Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur le plan de développement des biocarburants et ses enjeux pour l'agriculture, l'industrie et l'environnement, Venette (Oise) le 7 septembre 2004.

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Circonstance : Lancement du plan gouvernemental sur les biocarburants à Venette (Oise) le 7 septembre 2004

Texte intégral

Nous avons voulu cette réunion avec Serge LEPELTIER, le ministre de l'Ecologie et avec Nicolas FORESTIER. Je vous prie d'excuser l'absence d'Hervé GAYMARD qui est retenu aux obsèques des fonctionnaires qui ont été tués dans une horrible affaire que je ne veux pas commenter ici. Donc nous sommes réunis parce que, au fond, ce dossier c'est un dossier majeur qui, justement, et ce n'est pas si courant, est un dossier qui réunit l'agriculture, l'industrie et l'environnement.
Ce sont souvent des grands secteurs de notre activité économique et sociale qui sont opposés et là, ils sont rassemblés et rien que cette idée fait de ce dossier un dossier puissant, original, que je veux souligner. Car en effet il s'agit là d'une décision majeure pour l'agriculture, mais essentielle pour l'environnement et pour notamment le plan CLIMAT. Et c'est aussi une décision évidemment très importante pour l'industrie, l'industrie pétrolière mais aussi naturellement l'industrie de transport et l'ensemble des secteurs qui y sont liés.
Je voudrais vous dire clairement que nous allons passer, avec les décisions que nous prenons aujourd'hui, d'une époque, celle des initiatives pionnières, à une autre époque qui est celle de l'ambition nationale. Nous quittons le domaine des initiatives pionnières qui sont importantes, qui nous ont permis de construire des outils, de bâtir des savoirs mais aussi d'écarter des fausses pistes. Souvenons-nous d'un certain nombre d'idées qu'il a fallu écarter parce que, naturellement, nous avons pu élaborer une stratégie. Et aujourd'hui nous sommes en mesures de proposer une ambition nationale avec les biocarburants, pour la France. Nous sommes décidés à nous engager sur l'objectif de 5,75 % de part de biocarburant dans l'essence, comme le souhaite l'Union européenne, l'essence et le gazole, ceci faisant de la France un pays qui va se mobiliser par l'ensemble de ces politiques. Et notamment, son texte sur l'énergie, sa politique de l'énergie, la loi sur l'énergie, dans le plan CLIMAT, c'est une des décisions majeures du plan CLIMAT. Vous savez que le président CHIRAC est très mobilisé sur ce dossier. Il y voit un espoir pour notre territoire et un espoir aussi pour notre économie. Je pense, sans être pessimiste, sur l'échéance du 1er janvier 2006 de réforme de la PAC échéance européenne, échéance nationale aussi puisque nous veillerons à ce qu'on puisse équilibrer les contraintes européennes par des initiatives nationales, par une loi d'orientation qui viendra simultanément à l'application du compromis de Luxembourg. Mais il est clair que les biocarburants sont un des éléments en terme de stratégie qui mobilisera nos territoires, non seulement les agriculteurs mais aussi leurs salariés, mais aussi l'ensemble des activités économiques qui sont liées au territoire. Et donc, je souhaite vraiment que nous puissions nous affirmer comme un pays qui a l'ambition, dans les dix ans qui viennent, d'être un leader en ce qui concerne les biocarburants.
