Texte intégral
Mers chers camarades, le débat que nous avons entre nous, c'est un débat de militants, cela veut dire que nous devons apprendre à nous écouter, à surtout à nous répondre les uns et les autres, à nous forcer de réfléchir aux arguments qui sont avancés. La première remarque que je voudrais faire s'adresse à Manuel.
Je suis d'accord, il n'y a pas besoin de convoquer George Bush pour faire adopter la Constitution européenne.
Mais de la manière qu'il n'y a pas besoin de convoquer George Bush, il n'y a pas besoin de prendre en otage la Turquie dans ce débat. Il n'y a pas besoin de faire que les Turcs deviennent les boucs émissaires d'une construction européenne défaillante. Et nous devons faire attention dans ce débat à bien séparer les choses.
D'autant que l'argument avancé, ici même, par Jean-Luc, qui fait remarquer que, s'il n'y a pas une Constitution à tendance sociale, l'entrée de la Turquie conduirait à un véritable dumping, aurait pu très bien être appliqué à l'Espagne et au Portugal. Jean-Luc oublie simplement une loi de l'histoire qu'il a pourtant apprise quand il était jeune, celle qu'on appelle la loi du développement inégal et combiné qui fait que des peuples, lorsqu'ils s'intègrent à un développement économique plus développé, bénéficient, justement des avantages acquis et n'ont qu'une idée en tête, c'est de gagner pour eux les avantages acquis des autres. Et c'est en ce sens-là que la construction européenne, mes camarades, tout au long des vingt ans qui viennent de s'écouler, a été pour tous les peuples un progrès, pour tous ceux qui l'ont rejoint.
La deuxième question, et c'est la question importante finalement, et elle me rend un peu heureux dans ce débat, et je vais vous expliquer pourquoi : parce que, pendant des années, nous avons été un certain nombre, minoritaire, à essayer de comprendre ce qui se passait dans la construction européenne et à essayer de porter un certain nombre de critiques. Et nous avions construit un certain nombre d'éléments dont je retrouve aujourd'hui la trace à un degré jamais atteint d'influence de nos idées dans les interventions d'un certain nombre de camarades.
Désormais, la Constitution européenne serait une constitution économique et, pour sortir de cette constitution européenne à vocation économique qui scelle dans le marbre les règles du libéralisme, il n'y aurait qu'une seule solution, la théorie de la crise.
C'étaient ces raisons-là qui nous avaient poussé, un certain nombre d'entre nous, à refuser le Traité d'Amsterdam. C'est ce que nous défendions au moment du Congrès de Brest. Nous disions alors, et c'est là-dessus que le débat porte entre nous, que la construction européenne était un nouveau coup historique, cela voulait dire simplement que la construction européenne était plus qu'une construction économique et que, contrairement à tout ce qui s'était passé auparavant dans l'histoire, elle ne produirait pas de construction politique. C'est ce débat-là d'ailleurs que nous étions un certain nombres à avoir avec François Mitterrand dans ses derniers jours en lui faisant remarquer que peut-être il y avait un phénomène nouveau, que la construction européenne ; l'idée qu'il fallait faire d'abord l'Europe des marchands pour faire après l'Europe des peuples ne marchait plus.
Et c'est ça qui nous avait amenés à refuser le traité d'Amsterdam. Et c'est sur cette question qu'il y a débat entre nous. Pourquoi ? Parce qu'il s'est passé quelque chose qui aurait dû collectivement nous amener à réfléchir. Il y avait un pacte, le pacte de stabilité, et j'avais été de ceux qui disaient que ce pacte de stabilité était un corset éternel qui fixerait des règles intangibles. La leçon d'histoire, encore une fois, c'est que l'action des hommes et la volonté politique est plus forte que n'importe quel texte juridique. Le pacte de stabilité est remis en cause, réécrit. Il n'y a donc aucun texte juridique qui empêche la réalité de l'action, la réalité de la politique de vivre.
En ce sens-là, l'argument qui consiste à dire que nous en prendrions pour trente ans avec ce traité est une curieuse écriture de l'histoire qui resterait à dire que désormais il y aurait des textes juridiques qui s'imposeraient par-dessus la réalité de la politique. Et je dirai d'un certain point de vue que cette faute-là serait plus grave que la faute qui a été commise que de dire que l'État ne pouvait pas tout. Parce que cela voudrait dire tout simplement que la volonté politique n'est pas en capacité, lorsqu'elle s'organise, lorsqu'elle se matérialise par des rapports de force, de faire voler en éclats un certain nombre de contraintes.
