Déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur la mutation et la place du PCF dans la nouvelle société française du XXIe siècle, les actions à entreprendre pour créer des nouveaus droits des citoyens et la position du PCF dans les différentes questions politiques, économiques et sociales , Port de Bouc le 27 août 2000.

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Circonstance : Clôture de l'Université d'été du PCF à Port de Bouc le 27 août 2000

Texte intégral

Chers(es) Camarades,
L'université d'été qui s'achève aujourd'hui est la première après le 30ème congrès de notre parti réuni, on s'en souvient, à deux pas d'ici, à Martigues, au mois de mars dernier.
Un congrès au cours duquel nous avons pris ensemble des décisions extrêmement importantes, avec l'ambition de fonder et construire un parti communiste moderne, à la hauteur des enjeux de notre temps.
C'est sur cette question essentielle, vitale, de l'avenir du parti communiste que je veux revenir aujourd'hui devant vous.
Nous savons que des pressions s'exercent pour accréditer l'idée qu'il ne serait plus que la survivance d'une époque révolue. Bien sûr, il faut savoir faire la part des choses. Cette campagne n'est pas nouvelle, même si elle a été réactivée par les événements de la fin des années 80. Et les motifs qui commandent ses instigateurs sont aisément repérables.
Mais il y a aussi des femmes, des hommes, en grand nombre - et parmi eux des communistes - qui s'interrogent : dans ce monde bouleversé, dans cette société française profondément transformée, un parti communiste a-t-il encore sa raison d'être, et avec quelle place, quel rôle ?
Et ces interrogations sont naturellement plus vives, et souvent douloureuses, chez celles et ceux qui continuent à identifier le parti communiste à ce qu'il fut en d'autres temps pour eux, et grâce à eux.
On comprend mieux, dès lors, le trouble provoqué par la campagne tendant à les convaincre qu'ils n'auraient le choix qu'entre le renoncement ou le repli en groupuscule nostalgique, témoignant fièrement du passé mais " hors jeu " du présent, et incapable de peser sur le cours des choses pour contribuer à construire l'avenir.
Ce trouble que j'évoque, ce malaise réel, nous devons en comprendre les raisons, la nature. Et mesurer qu'il est aussi porteur d'une volonté militante qui peut se mobiliser pour donner à leur parti la place et le rôle qu'ils n'ont jamais renoncé à lui voir conquérir. Permettez-moi d'y insister : c'est bien cette mobilisation militante qui est essentielle. Il n'est en effet écrit nulle part qu'il doit y avoir nécessairement un parti communiste fort et influent dans la France du 21ème siècle. Aucune loi, prétendument scientifique, ne peut donner cette assurance ! Certes, nous avons longtemps professé cette croyance mécaniste dans le " sens de l'histoire ". Elle n'est vraiment plus de saison ! C'est bien pourquoi, depuis le 30ème congrès de mars dernier, nous avons redoublé d'efforts pour que les hommes et les femmes qui constituent le parti communiste prennent en mains la construction de son avenir. Une dynamique en ce sens s'est engagée. C'est à son développement que nous devons consacrer l'essentiel de nos efforts.
Au demeurant, le congrès de Martigues n'a pas été le congrès des certitudes assénées. Il s'est employé à répondre à ces questions par un vaste débat mobilisant l'intelligence et l'esprit critique de dizaines de milliers de communistes pendant près d'une année.
Ce travail de réflexion, cet effort de compréhension se sont efforcés de n'occulter aucun des problèmes que les communistes ont à résoudre. Nous avons fait retour sur l'histoire et le cheminement du parti, et sur les conséquences qu'ils ont entraînées ; nous nous sommes appliqués à prendre toute la mesure des bouleversements qui affectent la société française, et des dimensions nouvelles et complexes de la mondialisation ; nous avons discuté de la stratégie du parti communiste et, dans ce cadre, de sa participation au gouvernement depuis 1997 ; nous avons pris des décisions concrètes, en termes d'organisation et de vie démocratique du parti, pour créer les conditions d'une pleine souveraineté des adhérentes et adhérents sur l'élaboration des décisions à prendre et sur leur mise en uvre.
