîtrise médicalisée devront permettre un vrai infléchissement des dépenses.
Mais de nombreux éléments me conduisent à être optimistes :
Les dernières données de la CNAMTS confirment tout d'abord un premier infléchissement significatif de l'évolution des dépenses de soins. Je l'ai déjà évoqué devant vous. Après une évolution des dépenses d'assurance maladie de 5,9 % en 2001, 7,2 % 2002 et 6,2 en 2003, la commission des comptes avait prévu une évolution de 5,2 % en 2004. Tout pousse à croire que nous serons en dessous.
Cette inflexion est illustrée de différentes façons. D'abord, les arrêts maladies : Le nombre d'arrêts de travail indemnisés par l'assurance maladie continue à diminuer : les remboursements d'indemnité journalières baisseraient de près de 1 % d'après ce qu'indique les chiffres de la CNAMTS.
Je vous rappelle qu'en 2001 et en 2002, les dépenses liées aux arrêts de travail augmentaient respectivement de 8,7 et de 10,9 %.
La politique de contrôle lancée par la CNAMTS mais aussi l'effet psychologique de la réforme explique ces progrès. L'évolution des dépenses d'honoraires des médecins s'infléchit également : nous avons le signe d'un recours plus raisonné aux soins.
Je veux également prendre l'exemple du générique. En 2002, une boîte de médicaments sur 13 vendues en France était une boîte de générique. En 2004, c'est une boîte sur huit. Pour les seuls médicaments généricables, ce sont plus de la moitié des boîtes qui sont du génériques.
Deuxième élément qui me pousse à être optimiste, ce sont les marges de manuvre que nous retrouvons à l'hôpital, avec la fin de la montée en charge du financement des 35 heures qui monopolisait très fortement les ressources nouvelles.
2005 marquera un redressement sensible des comptes de la sécurité sociale puisque nous envisageons un déficit de l'assurance maladie autour de 8 milliards d'euros. Cela reste évidemment encore insuffisant mais c'est un premier pas dans la bonne direction. Comme, là aussi, nous l'avons toujours dit, le retour vers l'équilibre ne peut se faire d'un coup de baguette magique. Il sera progressif. L'année 2005 n'est qu'une première étape.
J'entends ici et là des personnes qui doutent de la perspective de retour à l'équilibre, qui considèrent que nous sommes trop optimistes. Xavier Bertrand précisera les détails de cet première étape du rétablissement des comptes de l'assurance maladie qui est en tout point conforme au plan présenté par le Gouvernement il y a quelques mois.
3. Cette amélioration de 5 milliards d'euros de la branche maladie est certes quelque peu atténuée par le déficit important que devrait connaître la branche vieillesse du régime général en 2005, près d'1,4 milliard d'euros.
Ce déséquilibre est dû surtout à la montée en charge de la mesure relative au départ anticipé des travailleurs âgés, mesure d'équité et de justice sociale. Son coût, 1,3 milliards d'euros en 2005, pèse néanmoins sur les comptes de la CNAV alors même que la réforme des retraites ne produira ses effets positifs sur les comptes qu'à moyen terme.
Mais, nous pouvons nous réjouir que plus de 130 000 personnes qui ont commencé à travailler très jeunes, avec des métiers souvent pénibles, aient pu dès 2004 cesser leur activité.
S'agissant des pensions de reversion, le gouvernement a préféré suspendre sans délai le décret incriminé face aux inquiétudes qui se sont exprimées.
J'ai saisi sur ce sujet le Conseil d'orientation des retraites, comme vous le savez, afin qu'il examine la situation des droits dérivés en tenant compte de la nécessité d'assurer aux veufs et aux veuves la nécessaire stabilité de leurs ressources et de maintenir un niveau de retraite digne dans le respect du contrat intergénérationnel. Nous attendons le rapport du COR pour la fin du mois de novembre.
Le solde des deux autres branches, famille et accidents du travail, reste globalement stable, la branche accidents du travail supportant cependant la croissance forte du coût lié à l'indemnisation des victimes de l'amiante. J'y reviendrai dans quelques instants.
4. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 retrace principalement les mesures de redressement de l'assurance maladie.
