Texte intégral
Q- Vous animerez cet après-midi un colloque à l'Assemblée nationale, auquel participeront le socialiste Arnaud Montebourg, l'UMP Hervé Novelli, et aussi l'ancien Premier ministre Raymond Barre. Le thème de ce colloque : faut-il changer la Constitution ? Alors, si on pose la question, c'est que la réponse "oui" ?
R- Notre démocratie est profondément malade. L'exemple que donnait Monsieur Duhamel à l'instant est absolument extraordinaire ! C'est-à-dire qu'on a un gouvernement qui décide de changer de pied en l'espace de quinze jours, que le Parlement tout entier lui indique depuis des semaines qu'il faut retourner devant le peuple, mais l'exécutif est seul face à ses responsabilités en permanence. On a un système de déséquilibre des pouvoirs absolu, où on a un exécutif tout-puissant, qui pendant cinq ans peut faire grosso modo ce qu'il veut, sans qu'il ne soit contrôlé, ni par le Parlement, ni par quiconque. Et donc ce que nous souhaitons, c'est réintroduire de la démocratie, et que les pouvoirs soient arrêtés par les pouvoirs. C'est une des choses qui vont mal dans notre République. Il y en a d'autres. Il y a le problème de la partialité de l'Etat. On a un Etat qui est tout, sauf un Etat impartial. Et Dieu sait que nous aurions besoin d'un Etat impartial pour lui redonner confiance, et pour redonner confiance aux Français. Bref, il y a toute une série de choses qui fait que notre démocratie va très, très mal aujourd'hui. Et à travers cela, ce n'est pas une affaire de politique, c'est une affaire qui concerne tous les Français, parce que c'est le système de décision qui est en cause, et donc la possibilité pour le pays ou non de faire des réformes. Vous voyez à quel point on est bloqué aujourd'hui.
Q-Tout n'est pas dans la Constitution. Si l'Etat est impartial, c'est un problème de culture. Si les députés sont absents, c'est un problème de manque de sérieux. On peut réformer la Constitution, mais il faudrait changer beaucoup de choses...
R-Oui, mais si les députés sont absents et s'ils préfèrent aller à une réunion du Conseil général, ou dans leur permanence plutôt qu'à l'Assemblée, c'est parce qu'on leur dit en permanence que de toute façon, vous n'avez qu'une seule chose à faire : c'est soutenir l'action du Gouvernement et exécuter ce qu'on vous dit de faire. Tant qu'on sera dans cet état d'esprit, vous aurez toujours des députés qui, très rapidement, se diront qu'il y a mieux à faire que d'être dans un hémicycle, simplement pour lever le bras droit quand on vous dit de lever le bras droit, ou de lever le bras gauche quand on vous dit de lever le bras gauche.
Q-C'est aussi une question de responsabilité. On note que les députés ont réclamé à corps et à cris un débat sur la Turquie le 14 octobre, et puis l'hémicycle est vide ! Vous croyez que c'est sérieux ?
R-Ecoutez, c'est nous, l'UDF, qui l'avons réclamé ce débat... Nous étions présents...
Q-Vous y étiez ?
R-Oui, bien sûr que j'y étais !
Q-Du début à la fin ?
R-Pas tout à fait à la fin, et à cause de vous d'ailleurs, parce que vous m'avez invité sur RTL !
Q-Très bien, vous aviez un mot d'excuses !
R-Vous voyez bien que sur la Turquie, il y a là aussi un problème de démocratie. Quelle serait la démocratie moderne qui refuserait au Parlement de se prononcer sur cette question ? Il n'y a qu'un seul pays dans cette situation, c'est le nôtre... Dans toute démocratie moderne, on aurait considéré que le vote du Parlement était quelque chose de normal. Et au lieu de le vivre comme une hostilité à l'égard de l'exécutif, on aurait au contraire considéré que le vote du Parlement aurait soutenu, aurait assis la position du Gouvernement. On a vu que le président de la République était en train d'évoluer, qu'il allait aussi peut-être considérer que le partenariat privilégié avec la Turquie plutôt que l'adhésion était une solution... Eh bien, s'il y avait eu un vote du Parlement sur le sujet, le Gouvernement français et l'exécutif français auraient été un peu plus forts encore pour défendre cette position le 17 décembre prochain.