Oui, nous l'affirmons et nous y travaillons : il y a place, dans la société française, pour un parti communiste moderne. Et plus encore : c'est une nécessité pour qui ne se satisfait pas de l'ordre établi, des injustices, des inégalités, des dominations diverses que le capitalisme installe et renforce. C'est une nécessité, donc, pour qui veut contribuer à dépasser ce système et à progresser sur la voie de l'émancipation humaine.
J'ai envie de dire que nous avons réglé cette question pour nous-mêmes. Nous avons su conduire l'indispensable effort théorique de renouvellement qu'appelaient ce que furent, longtemps, notre vision de la transformation sociale et notre conception du rôle du parti. Nous l'avons fait en partant des attentes nouvelles, inédites des citoyennes et des citoyens à l'égard de l'organisation de la société, de l'avenir même de la civilisation humaine.
Nous avons fait cet énorme travail de mutation sur nous-mêmes sans céder à l'auto flagellation, en sachant être lucides, et en nous tournant résolument vers l'avenir.
Disons-le : beaucoup ne croyaient guère possible ce renouvellement profond et sans complaisance d'une organisation politique comme le parti communiste.
Mais j'ai la conviction que ce choix fondateur accompli, ce qui est aujourd'hui devant nous est tout aussi existentiel : il s'agit de relever le défi du communisme français, de conforter une motivation communiste de notre temps. Il s'agit à présent de faire vivre ce nouveau parti communiste, c'est-à-dire de le rendre, plus concrètement, utile et efficace. De prouver dans les faits, dans la vie - et pas seulement pour nous-mêmes mais pour les autres - la nécessité du parti communiste.
Le congrès de Martigues a pris des décisions capitales et déterminé des orientations nouvelles pour aller dans ce sens. Elles touchent notamment, je l'ai rappelé, au parti lui-même, et aussi au projet communiste. Un projet qui affirme l'exigence du dépassement du capitalisme pour lui substituer une organisation radicalement différente de la société. Un projet qui n'a rien de péremptoire, mais qui procède au contraire d'une analyse des réalités d'aujourd'hui et des réponses novatrices qu'elles appellent.
Un projet qui constitue l'une des pièces maîtresses des fondations mises en place au 30ème congrès pour construire un nouveau parti communiste.
Maintenant, il faut faire vivre ce parti. C'est notre responsabilité à toutes et à tous. Par notre démarche d'abord. Notre ambition ne peut pas être, simplement, de maintenir, de faire exister un parti communiste par fidélité au passé. Il faut en convenir : faire ainsi nous mettrait en complet décalage par rapport aux attentes qui s'expriment à notre égard, et nous décevrions l'intérêt renouvelé que nous manifeste - précisément en raison de nos efforts - un grand nombre de citoyennes et de citoyens. Beaucoup d'entre elles et d'entre eux ressentent - sans forcément partager toutes nos convictions - l'apport à la démocratie française que peut constituer ce nouveau communisme.
Or, notre ambition, nous l'avons dit avec force à Martigues, c'est de faire jouer au parti communiste un rôle essentiel au service de la novation en politique, dans le droit fil des événements que furent, de ce point de vue, sa création en 1920, puis sa contribution positive à tous les mouvements essentiels de l'histoire de notre pays qui ont façonné l'identité progressiste de la France.
Oui, il nous faut savoir oser les grandes initiatives susceptibles de bousculer le conformisme politique, les idées reçues, le sentiment entretenu de l'impuissance des hommes à agir pour changer le cours des choses.
Il n'est pas question de nous comporter en " avant garde décrétée " ; et pas davantage de nous mettre à la remorque des idées qui passent, des mouvements ou phénomènes de mode, dont l'expérience montre qu'ils sont, en fin de compte, éphémères. Sans doute parce que leur rejet affiché de la politique ne vise pas tant à en surmonter la crise profonde qu'à satisfaire de médiocres ambitions politiciennes et personnelles.
Le parti communiste de notre temps, que nous voulons, c'est un parti capable d'influer réellement sur la vie politique. Un parti contribuant efficacement à ce que notre peuple trouve les réponses posées aux problèmes qu'affrontent la société française, l'Europe et le monde du 21ème siècle, et agisse afin de les faire prévaloir.
