Déclaration de M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées, sur les principales dispositions du projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, Assemblée nationale le 4 mai 2004.

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Circonstance : Examen en première lecture du projet de loi relatif au dispositif de solidaité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées à l'Assemblée nationale à Paris le 4 mai 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les députés,
La France doit accompagner cette grande révolution sociale qu'est le vieillissement. Elle doit le faire à travers une politique réaliste, responsable, solidaire, fraternelle et pérenne.
Après la prestation spécifique dépendance et l'allocation personnalisée d'autonomie, qui ont constitué une étape significative dans la prise en charge sociale de la perte d'autonomie, le projet de loi que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui vient poser les bases institutionnelles d'une prise en charge globale du vieillissement dans notre pays.
C'est un texte fondateur que nous soumettons à vos suffrages car il envisage la question de la dépendance dans sa globalité, il lui attribue une ressource propre et pérenne et il crée un organisme spécifiquement dédié au financement de ce nouveau risque social.
L'unité vivante d'un peuple repose sur la solidarité entre ses générations. De l'enfance à l'âge avancé, chacune d'elles doit avoir sa place dans notre société. La considération qu'on marque aux personnes âgées est toujours à la mesure de l'attachement qu'on éprouve pour son pays et son histoire. Un pays fort de son passé et confiant dans son avenir est un pays qui se soucie de ses aînés.
En 1990, la France comptait 11 millions de personnes âgées de plus de 60 ans ; dix ans plus tard, ils étaient un million de plus. Dès 2010, les Français de plus de 60 ans seront plus nombreux que ceux de moins de 20 ans.
Quant au nombre des plus de 85 ans, il va doubler d'ici à 2020 pour atteindre 2 400 000.
Entre 1960 et 1995, la durée de vie moyenne s'est allongée de plus de 6 ans pour les hommes et de près de 8 ans pour les femmes. Et depuis 1975, l'espérance de vie à la naissance croît d'une année tous les quatre ans.
Ces quelques chiffres parlent d'eux-mêmes : ils témoignent d'une évolution rapide et profonde de notre démographie. Or nos politiques publiques n'ont pas encore pris pleinement la mesure de ce phénomène.
Le projet de loi dont nous entamons la discussion ce soir a donc un objectif simple : remettre nos politiques publiques en phase avec notre démographie.
Le drame de l'été dernier a accéléré la prise de conscience par notre société du phénomène du vieillissement dans notre pays mais aussi du retard accumulé dans la prise en charge de nos aînés.
Il a mis en évidence que si nous souhaitons que les différentes générations restent solidaires, nous avons cependant du mal, avec les conditions de vie actuelle, à maintenir des liens étroits avec nos personnes âgées. Les contraintes de la vie professionnelle, la réduction du foyer familial aux parents et aux enfants, la dispersion géographique et, probablement, un culte excessif de la jeunesse rendent l'exercice de cette solidarité plus difficile que par le passé.
Il nous revient de prendre acte de cette révolution de la longévité et de tirer les leçons de l'imprévision du drame de l'été 2003. C'est dans ce but que le Gouvernement a lancé, dès le mois de septembre dernier, l'élaboration concertée d'une réforme de solidarité pour les personnes dépendantes, qui a été annoncée le 6 novembre par le Premier ministre.
Ce plan comporte deux volets : un plan " Vieillissement et solidarités ", que je vais vous présenter, et un volet " personnes handicapées " dont vous parlera Madame Montchamp.
I. Le plan " Vieillissement et solidarités "
Ce plan présente quatre objectifs majeurs. Le premier est d'instaurer un système de veille et d'alerte pour prévenir et faire face aux événements climatiques. Les trois autres amplifient considérablement la politique que nous avons mise en oeuvre depuis 2002. Il s'agit :
- de satisfaire les besoins de prise en charge nés du vieillissement démographique ;
- de répondre aux souhaits de vie des Français âgés ;
- et d'instaurer une véritable organisation gérontologique.