Q-Vous avez fait publier hier, dans Libération, une tribune sur le sujet d'un changement de Constitution et des pouvoirs accrus du Parlement, et vous avez eu cette phrase dans cette tribune, que j'ai trouvée assez remarquable : "Un parlementaire, avez-vous écrit, devrait avoir dans ses gènes l'obligation d'impertinence et d'insubordination". Cette phrase vaut si, par exemple un jour, F. Bayrou est élu président de la République ?
R-Bien sûr que ça le vaut tout le temps... Il y a aussi un problème de culture, vous le disiez... C'est qu'aujourd'hui, il y a cette chape de plomb du fait majoritaire, qui fait qu'un seul parti détient tous les pouvoirs. Et donc, culturellement, les parlementaires se mettent dans la situation en disant : "Si je contrôle l'action du Gouvernement, si je le titille sur tel ou tel point, si je vérifie si l'argent public est bien consommé et bien utilisé, je vais gêner le Gouvernement, je vais gêner le ministre" etc. Et donc il faut que les parlementaires sortent de cette culture et rentrent dans une culture où on considère que contrôler l'action du Gouvernement, c'est rendre service à la démocratie, parce que c'est dire aux Français : "Vous voyez, on regarde si les impôts que nous votons, les dépenses que nous engageons, eh bien ils servent à quelque chose"...
Q-Ce n'est pas de l'impertinence ou de l'insubordination : c'est simplement faire son job, quoi !
R-Oui, mais sauf que pour l'instant, il n'est pas fait !
Q-Puisqu'on en est là : pensez-vous que F. Bayrou a un jour des chances d'être élu à l'Elysée ?
R-Je vais vous dire une chose : je pense qu'il a une chance extraordinaire en 2007. Cela fait 25 ans qu'on a le PS et l'UMP - ou le RPR - qui se succèdent au pouvoir, sans jamais convaincre, puisqu'ils sont battus à l'élection d'après ! Et je pense que face au projet libéral de N. Sarkozy, qui est un projet plus ou moins américain, et F. Hollande, je pense qu'il y a la place à autre chose et que F. Bayrou est à même de l'incarner.
Q-C'est autre chose que du témoignage...
R-Si vous faites de la politique, uniquement pour le témoignage, il y a un moment où il vaut mieux arrêter ! Parce que faire de la politique, c'est avant tout, un jour, être en mesure d'exercer le pouvoir pour essayer de faire en sorte que les idées auxquelles vous croyez, vous pouvez les mettre en oeuvre.
Q-J.-F. Copé était à votre place il y a dix jours et il a dit que la proportionnelle, c'est a priori non pour les élections législatives, que ce n'est pas bien et que ce n'est comme ça que ça marche en France, qu'il faut qu'il y ait une majorité qui se dégage...
R-La proportionnelle permet de dégager des majorités. On est pour un système à l'Allemande, moitié moitié c'est un peu compliqué. Un : ça permet de dégager des majorités. On a fait des simulations qui montrent qu'à chaque fois, il y a des majorités de coalition, c'est-à-dire pas un parti unique qui détient tous les pouvoirs, mais comme on avait jusqu'à ces dernières élections, c'est-à-dire deux partis, à droite ou à gauche qui, ensemble, soutiennent et forment une majorité. Quand vous êtes dans une situation comme celle-ci, vous vous obligez au débat. Vous vous obligez à cette idée simple : c'est qu'un exécutif, plutôt que de considérer qu'il a une majorité absolue et qu'il suffit qu'il présente les choses et qu'elles soient votées, eh bien il est obligé de venir à l'Assemblée pour convaincre. Et s'il est obligé de venir à l'Assemblée pour convaincre, il est aussi obligé de venir devant le peuple français, pour aussi convaincre pour aussi dire aux Français : "Voilà pourquoi la réforme que je vous propose est une bonne réforme pour le pays". Quand on est dans un système mécanique, où on a 365 députés - dont leur chef, le président de l'UMP, a fait 20 % au premier tour de l'élection présidentielle - qui pensent qu'à eux seuls, ils font la majorité, eh bien, forcément, on va vers des majorités qui se trompent. Il faut des majorités où il puisse y avoir un débat, un débat qui n'empêche pas d'avoir une majorité qui soutienne le Gouvernement.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 novembre 2004)