Je viens d'évoquer nos projets. Là aussi, sans doute, il nous faut être plus offensifs, plus convaincants. C'est d'autant plus important que l'on tente, aujourd'hui, de nous " refaire le coup " qui a si bien réussi dans la seconde moitié du 20ème siècle. Dans un monde marqué par des évolutions, des bouleversements considérables, la civilisation ne pourrait que les subir et s'adapter, c'est-à-dire évoluer de façon obligée, mécanique, sans que les hommes puissent choisir leur destin, leur façon de s'organiser et de vivre en société. Et ce que la " modernité " mettrait inéluctablement à l'ordre du jour du 21ème siècle, ce serait une longue suite de renoncements et de destructions. Renoncement, par exemple, au plein emploi, pour lui substituer un marché du travail hyper précarisé, et destruction de toutes les conquêtes sociales, réputées faire obstacle à la marche en avant de la civilisation.
Tout cela découlerait inexorablement du progrès. Dès lors, à quoi servirait-il de faire des projets, surtout pour la marche de la société ? Mais n'est-il pas de plus en plus criant que cette situation a pour origine l'utilisation par le nouveau capitalisme de toutes les avancées humaines au service de la croissance financière. Elle ne procède donc d'aucune fatalité.
Ainsi de la mondialisation. Il y a le discours. Il parle d'une mondialisation harmonieuse, avec le " village-monde ", les peuples et les êtres humains enfin rapprochés, le bonheur pour tous à portée de la main. Et puis il y a la réalité. La réalité d'un monde dominé par le capitalisme, et la mondialisation qui pour cette raison s'accompagne de régressions sociales, de reculs démocratiques, d'exploitation et d'inégalités accrues, de désastres écologiques, d'extension de la pauvreté et du malheur.
Non, il n'y a aucune fatalité. Les malheurs des hommes et des peuples, les dysfonctionnements des sociétés modernes et les drames qu'ils engendrent ne sont pas l'inévitable rançon du progrès évoquée par certains avec un cynisme révoltant.
Rançon. sans aucun doute. Mais c'est l'humanité qui paie - dans la vie de milliards d'hommes et de femmes - parce que ses avancées sont prises en otages, détournées, pour servir la priorité du monde capitaliste. Et cette priorité ce n'est pas le bonheur humain mais le profit, la rentabilisation des capitaux, la prospérité des marchés. Tant que les hommes et les femmes n'imposeront pas une priorité nouvelle, celle de leur développement, de leur bonheur, et ne transformeront pas la société, le monde, en les réorganisant autour de cette priorité, fondant leur développement sur le partage entre tous des savoirs, des pouvoirs et des moyens, il faudra continuer à payer la rançon.
Là encore, aucune fatalité, aucun mécanisme, aucun déterminisme historique. C'est s'ils en ont la volonté, s'ils en forment le projet, et s'ils luttent rassemblés pour le faire aboutir que les hommes et les peuples y parviendront.
Eh bien disons-le en toute clarté : dans le mouvement révolutionnaire conscient que cela implique comme dans le projet, que ce mouvement doit porter, d'une société nouvelle fondée sur le partage, c'est de communisme qu'il s'agit. Non pas le communisme défiguré, dénaturé par des dogmes stérilisants, ou tragiquement dévoyé par des expériences dont l'échec a provoqué amertumes et désillusions, à la hauteur des immenses espérances qu'elles avaient fait naître.
Non, il s'agit de ce nouveau communisme dont nous travaillons à la motivation et à l'émergence.
Le communisme comme réponse humaine, humaniste, révolutionnaire aux défis du monde moderne. Le communisme ici, en France, et maintenant, à l'aube du 21ème siècle ; le communisme français dont nous sommes les héritiers. Des héritiers qui ne veulent pas seulement conserver l'héritage, mais le faire fructifier pour une société humaine, une société de partage.
C'est la formidable contradiction entre, d'une part, un capitalisme toujours plus prédateur des hommes et de la nature, et, d'autre part, les aspirations, les besoins humains et les potentialités de les satisfaire qui fonde notre détermination à construire et à faire vivre en France un parti communiste plus utile et efficace.
Mais pour y parvenir, il faut nous hisser, tous ensemble, à la hauteur des formidables enjeux que je viens d'évoquer.