Ce texte sera donc un projet de loi resserré. Je souhaite cependant relever 3 points qui me semblent importants.
D'abord l'évolution de la branche accident du travail et maladie professionnelle, et notamment l'indemnisation des victimes de l'amiante.
La loi relative à l'assurance maladie invite les partenaires sociaux à engager les discussions sur l'avenir de la branche, sur son organisation comme sur son financement et faire des propositions au Gouvernement au plus tard pour l'été 2005.
Je serai très attentif à l'évolution de ces discussions qui, je le souhaite, permettront d'engager la modernisation de cette branche.
S'agissant plus particulièrement du dossier amiante, les deux dispositifs qui visent d'une part à indemniser les victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante, le FIVA, et d'autre part à permettre un départ anticipé en préretraite, le FCAATA, sont montés en charge rapidement ces 3 dernières années.
Ils assument leur mission dans des conditions satisfaisantes et sont conformes à la logique de solidarité nationale qui anime notre politique vis à vis des victimes de l'amiante.
Afin de consolider cette politique, le PLFSS pour 2005 prévoit la mise en place d'une contribution limitée pour les employeurs dont les salariés bénéficient du dispositif de préretraite FCAATA, à l'image de ce qui existe pour d'autres dispositifs de préretraite. Cela n'aura aucune conséquence pour les salariés dont les droits ne seront pas modifiés.
En ce qui concerne l'indemnisation des victimes de l'amiante, le Gouvernement souhaite que soit menée dans les prochains mois, avec l'ensemble des acteurs concernés, une réflexion sur la sécurisation de l'ensemble des procédures d'indemnisation.
Les arrêts du conseil d'Etat de février dernier qui ont reconnu la responsabilité de l'Etat dans la gestion de ce dossier emportent des conséquences importantes dans la mise en uvre des procédures d'indemnisation. Il nous faut réfléchir ensemble, partenaires sociaux, employeurs, associations, sur les moyens de consolider les dispositifs d'indemnisation pour garantir à la fois la sécurité juridique et l'égalité dans l'accès à l'indemnisation.
Deuxième point important de ce projet de loi de financement pour 2005, l'intégration financière du régime spécial de retraite des IEG auprès du régime général. C'est évidemment une opération importante, à la fois du fait des montants financiers en jeu et de la complexité d'une telle intégration.
Le Gouvernement poursuit, dans ce processus, trois objectifs :
La sécurisation des droits des salariés des industries électro-gazières.
la neutralité de l'opération pour le régime général.
Enfin, troisième impératif qui n'est pas le moins important, celui de la clarté et de la transparence.
La gestion de la soulte payée par les entreprises IEG pour accompagner l'intégration du régime, dans son affectation comme dans ses versements successifs, doit se faire au travers de circuits financiers garantissant la transparence de l'opération. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit l'affectation de cette soulte à une section spécifique du Fonds de réserve des retraites. Cette section reversera annuellement à la CNAVTS les sommes permettant d'assurer la neutralité de l'intégration.
C'est aussi sur la base de ces trois principes que le Gouvernement a continué à faire avancer les discussions financières entre les industries électro-gazières et la CNAV.
Ces discussions ont abouti à un relèvement substantiel du montant de la soulte qui devrait se situer autour de 7,7 milliards d'euros auquel s'ajoute la prise en charge par le FSV des avantages familiaux du régime, sur le modèle de ce qui se fait pour le régime général. J'ai la conviction que l'équilibre auquel nous avons abouti garantit effectivement la neutralité financière de cette opération pour la CNAV. C'est évidemment un point très important.
Le projet de loi de financement pour 2005 traduit l'impact des réformes ambitieuses que le gouvernement conduit. Par ces réformes, le gouvernement montre son attachement à la préservation et à l'adaptation de notre système de protection sociale. Il s'est engagé dans un processus de consolidation et de responsabilisation des acteurs de la sécurité sociale.
Il revient maintenant à ces derniers, que ce soit dans le domaine des retraites ou de la santé, de l'accompagner en prenant en charge les marges nouvelles d'action pour faire prévaloir les comportements collectifs respectueux de notre intérêt national.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 29 octobre 2004)