R- Notre démocratie est profondément malade. L'exemple que donnait Monsieur Duhamel à l'instant est absolument extraordinaire ! C'est-à-dire qu'on a un gouvernement qui décide de changer de pied en l'espace de quinze jours, que le Parlement tout entier lui indique depuis des semaines qu'il faut retourner devant le peuple, mais l'exécutif est seul face à ses responsabilités en permanence. On a un système de déséquilibre des pouvoirs absolu, où on a un exécutif tout-puissant, qui pendant cinq ans peut faire grosso modo ce qu'il veut, sans qu'il ne soit contrôlé, ni par le Parlement, ni par quiconque. Et donc ce que nous souhaitons, c'est réintroduire de la démocratie, et que les pouvoirs soient arrêtés par les pouvoirs. C'est une des choses qui vont mal dans notre République. Il y en a d'autres. Il y a le problème de la partialité de l'Etat. On a un Etat qui est tout, sauf un Etat impartial. Et Dieu sait que nous aurions besoin d'un Etat impartial pour lui redonner confiance, et pour redonner confiance aux Français. Bref, il y a toute une série de choses qui fait que notre démocratie va très, très mal aujourd'hui. Et à travers cela, ce n'est pas une affaire de politique, c'est une affaire qui concerne tous les Français, parce que c'est le système de décision qui est en cause, et donc la possibilité pour le pays ou non de faire des réformes. Vous voyez à quel point on est bloqué aujourd'hui.
Q-Tout n'est pas dans la Constitution. Si l'Etat est impartial, c'est un problème de culture. Si les députés sont absents, c'est un problème de manque de sérieux. On peut réformer la Constitution, mais il faudrait changer beaucoup de choses...
R-Oui, mais si les députés sont absents et s'ils préfèrent aller à une réunion du Conseil général, ou dans leur permanence plutôt qu'à l'Assemblée, c'est parce qu'on leur dit en permanence que de toute façon, vous n'avez qu'une seule chose à faire : c'est soutenir l'action du Gouvernement et exécuter ce qu'on vous dit de faire. Tant qu'on sera dans cet état d'esprit, vous aurez toujours des députés qui, très rapidement, se diront qu'il y a mieux à faire que d'être dans un hémicycle, simplement pour lever le bras droit quand on vous dit de lever le bras droit, ou de lever le bras gauche quand on vous dit de lever le bras gauche.
Q-C'est aussi une question de responsabilité. On note que les députés ont réclamé à corps et à cris un débat sur la Turquie le 14 octobre, et puis l'hémicycle est vide ! Vous croyez que c'est sérieux ?
R-Ecoutez, c'est nous, l'UDF, qui l'avons réclamé ce débat... Nous étions présents...
Q-Vous y étiez ?
R-Oui, bien sûr que j'y étais !
Q-Du début à la fin ?
R-Pas tout à fait à la fin, et à cause de vous d'ailleurs, parce que vous m'avez invité sur RTL !
Q-Très bien, vous aviez un mot d'excuses !
R-Vous voyez bien que sur la Turquie, il y a là aussi un problème de démocratie. Quelle serait la démocratie moderne qui refuserait au Parlement de se prononcer sur cette question ? Il n'y a qu'un seul pays dans cette situation, c'est le nôtre... Dans toute démocratie moderne, on aurait considéré que le vote du Parlement était quelque chose de normal. Et au lieu de le vivre comme une hostilité à l'égard de l'exécutif, on aurait au contraire considéré que le vote du Parlement aurait soutenu, aurait assis la position du Gouvernement. On a vu que le président de la République était en train d'évoluer, qu'il allait aussi peut-être considérer que le partenariat privilégié avec la Turquie plutôt que l'adhésion était une solution... Eh bien, s'il y avait eu un vote du Parlement sur le sujet, le Gouvernement français et l'exécutif français auraient été un peu plus forts encore pour défendre cette position le 17 décembre prochain.