C'est ça notre cap. Et ceci en nous fixant des objectifs très importants. Nous avons de nombreuses raisons de nous engager dans cette ambition nationale pour les biocarburants. Le premier objectif c'est évidemment l'objectif environnemental. Je remercie beaucoup Serge LEPELTIER de s'être impliqué fortement sur ce sujet, notamment d'avoir placé ce dossier au coeur du plan CLIMAT, mais il va de soi que la France veut tenir les engagements du protocole de Kyoto et que, si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre, il est évident que là nous avons un levier d'action très important pour protéger la couche d'ozone. Nous voulons défendre la planète, nous voulons développer dans le monde, la conscience de la planète. Il est clair que la protection de notre planète passe par la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Le président de la République s'est exprimé à Johannesburg en nous fixant un certain nombre d'objectifs ; nous voulons atteindre ces objectifs. Donc, la cause environnementale est une cause essentielle. C'est pour cela que je disais tout à l'heure que dans les calculs économiques il nous faudra tenir compte, évidemment, du coût environnemental parce qu'il est clair qu'il y a un coût environnemental et nous sommes obligés de le prendre en compte pour tenir l'ambition qu'est la nôtre, notamment de mettre en place le protocole de Kyoto et d'être un pays qui honore sa signature sur ce sujet. Dimension environnementale, dimension économique - vous l'avez souligné les uns et les autres. Nous voulons réduire notre facture pétrolière et évidemment faire en sorte qu'on puisse renforcer notre indépendance énergétique. Nous prenons un certain nombre de décisions ; nous avons pris la décision de l'EPR en ce qui concerne le nucléaire, nous prenons la décision des biocarburants de manière à renforcer notre capacité à être indépendants sur le plan énergétique. Environnement, économie, mais évidemment agriculture et territoire puisque notre potentiel agricole qui est déjà très important, qui est essentiel, qu'il nous faut protéger, nous pouvons le mobiliser sur des surfaces importantes, ce qui créera des emplois, des emplois à caractéristiques agricoles et industrielles, ce qui pour la diversification, pour la formation est un enrichissement pour nos territoires. Et il y a là des possibilités d'emplois qui sont très importantes puisque le plan que je vous propose c'est de l'ordre de 6000 emplois pour les trois ans qui viennent. Je pense qu'il nous faut voir l'objectif à 2010. J'ai bien noté la dimension 2020. Je me suis entouré d'ailleurs de ministres jeunes pour cela, mais bon... je vais me limiter à 2010 parce que je sais être raisonnable. Donc dans cet objectif à 2007 - 2010 - 2020 nous avons des caps à franchir. Je crois que la première échéance pour nous c'est les trois ans qui viennent, c'est là où on peut être opérationnel d'ici 2007 avec des décisions concrètes que nous pouvons prendre et d'ici 2007, en terme d'emplois agricoles, l'objectif est de 6000 emplois. Ce que nous voulons faire c'est tripler d'ici 2007 notre production de biocarburants. Multiplier donc, par trois, notre production. Ce qui revient, je vous l'annonce aujourd'hui, à la construction de quatre usines de nouvelle génération produisant chacune 200.000 tonnes par an.
Donc, c'est un projet ambitieux : quatre usines nouvelles qui vont nous permettre d'avoir cet équivalent, donc, de 800.000 tonnes par an ce qui présente pour nous la nécessité d'une capacité à agir assez vite pour mettre en place ces usines. D'où mes questions tout à l'heure sur Sète, qui n'est pas compté dans ces quatre usines et qui verra donc quatre nouvelles usines après celle que nous avons d'ores et déjà décidée sur Sète. Il s'agit donc de tripler la surface agricole occupée par les biocarburants en la portant à environ un million d'hectares. Un million d'hectares, en France, pour cette nouvelle forme d'énergie compatible avec notre environnement. C'est là aussi un chiffre qui marque les esprits et qui mobilise l'ensemble des acteurs. Nous allons procéder par appels d'offres permettant la mise en place de ce plan. Je souhaite que les appels d'offres soient lancés et dépouillés avant le printemps 2005. C'est-à-dire que ce sont dans les six mois qui viennent qu'il nous faut mener ce dispositif d'appels d'offres, lancés mais aussi dépouillés. Après 2007 il faudra faire un effort à peu près comparable. Je divise l'effort pour les 5,75 en deux étapes, triplement déjà d'ici 2007, quatre usines, donc un million d'hectares, 6000 emplois. C'est notre objectif de court terme. J'ai demandé au ministre de l'Agriculture de coordonner la mise en place de ce plan, naturellement en liaison très proche avec l'auteur du plan CLIMAT qui est le ministre de l'Ecologie et donc d'engager dès l'automne les modalités de mise en oeuvre du plan annoncé aujourd'hui à Compiègne. Donc il va de soi que ces décisions doivent se faire en concertation avec la profession agricole et avec l'ensemble des partenaires que nous avons entendus aujourd'hui, notamment tous ceux qui sont représentants du secteur industriel, soit déjà des biocarburants, soit évidemment du secteur pétrolier. Ce qui me paraît important, c'est que le ministre de l'Agriculture puisse me proposer avant la fin de cette année, la répartition entre les filières. J'ai bien noté que les deux filières, la filière éthanol et la filière oléoprotéagineuse étaient toutes les deux importantes, toutes les deux intéressantes, qu'elles avaient toutes les deux des atouts. Dans ce plan il va falloir répartir évidemment nos efforts en fonction de ces deux filières.