1) Les effets physiologiques très rapides d'un pic de chaleur rendent nécessaire une anticipation météorologique efficace. Dans ce domaine, il est très vite trop tard. Prévoir et agir en amont est indispensable. C'est pourquoi, sous notre impulsion, l'Institut de veille sanitaire et Météo France ont signé un accord-cadre pour mettre en place un dispositif d'anticipation. Il sera opérationnel le 1er juin prochain.
Il permettra de repérer à l'avance les situations météorologiques à risque sanitaire et de prévenir la population en fonction de plusieurs seuils d'alerte.
Un réseau de surveillance et d'intervention, en cours de mise en place, remédiera au caractère parcellaire et disséminé des informations qui, l'été dernier, a tant retardé la prise de conscience du drame.
Pour garantir la rapidité d'action, une chaîne a été établie, qui va de la prévention par les services météorologiques à l'alerte puis au déclenchement des opérations par le préfet et, enfin, à l'intervention des services sanitaires et sociaux auprès des personnes âgées et handicapées fragiles recensées dans chaque commune.
Des référentiels de bonnes pratiques préventives des risques sanitaires liés à la canicule et à la pollution vont être diffusés et des " plans bleus ", équivalents du plan blanc pour l'hôpital, seront bientôt opérationnels dans toutes les institutions accueillant des personnes âgées.
La prévention des effets de la canicule appelle également l'installation d'une pièce rafraîchie permettant aux personnes âgées de récupérer en restant au moins trois heures par jour dans un lieu à température maîtrisée. Cette installation devra être achevée avant l'été. C'est pour nous une absolue priorité aujourd'hui : l'engagement de s'équiper pris par 68 % des établissements privés et par 54 % des établissements publics est très insuffisant.
Le 10 février, j'ai demandé aux préfets un état des lieux de l'équipement et des projets d'équipement des établissements en systèmes de traitement de l'air. Je leur prescrivais de veiller à la mise en place de tels systèmes dans les établissements qui n'ont déclaré aucun projet.
Le 26 mars, je leur ai adressé une circulaire comportant des orientations et des recommandations concernant l'installation de pièces rafraîchies.
Pour aider les établissements à s'équiper, le Gouvernement apportera un concours financier important : il sera annoncé demain matin avec le plan canicule.
Bon nombre de départements se sont également engagés à accompagner financièrement cet effort.
L'incitation financière ne peut suffire en elle-même cependant. Une action rapide et volontaire de l'ensemble des directeurs d'établissement est indispensable. Je compte sur les élus de la Nation pour veiller à ce que les établissements de leur circonscription s'équipent au plus vite. Le Gouvernement a besoin de la mobilisation de tous.
2) Ce système de veille et d'alerte est accompagné d'un accroissement sans précédent des moyens de prise en charge et d'encadrement des personnes âgées, à hauteur de 4 milliards d'euros d'ici 2007.
- Le plan alloue 400 millions d'euros supplémentaires par an à l'allocation personnalisée d'autonomie et garantit la pérennité de son financement.
- Il accélère la médicalisation des services à domicile et des établissements : 470 millions d'euros supplémentaires y sont consacrés en 2004. 2 000 conventions tripartites vont pouvoir être signées cette année, permettant de médicaliser 160 000 lits.
- Le plan crée également 10 000 places nouvelles en établissement d'ici 2007, soit l'équivalent de près de 150 maisons de retraite nouvelles.
- 15 000 personnels soignants seront recrutés sur 4 ans en établissement, et 10 000 à domicile.
La montée en charge de ce plan sera progressive : elle se fera au rythme des capacités d'embauche de personnels soignants. Les quotas de formation ont déjà été fortement relevés ; le développement de la validation des acquis de l'expérience élargira encore les possibilités de recrutement.
3) Cet effort financier est aussi destiné à mieux répondre au choix de vie des Français âgés.