Alors, je le dis : pourquoi ce Traité-là n'est pas un traité équivalant au Traité précédent ? Il est un élément de rupture. Pourquoi ? Parce que vous le dites vous-mêmes : pour la première fois dans ce Traité-là, il n'y a pas de recul social, pour la première fois il y a un certain nombre d'avancées, certes insuffisantes, mais des avancées qui marquent une rupture. Cette rupture, elle est simple, c'est que la politique revient aux postes de commande dans la construction européenne.
Évidemment, cette situation est difficile, évidemment elle est contradictoire, évidemment elle va donner lieu à confrontation entre la droite et la gauche mais nous avons désormais les éléments qui nous permettent d'avancer dans cette construction en politique de l'Europe à l'inverse de tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant, qui nous permette à nous de construire l'Europe sociale, et c'est en ce sens-là qu'il n'y a pas équivalence entre le Traité de Bruxelles et les autres traités, c'est en ce sens-là qu'il y a une lecture positive de toutes les forces de progrès social en Europe, qu'on ne peut pas rejeter parce qu'elles ont compris simplement une chose, qu'il y a un pas en avant qui vaut mieux que mille programmes, que mille déclarations, qu'il y aura un combat politique à mener, mais que c'est à partir de ce Traité-là qu'il y a désormais un point d'appui pour faire avancer le combat social parce que, désormais, la place des organisations syndicales est reconnue, parce que désormais des droits sociaux sont reconnus, et nous savons tous que ce n'est pas les textes conventionnels qui fixent les règles mais c'est d'abord et avant tout le combat des femmes et des hommes qui à partir de là s'avancent.
Alors, et j'en finirai là-dessus. Cette fameuse théorie de la crise nécessaire et salvatrice, qui est, Jean-Marc a raison, une curieuse retrouvaille de l'histoire comme si d'un certain point de vue, il faudrait désormais pour nous revenir à cette théorie des fonctions éruptives des crises qui permettraient la naissance de nouvelles situations alors que nous sommes justement des Socialistes qui savons ce que cela veut dire pour l'histoire que cette théorie éruptive.
La question qui est posée est simple, c'est que les conditions dans lesquelles s'organise la crise déterminent les formes de solutions de cette crise, et c'est là que le débat a lieu entre nous. Les conditions de réalisation de la crise que vous nous proposez, c'est la constitution d'une coalition hétéroclite, ce n'est pas le problème du caractère hétéroclite parce que la Constitution est aussi hétéroclite, mais c'est aussi la manière dont on se retrouve puisque vous êtes obligés, dans cette crise, de pactiser et il n'y a pas de honte à cela, mais de pactiser quand même avec ceux qui sont contre la Constitution européenne. Et donc, pour faire échouer ce Traité, vous faites un pas Mais oui, mes camarades
Je savais bien que cet argument dérangerait. Il dérange pour une simple raison et, si vous me permettez, le problème, je vais vous le dire honnêtement parce que visiblement vous ne comprenez pas, le problème n'est pas de se servir de telle ou telle personnalité comme hochet. Moi, j'ai voté contre la Première Guerre du Golfe, et à l'époque on me disait que, quand je votais contre la Première Guerre du Golfe, j'étais avec Jean-Marie Le Pen. Le problème n'est pas celui-là, le problème, c'est que vous serez obligés, si vous votez non, de dénouer comme première condition de la situation dans laquelle on est, la coalition que vous avez constituée et, en ce sens-là, mes camarades, que vous le vouliez ou non, la crise que vous proposez n'est pas une crise salvatrice pour l'Europe parce qu'elle porte effectivement tous ces éléments d'aventure.
C'était d'ailleurs, je vous le signale et je finis là-dessus, c'était d'ailleurs la question qui était osée parce que, finalement, l'histoire peut-être n'est qu'une simple répétition, le débat que nous avons aujourd'hui, d'une certaine manière, il a une continuité avec le débat que nous avons eu entre 1981 et 1983, il a une continuité réelle.
La question qui était posée, et qui était simple, en 1983, était : si nous sortions du serpent monétaire européen, quelle était la solution alternative ? C'est la question que d'ailleurs François Mitterrand a posé dans les dernières heures de sa décision aux partisans de la sortie du serpent monétaire européen, et parce qu'il n'y avait pas la capacité de définir une stratégie alternative qui reste marquée du sceau de la construction européenne et qu'il y avait à ce moment-là une logique qui s'engageait dans une autre dynamique qui était celle de la survalorisation de l'État-Nation comme cadre protecteur et donc de politique protectionniste pour pouvoir sortir de cette situation que François Mitterrand a préféré rester dans le cadre de la construction européenne parce qu'il savait qu'il y avait là un chemin politique sûr pour la construction de l'Europe socialiste et que, de l'autre côté, ce n'était qu'une aventure.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 12 octobre 2004)
Je suis d'accord, il n'y a pas besoin de convoquer George Bush pour faire adopter la Constitution européenne.