Je souhaite que le ministre de l'Agriculture puisse engager ces discussions de manière à ce que nous puissions rapidement, d'ici la fin de l'année, avoir fixé la répartition entre les différentes filières. Ce plan profitera à tous et ne sera pas seulement un plan pour la filière agricole. Je crois que ce qui est très important c'est de bien mesurer qu'il y a là évidemment une dimension agricole, mais que nous sommes dans un dossier d'intérêt national qui dépasse les seuls intérêts de notre agriculture. Il est clair que les agriculteurs trouveront là une perspective nouvelle mais il est clair aussi, que pour les économies de CO2 qui touchent toutes les Françaises et tous les Français, il y a pour nous un gain pour la population qui est très important, puisque le plan que nous annonçons aujourd'hui représente quand même l'équivalent de trois millions de tonnes de CO2 qui sont évités. Donc, trois millions de tonnes de CO2 qui sont évités, c'est donc une étape très importante sur la route de Kyoto et c'est un point essentiel de notre mobilisation. Donc il s'agit vraiment là des mères de famille, de tous ceux qui pensent que leurs enfants, dans les familles et notamment je pense pour les plus jeunes qui risquent d'être ceux qui sont le plus exposés aux fragilités d'une planète qui se serait mal protégée quant à sa couche d'ozone, eh bien il y a là un gain pour l'ensemble de la société.
Le coût pour cette société, le coût pour notre collectivité sera minime puisqu'il s'agit de moins d'un centime d'euro par litre avec, donc, le plan de triplement qui est annoncé. Donc un million d'hectares d'un côté, nous avons trois millions d'équivalent / tonne de CO2 économisés et le tout pour l'équivalent d'un centime d'euro par litre pour ce triplement. Je crois que nous avons là une équation d'intérêt national qui est capable d'être portée par notre pays.
Donc, ces nouvelles usines développeront également des emplois et je suis sûr que ça sera aussi l'occasion pour l'agriculture d'être toujours plus attentive, comme elle sait l'être aux questions d'environnement, notamment en ce qui concerne les meilleures pratiques, les bonnes pratiques ; je pense donc aux différents intrants. Je pense qu'il s'agit là d'une bonne nouvelle nationale dans la mesure où non seulement on va pouvoir avec ces usines créer des emplois ; on va pouvoir créer une dynamique, mais aussi on va engager la grande réconciliation entre l'agriculture et l'environnement. Et ça, je pense que c'est très important, c'est un des points clés du plan CLIMAT et c'est pour cela que les biocarburants sont un sujet de cohésion nationale extrêmement important. La France doit s'engager, comme le souhaite le président de la République, avec détermination. Parallèlement à cet effort de mobilisation, nous développerons des initiatives en matière de recherche, notamment sur la biomasse, sur un certain nombre de secteurs qui sont très importants pour valoriser tout ce qui peut être l'utilisation de la matière végétale dans notre organisation industrielle. Donc nous allons profiter de cet élan donné aux biocarburants pour valoriser toutes les formes d'utilisation de matières végétales dans l'organisation de notre système de production. Voilà pourquoi je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui. De ce jour commence une ère nouvelle pour notre politique énergétique. Je crois qu'il est très important de se donner cette perspective, d'avoir une politique énergétique de la France toujours fondée sur les atouts de la France. Depuis qu'avec le Général de GAULLE, avec le Président GISCARD d'ESTAING, les choix énergétiques nous ont donné la possibilité d'être indépendants et d'avoir notre kilowatt d'électricité parmi les moins chers du monde, nous devons aujourd'hui nous mobiliser pour gérer le coût de la facture pétrolière, de manière la plus intelligente, avec le meilleur effet pour la communauté nationale en terme d'emplois, en terme de développement et en terme également, donc, évidemment, d'environnement.
Vous pouvez compter sur la détermination du chef de l'Etat, ça ne vous a pas échappé que c'était un sujet sur lequel il était très attaché. Vous pouvez compter également sur la mienne, c'est un sujet aussi pour lequel j'ai des convictions fortes. Je pense que nous avons à travailler, y compris en matière de fiscalité ; mais il est clair que tous les calculs économiques qui sont fait intègrent tellement d'éléments hétérogènes, notamment fiscaux et donc les analyses doivent être refondées sur une stratégie environnementale. Auquel cas, on s'aperçoit que les rapports de force ne sont pas forcément les mêmes. C'est cette nouvelle donne à la fois environnementale et agricole que je souhaite que nous puissions développer ensemble. Voilà pourquoi le gouvernement, à partir d'aujourd'hui, s'engage dans cette action déterminée, pour valoriser notre indépendance énergétique grâce à la promotion des biocarburants. Merci à vos tous. Merci de votre accueil.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 9 septembre 2004)