- Il vise, tout d'abord, à permettre aux personnes âgées de conserver le plus longtemps possible le mode de vie qu'elles ont choisi. La plupart d'entre elles souhaitent demeurer à leur domicile. Nous devons les y aider. C'est pourquoi nous créons 17 000 places dans les services de soins infirmiers à domicile, ainsi que 4 000 places d'hébergement temporaire et 8 000 places d'accueil de jour dédiées à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'affections apparentées. Des dispositifs innovants sont également encouragés, tels que des places d'accueils de jour itinérants, des accueils de nuit et des gardes itinérantes de nuit.
- Ce souci de satisfaire les choix de vie de chacun nous amène également à étoffer la palette des modes d'hébergement proposés afin d'offrir à nos concitoyens un choix varié qui réponde au mieux à leurs besoins et à leurs souhaits. Ainsi, pour éviter que la personne n'ait à choisir entre le " tout établissement " et le " tout domicile ", nous encourageons une formule intermédiaire : les petites unités de vie et les résidences intégrées, qui préservent l'intégration des personnes au coeur des villes et des villages.
4) Enfin, le plan prévoit la création d'une véritable organisation gérontologique, fondée sur la proximité et sur une meilleure articulation entre les secteurs sanitaire et social.
C'est dans le cadre général de ce plan et pour contribuer à sa mise en oeuvre effective que s'inscrit le projet de loi dont nous allons débattre. Et c'est à la lumière de ce plan que ce texte doit être considéré et évalué.
II. Le projet de loi
Ce projet de loi a un double objet :
- il institue le plan de veille et d'urgence ;
- il accompagne cette véritable révolution sociale qu'est le vieillissement en renforçant et en organisant le financement de l'aide aux personnes en perte d'autonomie.
Je vais essentiellement évoquer les mesures relatives aux personnes âgées tandis que Madame Montchamp abordera celles propres aux personnes handicapées. Mais ce discours à deux voix ne doit pas faire oublier la nouveauté radicale de ce texte, qui consiste à traiter globalement de la perte d'autonomie, qu'elle soit due à l'âge ou au handicap.
1) Le plan de veille et d'urgence vise à parer aux situations de risques exceptionnels. Chaque département devra se doter d'un plan. Il sera préparé par le préfet et par le président du conseil général. Sa mise en oeuvre sera décidée par le représentant de l'Etat ; elle déclenchera l'intervention des services sanitaires et sociaux auprès des personnes âgées et des personnes handicapées qui auront été recensées, à leur demande, par les communes.
2) La deuxième partie du projet de loi vise à rattraper le retard accumulé dans la prise en charge de nos personnes âgées ou handicapées. Il renforce considérablement les moyens des politiques consacrées à la perte d'autonomie.
Le drame de l'été dernier a révélé que l'effort de la société en faveur des personnes dépendantes était insuffisant malgré la création de la prestation spécifique dépendance puis de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Le nombre important de décès en maison de retraite a également souligné les besoins accrus de médicalisation. Ils résultent de l'âge de plus en plus avancé des pensionnaires, qui les expose davantage aux risques sanitaires.
La mise en place de la PSD puis de l'APA et le plan de médicalisation ont amorcé une réponse collective. Mais, l'action engagée n'était pas suffisamment financée :
- d'une part, il manquait 1,2 milliard d'euros en 2003 pour financer l'APA. 800 000 demandes ont été enregistrées à la fin de l'année dernière ;
- d'autre part, au rythme du conventionnement réalisé entre 2000 et 2002, il aurait fallu de très nombreuses années pour renforcer correctement le taux d'encadrement en personnel soignant des maisons de retraite médicalisées. Je rappelle que 330 conventions seulement ont été signées de l'année 2000 au début de l'année 2002, alors qu'il y a près de 8 000 établissements. C'est pourquoi nous avions déjà accéléré leur signature : 1100 conventions ont été conclues en 2002 dont 700 au second semestre.
Mesdames et messieurs les députés : une bonne intention sans financement pérenne n'engage à rien ; des décisions réalistes accompagnées du financement requis, c'est autrement plus responsable.