Q-Vous avez fait publier hier, dans Libération, une tribune sur le sujet d'un changement de Constitution et des pouvoirs accrus du Parlement, et vous avez eu cette phrase dans cette tribune, que j'ai trouvée assez remarquable : "Un parlementaire, avez-vous écrit, devrait avoir dans ses gènes l'obligation d'impertinence et d'insubordination". Cette phrase vaut si, par exemple un jour, F. Bayrou est élu président de la République ?
R-Bien sûr que ça le vaut tout le temps... Il y a aussi un problème de culture, vous le disiez... C'est qu'aujourd'hui, il y a cette chape de plomb du fait majoritaire, qui fait qu'un seul parti détient tous les pouvoirs. Et donc, culturellement, les parlementaires se mettent dans la situation en disant : "Si je contrôle l'action du Gouvernement, si je le titille sur tel ou tel point, si je vérifie si l'argent public est bien consommé et bien utilisé, je vais gêner le Gouvernement, je vais gêner le ministre" etc. Et donc il faut que les parlementaires sortent de cette culture et rentrent dans une culture où on considère que contrôler l'action du Gouvernement, c'est rendre service à la démocratie, parce que c'est dire aux Français : "Vous voyez, on regarde si les impôts que nous votons, les dépenses que nous engageons, eh bien ils servent à quelque chose"...
Q-Ce n'est pas de l'impertinence ou de l'insubordination : c'est simplement faire son job, quoi !
R-Oui, mais sauf que pour l'instant, il n'est pas fait !
Q-Puisqu'on en est là : pensez-vous que F. Bayrou a un jour des chances d'être élu à l'Elysée ?
R-Je vais vous dire une chose : je pense qu'il a une chance extraordinaire en 2007. Cela fait 25 ans qu'on a le PS et l'UMP - ou le RPR - qui se succèdent au pouvoir, sans jamais convaincre, puisqu'ils sont battus à l'élection d'après ! Et je pense que face au projet libéral de N. Sarkozy, qui est un projet plus ou moins américain, et F. Hollande, je pense qu'il y a la place à autre chose et que F. Bayrou est à même de l'incarner.
Q-C'est autre chose que du témoignage...
R-Si vous faites de la politique, uniquement pour le témoignage, il y a un moment où il vaut mieux arrêter ! Parce que faire de la politique, c'est avant tout, un jour, être en mesure d'exercer le pouvoir pour essayer de faire en sorte que les idées auxquelles vous croyez, vous pouvez les mettre en oeuvre.
Q-J.-F. Copé était à votre place il y a dix jours et il a dit que la proportionnelle, c'est a priori non pour les élections législatives, que ce n'est pas bien et que ce n'est comme ça que ça marche en France, qu'il faut qu'il y ait une majorité qui se dégage...
R-La proportionnelle permet de dégager des majorités. On est pour un système à l'Allemande, moitié moitié c'est un peu compliqué. Un : ça permet de dégager des majorités. On a fait des simulations qui montrent qu'à chaque fois, il y a des majorités de coalition, c'est-à-dire pas un parti unique qui détient tous les pouvoirs, mais comme on avait jusqu'à ces dernières élections, c'est-à-dire deux partis, à droite ou à gauche qui, ensemble, soutiennent et forment une majorité. Quand vous êtes dans une situation comme celle-ci, vous vous obligez au débat. Vous vous obligez à cette idée simple : c'est qu'un exécutif, plutôt que de considérer qu'il a une majorité absolue et qu'il suffit qu'il présente les choses et qu'elles soient votées, eh bien il est obligé de venir à l'Assemblée pour convaincre. Et s'il est obligé de venir à l'Assemblée pour convaincre, il est aussi obligé de venir devant le peuple français, pour aussi convaincre pour aussi dire aux Français : "Voilà pourquoi la réforme que je vous propose est une bonne réforme pour le pays". Quand on est dans un système mécanique, où on a 365 députés - dont leur chef, le président de l'UMP, a fait 20 % au premier tour de l'élection présidentielle - qui pensent qu'à eux seuls, ils font la majorité, eh bien, forcément, on va vers des majorités qui se trompent. Il faut des majorités où il puisse y avoir un débat, un débat qui n'empêche pas d'avoir une majorité qui soutienne le Gouvernement.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 novembre 2004)