C'est dès à présent et sans délai que nous sommes confrontés à cette exigence, à travers la diversité des questions qui font l'actualité sociale et économique en France. Quelques-unes des luttes de ces dernières semaines en fournissent une illustration.
Ainsi quand des salariés refusent, avec une particulière détermination, d'être méprisés et littéralement " jetés " par ceux dont ils ont fait la richesse, ils ne mènent pas, comme on tente d'en accréditer l'idée, un combat conservateur.
Pas plus que celles et ceux qui revendiquent le droit à un enseignement et des formations de qualité avec les moyens pour y parvenir ; ou à un développement maîtrisé respectant l'environnement des hommes ; ou encore à une médecine de qualité accessible à tous
Non seulement ces luttes, ces mouvements divers n'ont rien à voir avec je ne sais quel conservatisme, mais au contraire ils expriment le besoin d'une organisation toute différente de la société, autour d'une priorité nouvelle : les êtres humains eux-mêmes, leurs besoins immédiats, leur avenir et la possibilité d'exercer une citoyenneté renouvelée et responsable.
Cette dernière aspiration est, au demeurant, une dimension essentielle de toutes ces luttes. Elle pose une question cruciale : comment élaborer et faire vivre une autre conception de la politique ?
Il ne s'agit pas, disant cela, de plaider pour la fin de la démocratie représentative. Elle a constitué un incontestable et un grand progrès, en France et, par le rôle de la France dans ce domaine, dans le monde.
Ce qui est en jeu c'est la définition et l'avènement de droits nouveaux pour les citoyens, partout, et y compris dans la politique.
A leur façon, c'est bien ce que disent les salariés des entreprises qui ont fait l'actualité ces dernières semaines.
C'est ce que disent, aussi, les plus démunis, les plus pauvres de nos concitoyens, quand ils revendiquent le respect de leur dignité et qu'ils exigent, pour cela, le relèvement sensible des minima sociaux.
Je sais bien qu'en de nombreuses circonstances les protagonistes eux-mêmes de ces luttes ont le sentiment de participer à des " combats conservateurs", au sens où ils s'efforcent de préserver le peu qu'il leur reste encore. Ils peuvent d'autant plus éprouver ce sentiment qu'il ne manque pas d'experts " es modernité " pour les culpabiliser en expliquant que leurs prétentions sont archaïques.
Ce n'est pas du tout, évidemment, l'opinion des communistes.
Ces luttes ne sont pas ringardes : elles sont modernes.
Elles ne sont pas défensives : elles sont offensives et appellent à construire du neuf en politique.
C'est pour aider à leur donner tout leur sens que les communistes veulent contribuer à ce qu'elles prennent une plus grande ampleur, en procurant à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent la possibilité de les inscrire dans un projet plus vaste de transformation sociale. Nous voulons contribuer à ce qu'elles et ils puissent, pour eux-mêmes et pour la société, ouvrir des perspectives neuves. Et il est besoin aussi, pour cela, d'un parti communiste attentif à " la part du rêve " sans quoi rien n'est possible en politique ; un parti communiste, par conséquent, tout particulièrement à l'écoute des jeunes et en dialogue avec eux.
Un parti communiste suffisamment influent et offensif pour intervenir dans le champ institutionnel de la politique. Avec un objectif : agir afin que les responsables du pays aient le courage de prendre les décisions permettant à la société, à la civilisation d'avancer, et non de subir les régressions qu'on veut lui imposer. La politique est devenue aujourd'hui, pour beaucoup, l'art de procéder, avec le moins possible " d'effets secondaires ", aux adaptations conformes aux intérêts des marchés, aux intérêts capitalistes qui dominent le monde actuel. C'est de tout autre chose et d'une tout autre ambition qu'il doit s'agir. Il faut ouvrir, véritablement, le chantier d'une transformation progressiste de la société, avec des droits et des pouvoirs nouveaux, étendus, jusqu'à la maîtrise de leur avenir, pour les salariés et les citoyens, hommes et femmes à égalité.
Ce n'est un secret pour personne, la droite, dans toutes ses composantes, est saisie d'une véritable frayeur dès que l'on avance de telles exigences.
Mais les réticences - pour ne pas dire l'hostilité - à l'égard de cette ambition s'expriment aussi ailleurs.