C'est pourquoi ce projet de loi apporte les financements nécessaires pour pérenniser les dispositifs antérieurs, les développer et accélérer leur mise en oeuvre. Il ne se contente pas de donner une base juridique au plan, il le finance et il le finance sans recourir à un prélèvement obligatoire supplémentaire.
La " journée " de solidarité
Ce financement est fondé sur une double rupture :
- au lieu de ponctionner un peu plus la richesse présente, il est gagé par la création de richesses nouvelles, à travers une journée de travail supplémentaire dans l'année ;
- son affectation est garantie par son versement à une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
L'idée de financer un plan d'action en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées par l'instauration d'une journée de solidarité n'est pas nouvelle. Elle a déjà été avancée par plusieurs associations. L'Allemagne la met en oeuvre avec succès depuis quelques années.
Cette idée a été soutenue par cent députés dans un appel, publié par le journal La Vie, le 26 juin 2003. La liste comprenait des parlementaires de toutes tendances politiques : la gauche n'était pas en reste puisque Messieurs Fabius, Ayrault, Terrasse, Bianco, Migaud, Le Drian et Madame Lebranchu notamment, faisaient partie des signataires.
Cette journée concrétise une des valeurs fondatrices de notre République : celle de la fraternité.
Il ne s'agit pas, comme on a pu l'entendre ici ou là, d'un jour sanction : nos concitoyens ne sont pas des enfants que l'on punit mais des adultes soucieux de solidarité et prêts à en assumer la responsabilité.
Les Français sont généreux : ils se mobilisent chaque année par millions pour apporter leurs dons à la recherche médicale.
Je suis convaincu qu'au fond d'eux-mêmes, nos concitoyens, dans leur très grande majorité, sont prêts à travailler une journée supplémentaire pour exprimer leur solidarité avec leurs aînés et avec les personnes handicapées.
Certains ont voulu voir dans cette mesure une tentative de mettre à bas la réduction du temps de travail. Mais de quel effort s'agit-il au demeurant ? De 7 heures par an ! 7 heures, Mesdames et Messieurs les députés, soit 4 % des 175 heures de réduction du temps de travail, et 0,4 % du temps de travail total. 4 %, 0,4 % : quelle remise en cause des 35 heures !
La gauche nous ressort son épouvantail préféré. Ne nous laissons pas intimider, mesdames et messieurs les députés de la majorité. A l'irréalisme qui a présidé à l'adoption des 35 heures, les socialistes ajoutent aujourd'hui l'inconséquence d'agiter un chiffon rouge dès qu'il s'agit de faire passer la moindre réforme.
En quoi consistera cette journée de solidarité ? Comme l'a indiqué le Premier Ministre, elle sera fixée librement et après concertation, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Ce n'est qu'à défaut de trouver une autre solution que le lundi de la Pentecôte sera travaillé.
Les salariés et les fonctionnaires donneront un peu de leur temps mais ne perdront aucun pouvoir d'achat, contrairement à ce qu'auraient entraîné les augmentations de cotisation salariale ou les suppléments d'impôts qu'appelle l'opposition. La rémunération des salariés n'est donc aucunement modifiée.
Les employeurs publics et privés restitueront au profit de la solidarité nationale la valeur ajoutée produite par la journée supplémentaire de travail. Cette restitution prendra la forme d'une contribution patronale dont le niveau a été estimé à 0,3 % des salaires et traitements.
La solidarité des Français sera équitablement répartie : les salariés et les fonctionnaires y participeront ; les travailleurs indépendants et les agriculteurs aussi, qui s'acquitteront de la contribution dès lors qu'ils emploient au moins un salarié.
Cet effort ne reposera pas uniquement sur ceux qui travaillent, comme on l'a parfois entendu dire, puisque les revenus du capital seront redevables d'une participation de même montant, à l'exception des produits de l'épargne populaire. Les personnes âgées modestes ne seront donc pas touchées.
Cette nouvelle recette permettra de mobiliser chaque année environ 2 milliards d'euros et cette ressource croîtra avec la richesse nationale.