Mais de la manière qu'il n'y a pas besoin de convoquer George Bush, il n'y a pas besoin de prendre en otage la Turquie dans ce débat. Il n'y a pas besoin de faire que les Turcs deviennent les boucs émissaires d'une construction européenne défaillante. Et nous devons faire attention dans ce débat à bien séparer les choses.
D'autant que l'argument avancé, ici même, par Jean-Luc, qui fait remarquer que, s'il n'y a pas une Constitution à tendance sociale, l'entrée de la Turquie conduirait à un véritable dumping, aurait pu très bien être appliqué à l'Espagne et au Portugal. Jean-Luc oublie simplement une loi de l'histoire qu'il a pourtant apprise quand il était jeune, celle qu'on appelle la loi du développement inégal et combiné qui fait que des peuples, lorsqu'ils s'intègrent à un développement économique plus développé, bénéficient, justement des avantages acquis et n'ont qu'une idée en tête, c'est de gagner pour eux les avantages acquis des autres. Et c'est en ce sens-là que la construction européenne, mes camarades, tout au long des vingt ans qui viennent de s'écouler, a été pour tous les peuples un progrès, pour tous ceux qui l'ont rejoint.
La deuxième question, et c'est la question importante finalement, et elle me rend un peu heureux dans ce débat, et je vais vous expliquer pourquoi : parce que, pendant des années, nous avons été un certain nombre, minoritaire, à essayer de comprendre ce qui se passait dans la construction européenne et à essayer de porter un certain nombre de critiques. Et nous avions construit un certain nombre d'éléments dont je retrouve aujourd'hui la trace à un degré jamais atteint d'influence de nos idées dans les interventions d'un certain nombre de camarades.
Désormais, la Constitution européenne serait une constitution économique et, pour sortir de cette constitution européenne à vocation économique qui scelle dans le marbre les règles du libéralisme, il n'y aurait qu'une seule solution, la théorie de la crise.
C'étaient ces raisons-là qui nous avaient poussé, un certain nombre d'entre nous, à refuser le Traité d'Amsterdam. C'est ce que nous défendions au moment du Congrès de Brest. Nous disions alors, et c'est là-dessus que le débat porte entre nous, que la construction européenne était un nouveau coup historique, cela voulait dire simplement que la construction européenne était plus qu'une construction économique et que, contrairement à tout ce qui s'était passé auparavant dans l'histoire, elle ne produirait pas de construction politique. C'est ce débat-là d'ailleurs que nous étions un certain nombres à avoir avec François Mitterrand dans ses derniers jours en lui faisant remarquer que peut-être il y avait un phénomène nouveau, que la construction européenne ; l'idée qu'il fallait faire d'abord l'Europe des marchands pour faire après l'Europe des peuples ne marchait plus.
Et c'est ça qui nous avait amenés à refuser le traité d'Amsterdam. Et c'est sur cette question qu'il y a débat entre nous. Pourquoi ? Parce qu'il s'est passé quelque chose qui aurait dû collectivement nous amener à réfléchir. Il y avait un pacte, le pacte de stabilité, et j'avais été de ceux qui disaient que ce pacte de stabilité était un corset éternel qui fixerait des règles intangibles. La leçon d'histoire, encore une fois, c'est que l'action des hommes et la volonté politique est plus forte que n'importe quel texte juridique. Le pacte de stabilité est remis en cause, réécrit. Il n'y a donc aucun texte juridique qui empêche la réalité de l'action, la réalité de la politique de vivre.
En ce sens-là, l'argument qui consiste à dire que nous en prendrions pour trente ans avec ce traité est une curieuse écriture de l'histoire qui resterait à dire que désormais il y aurait des textes juridiques qui s'imposeraient par-dessus la réalité de la politique. Et je dirai d'un certain point de vue que cette faute-là serait plus grave que la faute qui a été commise que de dire que l'État ne pouvait pas tout. Parce que cela voudrait dire tout simplement que la volonté politique n'est pas en capacité, lorsqu'elle s'organise, lorsqu'elle se matérialise par des rapports de force, de faire voler en éclats un certain nombre de contraintes.