C'est par exemple sur ces questions touchant aux droits et pouvoirs nouveaux des salariés et des citoyens que les discussions préparatoires à la déclaration commune PC-PS d'avril 1997 ont été les plus difficiles. Au point qu'elles ont même failli échouer.
Une partie des orientations définies dans cette déclaration ont été mises en uvre et les communistes, leurs élus et en particulier leurs ministres au gouvernement y ont contribué, et y contribuent, avec un courage, un sens de la responsabilité et de l'Etat que chacun s'accorde à reconnaître.
Pour d'autres questions, on le voit, il y a débat. C'est ainsi que les communistes ont exprimé leurs désaccords, leur mécontentement devant la poursuite des privatisations et face au refus persistant d'une augmentation significative des salaires et des minima sociaux. Je veux dire ici à Lionel Jospin et au gouvernement : une augmentation du pouvoir d'achat, et particulièrement des salaires, est aujourd'hui absolument indispensable. Des millions de Françaises et de Français sont dans cette attente. Ils ne comprennent pas que les fruits de la croissance retrouvée, dont on se félicite, soient si peu partagés. Et ils ont raison : c'est inadmissible ! Rien, par conséquent, ne saurait empêcher les communistes de le répéter et d'être à leurs côtés dans toutes les actions pour obtenir ce qui est tout simplement la justice sociale. Et aussi le moyen le plus efficace de garantir une croissance durable.
Les Français peuvent compter sur nous dans l'action pour atteindre ces objectifs. Car une chose est sûre : Oui, les communistes - c'est un trait marquant de leur identité - se situent toujours au premier rang du combat pour la justice sociale.
Et c'est pourquoi, je le dis aujourd'hui avec force, l'heure est venue d'une augmentation significative du pouvoir d'achat. Le gouvernement de gauche plurielle ne peut rester sourd à cette exigence qu'expriment des millions de salariés et de citoyens. Et, pour la part qui leur revient, le gouvernement et le Premier ministre doivent passer aux actes en revalorisant sensiblement, et exceptionnellement dès le mois d'octobre, le Smic, les retraites et les minima sociaux.
De la même façon, il y a à prendre, rapidement, des décisions en matière de fiscalité. J'évoquerai ici deux d'entre elles. Oui, il faut dénoncer l'attitude scandaleuse des pétroliers dont la taxation des profits doit être sensiblement renforcée, mais le gouvernement de gauche doit aussi, de son côté, donner l'exemple dans les prochaines semaines en baissant les taxes sur les carburants et le fuel qui pénalisent des millions de Français.
Les recettes fiscales supplémentaires et les économies de dépenses liées à la croissance permettent que l'on y consacre sans délai au moins de 3 à 5 milliards. Après quoi ne convient-il pas de décider d'un système de blocage des prix des carburants et d'un instrument de contrôle permanent des pétroliers ?
Faut-il rappeler qu'au moment où le prix du litre d'essence à la pompe dépasse les 8 francs, Total, le premier groupe pétrolier, a battu tous les records de profits en cette année de catastrophe de " l'Erika ". Enfin, s'il faut alléger les impôts directs au bénéfice des catégories moyennes et modestes, il faut, inséparablement, alourdir la fiscalité appliquée aux grandes fortunes et aux revenus financiers, pour garantir à l'Etat les recettes indispensables à une politique de justice sociale bien ancrée à gauche.
Disons-le sans détour : tout allègement fiscal en direction de ceux qui accumulent déjà dividendes boursiers et autres stock options apparaîtrait singulièrement provocateur aux catégories modestes, ponctionnées à tout instant. En revanche, nous persistons à dire Qu'il est possible et nécessaire d'opérer un prélèvement sur les mouvements financiers, en instaurant une taxe Tobin à la française.
Et plus généralement les propositions que nous avançons sur ces questions du pouvoir d'achat des salaires et de la fiscalité s'inscrivent dans l'effort de grande ampleur décidé par le congrès de Martigues : les communistes veulent agir pour aider à l'émergence d'un grand mouvement national contre les inégalités et les discriminations diverses qui minent véritablement la société française. Il est, enfin, un domaine où vraiment le compte n'y est pas : celui des droits modernes, nouveaux, démocratiques indispensables pour faire évoluer la société française. Les mesures, pourtant limitées, prévues ensemble - parti socialiste et parti communiste - en avril 1997 ne sont toujours pas mises en uvre.