La " caisse " nationale de solidarité pour l'autonomie
L'affectation prévue du montant ainsi collecté sera garantie grâce à son versement à une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et grâce à la transparence complète du dispositif : les Français doivent être certains du bien fondé de leur effort.
Afin que la journée de solidarité corresponde bien à des actions en faveur des personnes dépendantes, âgées ou handicapées, le produit de cette journée ne sera pas fondu dans le budget de l'Etat ou dans les comptes de la sécurité sociale, mais affecté à un organisme bien identifié. Et pour assurer sa transparence, celui-ci sera institué sous forme d'établissement public national à caractère administratif et ses organes de surveillance associeront les élus, les partenaires sociaux et les représentants des milieux associatifs.
Des interrogations se sont néanmoins exprimées à l'égard de cet organisme, dont la dénomination de " caisse " a pu, en effet, induire en erreur sur les intentions du gouvernement. Nous n'avons pas choisi ce terme en référence aux caisses de Sécurité sociale mais pour bien marquer notre volonté de mettre en place une politique forte et globale en faveur des personnes âgées.
Etant donné l'urgence dans laquelle nous sommes amenés à légiférer, il va de soi que le présent projet de loi ne peut définir tous les contours de cette structure. Ils font actuellement l'objet d'une réflexion que nous avons confiée à Messieurs Briet et Jamet, dont le rapport nous sera remis au début du mois de juin. Sur cette base, et à partir des orientations de la réforme de l'assurance maladie, nous définirons alors, après concertation, ses missions définitives.
Les grands principes de cette réforme et de ses compléments à venir sont cependant connus. Et ils répondent aux interrogations qui se sont exprimées.
- Une première interrogation tient à l'articulation de la réforme avec la décentralisation.
Le Gouvernement a pris le parti d'approfondir notre démocratie locale. A ce titre, le projet de loi relatif aux libertés locales renforce les compétences du département en matière d'action sociale et, notamment, de prise en charge de nos personnes âgées. Cette extension est garante d'efficacité et de cohérence : elle est efficace parce que l'action sociale n'est pertinente et adaptée que si elle est exercée au plus près du terrain ; elle est cohérente parce que la pluralité d'acteurs est souvent facteur de lenteur et d'irresponsabilité.
N'opposons pas centralisation et décentralisation, comme on opposerait, dans un jeu de contradictions stériles, égalité et inégalité ou uniformité et proximité.
Méfions-nous des paradoxes : l'inéquité naît aussi de trop d'égalité. Tout est affaire d'équilibre : la proximité, qui est essentielle pour répondre de façon personnalisée aux besoins, doit bien sûr être conciliée avec la préoccupation d'un traitement équitable et harmonisé sur l'ensemble du territoire national.
Il n'y aura pas 100 politiques départementales de prise en charge de la perte d'autonomie : il n'y aura jamais qu'une politique nationale. Mais son efficacité sera garantie par autant d'adaptations locales pour répondre au mieux à la situation qui prévaut dans chaque département.
- Un autre interrogation a pu apparaître, celle d'une éventuelle dérive vers une Sécurité sociale à deux vitesses. Mesdames et messieurs les députés : il ne saurait être question de mettre en place un dispositif qui amènerait à un démantèlement de la sécurité sociale ou à un système d'assurance-maladie cloisonné selon les âges.
La création d'une Caisse, tout comme l'existence actuelle du Fonds de financement de l'APA, vient en complément des Caisses de Sécurité sociale existante. Elle n'est nullement destinée à se substituer à l'une ou l'autre d'entre elles. Les personnes âgées continueront bien évidemment de relever de la Caisse nationale d'assurance maladie pour tout ce qui concerne leurs soins. A cette prise en charge sanitaire, la nouvelle Caisse apporte une prestation nouvelle : la prise en charge de la dépendance.
A quelles actions le budget de cette Caisse sera-t-il consacré ?