Alors, je le dis : pourquoi ce Traité-là n'est pas un traité équivalant au Traité précédent ? Il est un élément de rupture. Pourquoi ? Parce que vous le dites vous-mêmes : pour la première fois dans ce Traité-là, il n'y a pas de recul social, pour la première fois il y a un certain nombre d'avancées, certes insuffisantes, mais des avancées qui marquent une rupture. Cette rupture, elle est simple, c'est que la politique revient aux postes de commande dans la construction européenne.
Évidemment, cette situation est difficile, évidemment elle est contradictoire, évidemment elle va donner lieu à confrontation entre la droite et la gauche mais nous avons désormais les éléments qui nous permettent d'avancer dans cette construction en politique de l'Europe à l'inverse de tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant, qui nous permette à nous de construire l'Europe sociale, et c'est en ce sens-là qu'il n'y a pas équivalence entre le Traité de Bruxelles et les autres traités, c'est en ce sens-là qu'il y a une lecture positive de toutes les forces de progrès social en Europe, qu'on ne peut pas rejeter parce qu'elles ont compris simplement une chose, qu'il y a un pas en avant qui vaut mieux que mille programmes, que mille déclarations, qu'il y aura un combat politique à mener, mais que c'est à partir de ce Traité-là qu'il y a désormais un point d'appui pour faire avancer le combat social parce que, désormais, la place des organisations syndicales est reconnue, parce que désormais des droits sociaux sont reconnus, et nous savons tous que ce n'est pas les textes conventionnels qui fixent les règles mais c'est d'abord et avant tout le combat des femmes et des hommes qui à partir de là s'avancent.
Alors, et j'en finirai là-dessus. Cette fameuse théorie de la crise nécessaire et salvatrice, qui est, Jean-Marc a raison, une curieuse retrouvaille de l'histoire comme si d'un certain point de vue, il faudrait désormais pour nous revenir à cette théorie des fonctions éruptives des crises qui permettraient la naissance de nouvelles situations alors que nous sommes justement des Socialistes qui savons ce que cela veut dire pour l'histoire que cette théorie éruptive.
La question qui est posée est simple, c'est que les conditions dans lesquelles s'organise la crise déterminent les formes de solutions de cette crise, et c'est là que le débat a lieu entre nous. Les conditions de réalisation de la crise que vous nous proposez, c'est la constitution d'une coalition hétéroclite, ce n'est pas le problème du caractère hétéroclite parce que la Constitution est aussi hétéroclite, mais c'est aussi la manière dont on se retrouve puisque vous êtes obligés, dans cette crise, de pactiser et il n'y a pas de honte à cela, mais de pactiser quand même avec ceux qui sont contre la Constitution européenne. Et donc, pour faire échouer ce Traité, vous faites un pas Mais oui, mes camarades
Je savais bien que cet argument dérangerait. Il dérange pour une simple raison et, si vous me permettez, le problème, je vais vous le dire honnêtement parce que visiblement vous ne comprenez pas, le problème n'est pas de se servir de telle ou telle personnalité comme hochet. Moi, j'ai voté contre la Première Guerre du Golfe, et à l'époque on me disait que, quand je votais contre la Première Guerre du Golfe, j'étais avec Jean-Marie Le Pen. Le problème n'est pas celui-là, le problème, c'est que vous serez obligés, si vous votez non, de dénouer comme première condition de la situation dans laquelle on est, la coalition que vous avez constituée et, en ce sens-là, mes camarades, que vous le vouliez ou non, la crise que vous proposez n'est pas une crise salvatrice pour l'Europe parce qu'elle porte effectivement tous ces éléments d'aventure.
C'était d'ailleurs, je vous le signale et je finis là-dessus, c'était d'ailleurs la question qui était osée parce que, finalement, l'histoire peut-être n'est qu'une simple répétition, le débat que nous avons aujourd'hui, d'une certaine manière, il a une continuité avec le débat que nous avons eu entre 1981 et 1983, il a une continuité réelle.
La question qui était posée, et qui était simple, en 1983, était : si nous sortions du serpent monétaire européen, quelle était la solution alternative ? C'est la question que d'ailleurs François Mitterrand a posé dans les dernières heures de sa décision aux partisans de la sortie du serpent monétaire européen, et parce qu'il n'y avait pas la capacité de définir une stratégie alternative qui reste marquée du sceau de la construction européenne et qu'il y avait à ce moment-là une logique qui s'engageait dans une autre dynamique qui était celle de la survalorisation de l'État-Nation comme cadre protecteur et donc de politique protectionniste pour pouvoir sortir de cette situation que François Mitterrand a préféré rester dans le cadre de la construction européenne parce qu'il savait qu'il y avait là un chemin politique sûr pour la construction de l'Europe socialiste et que, de l'autre côté, ce n'était qu'une aventure.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 12 octobre 2004)