Or, je persiste à le dire, elles ont aujourd'hui un caractère d'urgence. Je l'avais souligné à la Fête de l'Humanité l'année dernière, en commentant la décision de l'entreprise Michelin de supprimer des milliers d'emplois. Quelques semaines plus tard, la manifestation du 16 octobre retentissait particulièrement de l'exigence de véritables pouvoirs d'intervention des salariés sur la marche des entreprises.
Ce qui s'est passé depuis confirme qu'il est temps, grand temps, d'avoir le courage politique de s'attaquer à cette question.
Certes, la situation de l'emploi s'améliore. Nous ne minorons nullement cette réalité - nous y sommes pour quelque chose - mais nous ne sommes pas aveugles : il y a toujours des charrettes de licenciements. Non pas pour moderniser les entreprises, mais parce que c'est toujours le dogme de la rentabilité financière qui commande de faire pression sur l'emploi et les salaires.
De la même façon, les négociations sur l'avenir de l'Unedic ont montré que le patronat veut aller encore plus loin dans cette voie. C'est pourquoi le rejet du plan d'aide pour le retour à l'emploi est une bonne chose.
Etroitement déterminée par l'action de la majorité des organisations syndicales, des associations de chômeurs, et par notre propre intervention sur cette question, la décision du gouvernement va dans le bon sens. Mais sur le fond rien n'est réglé.
Et c'est pour contribuer au rassemblement le plus large sur les questions du retour ou de l'accès à l'emploi que 50 personnalités ont lancé - à l'initiative d'économistes communistes membres de la direction de notre parti - un appel pour une refondation de progrès de l'Unedic. Cet appel rencontre d'ores et déjà un écho très favorable et largement rassembleur.
Toutes ces luttes, tous ces événements, tous ces dossiers qui font l'actualité, montrent à quel point il est déterminant pour l'avenir d'engager les grandes réformes démocratiques et citoyennes que j'ai évoquées
Pour nous, en effet, la vraie modernité c'est le partage effectif des pouvoirs. Nous en sommes loin quand le patronat décide seul, souverainement, de la vie et de l'avenir de millions de salariés. Quand il leur refuse toute possibilité d'intervention, de parole et, plus encore, de décision, sur les choix à accomplir et sur leur mise en uvre.
Au-delà des entreprises, nous en sommes loin, aussi, dans la société. Je pense ici à la proposition de modification constitutionnelle soumise à référendum le 24 septembre prochain.
Nous l'avons dit, la réduction du mandat présidentiel est une question réelle. Encore faut-il qu'elle s'inscrive dans la perspective concrète et urgente d'une démocratie plus épanouie, d'une citoyenneté plus active.
Le " quinquennat sec " ne permet pas de se rapprocher de ces objectifs. Il ne suffit pas de voter plus souvent. L'exemple des Etats-Unis en témoigne : le Président y est élu tous les 4 ans, mais c'est une minorité du corps électoral qui prend part au vote.
C'est une bien plus haute ambition qu'il faut proposer aux Françaises et aux Français : l'ambition de changer profondément les institutions de la France.
Nous voyons bien que les plus hauts responsables du pays refusent aujourd'hui de s'engager dans cette voie courageuse.
Ceux là même qui ont lancé cette affaire du quinquennat " sec " l'ont fait en sachant parfaitement qu'il ne s'agit que d'un simulacre de réponse à un problème d'une bien plus vaste ampleur.
En vérité, il y a, chez beaucoup d'entre eux, une volonté de manuvre politicienne. C'est à qui, des proches de Jacques Chirac ou des amis de Lionel Jospin défendra le "Oui" au " quinquennat sec " avec le plus de zèle. Ces comportements politiciens risquent d'en rajouter encore plus à la confusion et à la crise de la politique.
C'est dans ces conditions que les communistes ont pris la décision - par leur vote - d'appeler à l'abstention le 24 septembre. Pas une abstention pure et simple, passive, qui pourrait alors contribuer à une dépolitisation de l'enjeu. C'est, au contraire, à une abstention combative que nous appelons ; une abstention qui sera un appel pressant à ouvrir enfin le chantier de la modernisation de la vie politique.