- Le premier objectif, comme je l'ai indiqué, est de pérenniser le financement complémentaire que nous avons instauré en 2003 pour sauvegarder l'allocation personnalisée d'autonomie : 400 millions d'euros s'ajouteront désormais chaque année au dixième de point de CSG déjà affecté au fonds de financement de l'APA. L'emprunt de même montant, contracté au titre de 2003, sera remboursé dès cette année, par anticipation. La Caisse sera ainsi en mesure de mettre un terme, de manière durable, à la grave impasse financière héritée du précédent gouvernement.
- Le deuxième objectif de la Caisse, c'est de financer le plan " Vieillissement et solidarités ", c'est-à-dire : la médicalisation des établissements, la modernisation des services d'aide à domicile, la création de places et le renforcement du personnel. Elle financera également des actions en matière d'animation et de prévention de la perte d'autonomie.
A compter de 2005, le champ d'action de la Caisse sera étendu à la perte d'autonomie résultant du handicap.
Le projet de loi que je viens de vous présenter s'inscrit dans une politique d'ensemble. Il représente une étape dans une dynamique de modernisation plus vaste de notre système social, qu'illustrent plusieurs réformes proposées actuellement au Parlement ou à venir :
- le projet de loi relatif aux responsabilités locales, qui élargit dès 2005 les compétences des conseils généraux dans le domaine des personnes âgées ;
- le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui rénove les modalités de prise en charge de celles-ci ; ce texte a demandé deux années de préparation ; il a été adopté en 1ère lecture par le Sénat ;
- enfin, la réforme de l'assurance maladie, qui est en cours d'élaboration. Certains souhaiteraient que l'examen de notre projet de loi soit joint à cette réforme ; mais si tel était le cas, nous n'aurions pas de nouveaux financements pour les personnes âgées avant 2005. Or :
- sur les 650 000 places en hébergement, seul un tiers des lits sont médicalisés à ce jour ;
- à domicile, nous comptons en moyenne une place de SSIAD pour 7 personnes âgées de plus de 75 ans ;
- enfin, 135 000 personnes sont atteintes chaque année de la maladie d'Alzheimer et nous manquons déjà de places en accueil de jour et en hébergement temporaire.
Partant de là, comment pourrions-nous expliquer à nos concitoyens qu'il faut encore attendre un an pour obtenir des moyens indispensables pour préserver la dignité de nos aînés ?
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi vous propose de construire un partenariat d'un type nouveau pour répondre à des besoins nouveaux :
- la réforme privilégie un mode de gestion décentralisé, fondé sur la proximité et adossé à une organisation nationale garante de l'utilisation exclusive de la nouvelle ressource au bénéfice des personnes dépendantes ;
- la nouvelle Caisse ne démembre nullement l'organisation actuelle de la sécurité sociale mais maintient son unité et préserve l'universalité de l'assurance maladie, en refusant toute prise en charge différenciée des soins aux personnes âgées ;
- enfin, la réforme initie pour la première fois dans la protection sociale de notre pays une logique de prise en charge globale de la perte d'autonomie, qu'elle soit due à l'âge ou au handicap, sans préjuger à ce stade des évolutions à venir.
On peut toujours faire mieux et plus, et il faut toujours conserver à l'esprit cet objectif. Reconnaissons néanmoins que ce projet de loi constitue une véritable avancée face au défi du vieillissement.
Les circonstances tragiques qui en ont accéléré l'élaboration doivent nous rappeler l'impérieuse nécessité d'anticiper les évolutions sociales et économiques de notre pays, fussent-elles taboues comme l'est encore le vieillissement.
Plutôt que de bercer les Français d'illusions, nous avons choisi un langage de vérité et de responsabilité. Nous demandons un effort, mais :
- c'est un effort responsable, car il n'ampute pas le pouvoir d'achat de nos concitoyens,
- c'est un effort juste, car il est équitablement réparti,
- et c'est un effort qui fait honneur aux Français, car il est généreux.
Je vous remercie de votre attention.


(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 mai 2004)