La question fondamentale qui est posée, c'est de travailler à élaborer les institutions d'une République moderne pour la France du 21ème siècle.
Il est facile de discourir sur la modernité ; et facile, aussi, de déplorer la crise de la politique. Avec le "référendum simulacre" du 24 septembre on ne fait que l'approfondir.
Autre chose est de définir, en actes, une citoyenneté nouvelle donnant, individuellement et collectivement, les moyens de maîtriser leur destin aux femmes, aux hommes, aux jeunes de notre pays.
C'est ambitieux ? Oui, bien sûr.
Cela peut constituer un handicap pour tel ou tel lors des prochaines échéances électorales ? Peut-être, et c'est manifestement l'obsession des instigateurs du référendum " à minima " proposé aux Français.
Mais c'est surtout une impérieuse nécessité.
Et notre appel à l'abstention est destiné à permettre une expression plus exigeante de cette nécessité. Dire cela c'est, du même coup, souligner que nous sommes bien en campagne - une campagne active, dynamique - dans la perspective du 24 septembre. En campagne pour qu'au lendemain du scrutin les promoteurs du quinquennat sec ne puissent plus l'ignorer : les attentes de la majorité de Françaises et de Français sont autrement plus élevées que leurs petits calculs politiciens.
Pour ce qui me concerne - et, j'en suis sûr, pour tous les communistes - nous n'esquiverons pas les questions. Nous ferons tout, au contraire, pour leur donner la place qu'elles méritent. Je le répète, elles sont fondamentales et notre peuple doit pouvoir débattre véritablement des réponses qu'il convient de leur apporter.
C'est de la même façon offensive que nous envisageons le processus enclenché concernant la Corse. Il peut ouvrir une perspective en dépit des conditions complexes et fragiles de sa mise en uvre. Une récente déclaration de notre collège exécutif l'a rappelé : " l'avenir de la Corse suppose que l'on sache conjuguer la paix civile, le développement et la démocratie ".
C'est pourquoi nous condamnons les actes de violence qui viennent de toucher l'île à plusieurs reprises. Leurs auteurs doivent être recherchés et punis. C'est pourquoi nous faisons la proposition d'une loi programme précisant l'ampleur et l'usage de l'aide qu'il convient d'apporter à la Corse.
Et c'est pourquoi, enfin, nous estimons que la valorisation de l'identité corse - de sa langue, de sa culture - ne constitue en rien un risque pour l'unité républicaine. Des évolutions institutionnelles sont nécessaires pour la Corse. Au-delà, elles doivent être envisagées pour la nation tout entière et, en tout état de cause, dans le cadre absolu de la souveraineté nationale.
Chers Camarades,
Permettez-moi de conclure mon propos par où je l'ai commencé. Toutes les questions que je viens d'aborder ne se règleront pas " d'en haut ". Nous sommes, depuis longtemps, vaccinés contre la tentation d'en renvoyer le règlement à la seule initiative du nombre, forcément limité, des responsables politiques.
Ce qui est devant nous - et qui est difficile mais à notre portée - appelle obligatoirement un considérable effort pour être partagé par tous les communistes. C'est pour cela que nous avons accompli de grandes transformations ces dernières années ; c'est le sens des décisions majeures du 30ème congrès de Martigues.
Des décisions qu'il ne s'agit pas d'appliquer par discipline. Ce que nous voulons, c'est prendre l'exacte mesure des énormes enjeux de civilisation qui caractérisent la période actuelle. Et, je l'ai dit, nous voulons, avec les communistes, nous hisser à la hauteur de ces enjeux.
J'ai confiance. Une confiance appuyée sur ce que nous connaissons bien les uns et les autres : l'intelligence des communistes, leur goût pour l'action, leur conviction que le monde et la société dans lesquels nous vivons font obligation au parti communiste de contribuer - comme il a su le faire dans d'autres circonstances - aux grandes novations politiques qu'appelle la société moderne ; qu'appelle, tout simplement, la démocratie française.
J'ai confiance car, je le répète, la dynamique pour réussir est engagée.
(Source http://www.pcf.fr, le 17 janvier 2001)